Chapitre 15 | 1
Musique proposée : Heroes - Zayde Wolf. (En média).
Chaque personne présente dans la pièce semble retenir son souffle en même temps que moi et pendant une seconde qui me parait durer des heures, aucune ne parle. Le vide emplit l'appartement tout entier, alors qu'un brouillard blanc et épais semble éloigner chacun de nos esprits préoccupés de la réalité. De nombreux tremblements me parcourent et ma mère me serre un peu plus fort contre elle, comme si elle avait peur de me voir disparaître en un claquement de doigts. Ce qui pourrait arriver d'une minute à l'autre si Peter n'est pas venu seul ou qu'il est armé. Il n'a qu'un geste à faire pour que je m'effondre sous une pluie métallique et que ma mère perde son deuxième fils.
Inconscients de la dangerosité de Peter, mes parents prêtent à peine attention à lui. Je ne suis même pas certain qu'ils l'aient remarqué tant ils sont focalisés sur moi. Gale, West et moi nous jetons quelques regards méfiants, mais nous n'ouvrons pas la bouche. Nous n'esquissons même pas un mouvement, de peur que la grenade dégoupillée que représente la situation n'explose et ne décime tout sur son passage. Savannah, elle, reste dans l'ombre et j'ai l'impression qu'elle cherche à se faire oublier ; elle qui ne se laisse habituellement jamais intimider par personne. Je quitte rapidement ma sœur des yeux quand je vois quelque chose remuer dans mon champ de vision et me concentre sur Peter, qui se permet d'entrer. Il nous fixe tous un par un, un sourire mauvais lui barrant la figure et une lueur sombre habillant son regard. Ses pas sont lents. Calculés. Millimétrés. Il maîtrise le suspens glaçant à la perfection et il se délecte de chaque soupçon de stress qui circule dans la salle. Lorsqu'il est enfin à l'intérieur, il se retourne, toujours au même rythme, et referme la porte, avant de croiser les bras et de nous jauger West, Gale, Savannah et moi.
― Bah alors, Gueule d'Ange, on me présente pas aux invités ? M'infantilise-t-il en jubilant derrière son sourire provocateur.
Je le dévisage, ne sachant pas s'il est sérieux ou s'il se moque de moi. Mon cerveau fatigué fonctionne au ralenti, il est embrumé par une multitude de questions plus effrayantes les unes que les autres, l'empêchant d'y voir clair. Que fait-il ici ? Est-il armé ? Est-il venu seul ? Est-ce qu'il sait pour le FBI ? Ou pense-t-il que nous sommes à l'origine de l'irruption de la police hier ? Et si c'est le cas, que va-t-il nous faire ? Ai-je une chance qu'il épargne mes parents ? Toutes mes craintes remontent violemment. Elles m'accablent, m'oppressent et je les sens reprendre le contrôle. Tant et si bien que j'en oublie que six paires d'yeux sont rivées vers moi. Les appels visuels de mes parents pèsent sur mes épaules, mais je suis toujours incapable de briser la barrière solide que mes lèvres ont formée. Mon manque d'amabilité et d'éducation les étonne, les déçoive même, je peux le lire dans les traits réprobateurs de leur visage. Pourtant, aujourd'hui, ça ne m'atteint pas. Là, maintenant, tout de suite, je ne me préoccupe pas de ce qu'ils pensent de moi, je n'ai pas le temps pour ça.
Tout me paraît flou et lointain. Je suis complètement perdu, complètement hors d'atteinte. Même mon cœur qui s'affole dans ma poitrine avec des battements tonitruant ne parvient pas à me faire revenir à moi. West se racle la gorge pour tenter de me sortir de ma transe, mais rien n'y fait, alors il passe à l'action. Une caresse de velours dévore mon bras avec gourmandise et je cligne plusieurs fois des paupières pour me ressaisir. Je baisse la tête vers les doigts de West qui descendent doucement sur mon poignet gauche, puis je la secoue pour tenter de retrouver un peu de contenance. Je me racle la gorge en ignorant le froncement de sourcils de mon géniteur et plante mes prunelles dans celles de Peter.
