Chapitre 12 | 3

Musique proposée : Ready For War - Tommee Profitt ft Liv Ash. (En média).


― Je ne cherche pas à modifier le marché que vous avez passé avec West, je souhaite en passer un avec vous.

Cette fois, j'ai usé de bien moins d'insolence qu'avec la policière, comme si l'idée de passer mes prochaines années derrière les barreaux en compagnie de Ian et Peter sans West pour me protéger avait réussi à calmer mon élan de témérité. Je joins mes mains qui se sont mises à trembler et fixe l'homme droit dans les yeux en priant pour que mon air de défi suffise pour qu'il ne remarque pas mon angoisse naissante.

― Et je sais que vous ne mettrez aucune de ces menaces à exécution, affirmé-je en reprenant l'un des sourires en coin de West. Vous avez beaucoup trop besoin d'informations sur Eleven Stars pour prendre le risque de me coffrer maintenant. Combien avez-vous eu de témoignages spontanés contre Gambino ? Est-ce que vous avez ne serait-ce qu'un seul gars qui est venu vers vous pour vous aider à démanteler l'entreprise parce que vous êtes pas foutu de le faire sans aide ?

Mon cœur bat la chamade, alors que je crains d'y être allé un peu trop fort. Le poing de l'agent de police se desserre lentement sur la table, ses épaules s'affaissent et un long soupir lui échappe. Il semble tout à coup épuisé, à moins qu'il ne soit simplement blasé, en tout cas, je ne me pose pas trop de questions et je profite de son manque de réactivité pour continuer sur ma lancée. Il faut absolument que je sois convaincant, je refuse de laisser tomber West. Je ne pourrai jamais me pardonner d'avoir fait partie des personnes qui ont participé à son arrestation.

― Sans compter que même si vous avez le témoignage de West pour savoir comment ils recrutent les gamins, vous ne pouvez pas vous permettre de passer à côté du mien. Les menaces, les coups, les ventes, les exécutions, j'ai tout vu, j'ai tout vécu. Vous avez...

― Bon, qu'est-ce que tu veux, petit ?

Je me stoppe net en scrutant l'homme qui passe une main dans le peu de cheveux qu'il lui reste. Il me faut de nombreuses secondes avant de réellement comprendre les mots qu'il vient de prononcer. Je n'en reviens pas. Je pensais que j'aurais à me battre pendant des heures, voire même à le supplier pour obtenir une telle réaction. Incapable d'articuler quoi que ce soit, je me contente de le fixer, sans dire quoi que ce soit et une surprise non-dissimulable collée à la figure. Il croise les bras sur son torse gonflé, mais ne s'énerve pas. Il attend patiemment que je sorte de mon adynamie et que je me décide à parler.

― West... murmuré-je avant de me racler la gorge. West Hutchtins, pas de prison pour lui. Quand tout ça sera terminé, il sera libre comme l'air. Voilà ce que je veux, ordonné-je en tentant de paraître sûr de moi.

― West Hutchins... Le bras droit d'Eleanor Donovan, la fille de Gambino ? demande-t-il d'un air amusé.

Je hoche la tête en silence, plus décidé que jamais, tandis que le cinquantenaire secoue la tête en se mettant presque à rire. Il me lance un regard et, lorsqu'il remarque que je ne plaisante pas, il hausse un sourcil, visiblement étonné de l'intérêt que je porte à West.

― Le moins qu'on puisse dire c'est que tu es ambitieux, affirme-t-il simplement.

― West a été emporté là-dedans malgré lui, mais il n'a jamais tué personne. C'était juste un gamin qui essayait de survivre, il ne mérite pas la prison.

L'agent ricane.

― Il n'a jamais tué personne, hein ? Tu es bien sûr de ça ?

