19. HARRY

xanny, billie eilish.

HARRY DÉAMBULAIT DANS LES ALLÉES DE PIERRE, vacillant tantôt vers la gauche, tantôt vers la droite. Elior pesait parfois tant sur ses épaules, que le sol se rapprochait dangereusement de ses yeux, comme si le garde se fût trouvé rétréci.

Il n'avait pas l'habitude de porter de poids si lourds et c'était une épreuve que de supporter l'adolescent aux cheveux roux qui, de par son travail manuel quotidien, avait gagné en musculature. Il donnait de ce fait du fil à retordre au cadet qui peinait à progresser dans le dédale de couloirs.

Par moments, il posait le pied sur un caillou et manquait de chuter. Le garde aux cheveux bleus redoutait ce moment qu'il pensait survenir avant son arrivée à l'infirmerie. Par ailleurs, il avait au creux de lui la peur d'avoir emprunté le mauvais itinéraire et de s'être perdu dans les souterrains. Ce n'était pas une chose peu commune, et étaient déplorées déjà plusieurs disparitions de travailleurs comme de gardes qui s'étaient trop aventurés sans la moindre carte puis avaient rencontré la mort plutôt que la sortie.

Lorsqu'il avait été assigné à ce secteur comme il le souhaitait, il avait pu obtenir une présentation des lieux; une zone de travailleurs côtoyait à quelques kilomètres de distance une zone de travailleuses, et l'un fournissait en vêtements — les pièces ratées qui ne pouvaient partir pour la surface — tandis que l'autre leur préparait leurs repas. En outre, chaque zone s'affairait à l'extraction du Caelisya. Cette pierre pullulait dans les souterrains et tous devaient mettre la main à la pâte pour la procurer au monde d'en haut.

Harry estimait à deux kilomètres voire trois à peine la distance qu'il avait parcourue. Il se savait au bord de l'épuisement et ne pourrait atteindre son but sans prendre le temps de reprendre son souffle. Il pensa qu'il aurait sûrement mieux fait de demander l'assistance d'un second garde, bien que cela aurait contredit fortement ses plans.

Se résignant, il se laissa tomber sur les genoux à contrecœur et glissa Elior au bas de ses épaules. Son corps inerte rencontra le sol en un bruit étouffé. Suant par tous les pores, les habits trempés et la face écarlate, Harry prit tout de même la peine de disposer Elior correctement, c'est-à-dire sur le dos dans une position qui ne pourrait lui causer la moindre blessure.

Il tourna ensuite son attention sur sa propre personne et, respirant avec bruit, il vint coller son dos contre la paroi, tout en allongeant ses jambes de tout leur long. La pensée lui vint que si une personne passait à ce moment-là au pas de course, elle se prendrait dans ses pieds et tomberait sur le sol. Heureusement, ce n'était pas un chemin très fréquenté et encore moins où l'on se prenait l'envie de courir. Harry ne pensait même pas que quiconque eut le désir de se mettre à courir dans un si lugubre endroit.

Courir, c'était pour les lieux ouverts, où l'air frais vous fouettait le visage et où vos pieds caressaient les hautes herbes. Or, c'était là une chose qui n'appartenait plus qu'aux contes et récits certainement, car l'herbe ne poussait plus à chaque coin de route dès qu'elle le pouvait. La végétation, les fleurs avaient péri et disparu aussi sûrement que les animaux. Certes, il devait persister quelques espèces animales encore mais plus en France.

Le garde cadet se prenait souvent à regretter de ne pouvoir sentir le parfum de véritables fleurs ou voir un animal de ses propres yeux. Un singe était tout comme un dinosaure pour lui — un animal disparu qui ne pourrait revenir. Le seul qui était resté était l'Homme, qui à présent se prenait à mépriser plus encore son prochain en le soumettant à son gouvernement et à ses systèmes.

Harry sourit soudain, à la pensée qu'il passait le plus clair de son temps à se lamenter sur la vie de son époque et à envier l'existence de ses ancêtres. Cependant, il savait que ce n'était pas parce que la faune et la flore étaient toujours présents que la vie était plus simple et moins fade.

Il se souvenait encore de ses cours d'école et de tous les crimes à travers les époques. Néanmoins, c'était plus fort que lui; il aurait souhaité savoir ce que cela faisait de courir à travers les champs, de jouer avec les animaux ou de s'éveiller un matin avec le chant des oiseaux au dehors. C'était une chose qui devait sembler banale et ne pouvant jamais disparaître jadis, il en était conscient, mais il avait l'espoir qu'il existait des personnes qui étaient aussi averties que lui sur la mortalité des êtres.

Harry prit encore une minute pour récupérer des forces puis se releva sur ses pieds. Il posa ses yeux sur le corps inanimé de l'adolescent qui était toujours inconscient. Le garde cadet prit une profonde inspiration, la retint et l'expira. Il cherchait à se préparer physiquement comme mentalement pour terminer la seconde moitié de son parcours.

