CAPÍTULO QUATRO
— Je comprends vraiment pas ce que tu as voulu faire... avouais-je en inclinant ma tête pour essayer de déchiffrer l'oeuvre d'un des prisonniers.
— C'est pourtant pas compliqué !
Il soupira avant de se lever, il pointa son tableau du doigt prêt à me donner une interprétation qui passe moyen. Ça fait à peine trois jours qu'il sait peindre et il se croit déjà à un vernissage au Louvre.
Pour faire court, il avait dessiné à la pastel à huile un portrait d'une jeune femme qui avait littéralement sa poitrine à la place des yeux... Profond.
— C'est une critique ! Pour dire que les gens regardent pas l'âme d'une fille en général, ils prennent pas le temps de comprendre son histoire à travers ses yeux. Ils s'efforcent de la regarder dans les yeux uniquement pour pas mater ses pare-chocs, commenta le roux.
— Tu étais si bien parti mais les trois derniers mots ont tout gâcher... Enfin, à partir du moment où ça exprime ce que tu penses c'est de l'art. Belle interprétation au passage.
— Merci mec ! Fit-il en souriant sincèrement.
— Je suis une fille...
Si on me donnait un euro à chaque fois que je précisais mon sexe, je pourrais racheter la maison de Beyoncé. Pour en revenir à son dessin, il n'était pas moche mais je ne raffolais pas des œuvres vulgaires donc je peinais à montrer mon contentement face à son tableau. Surtout que c'est pas du tout ce que j'avais imposé comme thème mais bon, personne ne m'écoute jamais de toute façon.
Je continuais de me promener dans l'allée en observant rapidement ce qu'était entrain de faire chaque détenu et si certains d'entre eux avaient besoin de mon aide mais ils semblaient tous inspirés. Je m'arrêtais à la hauteur de la place où devait normalement se trouver Wonho sauf qu'il n'y était pas, je fronçais les sourcils avant de croiser le regard de Chigga qui m'observait comme un enfant puni, son regard se voulait méchant mais était ridicule.
— Il voulait pas venir, il a préféré rester dehors, déclara-t-il de manière évasive.
J'hochai la tête en guise de merci, donc là un de mes élèves vient de sécher mon cours, je sais désormais ce qu'a ressenti mon professeure de mathématique en quatrième quand j'ai préféré simuler une gastro plutôt que d'assister à son marathon de math de mes deux.
Quand l'heure fut terminée, j'étais restée planter devant le grillage comme une sorte de pervers, je regardais Wonho courir dans la cour sans trop savoir quoi faire ni penser. Je ne comptais pas le supplier d'assister à mes cours mais c'était tellement triste de savoir que je n'avais pas réussi à lui prouver que l'art était quelque chose de primordiale dans nos vies et non pas une futilité réservée aux bobo gauchistes.
Allez Linda, soyons fous. Je balayais l'endroit du regard, m'attardant sur chaque recoin pour vérifier si aucun gardien ne surveillait la zone puis enfila ma veste en jean avant de rentrer précipitamment dans le terrain et me mettre à courir également. Je ralentis au moment où Wonho arriva à ma hauteur, je lui adressai un sourire maladroit ce qui rendit ses yeux ronds comme ceux d'un poisson.
— Mais t'es malade ?! Rentre chez toi ! M'ordonna-t-il en continuant son footing.
— Non ! Il faut qu'on parle, pourquoi t'es pas venu aujourd'hui ?
Il me zieutait du style "WTF en quoi ça te regarde ?" avant d'accélérer la cadence, je me retrouvais en retrait car je courrais comme une obèse mais essayais tout de même de le rattraper.
— Eh ! Ne fuis pas comme ça ! Articulai-je, essoufflée.
— Arrête de me coller ! Je viens plus, OK ? En quoi ça change ta vie ?
— Tu ne peux pas partir comme ça ! Tes dessins sont vraiment magnifique et ton Etude pour ton prochain calligramme possède des détails intéressants. Tu as réellement du talent et je ne peux pas t'abandonner comme ça !
— Tu me veux que parce que j'ai du talent, que parce que je remonte l'estime du groupe. Si j'avais été aussi naze que Velour tu m'aurais laissé partir comme lui.
Je réfléchissais à quelque chose à rétorquer mais je me rendis compte que ses mots étaient vrais, j'avais accepté le départ du premier détenu car il semblait totalement insensible à ma matière. Je sentis une sorte de honte m'envahir, je m'étais fixée comme objectif de tirer vers le haut tous mes élèves et non pas seulement ceux qui avaient des capacités ou qui semblaient intéressés.
Si j'avais été un bon prof, j'aurais su transmettre ma passion et l'importance qu'a l'art dans nos vies. Je commence à me dire que je ne suis pas aussi passionnée et investie que je le pensais.
Wonho était déjà loin mais je ne comptais pas le rattraper. Je me résignais avant de m'arrêter et de lui lancer une dernière phrase.