***

Suite à un message inattendu de Ian nous disant de le rejoindre pour une vente importante, tout s'est accéléré et un plan d'action de dernière minute s'est mis en place. Après des dizaines de questions, des dizaines de détails peaufinés et des dizaines de discussions avec West qui refusait catégoriquement que je participe à ce que nous sommes en train de faire, nous avons fini par quitter les bureaux du FBI. La blonde habillée en civil qui nous suit dans les couloirs de sortie nous explique une énième fois que les micros qu'elle a positionnés sous nos tee-shirts sont quasiment invisibles. Elle nous répète que nous n'avons rien à craindre, même si elle n'oublie pas de repréciser que nous sommes là uniquement pour faire du repérage. Traduction : vous n'êtes pas vraiment en danger et c'est tant mieux parce que vous n'allez pas le faire qu'une fois. Elle nous rabâche encore et encore qu'il faut qu'on tente d'obtenir le plus d'informations possibles, mais qu'on ne doit pas prendre de risques inutiles parce que ce n'est qu'une première approche. A vrai dire, elle l'a tellement dit que ça fait belle lurette que je ne l'écoute plus.

« Tu es bien sûr de ça ? »

Les mots du policier résonnent dans ma tête sans arrêt depuis qu'ils sont sortis de sa bouche. Ils sont tellement présents que j'ai l'impression de les sentir se cogner contre les parois de ma boîte crânienne, provoquant par la même occasion le début d'une bonne grosse migraine. Je devrais penser au moment présent, je devrais me concentrer sur ma mission actuelle pour ne surtout pas rater mon coup, mais j'en suis incapable. Il bluffait. Je suis sûr qu'il bluffait. Complètement perdu dans mes pensées, je sursaute brusquement lorsque West dépose sa main sur mon épaule.

― Wayne, est-ce que ça va ? s'inquiète-t-il.

Je hoche la tête sans grande conviction, sachant pertinemment que je ne suis pas convaincant pour un sous. Mon camarade soupire en serrant les dents, mais n'insiste pas.

― Hey... ça va bien se passer, okay ? Il ne t'arrivera rien, m'assure-t-il en faisant glisser sa paume le long de mon omoplate.

Je le regarde prendre de l'avance alors que la blonde semble avoir disparu sans que je ne remarque rien. Un garçon aussi attentionné que lui ne peut pas avoir commis de meurtre. C'est impossible.

La nuit est tombée sur Harlem et après une demi-heure de marche, nous arrivons finalement dans un terrain vague désert où nous sommes attendus de pied ferme. Les quatre lascars sont appuyés sur une Berline noire aux vitres teintées et nous regardent arriver sans mot dire. Peter paraît méfiant, Ian fusille West de plusieurs regards sombres, Gale nous accueille avec deux doigts qu'il place au-dessus de son arcade sourcilière comme un salut militaire, pendant que le garçon à la capuche garde résolument la tête baissée.

― Quelles armes et pourquoi j'ai pas été mis au courant plus tôt ? admoneste West en arrivant à la hauteur de Ian.

L'intéressé serre les dents et je devine à son air féroce que la remarque de son supérieur hiérarchique ne lui plaît pas du tout. Je le soupçonne même de se retenir de lui sauter à la gorge sur-le-champ.

― Pistolet mitrailleur, carabine à plomb et 22Lr, silencieux 22Lr, AK47 et probablement les nouveaux joujoux que le Mexicain trimbale toujours avec lui pour faire gonfler les prix, répond froidement le blond.

― Ça, c'est une seule partie de ma question, renchérit West.

― Les ordres viennent directement d'Eleanor, alors démerde-toi avec elle, le Prodige, fulmine Ian. Et n'oublie pas qu'ici, c'est moi qui dirige. Toutou bien dressé de Gambino ou pas, ajoute-t-il sur un ton menaçant alors que son interlocuteur ricane.

Mon binôme se détourne de Ian pour rejoindre Gale et son air provocateur s'évapore immédiatement pour laisser place à une tension palpable dans l'air. Le barman l'interroge du regard et West tapote son torse pour lui répondre. Gale ferme les yeux quelques secondes en secouant la tête sans que je ne saisisse quoi que ce soit de leur dialogue sans paroles. Comment peut-on comprendre quoi que ce soit avec si peu d'informations ? Je fronce les sourcils sans me torturer plus que ça avec cet étrange échange, alors que la présence du barman me frappe de plein fouet. Que sait-il ? Est-ce que Savannah lui a parlé ? Et ma sœur, alors, où est-elle désormais ?

