o8. GABY
Man or a monster, Sam Tinnesz ft Zayde Wølf.
GABY ÉTAIT CLOÎTRÉE DANS SA CHAMBRE. Elle s'était faite renvoyer jeudi de son lycée, et depuis, une animosité constante envahissait son logis dès que ses parents étaient présents.
La tension était d'autant plus forte une fois que ses parents s'étaient entretenus avec la directrice. Cette dernière les avait informés de la part des événements — à savoir ses possibles penchants lesbiens — dont Gabrielle avait omis de leur parler.
Elle avait pourtant réussi à dégoupiller un tant soit peu le conflit avec ses parents, enfin principalement sa mère. Son père n'avait pas été le plus simple à apaiser. Bien qu'il était au parfum du manque de sociabilité récurrent de sa fille, il la tenait en grande estime car elle faisait preuve d'une perspicacité et d'une curiosité surprenantes pour une jeune fille de son âge.
En dépit du fait qu'elle s'était faite remarquer durant son enfance pour avoir la langue trop pendue ou l'âme trop aventurière, son père la pensait pleine de bon sens et tenant en horreur tout ce qui avait attrait à la violence. Or, Gaby s'était construite autour d'un fort penchant pour la justice, et n'avait aucune crainte à en venir aux mains si cela était nécessaire.
Pour cette raison, il avait appris cette nouvelle comme un coup de massue. Il avait cru que Gabrielle avait mûri et s'était rangée, mais il n'en était vraisemblablement rien. Il n'avait donc pas réellement pris de pincettes lorsque sa fille et lui avait conversé par appel le jeudi précédent.
Ce matin-là, Gaby venait de s'être battue dans les vestiaires après une énième brimade, s'était retrouvée chez la directrice — où elle avait été témointe d'une relation extra-conjugale entre celle-ci et son professeur de sport — puis s'était faite renvoyée de son école.
Sa mère l'avait sommée de l'appeler sans plus attendre et elle avait obtempéré. Leur conversation houleuse achevée, alors qu'elle s'apprêtait à retirer son oreillette, un nouvel appel l'arrêta dans sa lancée. C'était son père. Elle avait pris peur, redoutant cette conversation.
Néanmoins, elle tenta de se rassurer en se rappelant qu'il valait mieux calmer la situation par appel via la puce plutôt qu'en face à face. Elle prit de ce fait son courage à deux mains, inspira à fond et appuya sur l'écran.
La voix de son père résonna dans son oreille droite. Ce son la glaça. Cela semblait si réel, si bien qu'elle s'attendait à le voir se matérialiser devant elle.
(Papa) J'attends tes explications, dépêche-toi.
Gaby était à présent sortie du lycée, et s'était assise sur un pan d'herbe artificielle longeant le chemin menant à son ancienne école.
Elle aurait voulu avoir parlé la première, avoir pu lancer la conversation vers un certain axe, à son avantage. Mais son père avait pris la parole avant qu'elle ne le put. On aurait pu dire qu'il n'avait orienté le dialogue d'en aucune manière, mais ces quelques mots avaient déstabilisé sa fille au plus haut point.
Elle ne savait comment débuter ses explications. Avec sa mère, c'était plus simple car elle lui posait la plupart du temps des questions, auxquelles Gaby se contentait de répondre. Son père fonctionnait autrement lors d'un interrogatoire préliminaire et lui laissait le champ libre. Cela pouvait se révéler une aubaine comme un arrêt de mort.
(Gabrielle) Eh bien, je... il y avait cette fille qui... qui me harcelait...
(Papa) Qu'est-ce que c'est que cette histoire? Tu ne nous en as jamais parlé avec ta mère.
Son ton était sec et ne semblait laisser à Gaby aucune chance de rédemption.
(Gabrielle) C'est juste que ça a commencé parce que... parce qu'à cause d'une rumeur, elle a cru que je voulais me rapprocher de son petit ami — ce qui est une ineptie, je ne ferais jamais une pareille chose. Et alors, elle a commencé à me réprimander à maintes reprises. Je ne voulais pas vous déranger ni vous décevoir parce que je ne parvenais pas à faire cesser ce calvaire.
(Papa) Tu aurais dû, au contraire. Regarde où cela t'a menée, ou même nous a menés. Nous sommes à la mi-juin, c'était quasiment la fin de l'année, bon sang! Et faire un tel remous, qui plus est! Cela va faire jaser dans tout le quartier, comme si ta mère avait besoin de cela alors qu'elle vient d'ouvrir enfin sa propre librairie!
