٦٤
A R W A ~ اروى
Je n'ai pas attendu une seconde de plus pour aller me réfugier aux toilettes. Comment une personne peut être mauvaise à ce point ? Je n'ai jamais fait de mal à Sheyla, à ce que je sache, mais je ne sais pas quel est le motif de sa haine envers moi. Je pourrais penser que c'est de la jalousie, mais qu'est ce que j'ai qu'elle pourrait envier ? Je ne suis qu'une simple fille ordinaire, je n'ai rien d'extraordinaire et je ne vois pas pourquoi on me jalouserait.
Ses paroles résonnaient dans ma tête comme des coups de marteau contre du fer, et si elle avait vraiment raison, au final ? Et si Nasser m'avait menti dès le début ? Et si je m'étais fait des illusions ?
Toutes ces questions s'entrechoquaient dans mon esprit sans me laisser de répit. Mes yeux se remplirent à nouveau de larmes, et ces dernières coulèrent sans que je ne puisse les retenir. Pourquoi les circonstances s'acharnent sur moi de la sorte ? J'avais enfin pu avoir du répit concernant Mohammed que je ne vois presque plus, mais l'arrivée de Lamar, le comportement de Nasser, le fait qu'Alanoud pourrait être licenciée et les paroles blessantes de Sheyla forment un lourd fardeau qui a attendu le moment le plus paisible pour s'abattre sur moi.
Je regardai mes yeux rouges dans le miroir, puis le reste de mon visage, puis le haut de mon corps. Je me faisais de la peine, je n'ai rien fait qui puisse mériter qu'il m'abandonne du jour au lendemain comme ça, et de toute manière, même si j'avais fait quelque chose, ce n'est pas en m'ignorant qu'il aurait réglé le problème. Sheyla a sûrement raison, c'est Lamar qui lui prend tout son temps au point où il s'était éloigné de Nour et Nyhad. Il les considère comme ses sœurs...est ce qu'on met de côté ses sœurs pour une inconnue ? La réponse est claire, c'est non. S'il a fait ça à ses propres sœurs qu'il disait considérer énormément, je ne devais sûrement rien signifier pour lui, en fin de compte.
Je passe en revue nos moments passés ensemble, particulièrement le soir où nous étions allés dans le désert, le moment où il m'avait laissée dormir sur son épaule et lorsqu'il m'avait aidée à me relever. Je me rappelle que j'avais rougi plus que jamais face à son regard profond et au contact de ses mains qui tenaient délicatement les miennes, mais mon cœur se déchire de plus en plus quand je me dis que tout cela n'aura peut être plus jamais lieu...
Quand j'étais petite, je rêvais d'être comme les princesses que je voyais dans les dessins animés, qui étaient jolies, vivaient des péripéties inédites et avaient toutes un prince à leur bras. Comme beaucoup de filles, j'ai été bercée par le mythe du prince charmant, et j'en suis venue à me demander s'il existait vraiment un homme qui puisse m'aimer, me plaire, avoir un tas de qualités et j'en passe, et pour moi, c'était Nasser, ce prince charmant...mais tout a changé en un claquement de doigts.
On se fréquentait depuis peu de temps, mais au fond, je savais que notre relation avait quelque chose de spécial étant donné que c'était la première fois que je parlais de la sorte à un homme, la première fois où j'ai eu des sentiments, et lui aussi semblait avoir le même état d'esprit que moi. Je sais que je me répète beaucoup mais malheureusement, toutes ces sensations et ces moments sont partis en fumée et il n'en reste à présent que des souvenirs.
Je respirai profondément. Il faut que je me calme mais les larmes ne veulent pas arrêter de couler, je ne peux pas rester ici en sachant qu'on va me voir et deviner que j'ai pleuré à cause de mes yeux, qui commençaient à me faire mal, d'ailleurs. Et au fait, mon mascara avait bien coulé, lui aussi, j'avais du noir sous les yeux, on aurait dit une sorcière, et mon maquillage était devenu pratiquement inexistant.
Je songe à rentrer chez moi, j'ai besoin de voir Maribel et lui en parler, elle me comprendra et essaiera de m'aider comme elle l'a toujours fait.
Franchement, d'un côté, je ne veux pas avoir affaire à Nasser, mais d'un autre côté, je meurs d'envie qu'il vienne essayer d'arranger les choses, juste histoire de voir si j'ai raison de croire aux suppositions de Sheyla.
