52. HARRY
Charon, Keaton Henson.
IL FALLUT QUELQUES SECONDES à l'ancien garde pour comprendre ce que Charles venait de lui apprendre. Achille était parvenu à s'enfuir de sa cellule, vraisemblablement, et se trouvait quelque part dans le bâtiment. Harry n'aurait su dire s'il en était plus heureux que terrifié. En restant dans la pièce où il était détenu, le travailleur avait encore une chance de rester en vie, mais, s'il venait maintenant à être retrouvé, c'était la mort assurée pour l'évasion qu'il avait entreprise.
— Tu veux te servir de moi? Tu veux que je t'aide à le mener à la mort?
— On peut dire ça comme ça, je présume, sourit Charles.
— Il en est hors de question.
Le jeune homme croisa les bras sur sa poitrine, posture qui calmait ses nerfs tendus. La peur qu'il ressentait était si forte qu'elle en devenait douloureuse et lui obstruait la gorge.
— Tu n'auras pas le choix, j'en ai bien peur, assura sinistrement l'autre garçon.
— Qu'est-ce que tu comptes faire, hein? Tu vas me tirer par la peau du cou, m'attacher avec une corde pour me tirer derrière toi? Va te faire voir, Charles. Je ne t'ai-de-rai pas, statua Harry en détachant chaque syllabe.
— Achille n'est pas ta seule faiblesse, mon pote. Tu oublies bien vite que tu as une sœur pas loin et que je n'aurais aucun mal à aller lui rendre une petite visite.
Harry devint livide, pris d'un vertige. Dans la précipitation, il en avait presque oublié Hortense. Il se souvenait qu'ils s'étaient échangé un dernier regard sur le sol de graviers devant le centre commercial la veille, puis qu'ils avaient été séparés — elle, emmenée auprès des autres jeunes femmes sans zone assignée, avec des cheveux aux couleurs naturelles comme les siens; lui, avec d'autres rebelles également gardes.
S'il n'avait pas tout mis en œuvre pour être muté dans son secteur des souterrains, Hortense n'aurait certainement jamais été enrôlée dans le mouvement rebelle des Éternels et elle ne risquerait pas la mort à ce moment. Étant jeune, elle avait une chance de survivre, quoi qu'elle sera sûrement réduite en esclavage pour avoir rejoint les rebelles. Du moins, elle avait cette possibilité si elle se soumettait au bon vouloir des dirigeants.
— Ne t'approche pas d'elle et ne touche pas à un seul cheveu de sa tête, menaça Harry, mal assuré.
— Tu ne pourras pas m'en empêcher.
— Je t'en prie, ne t'en prend pas à elle pour mes fautes! Laisse-la en dehors de tout ça, ne lui fais pas le moindre mal, implora-t-il, défaillant.
La fatigue et l'inquiétude lui voilaient les yeux, son souffle se raccourcissait. Il savait ce que Charles était en train de faire et il le haïssait pour cela. Lui demander de choisir entre Hortense et Achille, entre sa sœur et celui qu'il aimait. Son corps lui criait de sauver sa sœur, qui était son sang et sa chair, mais son coeur prenait le parti du second et le tourmentait afin qu'il préservât le sujet de son amour.
— Tu sais ce que tu as à faire si tu veux qu'elle soit épargnée. Aide-moi à trouver Achille, et je te jure que je ne lui causerai pas le moindre mal.
En esprit, Charles ricana de la facilité avec laquelle il formulait des fausses promesses, à quel point il les débitait avec aisance. Pourquoi ferait-il une fleur à Harry, de toute façon? Le jeune homme se prenait pour un saint, un chevalier servant et cela le faisait grincer des dents. Charles ne supportait pas l'insouciance qui émanait de son ancien ami d'enfance, comme si le malfaisant dans l'histoire était et avait toujours été lui, Charles, et comme si Harry était tout entier innocent.
— Tu ne peux pas me demander de choisir entre eux deux..., se lamenta le prisonnier.
— C'est pourtant bien ce que je fais. Magne-toi un peu ou je vais sur le champ rencontrer ta sœur. Elle est drôlement mignonne, en plus. Je me suis encore jamais fait de br-
— C'est bon! La ferme! l'interrompit brutalement Harry. J'accepte. Je vais t'aider, mais c'est la dernière fois que tu me fais chanter!
Le jeune homme n'avait guère pu choisir entre Hortense et Achille, mais l'urgence de la situation l'avait poussé à mettre sa sœur en sûreté en premier lieu. Il avait malgré lui tourné le dos à Achille, cependant, avait-il même eu le choix d'agir autrement?
