١
POINT DE VUE OMNISCIENT
Nyhad: Nasser !!! Viens voir c'est une dinguerie, y'a de plus en plus de gens qui postulent pour notre entreprise ! Je t'avais dit qu'on allait dead ça frérot...
Nasser sourit aux propos de sa collègue et quitta son bureau pour aller la rejoindre.
-Nyhad: C'est vraiment ouf tous les CV qu'on a reçu, regarde le nombre de mails c'est colossal.
-Nasser: C'est ça d'avoir des collaboratrices aussi persuasives, si Nour et toi n'aviez pas été là...on serait pas arrivés jusqu'ici.
-Nyhad: Tu rigoles, c'est dû au travail d'équipe tout ça, si t'avais pas coopéré toi non plus, on n'y serait pas parvenus !
Nasser n'en croyait pas ses yeux. Lui qui avait toujours rêvé de monter son propre business, était en train de réaliser son rêve. Il est simple de lancer un tel projet en Arabie Saoudite, encore faut-il être bien accompagné et être sérieux. Or il avait trouvé les personnes idéales en rencontrant Nyhad et Nour, deux expatriées françaises sympathiques et ambitieuses, et en faisant équipe avec elles, il était sûr d'avoir du succès.
-Nasser: Y'a Taha qui devrait passer dans environ un quart d'heure. Il m'a dit qu'il viendrait histoire de nous tenir un peu compagnie, vu qu'il n'a rien à faire ce matin...
Le visage de Nyhad se décomposa à l'instant où elle entendit le nom de Taha. À vrai dire, elle détestait ce gars, elle le trouvait trop faux, pas assez authentique, et surtout très prétentieux. Ce n'est qu'à contrecoeur qu'elle a accepté de faire cause commune avec lui dans le cadre de l'entreprise.
-Nasser, rigole: Allez, fais pas cette tête wesh, j'suis sûr que vous allez finir par vous entendre tous les deux, en plus lui il a rien contre toi !
-Nyhad: Tu m'aurais dit Abdullah, d'accord, parce que lui c'est le sang, t'as capté ? Mais Taha là...frérot dose un peu c'est un vrai dalleux ton ami là, en plus c'est un putain d'hypocrite. Vraiment lui j'peux pas m'le voir, s'il était en France il serait déjà mort depuis un bail à cause de ses conneries.
Nasser se mit à rire de plus belle, visiblement étonné par la haine que sa collaboratrice ressentait à l'égard de Taha. Mais après tout, il la comprenait: Taha ne tenait pas en place. Il faisait tout pour se montrer et enchaînait les conquêtes féminines, ce qui n'était pas du goût de tout le monde même en dehors du travail. Il avait même fait une fixette sur une des filles participant au projet. Pour certains, il y avait quand même lieu de se demander s'il était là pour les affaires ou seulement pour son intérêt personnel.
-Nyhad: Bref, qu'il essaye même pas de me voler le poste de directeur des relations internationales ton chien là, son anglais aussi cassé que les faux ongles de Kendall Jenner après avoir mal coupé un concombre. J'vais mettre du son, qu'est ce que t'en penses ?
-Nasser: Fais toi plaisir. En plus t'as de bons goûts, c'est rare ici.
Nyhad tapota rapidement sur son clavier "Maghrébins" de Mister You et Balti dans la barre de recherche YouTube.
-Nyhad: Sérieux Nasser, écoute moi cette dinguerie, j'ai trop kiffé ce son. C'est un son qu'une amie m'a fait découvrir il y a longtemps , et depuis je l'écoute en boucle. C'est en arabe marocain et tunisien.
-Nasser, surpris: Attends mais t'es pas marocaine de base toi ?
-Nyhad, rigole: Si si, mais ça m'empêche pas d'écouter les sons de mes voisins. C'est vous les incultes, vous croyez que tous les maghrébins se détestent. Comme si j'te rappelais que t'es saoudien parce que t'écoutes des sons qataris alors que c'est le voisinage.
La musique se lança. Nyhad mit un peu d'ordre sur son bureau pendant que Nasser resta concentré sur la musique.
-Nasser: Wow, j'aime bien mais votre dialecte maghrébin est difficile à comprendre...je galère à capter ce qui se dit. Mais je valide en tous cas.