(Gabrielle) Mais enfin, papa, ce n'est tout de même pas de ma faute si je me faisa—
(Papa) Gabrielle Guilbert, tu ne m'interromps pas lorsque je te parle. D'autant plus dans un tel contexte. Je suis extrêmement déçu de toi. Je pensais que tu avais réglé ces problèmes de comportement digne d'une... d'une indigente. J'aurais dû te mettre en école privée. Mais tu penses, ta mère s'y est formellement opposée! Je n'aurais pas dû l'écouter. (Il marqua une pause) Tout de même, renvoyée! Ren-voy-ée. Je n'arrive même pas à saisir ce que tu as pu faire pour l'être. Quand je repense à tout ce par quoi tu nous as fait traverser, toute ton enfance, je me dis que ce n'est pas véritablement étonnant.
(Gabrielle) Je suis vraiment, vraiment désolée. Je te promets que ça ne se reproduira jamais plus.
(Papa) Je ne te le fais pas dire, petite sotte! Tu n'iras plus en école publique. Même si ça nous coûte toute une tête, tu rejoindras un établissement privé où tu recevras un encadrement à ton niveau. J'ai bien peur que si tu persévères dans cette voie, tu risques de ne pas te trouver de mari.
(Gabrielle) J-j'ai toujours 16 ans, papa. Je n'ai pas encore songé à ça...
(Papa) Eh bien, tu devrais! J'ai rencontré ta mère au lycée, je te ferais dire! Ça pourrait même t'être bénéfique de te trouver un compagnon, pour qu'il te remette les idées en place. Tu as besoin d'un homme dans ta vie pour te restructurer et te rappeler les convenances de ce monde.
(Gabrielle) Tu parles comme si j'étais une anomalie, je suis humaine.
(Papa) Oui, nous sommes tous humains, mais est-ce que ça veut vraiment dire que nous sommes bons et sains d'esprit?
(Gabrielle) Je sais que tu es déçu de moi et je te jure que je vais essayer de m'améliorer, papa. Le fait est que changer un aspect de moi-même est beaucoup plus compliqué que je ne l'aurais pensé.
(Papa) Continue d'essayer dans ce cas.
Son père avait alors raccroché sans plus de cérémonie et sans même l'annoncer. Gaby en était restée bouche bée. De son point de vue, ils n'avaient pas encore fini de discuter.
Cela s'était déroulé d'une étrange façon et Gabrielle n'en était pas ressortie moins soulagée. C'était plutôt l'inverse, elle avait la sombre impression que cela n'avait été que le préambule d'une plus ardue bataille.
Ce sentiment s'était confirmé le soir venu, lorsque ses deux parents revinrent de leur travail. La mère, Florence, semblait calme, mais ses traits étaient tirés. Peut-être était-ce là le signe d'une journée éprouvante à travailler parmi des commères.
Son père, Gustave, était tout d'abord rentré chez lui avec le visage neutre, ayant balayé de son esprit tout souvenir de cette nouvelle calamiteuse. Lorsqu'il pénétra dans son appartement, tout lui revint comme la foudre s'abat sans aucune prévention.
Ses yeux devinrent sombres et son dos s'arrondit. Il n'avait pas la moindre envie d'avoir cette conversation avec sa fille, mais il n'avait pas d'échappatoire possible. De plus, le supplice ne serait pas achevé le soir même car la directrice avait demandé à les recevoir le lendemain soir.
Dans l'appartement, Gaby patientait, tendue, sur le canapé. Elle y était assise depuis qu'elle était rentrée, en fin de matinée. Elle n'avait pas mangé quoi que ce soit, de peur de régurgiter son repas. Gabrielle s'était d'abord installée au fond, collée contre le moelleux du canapé, puis elle avait opté pour la position allongée en position fœtale, et enfin, elle s'était assise, le dos droit.
Leur appartement comportait le nombre de pièces minimum, chacune de taille moyenne et lumineuse. Un petit vestibule dans l'entrée permettait de ne pas entrer dans la salle à manger dès que l'on entrait dans le logis. Hormis cette simple particularité, c'était un appartement sobre, dans les tons blancs et gris, sans extravagance.
Le salon en était un parfait exemple: plutôt impersonnel et vide, pour ne pas boucher la vue panoramique qu'offraient les très grandes vitres, étalées sur presque tout le mur du fond. Le couple avait simplement disposé un canapé à angle au centre de la pièce, ainsi que trois fauteuils, auxquels se joignaient des lampes, un grand tapis gris et un écran fixé au mur sur la gauche.
Autrefois, Gabrielle adorait tout particulièrement tirer un siège à côté des fenêtres et s'y asseoir pour contempler la vue. Ils se trouvaient à un étage assez élevé et ils avaient de ce fait une vision plutôt plongeante de la ville — Arlet. Jadis, avant que les immeubles ne remplacent les maisons, Gaby se demandait à quoi cela pouvait ressembler, de voir le monde de si bas et aucun bâtiment frôlant les nuages. Ils devaient bien garder les pieds sur terre ceux-là.