Je me résolus enfin à détacher mon regard du miroir et de sortir, et par chance, il n'y a pas un bruit, personne dans les parages. Je m'arrêtai un instant et m'adossai contre le mur tout en continuant de cogiter lorsqu'une voix masculine se fit entendre. Je tendis l'oreille pour tenter de reconnaître la voix, et voilà que quelqu'un se plante devant moi.
Je levai les yeux, c'était lui...
-Moi: Nasser...
J'ai prononcé son nom malgré moi, c'était sorti tout seul avant même qu'il ne me dise quoi que ce soit. Honnêtement, ce serait mentir que de dire que je n'attendais pas ce moment, bien qu'il m'ait fait du mal, j'espérais le voir même si je voulais l'éviter...Bref, je ne savais pas ce que je voulais réellement, et je ne le sais toujours pas à l'heure actuelle.
-Nasser: Arwa...
Je frémis au son de sa voix, cette voix qui m'avait chuchoté tant de compliments et de belles paroles, mais qui m'avait par la suite blessée en m'interdisant de l'entendre sans raison. Je ne pouvais pas soutenir son regard que je sentais sur moi, et les larmes commencèrent à remonter à la surface de mes yeux, me causant une désagréable sensation de brûlure aux cils. Je veux écouter ce qu'il va me dire mais je ne veux pas en même temps, ça va être très compliqué.
Il me regarda d'un air à la fois surpris et compatissant. Il voit bien que je lutte pour ne pas craquer, ne pas fondre en larmes, et cela le touche apparemment, vu comment il me regarde et au vu de ses yeux qui brillent.
-Nasser: Faut que je te dise, faut que je t'explique...bref, faut que j'arrange les choses.
J'attendis qu'il termine sa phrase pour lui répondre.
-Moi: Je n'ai pas envie d'en parler.
Je n'avais ni haine, ni ressentiment, j'étais juste extrêmement triste.
Il ne me lâcha pas du regard, je pense qu'il essayait de me comprendre, peut être qu'il se mettait à ma place ?
-Moi: Je n'ai pas de haine contre toi, mais je suis vraiment déçue. Et je pense que le fait qu'on ne parle pas fera du bien à tous. Tu sais très bien de quoi est faite l'affaire.
Ma voix commença à se briser, et il le remarqua car son expression faciale changea soudainement. Je l'aime, mais il m'a causé du tort...
-Nasser: En aucun cas j'ai eu l'intention de te faire du mal. S'il te plaît, écoute moi et tu comprendras.
Arwa, ne cède pas, ne cède pas...
-Moi: Non.
Et avant qu'il ne puisse me répondre, je sortis en courant, montai dans ma voiture et rentrai chez moi. Ça me provoque une douleur atroce de ne pas vouloir l'écouter, mais il est responsable de mon mal-être actuel et je ne peux pas écouter sa version des faits tant que je serai dans cet état.
Une quinzaine de minutes plus tard, je suis déjà dans mon salon en train de pleurer dans les bras de Maribel.
-Moi: J'en peux plus...J'sais plus quoi faire.
-Maribel, en me caressant l'épaule: Ma chérie...Je te comprends totalement, mais tu sais, parfois, vaut mieux entendre la vérité pour être tranquille par la suite.
-Moi, en levant les yeux vers elle: Comment ça ?
-Maribel: Si tu écoutes ce qu'il a à te dire, tu sauras la vérité et tu te feras plus de souci, que l'issue soit positive ou non. Parce que t'auras su le pourquoi du comment.
Qu'Allah me préserve cette dame, franchement. Si elle n'avait pas été là, je ne sais pas ce que j'aurais fait.
-Moi: Tu penses ? Mais je ne vais pas y arriver !
-Maribel: Si, tu vas y arriver. C'est moi qui te le dis, et de toute façon, s'il veut vraiment arranger les choses comme il l'a dit, il ne te lâchera pas. C'est pas ton refus de tout à l'heure qui va le freiner, tu vois ce que j'veux dire ? Toi, t'écoutes seulement sa version, et la décision te revient quant au fait de continuer avec lui ou non.
Je réfléchis un instant, puis je levai la tête vers elle pour lui sourire.
-Moi: Merci pour tout, Maribel.
