Chapitre 19 | 3

Musique proposée : Tomorrow We Fight - Tommee Profitt ft SVRCINA. (En média).


« Je vais essayer de retrouver Savannah. » Quel abruti je fais ! Gale sait parfaitement que Sacha ne souhaite pas qu'on la retrouve et qu'elle est assez ingénieuse pour faire en sorte de disparaître des radars. Ce serait étonnant qu'il ne comprenne pas mon petit manège : mon excuse ne tient pas debout deux minutes. Agacé par mes propres mensonges, je me frotte le front avec frénésie en me maudissant de tout mon être. Si seulement je pouvais revenir en arrière et tout expliquer à West... Comme pour répondre à mes pensées amères, je secoue la tête d'un geste vif. Non. Même si mentir à West me donne la nausée, je ne peux pas me permettre de lui avouer ce que je m'apprête à faire maintenant. On a trop besoin d'aide pour que je laisse la fierté de mon binôme réussir à me convaincre de laisser tomber mon idée folle, quitte à ce qu'il m'en veuille plus tard. Il est préférable qu'il soit contrarié et en vie, plutôt que réjoui et mort. Me sortant de mon auto-flagellation, mon téléphone se met à vibrer et mon corps cesse tout mouvement lorsque mes pupilles s'abattent sur l'écran lumineux. Désormais planté au beau milieu du couloir, j'ignore les grognements d'un bureaucrate qui a failli me percuter tant mon arrêt a été brutal. Plus aucun de mes membres ne semblent fonctionner. Ils ne répondent plus. Ils sont tétanisés par l'intensité de l'appréhension et du stress qui parcourent mes veines tremblantes.


On a rendez-vous avec Ian demain, à 22h. Si l'un de nous deux manque à l'appel, il tuera Spencer... S'il te plait, Wayne, dépêche-toi de rentrer. Il faut qu'on discute de ce qui va se passer demain.


Le message de West repassant en boucle dans mon esprit, je reprends ma route, plus déterminé que jamais. Quel genre de monstre peut s'en prendre à un enfant ? Sans me soucier des ombres noires qui s'affairent dans l'openspace ou des sons qui affluent autour de moi, j'accélère le pas. Je refuse de laisser un petit garçon mourir. Quelques mètres plus loin, j'aperçois le cinquantenaire que je cherchais et me dirige vers son bureau à la hâte. À la fois anxieux et décidé, je fais abstraction de son air ahuri et ne lui laisse pas le temps d'ouvrir la bouche. Depuis l'apparition remarquée de West lors de notre dernière venue, je doute qu'il me laisse une chance de m'exprimer avant de me mettre dehors si je ne la saisis pas moi-même.

- S'il vous plaît, monsieur, écoutez-moi. Je vous demande d'excuser West, mais je sais quand aura lieu la prochaine rencontre avec les membres d'Eleven Stars et la vie d'un enfant dépend de ce que vous allez faire de cette information, alors je vous en prie, accordez-moi un peu de temps, l'imploré-je d'une seule traite.

L'homme me considère d'un œil présomptueux, mais finit par me sommer de continuer en roulant des yeux. Songeant à l'air désapprobateur que West me lancerait s'il était là, je soupire longuement et tente de me concentrer sur la mine austère de l'agent qui se redresse sur son siège pour croiser les doigts sous son menton.

- On a besoin de votre aide, de l'aide du FBI. Venez avec nous demain, mettez-moi un micro, j'en sais rien, moi, mais faites quelque chose. Si on y va seuls, on a aucune chance de sortir de là vivant, alors que si vous êtes là, on peut encore espérer sauver le gamin qu'ils ont enlevé.

La perplexité que je lis sur le visage de mon interlocuteur me paralyse, si je n'arrive pas à le convaincre, on court à notre perte. Spencer ne peut pas payer à notre place, je refuse d'avoir sauvé la vie de ma sœur au péril de la sienne. Il est hors de question que je regarde West mourir, hors de question que j'abandonne si près du but. Je dois changer d'approche. Les paupières closes, le sourire d'un garçonnet brun aux prunelles bleues accompagné de ses parents me revient en mémoire. J'arpente sa frimousse joyeuse du regard, puis libère mes pupilles, regonflé à bloc. L'enfant de la photo n'a jamais baissé les bras et je sais qu'il serait prêt à se battre jusqu'au bout, quoi qu'il lui en coûte, alors je dois lui faire honneur. Tant que je n'aurais pas obtenu l'appui de la police fédérale, je ne sortirai pas d'ici.

