Chapitre 17 | 3

Musique proposée : Guilty All The Same - Linkin Park. (En média).


L'agent pâlit, mais mon acolyte ne lui laisse pas le temps de digérer la nouvelle qu'il en rajoute encore une couche.

— Et à cause de tes conneries, l'opération pour les faire tomber est compromise ! Tout est foutu, t'entends ? Foutu !

Une lueur de tristesse mêlée à beaucoup d'inquiétude passe sur le visage de Lincoln, mais secoue bien vite la tête en se raclant la gorge pour se ressaisir. Sans qu'aucun d'entre nous ne l'ait vu venir, il attrape West par le bras, nous entraînant tous les deux dans la salle d'interrogatoire vide la plus proche, puis referme la porte de celle-ci derrière moi.

— De quoi tu parles, gamin ? Et je te conseille de pas me mentir pour me faire peur, parce que ça va très mal se passer pour toi.

West se met à ricaner, tandis qu'un éclat provocateur renaît dans ses prunelles. Un soulagement inattendu me traverse de part en part et je me rends compte que cette partie de lui m'avait manqué. Son je-m'en-foutisme permanent a beau m'exaspérer, je le préfère largement à toute cette détresse qui avait pris le dessus ces derniers temps.

— Tu veux dire... comme la fois où tu m'as coincé à l'est de la 125ème ? Je vais le regretter de la même façon que quand j'ai eu deux côtes cassées ? C'est de ça que tu me parles ? C'est de ça que tu me menaces ?

J'écarquille les yeux, alors que ceux du lieutenant s'obscurcissent sans pour autant intimider mon binôme, qui continue sur sa lancée.

— Je suis sûr que tes collègues seraient ravis d'apprendre ce qui s'est réellement passé, ce soir-là. T'en penses quoi ? Le provoque West.

Le poing de l'agent s'écrase violemment sur la table qui nous fait face, alors qu'il s'avance vers nous en serrant les dents.

— Écoute-moi bien, sale petit merdeux...

La menace sombre qui gronde dans la voix de notre interlocuteur n'a pas le temps d'arriver jusqu'à sa cible que celle-ci la lui renvoie instantanément, sans même avoir à hausser le ton.

— Non. C'est toi qui vas m'écouter et en profiter pour la fermer. Spencer a été enlevé par des molosses d'Elever Stars à cause de ce que tu as dit à ta sal...

West ferme les yeux, inspire longuement et m'oblige à lâcher l'une de ses mains tremblantes de rage pour la passer sur son visage. J'ai l'impression qu'il essaie de contenir l'incendie qui ravage sa poitrine pour qu'il ne consume personne d'autre que lui, mais le stress, la fatigue et l'abruti qui se trouve devant nous ne lui rendent pas la tâche facile.

— A cause de ce que tu as dit à Ginny, reprend-il avec plus de sang-froid. Alors maintenant, tu vas te démerder comme tu veux, mais tu vas me laisser gérer ça sans tes fouilles merdes de flics. Parce que si jamais je vois juste, ça signifie qu'ils sont déjà au courant pour notre collaboration et dans ce cas, porter un micro est devenu bien plus dangereux que ça ne l'était déjà. Autant pour nous que pour le petit.

Toujours fermement accroché au deuxième poignet de mon coéquipier, je reste paralysé. Non. C'est impossible. Ils ne peuvent pas savoir pour le FBI. Comment l'auraient-ils appris ? Que va-t-il nous arriver si nous ne bénéficions plus de la protection de la police ? Le contact glacial de l'arme de Ian sur ma peau me revient en mémoire et mon imagination cataclysmique reprend vie. L'image du canon argenté qui se dépose contre la tempe de West avant qu'un cliquetis ne fasse irruption dans mes pensées et la panique m'envahit peu à peu. Si les forces de l'ordre ne nous aident pas, nous ne pourrons jamais sortir Spencer de là sain et sauf sans nous faire tuer, c'est infaisable.

— D'accord, Ginny est rentrée à la maison avant la fin de sa cure, mais ça ne veut pas dire que je me suis empressé de lui parler d'une enquête confidentielle, je ne suis pas inconscient ! Et puis, comment quelqu'un aurait pu pénétrer chez moi ? Ça ne tient pas debout !

La complainte gutturale de Lincoln m'arrache à mes scénarios cauchemardesques et je fronce les sourcils.

— Est-ce que vous avez sous-entendu de n'importe quelle manière que vous aviez ne serait-ce qu'aperçu West ?

Tous les regards se rabattent vers moi et je réalise que j'ai réellement prononcé la question qui me traversait l'esprit.