— Sage décision, l'ami. Ne reste plus qu'à te faire sortir...
Charles pivota sur lui même puis marcha à la rencontre du garde à la gauche de la porte. Le détenu le vit échanger des bribes de mots avec l'homme à la corpulence robuste et au visage sévère. Le garde extirpa d'une des innombrables poches de sa veste une paire de menottes à fermeture automatique et à ouverture à l'aide d'une combinaison de chiffres — à entrer depuis la puce de celui qui commandait les menottes.
— Je te les passe et tu les enfiles, sans jouer aux imprudents, compris? ordonna Charles, tout en connectant l'outil pour entraver à sa puce et en composant une combinaison.
Harry ne répondit pas, abattu. Il allait devoir trouver un moyen de sauver Achille, mais il ne savait comment. Sa sœur risquait de payer s'il cherchait à contrer les desseins de Charles. Pour autant, il refusait de mener le garçon à une mort certaine, c'était tout à fait inconcevable. Charles voulait qu'il trahisse Achille, et il lui semblait qu'il n'avait pas d'issue de secours pour ne pas être forcé à le faire.
Le jeune homme aux yeux couleur nuit s'avança jusqu'à la trappe de transmission, déposa les menottes à l'intérieur puis la referma, afin que Harry puisse les récupérer.
— Tu sais comment on les met?
— Bien sûr que oui, grogna Harry, qui venait de les prendre dans ses mains.
Le jeune adulte ramena ses bras dans son dos, pris d'une angoisse sourde, glissa sa main gauche dans l'un des deux trous, puis l'autre dans le second. Aussitôt, les menottes se reserrèrent autour de ses poignets qui devinrent rapidement endoloris.
Derrière lui, les autres prisonniers assistaient en silence à l'échange entre les deux jeunes hommes, passifs et impuissants. Ils partageaient le malheur de Harry, non parce qu'il avait une soeur — puisqu'aucun n'en avait —, mais parce qu'ils savaient ce que cela faisait d'aimer, d'aimer à tel point que l'on ne savait plus comment agir sans blesser qui que ce soit.
— Je vais te faire sortir maintenant, informa Charles, en portant les yeux sur les gardes dont l'un s'avança vers l'ouverture. Que pas un d'entre vous ne bouge surtout!
Les Éternels tournèrent la tête vers le jeune homme sans conviction. Ils n'avaient aucunement l'intention de tenter quoi que ce soit pour s'enfuir, cela n'aurait été qu'inutile effort, parce qu'ils n'avaient aucun espoir de succès. Ainsi, les rebelles restèrent là où ils se trouvaient, figés dans une attitude calme et concentrée, tandis que le garde ouvrait la porte et tirait au dehors Harry, les mains entravées.
Charles récupéra le prisonnier et refusa l'aide du garde pour l'escorter où il le devait, dans le cas de figure où Harry esquisserait une attaque. D'un signe de tête aux gardes, sans un regard pour ceux qui avaient été ses coéquipiers depuis de longs mois, Charles quitta la pièce, sur les pas de Harry, à l'oeil anxieux.
— Comment tu comptes t'y prendre? demanda ce dernier, étirant du mieux qu'il pouvait les bras pour soulager la douleur diffuse dans ses membres.
Charles garda le silence quelques instants, réfléchissant, tandis qu'il progressait dans le couloir en direction des escaliers. À dire vrai, il n'avait songé qu'à la première partie du plan, sans entrer dans les détails. Cependant, il était temps de mettre au point la suite des événements.
— Tu verras, se contenta de répliquer Charles.
La matinée passa, puis le midi, et l'après-midi. Charles avait décidé de conserver Harry auprès de lui, avant de se servir de lui. C'était, à ses yeux, la meilleure façon de paraître comme le sauveur de la situation aux yeux de tous — surtout à ceux de son père. S'il prouvait qu'il représentait l'ultime chance de dénicher le garçon, qu'il l'avait retrouvé de manière ingénieuse, par lui-même, alors il prouverait qu'il était plus que le fils de son père, et qu'il se débrouillait très bien sans son approbation.
Charles s'était retiré dans une salle d'interrogatoire, de sorte à pouvoir garder un oeil sur Harry — dont il avait retiré les menottes — et être informé rapidement si la situation évoluait pour le prisonnier évadé. Un garde était posté de l'autre côté de la porte et devait le prévenir du moindre changement survenu.
— Il se fait attendre ton petit ami, on dirait. Il est bientôt dix-sept heures, déclara Charles, sur un ton ennuyé.