-Nyhad: T'as vu la frappe ? Ça tue !
-Nasser: Ah ouais là pour le coup j'ai compris, c'est stylé franchement.
-Nyhad: Contente de voir que ça t'a plu.
La discussion fut interrompue par Taha qui arriva de nulle part et fit irruption sur le pas de la porte, souriant comme un fou.
-Salam l'équipe !!!
Nasser observa Nyhad du coin de l'oeil et vit qu'elle avait dégainé son meilleur regard d'assassin en guise d'accueil pour Taha. Il alla saluer son ami pendant que Nyhad ne baissait pas les yeux.
-Nyhad, dégoûtée: Salam, l'oisiveté est la source de tous les vices apparemment.
-Taha, sourit: Ouais bon, c'est surtout que j'viens voir si nos projets avancent !
-Nasser: Ça avance, ça avance très bien même. Juste à voir le nombre de CV qu'on a reçu par mail, ça ne peut être que du bien.
Nyhad fixait toujours Taha avec la même expression de dégoût.
-Nyhad: C'est Najia et moi qui nous occupons du recrutement. Va falloir qu'on commence à traiter tout ça aujourd'hui, et je ne tolérerai aucun retard ou dérangement, juste regarde la quantité, on n'a pas le temps pour la rigolade.
Nasser observait silencieusement l'altercation subtile entre ses deux collègues. Il savait que Nyhad essayait de tacler Taha, et la situation lui paraissait assez amusante.
-Taha: Ah bon ?? Vas-y montre moi, c'est trop bien ça ! C'est bon signe...
Les trois se retrouvèrent autour de l'ordinateur, et Taha se mit à lire les noms des personnes ayant envoyé leur candidature à voix haute.
-Taha: Visiblement ça vient du monde entier...Là on a Adem Kara...Kara quoi ? C'est pas arabe ça.
-Nyhad, sèchement: Karakuş. Sûrement turc.
-Taha, concentré: D'accord, d'accord...y'a même des latinos où j'rêve ? Y'a même pas d'arabes, on dirait...
Il s'arrêta soudainement dans sa recherche et s'empêcha de sourire.
-Taha: Sheyla Al Bakri, voilà une personne sérieuse à embaucher de suite.
Il sourit face à l'incompréhension de Nasser et Nyhad.
-Taha: C'est une ancienne camarade. Patiente. Sérieuse. Travailleuse. En somme tout ce dont on a besoin ici, on la prend direct...
Nasser et Nyhad échangèrent un regard. Nasser savait que sa collègue n'allait pas rater une telle occasion pour riposter.
-Nyhad, agressivement: Et depuis quand c'est toi qui décide ici ? C'est moi qui m'en occupe, si son CV ne correspond pas j'vais pas l'accepter juste pour te faire plaisir mon reuf. C'est le bon fonctionnement du business qui nous importe, pas tes intérêts propres.
-Taha: Ohh ça y est t'emballes pas,j'donne juste mon avis...
-Nasser, les interrompt: Bref, le principal c'est que les affaires avancent. Et te concernant, Taha, t'inquiètes pas tu seras satisfait.
Taha regarda Nyhad en arborant un sourire triomphal, ayant l'air de dire "bah tu vois, finalement j'ai eu ce que je voulais", puis se dirigea vers la porte avant de se retourner.
-Taha: Bref, tenez moi au courant de l'avancée des choses, j'veux me préparer à mon futur rôle dans cette entreprise...
Il éclata de rire et salua les deux coéquipiers avant de s'en aller dans le plus grand des calmes.
-Nasser, rit: Wesh il est vif aujourd'hui lui,j'sais pas ce qu'il lui arrive.
-Nyhad: Heureusement qu'il est parti, ouais. Vraiment Nasser, j'sais pas ce qui trotte dans la tête de ton pote, mais j'ai l'impression qu'il veut s'accaparer notre réussite...il parle de son "futur rôle", limite il m'ordonne de recruter quelqu'un dont j'ai même pas traité le cas...bref vraiment chelou lui.
Nasser avait remarqué l'enthousiasme de Taha mais n'avait pas forcément de mauvais soupçons à son égard. C'était son ami et il le connaissait très bien, il savait qu'il était de nature assez joviale. C'était plutôt au sujet de la méfiance de Nyhad qu'il se questionnait. Il pensait qu'elle en faisait trop à son sujet.
