Chapitre 10 | 3

Musique proposée : Never Surrender - Liv Ash. (En média).


Le ton sarcastique de la jeune femme me sort de ma contemplation et je me concentre sur les traits fins de son visage. La douceur qui émane de ceux-ci contraste incontestablement avec la dureté du regard qui étripe West. Elle en serait presque qu'effrayante.

― Que me vaut ce plaisir ? renchérit-elle.

Mon camarade avance vers elle d'un pas assuré en ricanant et je ne peux pas m'empêcher de rouler des yeux devant son petit manège.

― Oh, aller Jess, fais pas semblant. Je sais que t'es contente de me revoir, affirme-t-il sans le moindre doute.

La fille lève un sourcil, tente un instant de garder son sérieux, mais finit par se mettre à rire.

― T'es vraiment imbu de ta personne, tu sais ça ? s'exclame-t-elle, l'air moins contrarié.

― Mais c'est pour ça qu'on m'aime, pas vrai ? fanfaronne-t-il.

La brune retient un nouveau soupir, tandis que je me mords l'intérieur de la joue pour ne pas me mettre à rire.

― Bon... Rentre, cède notre hôte.

Nous montons les trois marches cimentées qui mènent à la porte d'entrée noire, avant de nous engouffrer dans la chaleur du vestibule de cette belle demeure. Sur notre gauche, un important porte-manteau en bois foncé nous surplombe de toute sa hauteur, mais c'est à droite que nous nous dirigeons pour accéder à un salon assez lumineux au premier abord. Une atmosphère familiale règne dans la pièce spacieuse et je me sens tout de suite à mon aise.

West, toujours égal à lui-même, s'affale sur l'un des trois canapés en cuir beige sans y être invité, mais Jess ne semble pas étonnée. Elle nous fait signe de bien vouloir prendre place et je m'installe timidement à côté de notre grand provocateur qui passe tout naturellement un bras autour de moi. Je me blottis discrètement contre lui et, comme pour me montrer l'intérêt que mon coéquipier porte à ce léger rapprochement, sa main se referme délicatement sur ma hanche. Savannah n'ayant pas loupé une miette de la scène et sûrement de la teinte rosée qu'ont dû prendre mes pommettes, elle s'immobilise en me dévisageant. Après quelques secondes, elle finit par reprendre ses esprits et s'asseoir sur un fauteuil, juste devant la table basse qui nous fait face, en silence. Jess quitte la pièce quelques secondes et je me surprends à admirer la cheminée en marbre, sculptée à la main, qui apporte un charme supplémentaire à la pièce déjà chaleureuse.

― Alors, qu'est-ce qui t'amène par ici, l'Artiste ? demande Jess en revenant avec des verres d'eau pour chacun d'entre nous.

West se redresse en caressant doucement le bas de mon dos par la même occasion, puis joint ses deux mains en un geste hésitant. Il dépose ensuite ses coudes sur ses genoux et fixe le sol un moment. Son air s'assombrit et il parait soudain frappé par un souvenir difficile à gérer. La brune le scrute, paraissant comprendre ce qu'il se passe, mais elle ne réagit pas. Elle se contente d'attendre qu'il soit prêt, alors que je suis de nouveau impuissant devant toute la détresse qui émane de lui. Je suis incapable de comprendre ce qui lui arrive, incapable de l'aider. Encore une fois.

― Il... West se racle la gorge. Il est là ? souffle-t-il, la voix totalement camouflée par une peine profonde.

Jess expire en baissant le nez vers le carrelage et je sens mon coéquipier se crisper contre moi.

― Attends-moi là, ordonne-t-elle, tandis que West relève vivement la tête.

Il semble tellement surpris et reconnaissant qu'une lueur d'espoir incroyablement intense fait scintiller ses prunelles bleues. Cette image me paraît tellement irréelle, tellement rare que j'aurais envie qu'elle dure toujours. Que le temps s'arrête, là, maintenant, purement et simplement.

― Bon, tu vas nous dire ce qu'on fout ici ? ronchonne Savannah qui, à son grand désespoir, n'aura pas le temps d'obtenir une quelconque réaction de la part de West.

― Westy ! s'écrie une voix aigue à l'autre bout de la salle.

Un petit garçon déboule dans le salon, un énorme sourire grignotant son visage minuscule. Il saute au cou de mon coéquipier qui le réceptionne dans un soupir de soulagement.

― Hey... Salut bonhomme... souffle-t-il en fermant les yeux, alors qu'il serre l'enfant contre lui.