― Papa, maman, voici Peter, mon... enfin un...
Ma voix s'éteint et c'est à ma génitrice de froncer les sourcils. Que pourrais-je bien dire ? Comment pourrais-je bien présenter la chose sans annoncer froidement à mes parents que je suis devenu membre de l'entreprise mafieuse la plus influente des Etats-Unis ? Je crois que je préfèrerais encore me frotter à la violence de Ian que d'avouer ça à mon père.
― Notre patron à tous les deux, tente West pour me sauver du naufrage.
Il désigne Gale du menton pour indiquer de qui il parle en souriant chaleureusement. N'importe quel abruti remarquerait à quel point il est mal à l'aise, pourtant mes parents ne réagissent pas. Je ne sais pas s'ils n'y ont vu que du feu ou si ça n'a aucune importance pour eux, mais en tout cas, ils acquiescent tous les deux brièvement. Je souffle de soulagement en remerciant intérieurement mon coéquipier, mais à la seconde où l'air de mon père change, ma respiration se coupe de nouveau.
― Attendez, si vous êtes leur patron à eux, pourquoi venir les chercher ici, chez mon fils ? s'enquiert-il.
Je ferme les yeux en silence, certain que désormais, aucun mensonge ne pourrait plus le convaincre. Je vais devoir lui expliquer la totalité du cauchemar qui régit ma vie depuis des mois et je crois que finalement, ce n'est pas Peter qui va signer ma fin.
― Parce que c'est moi qu'il cherche, résonne la voix effacée de Savannah.
Tout le monde se retourne vers elle avec étonnement, alors qu'elle inspire et relève fièrement la tête. Un éclair de nostalgie s'invite devant mes yeux et je revois ma petite sœur gonfler chacun de ses muscles en bombardant nos géniteurs de regards assassins à chaque fois qu'elle a eu à leur mentir. Elle a toujours eu besoin de reprendre confiance en elle avant d'oser leur faire face et voir que ça, au moins, ça n'a pas changé me rassure un peu. Il y a encore une partie d'elle que je reconnais.
― Gale et moi sommes amis de longue date, alors quand il a entendu dire que je voulais trouver un job réglo, il a proposé à Peter de me rencontrer pour une possible embauche, ment-elle.
Peter s'esclaffe quand le mot « réglo » sort de la bouche de Savannah et ma mère, qui se cramponne encore à moi, se crispe.
― Peu importe, s'emporte mon père en faisant de grands gestes agacés. Je ne voudrais pas vous manquer de respect, mais nous aimerions pouvoir parler à notre fils en privé. Donc si vous souhaitez embaucher quelqu'un ici, faites-le dans un bureau, comme tout le monde ! renchérit-il, alors que mes genoux manquent de flancher.
Je souffle longuement pour essayer de calmer mon appréhension et passe une main moite sur mon visage. J'ai déjà assez de West pour provoquer la colère cataclysmique de Peter et Ian, je n'ai pas besoin que mon père s'y mette aussi. Je prie de toutes mes forces pour que la leçon de morale s'arrête ici et surtout, qu'elle n'énerve pas le bras droit de l'un des hommes les plus imprévisibles et sadiques d'Eleven Stars. Mais c'est peine perdue, voyant que son interlocuteur n'a pas daigné bouger d'un centimètre, mon géniteur laisse son impulsivité parler à sa place :
― C'était une manière polie de vous dire de dégager d'ici !
