٧

N Y H A D ~ نهاد

J'viens de rentrer chez moi, j'suis vraiment claquée. Vous m'connaissez pas encore, mais faut savoir que j'suis quelqu'un qui adore sortir...ce qui explique qu'au lieu de rentrer directement chez moi après le taff, je suis allée faire un tour au Mall of Arabia avec Nour. J'avais proposé à Najia de venir mais j'avais oublié qu'elle était encore occupée avec les entretiens, mais tranquille, d'après ce que Nasser m'a dit, c'est bientôt fini.

Eh mais deux secondes, en parlant de Nasser, j'le trouve grave pensif en ce moment, j'sais pas à quoi il peut penser mais il a vraiment l'air préoccupé. Sa façon d'être, de parler même, a aussi assez changé à mon goût. Et ça a pas l'air d'avoir un rapport avec le travail, j'le sais pertinemment, même si je n'ai pas plus d'éclaircissements. J'sens qu'il me cache quelque chose, mais je finirai bien par savoir.
À l'heure qu'il est actuellement, j'suis dans mon salon devant une série turque avec un verre de thé à la menthe marocain bien authentique, aka la définition de la tranquilité absolue. Putain, ça faisait longtemps que j'avais pas eu de moments comme ça pour moi toute seule, toujours obligée de courir à droite et à gauche, d'habitude.
J'étais à fond dans mon épisode lorsque mon téléphone sonna soudainement, affichant un appel de Nasser, comme par hasard peu de temps après que j'aie pensé à lui.

-Moi: Ouais allô ?

-Nasser: Salam Nyhad ça va ?

-Moi: Écoute ça va on est là hein, et toi ?

-Nasser: Tranquille aussi, ouais du coup, comme je t'ai pas vue en fin d'aprem j'voulais te dire que ça y est, la semaine prochaine on va pouvoir commencer pour de vrai, wesh l'entreprise va vraiment être lancée quoi...wallah j'suis trop content t'as pas idée !

-Moi: Jure, mais ça tue ! J'pensais que ça prendrait plus de temps. J'partage ta joie frère, le travail ça paye, de toute façon. En tous cas j'ai hâte aussi !

Ça fait plaisir de voir mes amis contents sah, ils méritent tous de réussir.

-Nasser: Enfin, enfin...j'avais attendu ce moment toute ma vie wesh.

Sa réponse me fit rire et je décidai de l'embêter un peu. Comment j'aime trop chambrer les gens, c'est grave.

-Moi: Arrête de nous jouer le Imru l'Qays (poète arabe de l'ère préislamique) ici, crari ça sort les tournures poétiques et tout, à croire tu t'es marié avec les bâtiments du siège de la marque. 

Nasser rigola à ma réponse, mais je n'avais pas fini, loiiin de là.

-Nasser: J'ai juré toi t'es pas toute seule dans ta tête...

-Moi: J'sais pas, y'a moyen hein, j'essaie juste de divaguer un peu vu que t'as l'air tendu en ce moment.

Silence. Serait-ce le silence coupable d'une personne prise en flagrant délit de cachotterie ? Absolument.
J'le savais, de toute façon.

-Moi: Alleeeez, entre nous Nasser, ça s'voit qu'il y a quelque chose qui va pas en ce moment. Dis moi tout.

-Nasser: Mais non, qu'est ce qui te fait dire ça exactement ?

Je sais, j'sais qu'au fond il veut en parler mais il n'ose pas. Ça fait seulement presque un an qu'on est amis mais j'connais bien son fonctionnement, il essaie d'orienter la discussion pour que ça débouche directement sur ce qu'il veut dire.

-Moi: T'as l'air de beaucoup réfléchir, et ça s'voit que c'est pas par rapport au taff, tout ça...

Désorienté, Nasser sait désormais qu'il ne pourra plus se cacher longtemps. Va t-il enfin me dire ce qui se passe ? On verra bien, j'pense qu'il faudra quand même continuer le forcing.

-Nasser: Naaan, c'est...

-Moi: C'est ?

-Nasser: C'est juste, comment te dire...C'est une histoire qui ne concerne que moi, voilà.

Ah, au moins il nie pas qu'il a un souci, c'est déjà ça même s'il ne me dit pas de quoi il s'agit.

-Moi: Ah bah voilà, j'avais pas tort...

Force à lui en tous cas, s'il ne veut pas m'en parler c'est qu'il estime que ce n'est pas la peine et j'le comprends. Parfois, y'a des choses qu'on préfère garder pour soi, ça arrive.