Le garçonnet réclame rapidement sa liberté, mais reste scotché sur les genoux de mon camarade. Lorsqu'il tourne la tête vers moi, je ne peux pas m'empêcher de le fixer pour tenter de mieux comprendre ce qui est en train de se passer, sans y parvenir. Je suis beaucoup trop estomaqué devant l'azur profond de ses prunelles pour analyser quoi que ce soit, pour réussir à percevoir autre chose que ce bleu limpide. Je me perds un instant dans le petit ruisseau qui se jettera un jour dans l'océan, avant de me rendre compte que je connais ce regard intense. Je l'ai déjà vu. Je l'ai vu dans ses yeux à lui.

― Comment tu vas ? renchérit West en ébouriffant les cheveux du blondinet.

― Bien, se contente-t-il de répondre sans se rendre compte de toute la fierté qu'il provoque chez l'homme qui lui ressemble tant.

Un air émerveillé éclaire la frimousse du gamin et j'ai la douloureuse impression de revoir Charlie le jour où je me suis fait tatouer. Le petit incline la tête vers West et je chasse bien vite mon frère de mes pensées en me concentrant sur le petit index qui est pointé vers moi.

― Papillon !

Mon binôme sourit en jetant un coup d'œil dans ma direction. Je baisse le nez vers ma chemise à moitié ouverte et comprends que c'est de mon tatouage qu'il est question. Je libère l'encre présent sur mon torse en écartant les deux morceaux de tissu qui stoppait son envol et m'approche de l'enfant. Ses petits yeux se lèvent vers la figure bienveillante de son père qui hoche la tête. Le petit tend alors la main vers mon torse dans un geste un peu timide et effleure l'insecte du bout des doigts, interloqué. Quand il a finalement terminé son exploration, il se met à rire et se blottit de nouveau contre West qui le serre encore dans ses bras en fermant les yeux.

― Tu m'as manqué, affirme la petite voix, tandis que je vois l'émotion traverser mon camarade de part en part.

― Toi aussi tu m'as manqué, Spencer, murmure West après avoir planté un baiser sur le cuir chevelu du garçonnet.

Spencer tire sur les bretelles de sa salopette en jean grise, puis passe ses mains dans ses cheveux. Je hausse un sourcil en retenant un sourire en coin d'apparaître sur mes lèvres : West fait exactement la même chose.

― Eh ! Tu sais... Tu sais... s'excite le gamin sans vraiment prendre le temps de former ses mots. Bah pour mon niversaire, on a mis Kin Park !

Le visage de West s'illumine de joie, pendant que son fils gonfle le torse de fierté.

― Il démarre bien dans la vie, ce môme, lâche Savannah, alors que mon binôme lui envoie un clin d'œil complice.

Jess, qui est retournée s'asseoir à sa place, semble émue de voir autant de bonheur autour d'elle et je me demande qui elle peut bien être pour Spencer.

― Sa mère rentre demain, donc je te conseille d'en profiter, l'Artiste, mentionne-t-elle.

― Elle est où ? répond l'intéressé.

― Désintox.

Les mâchoires de West se contractent, mais il garde le silence. Il fait comme si cette information n'avait aucune importance et continue de câliner son petit garçon.

― Bon, sérieusement, West. Qu'est-ce que tu viens foutre ici ? interroge sévèrement Jess. Et viens pas me dire que c'est pour voir le p'tit, parce que tu ne pouvais pas savoir que Ginny était pas là.

Mon camarade inspire profondément, avant de jeter un coup d'œil dans ma direction. Il hésite encore. Je passe délicatement ma main sur ses muscles dorsaux tendus à l'extrême, comme pour lui insuffler un courage que je ne possède pas. Un léger sourire traverse ses lèvres et il relâche la pression en soufflant bruyamment.

― J'ai besoin de parler à ton père, se contente-t-il de dire, d'un ton dur.

La brune hausse un sourcil, l'air réprobateur.

― Ah non, je t'assure que tu ne veux pas parler à mon père, affirme-t-elle en fixant son interlocuteur. Sauf si tu tiens à ce point à mourir aujourd'hui.

Un rictus anxieux s'échappe de la gorge de West et le stress se répand de nouveau en moi. Il passe sa main libre dans ses cheveux déjà en bataille pour paraître un peu plus sûr de lui, mais ça ne me rassure pas du tout.

― T'en fais pas. Quand il saura ce que j'ai pour lui, son envie de meurtre se calmera quelques temps.

Son envie de quoi ? Je dévisage mon coéquipier en priant pour que ce ne soit qu'une façon de parler, mais sens tout de même un frisson glacial parcourir mon échine, comme une sorte d'avertissement.

― Jessica, Spencer, je suis là ! résonne gravement la voix d'un homme qui me parait plus âgé que moi.