Je m'étrangle avec ma propre salive et me mets à tousser bruyamment. Je jette un coup d'œil à Peter pour voir l'étendue des dégâts, mais celui-ci semble plus surpris et amusé que réellement en colère. Mes prunelles passent de son sourcil haussé, à la frustration explosive de mon père et le défi qui les lie me pétrifie. Je cherche un peu de réconfort en me focalisant sur West et remarque qu'il se retient de rire. Je lève les yeux au ciel, il adore l'idée que quelqu'un ose manquer de respect à Peter. Comment peut-il être aussi désinvolte face à une situation aussi critique ? Je n'arrive pas à comprendre comment il peut réussir à être aussi détaché de tout constamment. Je suis incapable de me débarrasser de mes peurs, de mes doutes, alors que lui, c'est comme s'il n'en avait jamais eu. Il n'a jamais l'air effrayé de se savoir en danger, je n'ai pas l'impression qu'il doute de quoi que ce soit. On dirait que son océan ne s'agite que lorsque ce sont ses proches qui s'apprêtent à se noyer. Mais lui alors, n'a-t-il pas peur de ce qui pourrait lui arriver ?
― Très bien, dit simplement Peter.
Son flegme me glace le sang. Il n'est pas du genre à garder son calme comme ça et je crois que j'aurais préféré lire de la colère sur sa figure plutôt que de la satisfaction. Qu'a-t-il derrière la tête ?
― Je vais vous laisser en famille, nous annonce-t-il avec un cynisme non-dissimulé. Mais il faut quand même que vous sachiez que Ian vous attend jeudi, à vingt-deux heures, pour... Remettre certaines choses au clair, sourit-il sardoniquement.
Je n'ai pas le temps d'intégrer les informations qu'il vient de nous lancer qu'il fait déjà mine de s'en aller en ouvrant la porte qu'il avait refermée. Mais au moment de passer le palier, il s'arrête et se retourne, la main toujours fixée sur la poignée et un rictus provocateur gonflant ses joues.
― Il vous attend tous les trois, mais tu peux emmener ta sœur avec toi, Wayne. Nous serions heureux de la compter de nouveau parmi nous, ajoute-t-il avec un regard pernicieux.
Il dévisage Savannah, non sans cacher ses pensées répugnantes et j'ai soudain envie de lui envoyer mon poing dans la figure. Encore.
― Elle avait de sacrées qualités linguistiques, si je me souviens bien. Il faudrait qu'elle m'offre une nouvelle démonstration.
La porte claque derrière Peter et Savannah devient livide. Une colère sourde pulse dans mes veines, mais je me contiens. Exploser devant papa et maman est une très mauvaise idée. N'ayant pas la force de faire face à leurs mines que je suppose déçues ou dégoûtées, je me raccroche au moindre petit mouvement qui m'entoure et remarque que Gale tremble. Non, il ne tremble pas, il bout de rage. Je le scrute quelques secondes, étonné de le voir dans un tel état de fureur, lui qui paraît toujours si décontracté et nonchalant. Je crois que s'il ne connaissait pas la gravité de la situation et les risques que nous encourons tous, il irait démolir Peter sur-le-champ. Sa haine n'aidant pas à calmer la mienne, je le quitte des yeux pour dévisager Savannah en tentant de toutes mes forces de ne pas imaginer tout ce qu'elle a pu faire pour intégrer Eleven Stars. Lorsqu'elle remarque que je la fixe, elle détourne le regard et retourne dans son coin d'ombre et plein de lâcheté. Peter me dégoûte, comment a-t-il pu se servir d'une gamine pour assouvir ses envies abjectes ? Comment a-t-il pu tirer avantage du désespoir d'une enfant ? N'a-t-il aucune morale ? Elle est mineure bordel.
Le souvenir de la petite fille souriante et pleine de joie que je connaissais s'efface peu à peu de ma mémoire, comme si l'image claire et heureuse que j'avais d'elle s'effritait et s'assombrissait au fur et à mesure que je découvrais son vécu. Comment peut-on changer aussi vite ? Comment peut-on passer d'une fenêtre translucide à un mur de glace en une fraction de seconde ? Je pensais la connaître en l'ayant vu grandir, je pensais que nous étions assez proches pour qu'elle me parle de ce qu'il se passe dans sa tête et dans sa vie, mais visiblement, j'avais tort. La personne qui se trouve devant moi n'a plus rien à voir avec celle qui a vécu à mes côtés et je crois que ce qui me blesse le plus, c'est de ne pas m'en être rendu compte. Ça me touche parce que j'ai l'impression que je viens de perdre la seule personne au monde que je croyais pouvoir protéger, mais qu'en fait, ça fait bien longtemps qu'elle n'est plus là.