Finalement, il s'accroupit, agrippa Elior par un bras et une jambe puis le hissa avec difficulté sur ses épaules. Il manqua de tomber en avant et de s'affaler sur l'adolescent, qui avait d'ailleurs à peine quelques années de moins que lui. Ils avaient presque le même âge et pourtant c'était bien là l'une des seules choses qui les rapprochaient.

Après quelques minutes d'effort, d'abandon et de recommencement, Harry parvint à récupérer sa place initiale, Elior bien positionné sur ses épaules. Il se sentait échauffé et prêt à reprendre la marche.

Harry put ainsi tenir le rythme encore quelques dizaines de minutes. Sa traversée fut de nouveau ardue; les cailloux jonchaient le sol et formaient des obstacles malfaisants. De plus, il se trouvait en réalité nettement plus fatigué qu'il ne se l'était imaginé. Sa progression s'était donc vue plus ralentie que lors de la première partie du trajet, mais cela ne l'avait pas empêché d'atteindre la zone des filles.

Il songea, étant donné tout le temps qui s'était écoulé depuis son départ, que le garde Chaval devait, lui, être sûrement d'ors et déjà entre les mains de sa sœur, à être soigné du mieux possible. Cette pensée lui déplut, d'une part, car cela signifiait que le garde en chef allait certainement être remis sur pied, mais que, de l'autre, cela voulait sûrement dire qu'Achille — qu'il avait aperçu mal en point à la porte plus d'une heure auparavant — avait dû recevoir les soins dont il avait besoin. Le visage de l'adolescent lui apparut telle une image dans son esprit et le fit sourire, malgré lui.

Était-ce cela que l'on appelait le sentiment amoureux? Était-ce sourire à la simple pensée de la personne? Il doutait que cette vérité ne concerne que l'amour de ce genre car il savait que l'amour amical engendrait la même réaction, tout comme l'amour pour sa sœur, Hortense. Malgré tout, il se doutait qu'il y avait plus qu'un simple attachement de compassion pour le garçon aux cheveux noirs.

Il n'était pas l'amoureux transi, celui qui sacrifierait chaque chose de sa vie pour les beaux yeux de son amant — du moins, il en était persuadé, mais il n'était encore jamais tombé en amour. Cependant, en parallèle, il n'était pas non plus l'homme qui nierait son amour pour celui qu'il aimait. Harry trouvait que c'était une perte de temps que de faire preuve de mauvaise foi. À quoi cela servait, à part peut-être rater des opportunités?

— Bonjour, le salua avec méfiance une voix féminine.

Harry explora de ses yeux le lieu où il se trouvait afin de chercher la source de la voix qui venait de lui parler. Ses yeux tombèrent sur une jeune fille dans la même tranche d'âge qu'Elior qui venait dans le sens inverse et qui le dévisageait. Son cœur accéléra la cadence; son périple venait à bout, il avait atteint la zone féminine et allait pouvoir recouvrir des forces.

— Bonjour. Excusez-moi, où pourrais-je trouver l'infirmerie? Je sais que cela est inhabituel de venir vous solliciter votre soigneuse, mais nous avons plusieurs blessés sur les bras.

— Que s'est-il passé, si ce n'est pas indiscret? Y a-t-il eu un autre accident à cause d'intrus? s'enquit-elle sans réellement se soucier de la politesse.

— Non, non. Ce sont des accidents plus... personnels en fait. Enfin, j'aimerais amener ce garçon obtenir les soins dont il a besoin, est-ce que...

— Oui, bien sûr. Je— c'est par là, je vais vous montrer le chemin, ce sera plus rapide.

La jeune fille, aux cheveux gris et épars, pivota sur elle-même puis retourna sur ses pas. Elle bifurqua ensuite vers la droite, dans une galerie tout aussi similaire à toutes les autres. Harry, curieux, se servit de ce temps octroyé pour poser des questions à l'adolescente:

— Tu travailles, n'est-ce pas?

— Je suis exploitée, effectivement.

— Combien êtes-vous? l'interrogea à nouveau le garde, sans répondre à la rectification de la jeune fille.

— Nous sommes quelques dizaines. Dites-moi, vous m'avez l'air bien jeune pour un garde, je suis certaine que nous avons presque le même âge, je me trompe? avança-t-elle, sur un ton malicieux et en lui jetant un regard par dessus son épaule.

— Je ne sais pas quel âge vous avez, je ne vois pas comment je pourrais le connaître, d'ailleurs. Et je suis garde cadet, j'ai commencé tôt et j'ai demandé à être assigné ici, c'est pour cela que j'ai l'air jeune.

