Chapitre 4 : L'effroi Dans La Peau
CHAPITRE IV
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L'effroi dans la peau.
Plus d'une demi heure s'était écoulée depuis le début de la lutte entre les soldats et les chimères. À plusieurs kilomètres du lieu de bataille, Meredith et Niyoh étaient finalement rentrés chez eux.
— Hmpffff... hmpfff... vas-y Niyoh entre, trouve Paf ! dit Meredith en haletant.
Elle posa l'enfant au seuil de la porte. Ce dernier, cherchait son fidèle ami à travers toutes les pièces de la maison, afin de s'assurer qu'il allait bien. Meredith quant à elle, referma la porte.
Introuvable, Niyoh criait le nom de son familier pour connaître son emplacement.
— PAF, PAAAF, OÙ EST-CE QUE TU TE CACHES ?
Lorsque le jeunet décida de vérifier à l'étage, des glapissements se firent entendre. Il se dirigea vers les cris, qui le conduisirent dans sa chambre. Il tendit l'oreille, et put préciser leur provenance. Il s'agenouilla, posa la tête contre le sol, vérifia en dessous de son lit, et y découvrit Paf, le regardant. Le pauvre animal avait ressenti les secousses de la déflagration et avait été effrayé. Il s'y cachait en espérant trouver du réconfort et de l'apaisement. Rassuré, son jeune ami le pris dans ses bras.
— Ah tu es là, tu m'as fait une de ces peurs tu sais ! Viens par là.
« MAMAN, JE L'AI TROUVÉ !
— D'ACCORD CHÉRI ! SURTOUT, NE BOUGEZ PAS D'OÙ VOUS ÊTES.
Meredith semblait préoccupée et nerveuse. Elle faisait des va-et-vient dans le salon. Son visage était couvert d'une fine couche de sueur, sa respiration était très forte et se rongeait les ongles de sa main droite, tandis que l'autre était posée sur sa hanche gauche. La raison de son tracas n'était autre que le Capitaine Meth. Les deux ne s'étaient pas vus depuis le début de la journée. Une explosion avait eu lieu, et elle ne savait pas où, précisément. C'est ce qui la mettait dans tous ses états. De plus, cela lui rappelait un drame qu'elle ne voulait envisager.
De l'autre côté, la situation s'améliorait. Cependant, plusieurs soldats étaient blessés et quelques morts étaient à déplorer.
Quant aux monstres, ils avaient subi de lourds dégâts, ce qui les avaient grandement affaibli. Neutralisés et incapables de riposter, ils ne pouvaient que grogner d'impuissance.
Néanmoins, tous les soldats avaient usés d'une grande partie de leur Energeia. Certains, n'étaient plus en mesure de suivre le rythme. L'équipe C, qui fut la première à s'activer au cours de cet affrontement, signala.
— CAPITAINE, NOUS N'ALLONS PLUS TENIR LONGTEMPS !
Mais, le moindre relâchement serait catastrophique. Élevant la voix, le supérieur répondit :
— Surtout ne flanchez pas ! Il faut à tout prix maintenir le cube d'energeia. Nous avons déjà abattu deux de ces créatures, il n'en reste plus que trois. Tenez bon !
« Lieutenant, combien de temps encore pensez-vous pouvoir les retenir ?
— Je me fais peut-être vieux, mais j'ai encore des réserves !
Grâce à une de ses techniques lancée plus tôt, il entrava les chimères.
Cette attaque d'immobilisation était infaillible. Cependant, la victime de la technique pouvait s'en défaire sous deux conditions. La première était l'épuisement de l'utilisateur. La seconde se basait sur la puissance de la victime. Si elle surpassait celle de l'utilisateur, systématiquement, les chaînes se brisaient.
Pendant que les chimères étaient à leur merci, un phénomène étrange se produisait. L'une d'entre elles semblait gagner en puissance. Ce détail, attira l'attention d'un des soldats. Ce dernier en panique, alerta :
— Ca... Capitaine, cette chimère semble ne pas être de la même trempe que les autres. Il se passe un truc bizarre avec elle. Les autres sont à bout de force mais pas celle-ci !
— Je confirme ! Je peux sentir en elle une montée d'energeia à travers les chaînes. Elle devient incontrôlable, rapporta le Lieutenant.
Effectivement, on pouvait voir le Lieutenant Telos peiner à contrôler le monstre. Il suait énormément et sa main orientée sur les créatures n'arrêtait pas de trembler.
— C'est insensé ! réagit le Capitaine, étonné.