— Je suis désolée, j'ai toujours eu la mauvaise manière de traîner avec les gens dont j'ai besoin et non pas les gens que j'aime.
Je soupirais avant de retirer ma veste qui me collait à la peau à cause du marathon que je venais de faire et sortis du terrain, j'hésitais entre aller pleurer dans les toilettes de chez moi ou bien ceux du Mcdo.
J'avais tellement hâte que ce stage se termine, j'espérais tout de même qu'on ne finisse pas à trois en cours à la fin des deux semaines.
Une main m'agrippa l'épaule, je ne pris pas la peine de me retourner en sachant pertinemment que c'était Wonho, je levai les yeux au ciel et croisais les bras.
— C'est bon j'ai compris, pas la peine de continuer à me faire des reproches !
— Retourne dans ta cellule, me répondit une voix inconnue à mes oreilles.
Deux grandes mains me firent pivoter, je tombai nez à nez avec un gardien qui me surplombait tellement que je ne voyais même plus le soleil.
— Hein ? Mais je ne suis pas une détenue ! M'agitais-je.
— On a déjà essayé de me draguer pour pouvoir sortir mais de là à se faire passer pour une fille... Retourne dans la prison avant que je prévienne la directrice adjointe.
Je n'eus même pas le temps de répliquer qu'il me souleva et me mit sur son épaule, attendez mais j'allais pas aller en prison quand même ? Je continuais mes explications qui sonnaient comme des jérémiades tout en tentant de me débattre mais j'avais la force d'une petite cuillère, je me détestais vraiment.
Il se rapprocha de la porte du hall du pénitencier, je sentais les ennuis arrivés jusqu'à ce que Wonho ne débarque en courant et se place devant le bonhomme qui me portait comme un sac de riz.
— Eh stop ! C'est pas un prisonnier c'est ma prof d'art ! S'écria-t-il.
— On ne dit pas "une prof" mais "un prof", le nom "professeur" n'a pas de féminin, corrigeais-je.
— Ferme-la, j'essaie de t'aider là !
Je me tus instantanément, j'avais aussi la mauvaise manie de toujours ramener ma fraise quand il le fallait le moins.
— Il vient de sortir du terrain, quel genre d'idiot voudrait faire son footing au sein d'une prison ? Dit le gardien.
— Bah Linda du coup... mais c'est réellement une fille ! Vas-y Linda montre lui tes seins !
— Non mais ça va pas ?! M'énervais-je.
En plus j'ai pas de seins.
Un long soupir se fit entendre, l'agent de sécurité me fit descendre de son épaule et repartit je-ne-sais-où, comment ai-je fait pour ne pas remarquer qu'un gars d'un mètre quatre vingt dix nous surveillait ? Je suis vraiment débile ma parole.
Le prisonnier me tendit sa main, je l'acceptais et une fois relevée je n'osais même pas le regarder en face. Je ne savais pas s'il m'en voulait ou pas, je fixai le sol en adoptant l'attitude la plus gênante qu'il soit.
— Je reviens dans ton cours, finit-il par annoncer.
Je levai brusquement la tête, un sourire de psychopathe orna mon visage et je me mis à sauter sur place en lâchant des "sérieux ? sérieux ! Sérieux ?!".
— J'ai pas toujours été facile à vivre, ni les autres prisonniers d'ailleurs donc on peut te supporter aussi. Et désolé pour t'avoir dit que t'avais pas ta place ici...
— C'est rien ! On était tous un peu énervé à ce moment là de toute manière, je suis trop contente que tu reviennes !
Il me dévisagea en faisant une tête bizarre, apparemment perdu face à ma réaction qui pouvait sembler un peu burlesque mais j'étais tellement heureuse que tout soit rentré dans l'ordre. Parce que je venais clairement de vivre les trente dernières minutes les plus bizarres de ma vie.
— Pourquoi t'es aussi excitée à l'idée que je revienne ? Me demanda-t-il.
— Bah, gémis-je comme si c'était évident car t'es talentueux ! T'as réellement un potentiel en dessin, j'adore ce que tu fais ! Puis t'as été super gentil avec moi, t'es le seul à m'avoir défendue contre Chigga.
Il avait l'air d'avoir du mal à réaliser ce que je lui disais, il se mit à tripoter son oreille gauche en évitant tout contact visuel. Lui aussi il adoptait des attitudes plutôt embarrassantes.
— Je pensais pas avoir été aussi gentil avec toi.
— Mais je te trouve gentil en général, là tu viens de m'empêcher d'aller en prison sans raison !
Il sourit bêtement en regardant ailleurs, je suppose que monsieur n'a pas l'habitude des compliments.
— Tu devrais mieux réagir quand on te complimente, t'es moins pire que ce tu penses, fis-je.
J'ai le culot de dire ça alors qu'il en prison quand même.
MYŪZU → 18/08/2018
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