- Écoutez-moi, l'intimé-je en m'approchant de lui pour que mon regard accroche plus sérieusement le sien. Ne laissez pas le scandale de West bousiller la plus belle affaire de votre carrière. Si vous acceptez de faire équipe avec nous, vous sauvez la vie d'un môme et vous démantelez l'entreprise mafieuse la plus influente de New York. Vous pourriez devenir l'agent qui a arrêté toutes ces enflures et nous, on aura la vie sauve. Tout le monde y gagne.

Baissant la tête vers ses dossiers, le cinquantenaire se met à rire. Interloqué, je le dévisage sans comprendre ce que j'ai pu dire de si drôle tandis qu'il se lève, contourne son bureau et pose une main sur mon épaule.

- Tu devrais mener les interrogatoires, gamin. Tu m'intimiderais presque, raille-t-il de nouveau. Je ne fais pas partie de la police pour la reconnaissance, mais pour aider les gens comme toi et faire enfermer les raclures comme eux.

L'index rivé vers l'un des dossiers sur lequel « ELEVEN STARS » est inscrit en rouge, il tourne ensuite les talons pour se diriger vers une porte en fer.

- Viens avec moi.

Une petite salle s'ouvre sur une bonne vingtaine d'agents fédéraux plongés dans leur enquête et j'ose à peine respirer lorsque certains relèvent la tête par curiosité. Malgré tous ces regards perplexes vissés sur moi, l'un d'entre eux, bien plus insistant et perçant que les autres, attire mon attention. Deux prunelles cernées me fixent sans ciller, mais je n'identifie pas tout de suite leur propriétaire. Après quelques secondes de recherche, je décèle la mine déconfite de Lincoln et mon cœur se serre brusquement. Il est dans un état pitoyable. Le teint pâle, les traits tirés et l'air affreusement coupable, le grand-père de Spencer est le seul autour de cette longue table blanche à ne pas avoir de tas de feuilles éparpillées devant lui. La porte qui claque dans mon dos me ramène à la réalité sans ménagement, alors qu'une désagréable sensation d'imposture s'empare de moi. Je ne devrais pas être là, je ne suis pas à ma place ici. Ignorant tout du mal-être qui me fait trémuler, mon guide franchit la limite de mon espace vital pour attraper un fauteuil noir, le faire rouler jusqu'à lui et s'y asseoir en poussant un soupir. Mal à l'aise, je reste planté en face du désordre ambulant qui fait office de bureau à tous ces policiers, priant pour que quelqu'un brise le silence et dissipe le ressentiment profond qu'ils semblent tous avoir à mon égard. Le mépris et le dégoût qui suintent du moindre de leurs faits et gestes me donnent la nausée... Ils voient en moi tout ce que je hais chez Peter et Ian.

- Il semblerait que ce jeune homme ait remis notre opération d'actualité, il est d'accord pour porter un micro, se réjouit le capitaine non sans fierté.

- Vous voulez qu'il se fasse tuer ou quoi ? intervient un blond qui ne doit être beaucoup plus âgé que moi. Gambino n'est pas un débutant, et il a déjà des soupçons. Il va forcément fouiller tout le monde et découvrir le micro avant même qu'on est pu obtenir quoi que ce soit. Lui, il va se faire tuer et nous, on devra tout reprendre à zéro. Pas de mouchard, c'est trop risqué.

Une grimace traverse sa figure fine, tandis qu'il pivote vers la gauche pour lancer un coup d'œil à un énorme tableau recouvert de photos de criminels, de plans de différents bâtiments, de flèches, d'annotations... de toutes les hypothèses, toutes les pistes, toutes les preuves qu'ils ont pu réunir sur Eleven Stars. Estomaqué par la quantité d'informations qu'ils semblent détenir contre l'entreprise, j'en viens à me demander depuis combien de temps les fédéraux cherchent à coincer Gambino et ses acolytes. Pris de vertiges, je prends enfin conscience de l'immensité de l'empire mafieux duquel je fais partie. Je ne suis qu'un minuscule pion, perdu au beau milieu d'un échiquier géant.

- Alors quoi ? On ne peut pas l'envoyer là-dedans sans couverture, on serait sourds et aveugles ! renchérit un brun à lunettes.

- Une balise.