Cependant, fidèlement aux familiarités du Nord, au temps du retour aux souvenirs anciens, les immeubles avaient été conçus avec des briques de couleur rouge, semblables aux maisons d'antan. Ce n'était plus la même chose, c'était certain, mais cette singularité était tenace.
En ce jour, Gabrielle n'avait pas le cœur à observer au dehors. Le soleil pouvait être aussi incandescent qu'il le souhaitait, elle n'avait en tête que l'orage qui grondait au loin.
Florence fut la première à venir s'installer dans un fauteuil disposé à côté du canapé de couleur blanche. La mère tourna la tête vers son mari, résignée, l'implorant presque de venir. Bien que le père ruminait cette nouvelle, la mère n'avait cessé d'y songer et avait eu le temps d'y réfléchir assez pour s'apaiser.
— Bonsoir, Gabrielle, commença Florence en ramenant son attention vers sa fille.
— Bonsoir, maman.
La voix de Gaby semblait prête à se briser à chaque syllabe, tant elle redoutait ce moment.
— Je sais que j'ai été dure ce matin, par appel. Je m'excuse. Mais tu peux le comprendre; apprendre que ma fille est renvoyée de son école à trois semaines de la fin, c'est ahurissant. Je sais maintenant que ce n'était pas de ta faute, t-tu étais victime de brimades répétées. Tu aurais pu nous en parler, nous aurions pu t'aider.
Gabrielle pivota vers sa mère, reniflant maladroitement. Florence la regarda d'un air maternel et lui ouvrit ses bras en grand, dans lesquels elle vint se réfugier. Elle sentait qu'elle allait bientôt éclater en crise de nerfs ou de pleurs et cette idée ne lui plaisait pas.
Le père se décida finalement à prendre place dans un des autres fauteuils. Il soupira sans le cacher et joignit ses mains sur ses genoux.
— Gabrielle, je sais au fond de moi que ce n'était pas véritablement de ta faute toute cette histoire, mais je persiste à croire que c'est tout de même étrange d'être renvoyée juste pour une histoire enfantine. Quand bien même tu aurais répliqué un peu sauvagement, ce ne devait pas être la cause complète d'une telle punition. Cela va sûrement paraître cruel à tes yeux, mais je pense que tu ne nous dis pas toute l'histoire. Est-ce que tu n'aurais pas quelque chose à ajouter? Explique-nous avant que ce ne soit ta directrice qui ne le fasse à ta place.
Il s'exprimait sur un ton plus enclin à la clémence, mais il n'en démordait pas. Son père était du genre à se renfrogner prestement et Gabrielle progressait sur un champ de mines.
Alors que Florence lançait un regard noir à son mari, Gaby se redressa, les yeux rougis. À l'intérieur d'elle-même, elle se maudissait d'être si faible. Pourquoi ne pouvait-elle pas garder la tête haute et défendre la véracité des faits? Pourquoi ne pouvait-elle pas s'empêcher d'en venir aux larmes à chaque grande discussion avec ses géniteurs?
— Ça dure depuis des mois maintenant et j'ai essayé de faire cesser, en l'ignorant ou même une fois en tentant de parler avec elle, mais c'était peine perdue. C'est comme si elle avait une dent contre moi, qu'elle se vengeait de quelque chose de plus grand, débuta Gaby.
— Pourquoi tout cela a commencé?
— Elle avait perçu une rumeur qui relatait que j'avais pour projet de lui soustraire son petit ami, mais c'est totalement faux. Je ne volerais jamais le partenaire d'une autre!
— Qui a propagé cette histoire?
— Je n'en sais rien. Peut-être une personne qui ne m'aimait pas. Comment pourrais-je le savoir?
Gustave était dubitatif. Il voulait croire sa fille, sincèrement, mais il persistait à avoir l'intuition que ce n'était que des mensonges. Il décida néanmoins de jouer la carte du père compréhensif. Il saurait tout le lendemain au rendez-vous, quoi qu'il en soit.
Florence, sentant qu'ils ne parleraient pas plus ce soir-là, intima sa fille à aller se reposer dans sa chambre. Dès son départ, les deux parents eurent une discussion animée, chacun nourrissant un point de vue différent.
Le vendredi, Gabrielle passa sa journée à errer entre les quatre murs de l'appartement. Elle ne sortit pas même pour prendre l'air, bien qu'elle étouffait. Elle craignait de rater un appel de ses parents sur l'écran du salon.
Ces derniers devaient se rendre au rendez-vous avec la directrice juste après la fin de leurs heures de travail. Gaby savait qu'elle allait se faire rudement punir pour avoir menti. Elle savait qu'il lui aurait encore mieux valu de s'enfuir, pour ne pas avoir à affronter les foudres de ses parents.