— Demandé? Qui aurait la folie de demander par lui-même pour travailler dans un tel endroit? s'offusqua presque l'adolescente. Tout le monde devrait vouloir éviter cet endroit; je le souhaite mais je ne le peux pas et vous, alors que vous le pouvez, vous venez quand même. Ça me met hors de moi!

Harry serra les dents, à la fois pris de compassion et fâché qu'une personne vienne juger ses actes. Jamais il ne s'était pris de telles brimades sur le choix qu'il avait fait. Cependant, il devait relativiser, car elle ne savait pas que c'était pour être auprès de sa sœur qu'il avait choisi cet endroit.

— J'ai mes raisons de vouloir être garde dans cette zone. Je comprends que tout ce que vous vouliez est de quitter cet endroit, mais j'ai choisi de venir et je vous prierais de ne pas vous en prendre à moi pour ça.

— Vous ne pouvez pas comprendre ce que l'on ressent, vous ne le pourrez jamais, justement parce que vous avez le choix, rétorqua-t-elle pour clore la conversation.

L'adolescente rejeta ses cheveux relevés en une demi-queue de cheval en arrière. Ils vinrent se mêler à la danse des airs quelques instants puis retombèrent en vagues informes sur son dos fin.

Ils parvinrent finalement jusqu'à l'infirmerie. L'adolescente s'arrêta face à une porte semblable à celle pour du centre de soins de sa sœur. Elle lui offrit un sourire léger et dénué de réelle sympathie.

— J'espère que le garçon que vous portez pourra être soigné au mieux. Bonne journée.

— Je l'espère tout autant. Merci à vous, bonne journée, la remercia le cadet Hardeu.

La jeune fille le contourna et repartit d'un pas vif dans les souterrains. Le garde se sentait un tant soit peu coupable de l'avoir tant prise de haut. Cependant, il se rassura en se rappelant que c'était là l'une des plus fortes offenses qu'il avait dû commettre dans les souterrains et qu'il était presque blanc comme neige comparé aux autres gardes.

Bien que cela n'excusait pas son comportement, il se dit également qu'il n'était que de passage et que c'était la seule fois qu'il croiserait le chemin de cette travailleuse qui ne manquait pas de remettre quiconque à la place qui lui revenait en tant qu'être humain.

Harry reporta son attention sur l'entrée de l'infirmerie. Il s'approcha à pas légers, comme s'il avait pu déranger qui que ce soit dans un lieu où l'écho gâchait tout acte discret. Il donna deux coups contre la porte en acier, matière qui le glaçait dans tous les sens du terme.

— Vous pouvez entrer.

Le garde cadet obtempéra et fit coulisser la porte sur ses gonds sans un bruit. Ses yeux rencontrèrent une femme qui devait avoir dans la trentaine d'années et qui avait relevé ses cheveux gris en un chignon.

L'infirmière arrêta toute activité quand elle découvrit la scène qui s'offrait à elle. Elle se hâta pour aller prêter main forte à Harry et l'aida à allonger le blessé sur le lit. Alors qu'elle s'affairait déjà à ausculter son patient, elle interrogea le garde pour obtenir le minimum d'informations:

— Qu'est-il arrivé à ce pauvre garçon?

— Ce fut une matinée très tendue à vrai dire, nous avons même quelques autres blessés sur les bras...

— Je comprends, mais je présume qu'ils se font soigner par votre infirmière attitrée, or ce garçon est celui que je soigne. Je préférerais donc que nous nous concentrions sur lui, répliqua-t-elle sur un ton ferme.

— Mhm, oui, madame.

Harry, embarrassé, passa une main sur sa nuque trempée de sueur. Il avait omis ce détail et grimaça en sentant sa peau grasse. L'infirmière remarqua son air de dégoût et lui proposa, tout en s'appliquant à retirer le sang séché des plaies d'Elior:

— J'ai une douche dans une pièce adjacente si vous souhaitez vous nettoyer et vous rafraîchir, vous allez l'air d'en avoir besoin.

Harry tourna son regard vers elle et fit les yeux ronds, partagé entre la gêne, la gratitude et la méfiance. Cela l'étonnait qu'une personne, surtout une femme, accepte qu'un tierce individu utilise sa salle d'eau.

— Je ne veux surtout pas que vous vous sentiez obligée de quoi que ce soit. Je regretterais de venir salir ou de vous déranger, cela ira très bien, merci. Je prendrais une douche dans mes propres quartiers.

— Le souci est que votre protégé m'a tout l'air d'avoir pris un sacré coup à la tête et je refuse qu'il reparte, au moins avant demain si c'est le cas. Ce serait trop risqué dans son état de recommencer le travail.

Le garde cadet se maudit en son for intérieur d'avoir sûrement frappé trop durement avec la statue. Il ne pensait pas que cela pouvait engendrer des dégâts assez graves pour retenir le garçon plus de quelques heures à l'infirmerie. Allait-il être contraint de dormir sur place? Il ne pouvait se soustraire à la surveillance d'Elior, il était sous sa responsabilité et ne pouvait prendre le risque qu'il s'enfuit.