Ce qu'il n'avait pas remarqué, c'était la particularité de cette abominable créature. Elle possédait une queue assez différente de celles de ses congénères. A l'extrémité de celle-ci, il n'y avait ni tête de serpent, ni queue de scorpion. C'était quelque chose d'indescriptible. Elle l'avait dirigé sur les autres chimères et se ressourçait de leurs forces vitales. Sa queue semblait servir d'aspirateur d'energeia. À mesure qu'elle vidait ses semblables, leurs corps devenaient squelettiques.
Sidérés, le Capitaine et ses hommes n'en revenaient pas de ce qu'ils voyaient. Ce phénomène ne figurait dans aucun Centicore.
Les combattants, ahuris, ne purent contenir leur choc.
— MAIS, QU'EST-CE QU'ELLE FAIT ?
— C'est quoi ce délire ?
— Quelqu'un a déjà eu affaire à une chimère de ce genre ?
Effaré, le Lieutenant était lui également, déconcerté. Du haut de ses cinquante-cinq ans, il n'avait encore jamais vu une telle chose se produire chez une chimère. Ses yeux, grandement ouvert qu'on les croirait sortir de leurs orbites, traduisaient sa frayeur.
— Bon Dieu ! Elle absorbe le hiyonit¹ de ses semblables !
Abasourdi, Meth restait aphone. Sur l'instant, sa réflexion était aux arrêts. Ses yeux arrondis et ses lèvres légèrement entrouvertes, prouvaient sa stupéfaction.
Subitement, une considérable hausse d'energeia s'échappa de la chimère, faisant reprendre au Capitaine ses esprits. Son instinct lui criait d'abattre la créature, sans perdre une seule seconde de plus. Il secoua la tête pour chasser les idées superflus qui l'empêchaient momentanément de réfléchir, et hurla.
— IL FAUT TUER CE MONSTRE TOUT DE SUITE, SINON NOUS SERRONS DANS DE BEAUX DRAPS !
Il arma son artefact de foudre qui tonna puissamment, et fit un sprint dans la direction du monstre. Mais quand il voulut se rapprocher, la volute de l'abomination changea. Sa couleur vira du pourpre au violet sombre, se rapprochant presque d'un noir vif. Également devenue plus épaisse et oppressante qu'auparavant, celle-ci créa un tourbillon d'air autour de la monstruosité. Ce qui força le Capitaine à stopper son élan.
Tous se couvrirent les yeux pour se protéger de la poussière. Quand les rafales de vent cessèrent, leurs regards se dirigèrent sur une seule chose, la chimère. Ce qu'ils découvrirent ensuite, traumatisa leurs esprits.
L'impensable s'opérait sous leurs yeux. Un trou béant s'ouvrit à l'extrémité de la membrane de l'immonde créature, et un liquide visqueux en sortit. Elle couvrit ses semblables de cette substance qui, au contact de leurs corps immenses, les putréfiait en quelques secondes. Une infâme odeur suffocante de pustule et de cadavres d'animaux en décomposition avancée se répandait dans l'air.
Subitement, l'aberration aspira d'un coup, les corps en putréfaction des autres monstres avec sa queue.
Suivirent d'horribles crissements et bris d'os. Visiblement, elle grugeait les carcasses avec sa queue de quatre mètres qui était dotée de broyeurs.
Répugnés, certains soldats se mirent à vomir.
— Par tous les dieux, mais, qu'est-ce que c'est que ça ? s'exacerba Telos.
Son visage fendit en horreur et son corps n'arrêtait plus de trembler. Il s'épuisait à mesure que la chimère galopait en puissance, relâchant inconsciemment ses entraves sur elle.
Guidé par son instinct, Meth sentit la nécessité d'agir s'accentuée, et tenta une nouvelle attaque. Hélas, la mutation de la chimère était à présent complète. Une montée démentielle d'energeia émanait d'elle et soudain, les chaines qui la retenaient, se brisèrent sous sa force immense. Le vétéran épouvanté, tomba sur le derrière.
Des ailes énormes sortirent du dos de l'abjection qui doubla en masse. Atteignant les quatorze mètres de haut, et les dix-huit mètres de long, pour plus ou moins cinq mètres d'épaisseur. Sa stature gigantesque se suivait d'un puissant grognement assourdissant.
Les bâtiments vibraient sous la violence sonore de ce grondement et se fissuraient. Le sol tremblait, les vitres volaient en éclat.