Le ton ferme de la seule femme noire présente ici retentit au milieu des jérémiades et le silence refait surface. La salle tout entière paraît focalisée sur elle, alors qu'elle remet ses cheveux crépus en place et qu'elle s'avance vers moi avec nonchalance.

- Est-ce que tu pourrais me donner ta chemise, s'il te plaît ? me demande-t-elle le plus naturellement du monde.

Abasourdi, j'ouvrirais presque la bouche de surprise.

- Je te la rends après, c'est promis, me sourit-elle.

La main tendue vers moi, la policière attend patiemment que je me remette de mes émotions et que je m'exécute. Un peu gêné, je prends un temps fou à me défaire du vêtement pour le lui tendre. Maintenant à moitié nu, je feins l'indifférence pendant que l'agente pose le tissu au-dessus du amas de papier mal ordonné et montre le col de celui-ci d'un doigt déterminé.

- Si on découpe la couture du col juste ici, les nouveaux prototypes de micro miniaturisé muni d'une balise devraient passer inaperçu. Il suffit que le gamin porte sa chemise lors de la rencontre et on saura où il se trouve et ce qui se passe autour de lui. Peu importe qu'il y ait une fouille au corps ou non, ils ne trouveront rien.

Ingénieux, me dis-je à moi-même en arquant un sourcil. Les collègues de la brillante enquêtrice acquiescent d'un même geste, mais la même voix que tout à l'heure se veut plus sceptique.

- C'est bien beau tout ça, mais qu'est-ce qu'il veut en échange ? interroge-t-elle, accusatrice.

Décontenancé, je ne daigne pas prononcer un mot lorsque le blondinet me considère avec dédain.

- Ce genre de mec, c'est prêt à tout pour éviter la prison. Il n'aiderait pas la police sans rien attendre en retour.

Ma fierté piquée à vif, j'ai un instant le réflexe de me défendre et de lui hurler que je ne suis pas ce genre d'enflure, mais l'image de West derrière les barreaux m'apparaît comme une illumination. Quitte à passer pour un sale type, autant en être un jusqu'au bout et obtenir une seconde chance pour l'homme que j'aime. Je soupire avec ostentation et tente de prendre le même air insolant que mon binôme quand celui-ci s'amuse à provoquer Ian.

- Blondie a raison, je veux bien faire le beau, mais il va me falloir une petite friandise, lancé-je, espiègle.

Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine et le stress m'envahit. Si je vais trop loin, je finirais derrière les barreaux avant même d'avoir pu reprendre mon souffle.

- Et qu'est-ce que tu veux, au juste ? aboie Lincoln.

N'ayant pas pu m'empêcher de sursauter, j'essaie de toutes mes forces de ne pas flancher devant la colère sombre du lieutenant. Cette fois, je ne me laisserai pas submerger par la peur. Il ne réussira pas à m'intimider.

- West Hutchins, je veux qu'il obtienne l'immunité.


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Salut tout le monde, oui, désolé, ça a été ma semaine de retard on dirait...

Mais je reprends un peu le rythme, ça y est. Ma réécriture avant mieux et ce qui va remplir l'année 2021 avance aussi ! (Oui, je tease, je suis insupportable). Et vous alors, comment ça va ? Pas trop dure la reprise avec le virus et toutes ces conneries ?

Et du coup, puisque j'ai rien à raconter, passons directement au vif du sujet :

L'idée de Wayne de se mesurer au FBI sans en parler à West, vous la trouver lumineuse ou stupide ? Pourquoi ?

Et l'éventualité de porter une balise, vous pensez que ça a une chance de fonctionner ou que ça va être grillé des kilomètres par Ian ?

Quant à West, vous imaginez qu'il pourrait réagir comment s'il apprenait ce que Wayne vient de faire ?

Bon... Je sais, encore Tommee Profitt, mais elle est cool cette chanson, non ?

Bref bref, c'est tout pour moi. Encore désolé pour le retard, et sachez que le prochain chapitre comptera 4 parties ! (D'ailleurs j'ai un peu hâte de voir vos réactions pour la quatrième...

Je m'en vais de ce pas continuer de bosser et je vous souhaite une belle fin de journée en vous remerciant encore et toujours pour votre présence.

Coeur sur vous les potes, je vous envoie plein de bonnes ondes.

A mardi pour les personnes qui lisent Hors du temps ou alors à samedi prochain !

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