La porte d'entrée claque et je sursaute. West ferme les yeux, serre les dents et soupire. Spencer se met à sourire et Jess a un temps d'arrêt. Tout me semble soudain entrecoupé par mes bouffées d'angoisse et de violents spasmes qui secouent mon corps tout entier. Si je découvre qu'on est dans la maison d'un énième criminel, je risque de péter un plomb. Je regarde autour de moi en surveillant les différents bruits sourds et frottement qui nous parviennent depuis le vestibule, cette maison ne peut pas être celle d'un sale type. Un endroit aussi convivial et chaleureux ne peut pas être la demeure d'un tueur sadique, je ne veux pas croire une chose pareille. Je refuse de penser que West laisserait son fils vivre avec quelqu'un de dangereux. Des dizaines d'interrogations, d'hypothèses et de scènes imaginaires s'agitent dans ma boite crânienne, alors que ma jambe commence à remuer frénétiquement.

― Ah, papa. Comment s'est passé ta journée ? demande la jeune femme sur un ton faussement enjoué.

Une armoire à glace qui doit facilement faire un mètre quatre-vingt-dix entre dans la pièce en retirant son blouson en cuir et je déglutis quand il fronce les sourcils. Son débardeur blanc épouse parfaitement la forme de chacun de ses muscles imposants et je me concentre sur l'encre qui recouvre ses biceps pour ne surtout pas affronter son regard gris-vert fusillant l'un d'entre nous. Je sens West se raidir à côté de moi et j'ai soudain l'impression d'être très à l'étroit dans cette pièce, pourtant spacieuse.

La mâchoire du chauve se contracte, ses prunelles s'obscurcissent et je comprends très vite que la cible de sa lorgnade assassine est assise juste à côté de moi. L'homme d'un peu plus d'une quarantaine d'années glisse ses mains à l'arrière de son pantalon kaki, sans quitter West des yeux une seule seconde, et en retire une arme chargée. Ma respiration s'accélère, ma gorge s'assèche et mon cœur s'affole. La panique est en train de reprendre le contrôle. Un cliquetis métallique arrive jusqu'à mes oreilles et je fixe le révolver avec insistance en l'imaginant déjà se déposer sur la tempe de quelqu'un. Mais au lieu de menacer qui que ce soit, le revolver termine dans une boite en fer noire que le molosse referme à clé.

― Oh, tu sais, une journée banale pour un agent du FBI, dit-il en appuyant particulièrement sur les dernières syllabes de sa phrase.

Il avance jusqu'à la table basse sur laquelle il dépose, bien en évidence pour que West le voie, un insigne doré.  


___________________

Salut tout le monde, 

Désolé pour la publication un peu tardive, je voulais publier plus tôt dans l'après-midi, mais internet n'était pas d'accord avec moi. 

Du coup, puisque j'ai été malade une bonne semaine, je n'ai pas trop avancé sur la réécriture... je vais essayer de bosser à fond dessus cette semaine pour que vous ayez une publication mercredi prochain, mais je ne vous promets rien, malheureusement. 

En tout cas, j'espère que ce chapitre dix vous a plu et que l'histoire continuera à vous plaire par la suite. Je voudrais également vous remercier pour les 4K sur ce roman, ça me fait vraiment chaud eu coeur et merci, aussi, d'être de plus en plus nombreuxes à vous abonner ici et sur Instagram, ça me fait extrêmement plaisir. 

Bon, assez parler de moi, je vous laisse la parole :

Que pensez-vous de Jess ? Est-ce que vous l'appréciez ? A votre avis, quel lien entretient-elle avec West ? Ont-ils l'air de s'apprécier ou de simplement se supporter ? 

Et Spencer, alors ? Êtes-vous tombé.e.s sous son charme ? Que pensez-vous de sa relation avec West ? 

Avez-vous des inquiétudes en ce qui concerne cet agent du FBI ? Vous attendiez-vous à un agent de police, déjà ? Lui faites-vous confiance ? Pourquoi ? 

Maintenant que vous avez un indice de plus, le plan de West commence-t-il à prendre forme dans votre tête ? Que pensez-vous qu'ils vont faire ? 

Et pour finir, la musique, qu'en pensez vous ? J'ai découvert cette chanteuse grace à Tommee Profitt, et je trouve qu'elle sait mettre beaucoup d'intensité autant dans sa voix que dans ses textes et j'adore ça. 

Voilà, voilà. C'est tout pour moi, je fais de mon mieux pour vous poster la suite pas trop tard. 

En attendant, prenez bien soin de vous. 

Je vous envoie plein d'amour. 

A très vite. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top