— Je n'ai pas...

L'agent devient soudain livide et une vague de culpabilité semble ravager son visage tout entier.

— Enfin... J'ai dit à Ginny que je t'avais vu, mais je ne lui ai pas parlé de ton...

— Putain, c'est pas vrai ! s'emporte West en s'éloignant brusquement de moi.

Trop sous le choc pour réagir, je ne tente pas de le retenir quand je le vois shooter dans une chaise, l'air fulminant.

— Ginny est peut-être toxico, mais elle est pas idiote. Elle sait à quel point tu me hais. Y'avait que deux raisons qui auraient pu me pousser à m'adresser à toi : voir le petit, et là, elle savait très bien que j'aurais pas tenté le diable, ou alors Eleven Stars. A ton avis, connard, elle a choisi quelle option ?

Le grand-père de Spencer paraît tellement démuni qu'il ne relève même pas les insultes qui lui sont lancées. Il se contente de rester là, complètement sonné par ses propres erreurs.

— Réfléchis, qui les a contactés, hein ? Qui les a aidés à entrer ? Qui a mis Spencer en confiance ? Ginny ! Elle a juste eu à dire qu'elle savait que j'avais parlé à son papa chéri pour que les gens qui m'en veulent sautent sur l'occasion pour m'évincer, ajoute-t-il en faisant mine de tourner les talons. Ah, et, au passage, Jess s'est fait tabassée à cause de tes conneries et crois-moi c'est qu'un léger avant-goût de ce qui risque de suivre.

Sans attendre que Williams n'ouvre la bouche, West quitte la pièce, les traits marqués par la colère, l'inquiétude et la fatigue.

***

— West, parle-moi, qu'est-ce qu'il s'est passé là-dedans ?

La porte d'entrée claque violemment derrière nous, pourtant, malgré sa nouvelle tentative d'approche, Gale n'essaie pas de suivre West qui se rue vers le jardin. Je suppose qu'il sait que ça ne sert à rien ou que son meilleur ami reviendra vers lui quand il aura réussi à se calmer après avoir fait un tour devant le petit ruisseau. Mon coéquipier et moi n'avons pas articulé la moindre syllabe depuis notre sortie de la salle d'interrogatoire, au grand désespoir du barman qui n'a aucun moyen de comprendre l'état déplorable dans lequel il nous a retrouvés.

Je n'arrête pas de me repasser le film en boucle. Je revisionne chaque scène, chaque image, chaque geste. Je réécoute chaque phrase, chaque cri, chaque insulte. J'essaie de tout me remémorer avec précision pour être sûr de ne pas passer à côté de quoi que ce soit. West semble avoir tout compris, lui. Il a déjà terminé le puzzle, alors que moi, je n'ai toujours pas réussi à rassembler toutes les pièces. Je suis tellement vidé, tellement sous le choc, que je ne le rejoins même pas sur la terrasse. Je me contente de me laisser tomber mollement sur le fauteuil noir qui fait face à la cheminée sculptée. Je me concentre sur chacune des vagues, je suis chacune des courbes, je plonge dans chaque renfoncement, chaque forme brute que je peux observer sur la pierre blanche dans le but utopique d'effacer tout ce qui est arrivé aujourd'hui.

Absorbé par les ailes déployées de l'aigle royal ornant le marbre clair, je remarque à peine Jess qui s'installe dans le canapé, soutenue par les bras solides du barman. Les plumes de cet oiseau sont incroyablement bien réussies. Elles paraissent si tangibles, si réelles, que si on les détaille suffisamment longtemps, on peut contempler leur transformation en flammes vives  se mettant presque à frémir pour que la couleur orangée de leur brasier éclaire la salle toute entière.

— Wayne, s'il te plait, raconte-moi un truc. Dis-moi ce qui vous est arrivé là-dedans.

Mes paupières se rabattent plusieurs fois sur le bec du rapace qui me fixe en retour, avant que je ne réussisse à percevoir l'inquiétude de Gale, qui passe une main dans ses cheveux châtains pour la troisième fois en quelques minutes. Bien que je me sois enfin rendu compte qu'il est bien là et qu'il attend ma réponse, mes cordes vocales refusent toujours de vibrer et ma bouche reste close. Le néant m'envahit peu à peu et je crois que je suis trop exténué, trop las pour réagir à une stimulation quelconque. Tout se mélange dans mon esprit. Le vrai, le faux, la réalité, mon imagination... tout se confond, s'entremêle, s'embrouille.