— C'est pour cela que je veux que vous alliez prendre cette douche. Vous en avez besoin et vous le savez. Cessez de jouer les prudes pour votre bien-être, garde cadet.

L'intéressé fronça les sourcils, surpris par la familiarité des mots de la soigneuse. Cependant, il savait que s'il était troublé, c'était simplement parce qu'on lui avait appris que les femmes parlaient avec douceur et précaution. Un homme inconnu aurait pu lui parler avec une moindre politesse qu'il aurait été moins brutalisé.

— Très bien, mais gardez bien un œil sur le garçon, Elior, et prévenez-moi en cas de besoin, lui intima-t-il.

L'infirmière acquiesça avec un visage ouvert et accueillant. Harry lui rendit son sourire léger puis se dirigea vers la porte — comme dans le centre de soins de sa sœur — qui devait mener à la salle d'eau et à la chambre de la soigneuse.

Il se sentait presque comme un intrus à poser un pied dans des pièces qui recouvraient tant de pudeur et de mystère pour lui. Le garde avait la fâcheuse impression de pénétrer en un lieu privé qu'il ne devrait pas voir.

Néanmoins, il avait été invité à s'y rendre malgré cela et il se réjouissait de pouvoir se laver de la crasse et de la sueur de la matinée. C'était d'ailleurs très probablement la pire qu'il ait connu depuis son arrivée. Tant de choses s'étaient déroulées en si peu de temps; moult événements qui marquaient un tournant et les prémices d'une période tumultueuse et sévère.

Alors qu'il avait trouvé la salle de bains et s'y était enfermé, Harry songea qu'il allait être temps de ne plus se laisser adoucir par les gardes, tous plus âgés et expérimentés que lui. Il n'était plus un jeunot et il ne comptait pas se ranger du côté des persécuteurs.

Ses vêtements tombèrent à ses pieds, exposant sa peau blanche et nue au miroir de la pièce. Cela faisait une éternité qu'il n'avait pu se regarder dans un miroir convenablement. Les autres hommes s'agglutinaient devant l'unique qui trônait dans leur salle de douches et il ne voyait pas l'intérêt de se lever particulièrement tôt juste pour pouvoir prendre quelques secondes pour se contempler.

Cependant, il ne put résister bien longtemps à la tentation de se scruter dans la surface réfléchissante. Ses cheveux bleus étaient emmêlés et pendaient çà et là en un désordre inesthétique. Son visage brillait sur toute sa surface, comme s'il eût trempé dans quelque bassin plein de graisse. Ses yeux sombres niaient la gaieté et ses traits étaient tirés. Sa peau manquait de vitalité et souffrait du manque de soleil. En outre, le manque de nourriture consistante et en quantité raisonnable avait amaigri un peu plus sa face, rendant presque saillante sa peau sur son menton et ses pommettes.

Il se trouvait laid avec cette apparence qu'il jugeait repoussante. Cela ne lui avait jamais sauté aux yeux que quiconque eut un état pitoyable comme le sien, or seul son propre reflet avait tant marqué son regard. Était-ce une altération du jugement dû à la dureté qu'on pouvait avoir contre soi-même dans un but d'acceptation? Il y était rarement confronté mais, pourtant, ce mal semblait ne jamais cesser de rôder dans l'ombre pour ressurgir dans la lumière dès qu'il le pouvait.

Il secoua la tête de déception, sans même porter autant d'analyse sur le reste de son corps, qui témoignait du manque de repas nourrissants et d'exercices. Harry entra prestement dans la douche et laissa l'eau couler sur l'ensemble de son corps. Elle vint tremper ses cheveux qui gouttaient le long de son visage, et noyer encore un peu plus son espérance d'une fin agréable et heureuse.

Les pensées tournaient dans sa tête, stimulées par le liquide translucide qui, par son flot apaisant, le coupait du monde extérieur. Il allait tenter, si Elior devait rester alité jusqu'au lendemain, la deuxième phase de son plan. Il devait essayer de rejoindre le lieu de l'explosion survenue la veille afin de faire s'enfuir Elior loin de ceux qui souhaitaient le voir mort.

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Le premier chapitre de 2020 est donc du point de vue de Harry, qui n'est même pas un personnage principal (mais que j'adore).

J'espère que ce chapitre d'un autre point de vue (quoi que ça a l'air assez abstrait comme ce n'est pas écrit avec «je») vous aura plu!

Pensez-vous que Harry va parvenir à rejoindre le lieu de l'explosion? Va-t-il réussir à sauver Elior ou alors le mettre encore plus en danger en agissant en traître?

— Bisou mes griffeurs♡

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