-Nasser: Mais non, t'inquiètes ! Là tu sombres carrément dans la paranoïa ma sœur. Tu connais, c'est Taha Sulayman Al Aziz quoi, toujours de bonne humeur pour tout et n'importe quoi. Bref, j'pense que tu refuserais pas une petite tasse de café de ma part quand même ?
Nyhad leva les yeux vers lui en se redressant sur sa chaise.
-Nyhad, lève un sourcil: Et depuis quand je refuserais du café noir bien fort même ? répondit Nyhad en levant un sourcil. C'est avec plaisir merci mon frère. Mais la prochaine fois ça sera du thé à la menthe bien marocain bien authentique.
Nasser se leva en direction de la cuisine afin de préparer le café. Il s'arrêta un instant et contempla la pièce autour de lui. Les locaux de l'entreprise étaient tellement spacieux et s'étendaient sur plusieurs étages qu'ils occupaient un building entier.
"Ce n'est que le début" se dit Nasser en lui-même. Il était content de voir que son projet commençait à porter ses fruits, et espérait que cela aboutisse.
Il prépara donc le café pour deux personnes, un bon café saoudien traditionnel comme à son habitude. Les odeurs de safran et de cardamome lui procuraient un immense bien-être, lui rappelant ainsi les virées au désert avec ses cousins et oncles lorsqu'il était enfant. La fraîcheur de la nuit, le ciel étoilé, l'air pur du désert...lui permettaient de fuir la bruyante réalité de la ville de Jeddah, sa ville natale, la deuxième plus grande ville du pays. Mais les circonstances actuelles ne lui permettaient pas de s'octroyer un tel moment de détente pour l'instant. Nasser n'a pas le temps pour les distractions. Il a un projet en tête et il a la ferme intention de le réaliser quelles que soient les difficultés qu'il rencontrerait en route.
Une fois le café prêt et servi dans les deux tasses, Nasser repartit rejoindre Nyhad dans son bureau et la trouva en grande discussion avec une jeune femme. Il s'arrêta net au pas de la porte. Il était assez réservé avec les femmes, et d'ailleurs, il avait fallu du temps pour qu'il accepte de faire équipe avec Nyhad. Histoire de pudeur, de respect, dit-on.
Il s'obligea cependant à faire irruption dans le bureau. Après tout, c'était lui le patron, et il fallait qu'il s'affirme.
-Nasser, à la jeune femme :Salam alaykum.
Il tendit une tasse à Nyhad qui le remercia, puis posa la sienne sur le bureau près de lui.
-La jeune femme: Alaykum salam.
Il la salua d'un geste de la main auquel elle répondit à son tour d'un geste hésitant.
-Nasser Turki Al Harbi, enchanté.
Elle acquiesça d'un geste de la tête, un sourire gêné se dessinant sur ses lèvres.
-Arwa Sultan Al Rajehi, enchantée également.
Nasser partageait l'embarras de la visiteuse. Il n'ajouta rien à ses propos et se laissa choir sur un fauteuil qui se trouvait face au bureau. Voyant que personne n'était très à l'aise, Nyhad tenta de rattraper le coup en racontant à Arwa comment elle avait rencontré Nasser, l'anecdote étant assez cocasse.
-Nyhad, en riant: Vous voyez, lui là, c'est lui le boss ici. Vous savez comment on a monté ce projet ensemble ? Quand je vivais en France, mon rêve était de lancer un business dans un pays du Golfe, plus spécialement l'Arabie Saoudite. Je me renseignais avec ma collègue Nour, d'ailleurs vous aurez l'occasion de la voir bientôt, pour voir quelles opportunités étaient offertes.
Nasser éclata de rire, connaissant la suite de l'histoire.
-Nyhad: Du coup, on essayait de poser des questions à des locaux via les réseaux sociaux, plus particulièrement Instagram. Et c'est là que j'suis tombée sur ce zinzin de l'espace.
Arwa émit un petit rire discret. Elle resta sur la réserve, tandis que Nasser commença à s'enhardir.