Le jeune homme était assis sur l'une des chaises et avait ramené ses jambes sur le dessus de la table, de sorte à adopter une position presque allongée nettement plus confortable. Harry, de son côté, s'était assis dans un coin de la pièce, le plus éloigné qu'il pouvait de son ancien ami d'enfance. Son esprit flottait dans un ciel sans couleur, incapable d'émettre une pensée cohérente ou réelle. Il ne pensait à rien en particulier, mais plutôt à tout, dans un bourdonnement confus et ténu, qui l'habitait sans qu'il n'en ait vraiment conscience. Les mots de Charles l'éveillèrent.
— Ce n'est pas mon petit ami.
— Tu aimerais pourtant non?
Harry haussa les épaules, las de cette conversation qu'il avait déjà trop eue avec lui-même, avec sa soeur. Trop d'obstacles existaient pour qu'il puisse espérer un avenir où Achille et lui fussent amants, alors il ressentait en secret, il aimait au présent.
— Il est trop jeune pour toi, rappela-t-il, nonchalemment. Trouve-toi un gars de ton âge, pas un enfant pubère complètement détraqué.
— Tu crois que je n'y ai jamais pensé? Je sais qu'il est jeune, je le sais bien, mais je n'ai jamais rien demandé. Je n'ai pas choisi de... d-de ressentir ça. Je me sens coupable de tout ça. Mais, dans quelques années à peine, il sera adulte et-
— Et tu vas lui sauter dessus? Hum. Ça sonne assez pervers, je trouve.
— Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire! Et, de toute façon, je ne sais même pas pourquoi je te parle de tout ça, je ne veux pas t'en parler. Tu ne le mérites pas, s'insurgea Harry, passant une main dans ses cheveux gras.
— Tu me parles parce que c'est ce que tu as fais pendant plus de dix ans, parce qu'on est amis depuis qu'on est gosses, et parce que tu m'as toujours parlé des garçons qui te plaisaient. Et que je t'ai toujours écouté, mec.
Harry avala sa salive. Il savait que Charles avait raison; ils étaient, ou du moins avaient été, amis de longue date, discutant sans grand secret, sans tabou, sans jugement. Charles avait été le premier à formuler l'hypothèse qu'il était homosexuel, sans qu'Harry ne le lui apprenne le premier. Depuis lors, bien qu'il appréciait composer des remarques sur sa sexualité, le jeune homme avait été présent pour lui, là où ses parents l'auraient rejeté.
— Ne m'appelle pas mec, Charles. On est... on est plus amis. Pas après tout ce que tu as fait.
— Je ne t'ai jamais rien fait, se défendit l'intéressé, retirant ses jambes de la table avec énervement.
— Pas à moi, non, mais aux autres. Tu n'es pas une bonne personne, et tu le sais. Tu te comportais mal avec les filles, avec les garçons, avec tout le monde, déjà à l'époque. Aujourd'hui, tu nous fais tous enfermer, et te voilà avec d'autres morts sur la conscience! cingla Harry, le regard dirigé vers le jeune adulte à la table.
Charles se leva de sa chaise et fit quelques pas en avant, une main posée sur la table en acier, comme pour s'empêcher de tomber. Une colère triste lui étreignait le coeur. Comment avait-il pu croire que Harry serait le seul à rester à ses côtés quoi qu'il arrive? Il s'était soucié de lui plus que de son propre géniteur, il ne lui avait jamais causé le moindre mal direct, alors même qu'il aurait été si aisé de le faire.
Tous les autres élèves, Charles les jaugeait d'un oeil supérieur, les méprisait. Or, Harry avait été le seul dont il aurait été incapable d'attaquer de front, au nom de leur solide amitié, qui tombait à présent en morceaux. Avec toute la bonté dont il avait fait preuve envers lui, Harry nourrissait pourtant un grief pour sa personne, et n'avait aucun scrupule à lui renvoyer au visage ses méfaits.
— Je n'ai jamais tué personne!
— Pas directement, mais tu as tué. Tu es le meurtrier de ce garçon dans le centre de formation, de ces rebelles qui sont tombés hier.
— Ce n'est pas moi qui les ai tués, continua Charles, se rapprochant.
Harry fut forcé de se mettre debout, car le jeune homme se trouvait à quelques mètres de lui à peine, lui faisant face, les yeux orageux.
— Tu as causé leur mort, à tous, et tu as causé la mienne aussi.
— Tu n'es pas mort!
— Qu'est-ce que tu crois qu'il va m'arriver dans les souterrains? Un ancien garde devenu esclave dans les galeries ne fait pas long feu. Je ne passerai sûrement pas l'hiver, lui apprit-t-il, provoquant.