Gaby regardait constamment l'heure qu'il était, jusqu'à ce qu'enfin, la porte de l'entrée s'ouvre sur ses parents. Elle ne pouvait pas voir l'expression de leurs visages, mais ce fut comme le signal pour qu'un collier de ronces ne lui serre le cou, lui tirant presque des larmes d'anxiété.
Sa mère ne prit pas la peine de retirer ses chaussures et se dirigea directement vers sa fille. Gabrielle avait l'espoir que sa mère soit celle sur qui elle pouvait se reposer dans cette situation catastrophique, mais il n'en était rien.
Florence gifla sa fille avec force. Elle ressentit une vive douleur dans sa main et cela eut pour effet d'accélérer son rythme cardiaque. Gabrielle en eut le souffle coupé. Jamais elle n'avait été frappée de la sorte, d'autant plus par sa propre mère. Elle posa une main fébrile sur sa joue à vif et sentit des larmes humidifier ses doigts tremblants. Le coup avait été si soudain et brusque qu'elle en avait presque chuté du canapé. C'était une douleur et une défaite cuisantes.
Le père arriva à son tour et Gaby plaça instinctivement une main devant son visage pour se protéger, mais il ne la toucha pas. Il opta pour les mots.
— Tu n'imagines même pas à quel point nous sommes déçus de t'avoir comme enfant. Tu as osé nous mentir et inventer de toute pièce une stupide histoire. Tu voulais nous cacher tes déviances, c'est ça? Où as-tu attrapé ça, mhm? Tu as vu d'autres personnes essayer et tu as cru que ça te rendrait plus intéressante? Tu es en pleine crise existentielle? Ce n'est pas une foutue raison pour nous faire une telle honte! Tu imagines si cette fille avait porté plainte, parce qu'elle aurait pu! Ah! Je n'arrive même plus à te regarder dans les yeux. Est-ce que tu crois que j'ai été m'amuser avec des garçons à ton âge? Ou ta mère avec d'autres filles? Quelle idée. Tu ne veux pas te rendre au zoo et essayer avec les animaux également? Ne viens pas me dire que tu es zoophile ou je ne sais quoi, ce serait la goutte de trop.
Le père fit une pause et inspira un bon coup. Il se pinça l'arête du nez du bout des doigts. Il rit soudain, d'un rire sans joie, nerveux.
— Tu vois, Florence, c'est pour cette raison que je voulais l'envoyer en pensionnat. Tout d'abord, elle s'entiche d'une bande d'enfants des bois, lève la voix contre des professeurs, et maintenant jette son dévolu sur une pauvre jeune fille. Elle ne trouvera jamais de jeune homme avec tous ces dysfonctionnements, encore heureux qu'elle ne soit pas laide. Mais enfin, dis-nous d'où te sont venues ces bêtises, Gabrielle!
— Nulle part! E-elle a exagéré. J'ai à peine jeté un œil à sa poitrine, comme je regarderais le visage d'un inconnu!
— Ça commence comme ça et ça finit par forniquer dans les toilettes d'un bar. Je te le dis tout de suite, si tu souhaites t'engager sur cette voie, je te renie. Je ne veux pas d'un monstre qui prône le sexe sale pour fille. Et puis, je ne veux plus te voir, file dans ta chambre, et n'en ressors pas tant que nous ne te l'aurons pas dit!
Alors qu'elle rejoignait sa chambre, Gabrielle perçut des cris de dispute de ses parents. Elle ne ressortit de sa chambre que le lendemain soir, le samedi. Elle avait passé ce troisième jour après son renvoi, plus mal encore qu'avant. La jeune fille avait passé toutes ces heures allongée sur son lit, le regard fixé au plafond, des sillons salés sur les joues, à ressasser.
Plusieurs pâtés d'immeubles plus loin, une adolescente, appelée Lolita, était en pleine discussion avec une de ses amies, quand la porte de son appartement s'ouvrit. Sa mère ne rentrerait que quelques heures plus tard, alors ce ne pouvait être que son père. Elle salua son amie et mit fin à l'appel, tendue.
Elle haïssait lorsque sa mère n'était pas là et qu'elle se retrouvait seule avec son père. Elle redoutait de l'affronter, de manière si vulnérable. Le cœur battant, elle entendit les pas de son père approcher. Il ouvrit la porte de sa chambre et lui sourit calmement.
— Bonsoir, ma chérie, comment s'est passée ta journée?
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Je dois dire que ce n'est pas le meilleur chapitre que j'ai pu écrire, je suis désolée :') Mais bientôt, les choses vont commencer à s'accélérer, il reste quand même deux parties et ce n'est que la première!
— Bisou mes griffeurs♡
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