-Nasser, rit à son tour: Eh arrête de mentir comme ça hein, t'es venue m'agresser en DM avec tes copines j'avais rien compris ! J'me disais de une: c'est quoi ce groupe "business" dans lequel on m'a ajouté, et de deux :c'est qui la folle qui parle en arabe marocain presque incompréhensible dans les vocaux. Naaan vraiment, la vérité, elle me faisait peur au début, comment elle est méchaaaaante...
Nyhad le regarda d'un air outré avant de revenir à la charge. L'atmosphère était déjà bien plus détendue qu'au début.
-Nyhad: J'vous jure que c'est un menteur ! Certes j'ai été directe mais je l'ai pas agressé...ARRÊTE DE RIGOLER TOI !
(Elle menace Nasser de lui renverser le café tandis que celui-ci faillit tomber en esquivant un revers)
Cette fois-ci, Arwa éclata d'un rire gracieux, la main devant sa bouche. Elle avait visiblement apprécié la scène entre Nasser et Nyhad.
-Nyhad, alarmée: Eeeeh mais d'ailleurs, on vous a même pas proposé de café ! Asseyez-vous, mettez vous à l'aise, je cours vous en chercher tout de suite.
Et avant même qu'Arwa ne puisse émettre d'objection, Nyhad s'envola dans la cuisine, la laissant seule avec Nasser. Pris au dépourvu, les deux échangèrent un bref regard. Nasser se contenta de regarder le plafond tandis qu'Arwaa baissa les yeux en rougissant.
Heureusement pour eux, Nyhad revint deux minutes plus tard, les sauvant de ce tête à tête perturbant et non désiré.
-Nyhad, sourit et donne la tasse à Arwa: Voilà pour vous !
-Arwa: Merci beaucoup.
Les deux jeunes femmes continuèrent leur discussion. Nasser, quant à lui, resta silencieux. D'après ce qu'il entendit de la conversation, Arwa était venue déposer son CV en mains propres, ne sachant pas qu'elle avait la possibilité de l'envoyer par mail.
-Nyhad, se lève: On vous enverra un mail pour vous confirmer la date de l'entretien.
-Arwa, se lève également: D'accord, pas de soucis, ça marche.
Elles se serrèrent la main d'un geste professionnel et se saluèrent. Le regard de Nasser croisa une dernière fois celui d'Arwa avant qu'elle ne disparaisse au bout du couloir, sa longue abaya kimono grise aux reflets argentés flottant derrière elle avec élégance.
-Nyhad, d'un ton compatissant: Elle est toute mignonne miskina.
La Marocaine n'avait pas tort. Nasser avait remarqué le tempérament timide d'Arwa. Elle ne s'était pas adressée à lui sauf pour se présenter. Hormis cela, elle ne parlait qu'à Nyhad.
Nasser y pensait justement lorsque sa collègue claqua des doigts devant ses yeux pour le faire revenir à la réalité.
-Nyhad, en fixant Nasser: Oh ! Nasser, à quoi tu penses frérot ?
-Nasser, se redresse soudainement: Hein, de quoi ? Bah rien, juste j'réfléchissais.
Nyhad ricana, peu convaincue.
-Nyhad, rigole: Mouais ouais...on y croit tous. C'est vrai que c'est une jolie fille !
Coup dur pour le Saoudien.
Ça serait mentir à lui-même s'il disait le contraire, c'était la réalité mais il n'en était pas bouleversé non plus. Il avait déjà vu des dizaines de filles comme elle.
-Nasser, se tourne vers Nyhad: Ma parole, toi tu devrais devenir scénariste avec tout ce que tu t'imagines !
-Nyhad, d'un air malicieux: Mais de toute façon ça s'voyait, la façon dont tu l'as saluée, avec ton regard fuyant là, j'avais tout de suite compris !
-Nasser, rire nerveux: Nyhad, j'ai pas l'habitude avec les femmes, comprends-moi. Bon, on devrait commencer à voir les CV, les lettres de motivation et planifier les entretiens dès maintenant, tu veux bien ?
-Nyhad, en riant: Comme tu veux chef.
Les choses sérieuses commencèrent. Il y avait plus de 60 candidatures. Une réunion entre les fondateurs et leurs associés a été programmée pour avoir lieu en fin de semaine, pour discuter des différents buts du projet et surtout de se mettre d'accord sur certains points.
Les deux semaines à venir allaient donc visiblement être chargées.
----------------
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top