— N'importe quoi, il suffit de ne pas leur dire que tu en étais un.
— Qu'ils le sachent ou non, qu'ils me battent ou non, c'est la mort qui m'attend là-bas, tu le sais aussi bien que moi. Je ne remonterai pas des souterrains, pas vivant.
— Tu essaies de me manipuler, grogna Charles, sur le ton d'un adulte expliquant une chose à un enfant.
— Tu as bon dos de dire ça! Tu es venu me chercher pour m'utiliser afin de te faire bien voir aux yeux de ton père, et maintenant, tu me reproches de vouloir rester en vie?
Charles passa une main sur son visage, soudain fatigué.
— Tu penses que j'ai le choix?
— On a toujours le choix, répondit du tac au tac Harry, prudent.
Son interlocuteur éclata en un petit rire dénué de sincérité. Puis, il reprit un visage impacible, comme si aucune émotion n'était venu le troubler quelques secondes auparavant. Charles dévisagea Harry, debout dans l'angle de cette pièce sans fenêtre.
— Tu ne sais pas ce que c'est que d'être le fils de mon père, toi, tu as des parents qui t'aiment.
— Ils me dénonceraient s'ils savaient que je n'aimais pas les filles, fit remarquer Harry.
— Eh bien, mon père n'avait besoin que de me savoir en vie pour me haïr. Je sais que ça peut paraître curieux, étant donné qu'il me tire toujours du pétrin dans lequel je suis, mais... il me déteste. Il pense que ma mère est morte par ma faute.
— Pourquoi il pense une chose pareille? avança Harry, doucement.
Harry était interloqué. Auparavant, lorsqu'ils étaient encore à l'école, Charles n'avait jamais pris la parole à propos du suicide de sa mère, il était constamment resté vague sur les raisons qui avaient pu la pousser à prendre la décision de partir. De ce fait, Harry n'avait pas osé l'emmener sur ce terrain; si Charles devait parler, cela relevait de son libre-arbitre, et il ne l'avait jamais fait, finalement.
— Ma naissance a été compliquée, à ce qu'il paraît, débuta péniblement Charles, sentant que le moment était venu de parler. Ma mère a pas mal souffert, elle a frôlé la mort, je crois. Apparemment, lorsqu'elle est revenue de la maternité, elle avait changé, mais personne ne savait pourquoi. Elle souffrait chaque jour depuis lors, dans son quotidien, dans ses... ses rapports. Mon père, mon père en a déduit que je l'avais, je sais pas, blessée, que j'étais mauvais. Ma mère avait mal dans son corps et dans sa tête. Pourtant, ça ne l'a pas empêchée de prendre soin de moi. Je l'aimais beaucoup, plus que mon père, et c'était la même chose pour lui. Quand elle est morte, mon père a déclaré que c'est moi qui l'avais tuée, que depuis le jour où je suis né, je n'ai fait que répandre la souffrance partout, que j'étais corrompu. J'étais un gosse de sept ans, putain. À partir de là, ma mère n'étant plus là pour représenter une protection pour le petit garçon vulnérable que j'étais, mon père... mon père... a commencé à me battre souvent... Jamais au visage qu'il me frappait le salaud, jamais trop pour m'envoyer à l'hôpital, mais assez pour que mes séquelles persistent sur mon corps, et surtout dans ma tête.
— C'est la même époque où on s'est connus..., murmura Harry.
— Ça remonte, hein?
— Pourquoi tu ne me l'as jamais dit?
— Pour que tu aies pitié de moi? Non merci, rit mécaniquement Charles. Mon père me voyait déjà comme un faiblard, comme une erreur. Rien de ce que je faisais n'était assez bien pour rattraper les fautes qu'il m'avait mises sur le dos. Au moins, à l'école, je pouvais être le plus fort, je pouvais être invincible là-bas, je reprenais le contrôle sur la violence, et je n'en étais plus le receveur. Et puis... qu'est-ce qui ce serait passé si je t'en avais parlé, hein? Tu aurais eu pitié, tu aurais essayé de m'aider, et tu te serais rendu compte que ça servait strictement à rien, parce que mon père est tellement influent que nos paroles ne valent rien, que nos sentiments ne comptent pas. Même s'il n'avait pas sa notoriété, je crois que les gens en auraient rien eu à faire, de toute façon, soupira-t-il.