-Nasser: Ouais bon, ça passera. Je t'ai pas dit aussi...tu vois le coffeeshop de mon shab Shams ?

Ah ouais, le coffeeshop de Shams, l'endroit où on trouve les meilleurs ice matcha de toute la ville, j'en ai déjà beaucoup entendu parler mais je n'y suis jamais allée.

-Moi: Ouaiiis, même tu travaillais là-bas fut un temps ?

-Nasser: Exactement, en fait on va le privatiser un soir comme ça on s'fait un truc tous ensemble histoire que tout le monde fasse connaissance, tu vois ? C'est Talal qui a l'idée, j'me suis dit pourquoi pas.

-Moi: C'est grave bien sah, bonne initiative. Du coup on fait ça quand, la semaine prochaine ?

-Nasser: J'dirais lundi soir, c'est bon ?

-Moi: Ouais, c'est carré, parfait.

On parla encore de tout et de rien pendant un moment lorsque Nasser me proposa de le rejoindre.

-Nasser: Eh mais viens au fait, j'suis au coffeshop justement, t'inquiètes ça sera drôle comme la dernière fois où t'as terminé le client qui forçait avec Rawda, la sœur de Shams !

Eh ?! Doucement le sang, déjà que j'suis rentrée assez tard et que j'ai une flemme de fou malade, il veut me faire ressortir ?

-Moi: T'es sérieux frère ? J'ai la flemme supplément si y'a rien pour divertir c'est toi que j'vais terminer.

-Nasser, éclate de rire: T'inquiètes je t'ai dit, wesh en plus y'a Rawda, Talal, Abdullah et même Eyad devrait arriver normalement, ahchem quand même c'est...

-Rawda, prend le téléphone de Nasser: Nyhad dépêche-toi de venir en faiiit, ça va être drôle en plus j'serai plus seule avec ces sauvages là ! De base c'est les animaux dans les cages, bah là c'est le contraire, une humaine enfermée par des animaux.

MDRRRRR elle est trop drôle Rawda. Elle a vraiment un humour spécial, naturel, je dirais. Bon allez, j'crois j'vais faire un petit effort quand même, finalement j'y vais.

-Moi: Bon alleeez, comme c'est toi qui demande j'accepte, solidarité féminine ici j'peux pas te laisser comme ça dans un centre animalier ma sœur.

-Rawda: YOUHOUUU !

-Nasser,reprend le téléphone: Bah vas-y on t'attend chef, et aussi on verra qui est l'animal mdrrr.

-Moi: Ouais ouaiiis, vas-y l'animal j'arrive.

Je raccrochai et je suis allée mettre un kimono noir par dessus mon t-shirt et mon jogging. J'enfilai ensuite mes baskets et sautai dans ma voiture en direction du coffeshop.
Ça vaaa, en soit c'est pas si loin de chez moi. Jeddah est une très grande ville, la deuxième plus grande ville d'Arabie Saoudite après Riyad, la capitale, c'est possible de s'y perdre mais une fois qu'on a l'habitude ça passe crème.
Quelques minutes plus tard, j'étais arrivée au coffeeshop de Shams. J'vous jure qu'il a beau être tard, les rues sont BONDÉES. Tu vois de tout et n'importe quoi et ils ont bien l'air d'apprécier la vie nocturne, mashaAllah les chauves-souris.
Breeef, j'ai exagéré mais bon franchement ce qui me plaît ici, c'est que c'est safe, vraiment sécurisé à fond, voilà pourquoi j'suis dehors à l'heure là et que j'risque rien.

Je stationnai dans le petit parking situé à côté puis sortis de ma voiture pour aller en direction du coffeeshop, mais avant ça, je m'assurai de n'avoir rien oublié.
Oui parce que si j'oublie mon téléphone ou mes clés, ça va pas le faire.
Au moment où je montais les petits escaliers qui menaient à la porte coulissante automatique, j'entendis des voix très familières derrière moi.
C'était Sheyla et Taha, putain, toujours obligés de se faire remarquer même quand y'a personne autour.

-Taha: Nyhad ?

Je me retournai d'un coup pour lui faire face. Comment je le déteste, c'est une dinguerie, j'ai envie de le balayer.

-Moi: Qu'est ce tu veux ?

Il ouvrit grand les yeux d'un air amusé et regarda Sheyla qui se retenait de rire.

-Taha: Weeesh calmos hein, tranquille y'a pas le feu, c'est juste Sheyla qui veut te parler, c'est vos histoires de filles quoi...

-Moi: Elle a pas de langue pour que ça soit toi le messager ?