La seule chose que j'aimerais faire là, maintenant, tout de suite, c'est oublier ce qui a pu se produire dernièrement pour quelques heures. Juste le temps d'un repos. Je voudrais pouvoir tomber dans un profond sommeil et visiter des abysses inconnus dans l'espoir qu'à mon réveil, tout ce désordre ne soit plus qu'un mauvais souvenir. Avec un peu de chance, je me réveillerais simplement dans les bras de West en réalisant que ce n'était qu'un mauvais rêve. Il n'aura plus qu'à me dire qu'il est là, que je suis en sécurité et nous pourrons nous lever tous les deux pour aller nous mettre à table et essayer de digérer le petit-déjeuner trop cuit que Savannah aura préparé de bon cœur.

Je rouvre brusquement les yeux.

— Sacha.

Ma voix résonne dans la pièce que le calme avait de nouveau submergée. Les pupilles de Gale se dilatent dangereusement, tandis que Jess fronce les sourcils sans comprendre. Le barman se lève et sonde l'entièreté de la pièce du regard. Il s'approche des fenêtres pour regarder dehors, puis monte les escaliers quatre à quatre pour parcourir tout l'étage à la hâte. Je me lève malgré moi en ignorant les bruits de pas lourds qui retentissent au-dessus de ma tête et me dirige machinalement vers la table qui juxtapose le piano à queue que je trouve si poétique. Un morceau de papier blanc plié en quatre attire mon attention et j'interpelle Gale sans vraiment y penser. Je l'entends accourir, pendant que je déplie la feuille avec appréhension. J'y reconnais l'écriture soignée de ma petite sœur et je jurerais que mon cœur s'arrête de battre à mesure que je lis les quelques mots qu'elle a griffonné sans prendre la peine de signer.

I wanna heal, I wanna feel, like I'm close to something real.

(Je veux guérir, je veux sentir, comme si j'étais proche de quelque chose de réel).

I wanna find something I wanted all along : somewhere I belong.

(Je veux trouver quelque chose que je voulais depuis le début : un endroit où je suis à ma place).

Remarquant les nombreuses larmes salées qui perlent sur mes joues, Gale s'empresse de ramasser la feuille quadrillée qui s'est écrasée sur le sol dans un silence assourdissant. Je sens vaguement la poigne dure du barman secouer ma seule épaule intacte, mais sa voix ne parvient pas à masquer le brouillard qui engourdit désormais tous mes sens. Tout est flou. Plus rien n'est réel. Le monde lui-même a cessé d'exister.

— Wayne, qu'est-ce que ça veut dire ? 


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Salut tout le monde, je suis désolé du retard, mais la partie est enfin là. J'espère qu'elle valait le coup d'attendre et j'espère que ma traduction pour les non-anglophones sera pas trop mauvaise. 

Du coup, en ce moment j'ai des tas de choses en tête et des tas de choses en préparation, mais je ne vous oublie pas et je vois N'aie Pas Peur grandir du coin de l'oeil et j'espère de tout coeur que ça va continuer. Peut-être qu'un jour j'aurais un moyen de vous remercier de tout votre soutien et de votre présence, qui sait. En attendant, je vous remercie profondément les potes. 

Sachez aussi que je suis en train de vous préparer une petite nouvelle qui devrait sortir dans peu de temps. Je ne peux pas encore dévoiler le titre, mais deux extraits sont disponibles sur mon compte Instagram (Moonicane) et la playlist est disponible sur Spotify et Deezer. (Et vous pouvez également retrouver un dossier d'images sur Pinterest).


Bref, bref. 

Vous en voulez à Lincoln, vous aussi ou vous comprenez qu'il ait pu faire une erreur et vous lui offrez votre indulgence pour cette fois ? 

A votre avis, pourquoi Savannah a-t-elle écrit ce qu'elle a écrit sur ce bout de papier ? Que pensez-vous que ça peut signifier ? 

Et selon-vous, ou est-elle passée ? 

Pour la musique, je vous demande pas votre avis parce que de toute façon, vous avez pas le droit de pas aimer Linkin Park (et West est d'accord avec moi sur ce point). -Je ris, bien entendu-. C'est pas ma préférée du groupe, mais je l'aime quand même d'amour. 


Voilà, c'est tout pour moi. D'ailleurs je dois y aller, c'est l'heure de la promenade pour l'amour de ma vie. Du coup je vous retrouve très bientôt ici ou sur les réseaux pour de nouveaux extraits, pour la nouvelle ou pour parler lecture (parce que oui, en ce moment je lis, n'est-ce pas merveilleux ?).

Je vous envoie plein de bonnes ondes, faites bien attention à vous et n'oubliez pas de vous hydrater pendant ces grosses chaleurs. 

Merci encore. 

A très vite, les potes.

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