Je n'ai pas le temps d'y réfléchir bien longtemps qu'une Audi bleu nuit et un Range Rover gris sans plaques d'immatriculation s'avancent vers nous à toute allure. Les bolides s'arrêtent à deux mètres de nous, tandis que cinq armoires à glace bondissent hors du quatre-quatre, suivis par deux criminels en costume sortant de l'Audi. Les deux hommes apprêtés font un signe de main à leurs chiens de garde qui attrapent chacun un grand sac noir, sans doute remplis de ce qu'ils sont venus nous vendre. Un grand brun à la peau mate remet sa cravate en place avant de s'avancer vers Ian et de lui serrer la main, le sourire aux lèvres. Je le scrute dans les moindres détails et je ne peux pas m'empêcher de déglutir lorsque je remarque l'immense balafre blanche qui dénature l'entièreté de sa joue droite pour s'arrêter au coin de son œil. Ses cheveux noir de jet sont parfaitement plaqués vers l'arrière et son costume de luxe est impeccablement repassé. Il relève sa manche pour regarder sa Rolex dorée en faisant mine d'être pressé et je m'oblige à ravaler le dégoût qui remonte le long de ma gorge.

― Donne-moi l'argent et tu auras tes armes, ordonne-t-il presque, avec un accent mexicain assez prononcé.

Ian était sur le point d'acquiescer, quand West passe devant lui en défiant le vendeur du regard.

― Certainement pas mec, tu nous prends pour des amateurs ? D'abord, on essaie la marchandise et si elle est de qualité, on met le prix. Qui me dit que t'es pas en train d'essayer de nous refiler de la merde ?

― Tu m'insultes, gamin.

Le rire mauvais de West résonne autour de nous et le Mexicain grimace, mais s'exécute. Il sort une espèce de mitraillette... ou bien est-ce une carabine ? Je ne sais pas trop. En tout cas, il la sort de son sac et la tend à Ian. Il attrape ensuite un silencieux qu'il tend à West, puis termine par un pistolet qu'il me met dans les mains sans me demander mon avis. Je fixe l'engin qui me brûle les doigts, complètement terrorisé. J'envoie un signal d'alerte visuel à West en sentant des gouttes de sueur dégouliner le long de mes tempes. S'il faut essayer cette chose, je ne suis définitivement pas qualifié pour. Je ne sais pas comment fonctionne ce truc et je n'ai vraiment pas envie d'apprendre sur le tard, je serais capable de me tirer dans le pied comme le dernier des abrutis.

Peter attrape un morceau de tôle qui traînait sur le sol terreux et le place contre un arbre à une dizaine de mètres devant nous avant de faire un signe de tête à West et de s'éloigner. West hoche la tête à son tour et arme le silencieux qu'on lui a confié, confirmant mes craintes. Il va la tester. Il se met en place, vise et tire trois fois. Même si les trois balles finissent au centre du morceau de tôle, j'ai un mouvement de recul irrépressible. Mes jambes tremblent tellement que je dois m'appuyer sur la voiture pour ne pas m'écrouler. Je déteste les armes à feu. Mes paumes sont moites et je sens mon cœur s'affoler un peu plus à chaque fois qu'un impact résonne sur notre cible de fortune.

Une fois qu'il a fini son test, West se tourne vers moi et ma respiration s'accélère violemment. Je le scrute, l'air suppliant. Il ne faut pas qu'il me demande de faire la même chose, j'en serais profondément incapable. Il avance lentement dans ma direction, pose le silencieux sur le capot de la Berline, juste derrière moi et me prends gentiment l'arme des mains en effleurant ma peau par la même occasion. Je lui lance un regard soulagé et reconnaissant, alors qu'il m'offre un sourire discret. Le genre de sourire qu'il ne fait qu'à moi. Il se repositionne, se concentre, arme le pistolet et appuie sur la gâchette. Un bruit sourd bien plus violent que le précédent agresse l'atmosphère et un spasme implacable traverse l'entièreté de mon corps. Je sursaute à chaque coup de feu et, visiblement, le garçon à la capuche trouve ça très drôle puisqu'il pouffe de rire. Gale lui envoie un coup de coude brusque dans les côtes avant de tapoter plusieurs fois mon omoplate amicalement.