L'autre elle réprimait de plus en plus son fou rire, et j'ai une grosse envie de lui arracher son châle rose bonbon là.
Sheyla, c'est le genre de meuf qui va faire la vaillante devant les mecs, mais quand elle est seule ou face à des filles, elle baisse bien le museau.
Bien dégoûtante sa façon de procéder.

Voyant que Taha ne bougeait pas mais se contentait de s'esclaffer silencieusement comme une poule handicapée, j'ai décidé de le faire dégager à ma manière. J'essaie même pas d'être diplomate avec ce genre de personne, j'utilise direct la manière forte.

-Moi: Bah wesh cousin qu'est ce qui t'arrive tu rentres pas ? J'savais pas que t'étais devenue une femme en l'espace de quelques minutes.

-Taha: Qu'est ce tu racontes encore toi ?

Hahaha, j'avais touché là où ça fait mal. Miskine, il essayait de mal me regarder mais il louchait juste en diagonale ce fou vicieux.

-Moi: C'était pas censé être une histoire de filles là zehma ?

Contre toute attente, je l'attrapai par le bras et le tirai jusqu'au haut de l'escalier.

-Taha: Mais wesh t'es malade ou quoi ? Wallah t'es atteinte !

Je le poussai violemment lorsque la porte coulissante s'ouvrit.

-Moi: Allez déblaye de là, weld l'hram (fils de l'illicite= équivalent de fdp) va, il est malade lui.

Après m'être débarrassée de ce fumier, je redescendis les marches pour rejoindre Sheyla qui, apparemment, veut me parler.
Le contraste entre elle et moi est frappant. Elle est vêtue d'un haut et d'un pantalon de couleur blanche et d'un kimono rose clair. Elle avait posé son voile sur sa tête comme le font habituellement les filles ici, laissant apparaître ses longs cheveux noirs très lisses, tandis que je suis vêtue d'un haut blanc, d'un jogging et d'un kimono noir, les cheveux attachés en chignon et mon châle noir sur les épaules.
Pas le même style, et surtout pas la même personnalité. J'pourrais jamais être amie avec une fille qui ne connaît pas la solidarité féminine et qui rabaisse ses semblables pour tenter de satisfaire la gente masculine.

-Moi: Je t'écoute ?

Elle regarda autour d'elle pour voir si quelqu'un pouvait l'entendre.

-Moi: Crache le morceau j'ai pas le temps là, Nasser m'attend deeepuis.

-Sheyla: Justement, ce que j'veux dire...ça concerne Nasser, vu que tu le connais très bien, j'voudrais que...

Soudain, une jeune femme d'environ notre âge arriva vers nous.
Elle semblait avoir couru, elle avait le bas du visage couvert de son châle et elle avait l'air vraiment en panique.

-Salam, ça vous dérange pas qu'on rentre ?

-Sheyla: Excuse-moi mais tu es ?

Elle est chiante, mais elle est chiaaaante...Frère tu vois pas que la fille est au bout de sa vie ?

-Moi: Bien sûr, viens, on y va.

On entra, et elle nous demanda si on était des habituées de l'endroit et où étaient les toilettes pour femmes.

-Sheyla: Suis-moi, c'est par ici.

Bizarrement, Sheyla a été très avenante avec elle. Peut-être qu'elle avait peur que je la fauche au moindre faux pas, qui sait ?

La fille était toujours paniquée, la pauvre. Elle répondait à moitié à mes questions et son téléphone, qui était posé sur le rebord d'un lavabo, ne faisait que vibrer et sonner, ce qui est très bizarre...

-Sheyla: Mais c'est qui cette personne qui arrête pas de t'appeler, c'est écrit Mohammed... Y'a même un message où c'est écrit "je sais où t'es rentrée, j'arrive." c'est...

Sheyla n'eut même pas le temps de finir sa phrase que la jeune femme tomba à terre, évanouie.

-Moi: Mon Dieu, qu'est ce que c'est que ce bordel...

J'ordonnai à Sheyla de mettre la victime en position latérale de sécurité et d'appeler un des garçons si besoin.
Quant à moi, je pris le téléphone de la fille et répondis à l'appel.

-Moi: Vous êtes ?

Aucune réponse, comme par hasard.
J'sais pas qui ça pourrait être, mais il a bien dû se pisser dessus pour raccrocher comme ça, ce fils de pute.

Ce n'est qu'en me retournant et en regardant ce que Sheyla faisait que je me rendis compte que la fille qui venait littéralement de s'évanouir de peur sous mes yeux était...ARWA.

----------------




Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top