Il faut croire que le destin nous envoie des signaux, des indices, des piques de douleur, mais que parfois, on n'est pas fichu de les voir et de les laisser nous guider vers le bon chemin parce que c'est trop dur. Parce que ça fait trop mal et sur ce coup-là, la souffrance était telle que j'ai préféré rester aveugle, pendant que nous étions en train de nous faire séparer par deux routes opposées, ma sœur et moi. J'ai abandonné Sacha au choix d'un itinéraire brumeux, puis j'ai laissé la vie nous duper comme le dernier des lâches. Je viens tout juste de comprendre tout ça et je sais que je n'ai pas d'autres options que de l'accepter, mais jamais je ne pourrais le lui pardonner. Reste à savoir s'il faut que je laisse le bénéfice du doute à Savannah ou à la vie.
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Salut tout le monde, comment ça va ? (Je suis dans les temps pour une fois, ehe).
Je vous souhaite un joyeux mois de la Pride et cette année, puisque je ne peux pas aller dans les Pride pour manifester avec mes adelphes, je vous ai proposé un petit projet sur mon Twitter : Je promeus vos histoires LGBTIA+ ! Vous avez simplement à m'envoyer une citation de votre histoire et je la posterai sur mon compte Instagram, mon compte Twitter et ma page Facebook pour essayer de vous donner un peu de visibilité avec ma maigre audience. Je fais ça pendant tout le mois de juin, alors n'hésitez pas à participer ou à faire passer le mot !
Je vous présente également sur Instagram et Twitter (et ça va venir sur Facebook) un de mes personnage LGBTIA+ par jour. Parmi ces personnages, vous retrouverez des personnages que vous connaissez, mais également des personnes que vous ne connaissez pas encore parce que je n'ai pas encore publié leurs histoires ici (ça vous fait donc quelques petits indices sur les histoires qui sont à venir...).
Bref, bref, j'essaie de me bouger un peu pour le mois de la Pride, mais n'oubliez pas que ce n'est pas parce que le mois de la Pride est là qu'il faut oublier le mouvement Black Lives Matter, continuez d'en parler, de manifester, de vous informer et d'informer vos proches, de vous sensibiliser et de sensibiliser vos proches et de partager les pétitions, les associations, les arts, tout. Parce que LGBT Lives Matter, Black Lives Matter et Black LGBT lives Matter. Battons-nous ensemble pour l'égalité, la tolérance, le respect et la liberté de chacun.
Sinon, passons au blablatage moins militant :
Qu'est-ce que vous avez pensé de la réaction du père de Wayne ? Elle vous a fait un peu jubiler, comme West ou elle vous a fait grincer des dents, comme Wayne ?
Vous pensez que l'excuse de Savannah et West va fonctionner ou vous pensez que les parents de Wayne vont faire un scandal anyway ?
Et vous, vous croyez que Wayne doit laisser le bénéfice du doute à la vie, ou à Savannah ?
Pour finir, vous devinez quelle question je vais poser... La musique, vous aimez bien ? Je suis tombé sur cette chanson par hasard y'a genre un an et je l'aime trop, je suis ravi d'avoir pu la placer dans un chapitre.
Voilà, voilà, c'est tout pour moi. Je vais essayer de me mettre à fond sur la réécriture, parce que je suis de nouveau en retard, mais vous aurez une partie par semaine pour le chapitre 15, ça c'est certain.
Je vous dis à très vite ici, sur mes réseaux pour le projet de la Pride ou sur vos histoires.
Prenez bien soin de vous et continuez de faire entendre vos voix ou celles des concerné.e.s.
Coeurs sur vous.
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