― T'en fais pas mec, c'est bientôt fini, me rassure-t-il d'une voix calme.

West dépose le révolver sur la voiture pour finalement attraper sèchement la carabine de Ian. J'inspire profondément pour essayer de me préparer émotionnellement à la férocité des impacts de balles sur la tôle, mais c'est une toute autre mélodie chaotique qui vient danser tout près de mes tympans. Il me faut un temps fou pour comprendre de quoi il s'agit, pour savoir d'où viennent ces sirènes hurlantes et pourquoi tout le monde s'agite soudain. J'entends des portes claquer, des moteurs rugirent, puis regarde les voitures démarrer sans réagir. J'entrevois Gale lancer un regard inquiet à West, perché sur sa moto pour finalement faire rugir le moteur à son tour et décamper.

― Les flics ! hurle quelqu'un sans que je ne sache vraiment qui.

Je saisis l'urgence de la situation, je sais ce que je devrais faire, pourtant je reste là, immobile, hébété, incapable de rien. Je ne bouge pas, je me contente de regarder la scène se jouer au ralenti devant moi, complètement vidé. La panique électrise l'ambiance déjà angoissante du terrain vague et je crois que si West ne m'obligeait pas à réagir, je pourrais rester là jusqu'à ce qu'on m'embarque. Sa poigne puissante m'attrape solidement par le bras, tandis qu'il accélère et je me vois obligé de me mettre à courir avec lui.

― Wayne, faut se casser de là !


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Coucou tout le monde, comment ça va ? 

Vous avez vu, à l'heure aujourd'hui ! Et samedi prochain, y'aura une autre partie dans les temps parce que j'ai terminé le chapitre 13 ! J'espère que ça vous fait un peu plaisir, même si vous êtes peu à me lire en ce moment. 

Et du coup, pour les rescapé.e.s :

Que pensez-vous de l'intervention de Wayne au FBI ? Auriez-vous eu le cran de le faire, vous aussi, ou vous n'auriez pas tenté le diable ? 

Et pour West alors, vous le croyez capable de tuer quelqu'un ou alors l'agent bluffait, selon vous ? 

Pour l'intervention de la police, vous avez des hypothèses sur qui aurait pu appeler les flics ? 

Question habituelle, mais vitale : Qu'est-ce que vous pensez de la musique ? (Encore Tommee Profitt, je sais, mais ça faisait longtemps...)


Voilà, voilà, c'est tout pour moi. J'essaierai de passer lire un peu cette semaine et de poster un texte, pour être un peu présent sur Wattpad et venir un peu à votre rencontre. Je me suis rendu compte que j'avais pas répondu à vos commentaires, non plus... Je suis désolé, je vais les découvrir avec plaisir dans les prochains jours. 

En attendant tout ça, j'espère que vous prenez bien soin de vous chez vous. J'espère aussi que pour vous, le confinement n'est pas trop compliqué et que vous êtes bien entouré.e.s, que ce soit physiquement ou moralement. Mais si vous avez besoin, sachez que mes DMs sont ouverts, ici ou sur les réseaux. 

N'oubliez pas que vous êtes aimé.e.s, que vous n'êtes pas seul.e.s et qu'il n'y a pas de honte à venir demander de l'aide ou du soutien à quelqu'un que ce soit pendant cette période étrange ou quand tout redeviendra "normal". 

Je vous envoie plein de force, plein d'amour et plein de courage. 

Merci à toutes les personnes qui travaillent chaque jour et qui prennent des risques pour qu'on puisse fonctionner, obtenir des soins ou se nourrir, ce sont vous les véritables héros. 

Coeurs sur vous. 

A très vite. 

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