— Ils détournent les yeux et se bouchent les oreilles quand, par malchance, ils se retrouvent face à la souffrance d'un autre, je sais, marmonna Harry, avec culpabilité. Je suis désolé que tu ais vécu ça, Charles, vraiment, mais... ça ne justifie pas tes actes. Tu n'as pas le droit de faire souffrir une personne parce que tu souffres toi-même, ce n'est pas juste.
Charles contracta sa mâchoire, le rouge lui montant aux joues. C'était la première fois qu'il se confiait à propos de son père et de tout ce qu'il lui avait fait endurer, et il ne récoltait que des reproches. Certes, Harry était peut-être dans le vrai, mais, à cet instant, alors qu'il s'était mis à nu, Charles n'aurait rien voulu de plus que d'être écouté, au moins une fois.
— T'es un sale con, Harry. Tu te rends compte que c'est la première fois que j'en parle à quiconque? Et toi, tout ce que tu me sors, c'est des accusations? tonna Charles, recommencent à avancer, lentement.
— Je veux que tu comprennes que tu n'avais pas le droit d'harceler les autres, de te jouer des filles, de tuer un innocent parce que ton père te faisait du mal. Ils ne sont pas responsables de ta souffrance!
— T'es comme les autres, je me suis trompé sur ton compte! Tu penses qu'à toi, à tes intérêts! Tu pourrais montrer un peu plus de compassion, avant de me jeter à la figure mon passé. J'avais pensé un instant à t'aider, tu sais, au nom de notre amitié, mais tout ce que je vois, Harry, c'est un type qui a oublié comment se soucier et aimer convenablement quelqu'un, cracha Charles, le coeur battant et le visage bouillant.
Son interlocuteur aux yeux brun foncé constata avec effroi que la situation était en train de sombrer, qu'elle débordait. Pourtant, Harry s'était aperçu, cynique, que c'était peut-être la seule chance qu'il avait de sauver Achille, que jouer sur les sentiments de Charles était l'unique manière de le rallier de son côté.
— Charles, écoute, j-je suis désolé. C'est juste que... je suis perdu, autant que toi. J'ai souffert également, j'ai assisté à tellement d'horreurs dans les galeries que ma compassion s'est annihilée au fil du temps..., balbutia Harry. Je ne pensais pas à mal, je te le jure. Tu ne fais que donner raison à ton père en essayant d'obtenir son approbation, crois-moi. Tu peux lui faire payer, tu le peux, et je veux t'aider. P-pour me faire pardonner, et en souvenir de nos années d'amitié. Je crois que... je crois que, oui, il est temps que je te rende la pareille pour m'avoir soutenu toutes ces années, pour m'avoir protégé. Je ne peux pas mentir et dire que ce qui nous liait ne signifie plus rien pour moi...
La voix de Harry s'éteignit tout à fait, alors qu'il scrutait les prunelles obscures de Charles, qui s'était arrêté à deux mètres de lui, les bras le long du corps, comme un pantin inanimé. Le jeune homme semblait sonné, tentant d'aligner des pensées cohérentes, de décider s'il pouvait faire confiance à Harry, puisque ce dernier avait toutes les raisons pour ne pas lui faire confiance à lui.
Ses yeux se posèrent sur le visage du garçon devant lui et il entraperçut celui du jeune garçon avec qui il avait fait les quatre cent coups dans son enfance, celui du jeune garçon qui, sans le savoir, avait été une lumière dans sa vie, alors que sa mère venait de mourir et que sa maison s'était transformée en enfer; il entraperçut le visage de la seule personne qu'il avait jamais aimé, hormis sa mère, et il rendit les armes.
— Très bien, je te suis, se résigna Charles, bouleversé.
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Encore un autre pan de la vie de Charles dévoilé, et non des moindres. C'est la première fois que cela est évoqué, même dans le chapitre précédent ça ne l'avait pas été. Cela tient du fait que Charles l'avait enfoui en lui, n'en parlait à personne, mais la seule à qui il pouvait se confier était Harry, alors c'est seulement en lui parlant qu'il pouvait voir la réalité en face et la traduire avec des mots (ce qui est souvent dur, à cause d'une sorte de déni ou d'une atténuation des faits qu'on peut développer pour se protéger soi-même).
Quant à sa mère, même si je n'en parlerai pas davantage à l'avenir, que pensez-vous qu'il lui est arrivé?
Le plan de Charles s'est retrouvé chamboulé, ce qui signifie que Harry et les autres ont une plus grande chance de s'en sortir, enfin, peut-être. Des pronostics? Charles est-il assez digne de confiance? Et Harry, l'est-il aussi d'ailleurs?
— Bisou mes griffeurs♡
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