-Maribel: Oh, pas de quoi, c'est normal ! (Se lève) Tu veux un café ?
-Moi: Hum...oui, je veux bien, s'il te plaît.
-Maribel, avec un grand sourire: Je te prépare ça tout de suite ma princesse.
Elle revint quelques minutes plus tard avec deux tasses de café et s'assit à côté de moi. Pour se changer les idées, on discuta de sujets plus joyeux, par exemple, des anecdotes liées à mon enfance, la vie de Maribel aux Philippines avant qu'elle ne s'installe en Arabie saoudite, et ainsi de suite. J'ai trouvé que notre échange était très enrichissant, il m'a permis en quelques sortes d'oublier Nasser, temporairement, certes, mais ça m'a tout de même remonté le moral.
Maribel, c'est une femme très gentille et attachante, elle s'est beaucoup occupée de moi quand j'étais petite, quand ma mère était fatiguée ou occupée et que mon père était au travail, par exemple. Je me souviens, certains après-midi, elle me prenait dans ses bras et m'emmenait dans la cuisine quand elle préparait des gâteaux. J'adorais la regarder préparer toutes sortes de desserts, qu'ils soient classiques ou même des desserts traditionnels saoudiens, j'aimais particulièrement ses biscuits aux dattes et ses tartelettes à la fraise et à la noix de coco. Et même lorsque j'ai grandi par la suite, j'ai toujours gardé cette complicité avec elle, et la preuve est qu'aujourd'hui, elle est toujours là, à mes côtés et je sais que je peux toujours aller vers elle si besoin. J'aime tellement cette dame que je la considère comme un membre de ma famille.
Après avoir fini notre café, chacune alla vaquer à ses occupations.
Je montai dans ma chambre et décidai de me remaquiller étant donné que tout mon makeup a été effacé par les larmes. Il faut que je retourne au travail et faire comme si de rien n'était, et surtout, il ne faut pas que Nyhad et Nour remarquent qu'il y a quelque chose qui ne va pas, parce qu'elles devineront rapidement quel est le souci, et...on ne sera pas sortis de l'auberge.
Comme par hasard, après que j'aie pensé à Nyhad, voilà que mon téléphone affiche un appel de sa part. Je décrochai puis posai mon téléphone sur la coiffeuse, puis continuai de me maquiller.
-Moi: Oui allô Nyhad ?
-Nyhad: Ouaiiis Arwa ! Ça va ?
-Moi: Oui, alhamdulillah et toi ?
-Nyhad: Ça va aussi, merci. J'imagine que t'es au courant par rapport à Alanoud ?
Oh non, un autre sujet qui fâche.
-Moi: Oui, malheureusement.
-Nyhad: Bah j'ai une excellente nouvelle à t'annoncer.
-Moi: Ah bon ? Qu'est ce que c'est ?
-Nyhad: J'ai mis un coup de pression à l'autre hmar, elle sera pas licenciée !
Je souris en entendant cette nouvelle. Pour une fois que l'injustice de Lamar a pu être stoppée, autant s'en réjouir.
-Moi: Merci de m'avoir prévenue habibty.
-Nyhad: Mais de rien ! (elle parle à quelqu'un à côté d'elle, puis s'adresse à moi) Eh, mais Arwa, t'es sûre que ça va ? Je te sens claquée sah.
-Moi, en riant: Non non t'inquiètes pas, je suis juste un peu fatiguée, sans plus.
-Nyhad: Ah, d'accord. Bah écoute...prends soin de toi et à plus ma copine.
-Moi: Merci, toi aussi ma chérie.
Je raccrochai aussitôt. J'ai essayé de paraître la plus naturelle possible, mais même en faisant ça, on remarque que je ne suis pas dans mon assiette. Bien que je sois contente qu'Alanoud reste, le reste continue de me torturer l'esprit. Nasser Turki Al Harbi, pourquoi toute cette souffrance...
C'est décidé, ce soir, je m'en irai. Je ne sais pas où encore, mais quelque part où je pourrais faire le vide dans ma tête et être seule pour pouvoir pleurer sans me retenir. Je ne préviendrai personne, de toute façon, personne n'a besoin de le savoir, et personne ne demandera où est ce que je suis.
Je n'ai plus la force de faire quoi que ce soit, je veux juste être tranquille...
------------------
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top