La terreur s'empara des soldats jusqu'aux tripes. Leurs corps ne leur obéissant plus, ils furent tous pétrifiés. Leurs jambes s'entrechoquaient, les dents de certains claquaient. Toute volonté de combattre s'était évanouie dans les rangs. Des sueurs froides les parcoururaient et la chair de poule les recouvrait entièrement. Cette horrible et spectaculaire transformation fit perdre connaissance à certains de ces braves hommes. D'autres prenaient la fuite.
Remarquant que le cube d'isolation se dissipait, le Capitaine voyait leurs efforts s'effondrer.
— Bon sang ! Surtout pas ça, murmura-t-il avant de crier à ses hommes.
« MAINTENEZ LE CHAMP D'ENERGEIA, NE LE.....
Mais un bruit inhabituel et continu, interrompit sa phrase. Il tourna la tête dans la direction de la créature et put constater qu'elle préparait quelque chose. Une de ses gueules était grandement ouverte, laissant voir ses dents acérées. Cela dura quelques secondes, puis, soudainement, elle poussa un surpuissant cri strident qui entraîna une succession d'ondes sonores. Elles étaient si impétieuses qu'elles envoyaient valser tous les soldats. Certains se brisaient les os en s'écrasant brutalement contre des surfaces ou objets solides. Les plus faibles ne supportant pas l'amplitude de cet hurlement, leurs cerveaux explosaient dans leurs crânes, les faisant saigner des narines, des yeux, et des oreilles. Les constructions environnantes s'écroulaient au contact de ces vagues sonores. En un instant, l'atmosphère devint funeste sous l'aura scrabeuse de l'ignominie.
Plus personne pour la stopper, la chimère déploya ses immenses ailes, se courba, et d'un seul bond, se propulsa dans les airs, créant une bourrasque. Elle laissait dans le sol, d'énormes trous en forme de pattes géantes. Cette calamité volait à une vitesse vertigineuse, dans la direction du bourg qu'elle avait aperçu à des kilomètres. En moins de cinq minutes, la monstruosité y était arrivée.
De l'autre côté, Meredith était toujours aussi angoissée. Elle était assise en tenant un verre d'eau, mais avait le cœur lourd. Elle tremblotait puis par inadvertance, laissa tomber son verre qui se brisa au contact du sol.
Jouant à l'étage avec Paf, Niyoh entendit le bruit. Il sortit de sa chambre en courant, descendit les marches en portant son familier, pour aller voir ce qu'il se passait.
— Maman, est ce que ça va ? Tu n'as pas bonne mine !
Forçant un sourire chaleureux, bien qu'elle tremblait, cette dernière le rassura.
— Oui mon chéri, tout va bien ! Ne t'inquiète surtout pas.
Soudain, un bruit d'impact parvint jusqu'à eux, faisant vibrer le sol et les meubles. Son cœur pulsa violemment dans sa poitrine.
— Oh mon Dieu ! sursauta-t-elle.
Sous l'effet de la frayeur, Niyoh s'agrippa à elle en étreignant Paf.
— Maman qu'est-ce que c'était ?
— Je ne sais pas chéri, mais il faut que maman aille vérifier. Attends moi là, tu veux ? Je reviens très vite.
Elle s'orienta à l'étage, prit la direction du couloir tout au fond pour y faire descendre une échelle qui conduisait sur la toiture. Elle la gravit et arrivée sur le toit, elle avait une vue d'ensemble, mais fut surprise de constater que l'atmosphère du paysage était obscure, comme le présage d'un événement funèbre. Droit devant elle sur des kilomètres, se trouvait la PLACE DES COMMERÇANTS, couverte par une épaisse nuée tricolore. Cependant, Meredith sentait une persistante odeur de fumée dans l'air, et un vacarme de bâtiments qui s'effondraient lui parvenait de dos.
D'ailleurs, depuis plus d'une minute, elle avait remarqué que des oiseaux et toute autre espèce volante s'éloignaient massivement de cette direction. Ce qui était inhabituel. Alors, elle se retourna pour regarder dans la direction d'où provenaient les sons. Là, elle tressaillit. Des flammes s'élevaient de ce bourg qui n'était qu'à deux localités de chez eux. Les constructions s'écroulaient les unes après les autres. Des bruits quasi imperceptibles de personnes criant lui parvenait difficilement. Elle scruta minutieusement les environs pour y apercevoir une créature immense qui s'agitait dans tous les sens. Elle pensait rêver, alors ses yeux se rétrécirent en fente pour mieux regarder. Estomaquée, elle put voir qu'un monstre gigantesque mettait à feu et à sang le bourg voisin. Sous l'emprise de la frayeur, Meredith fit quelques pas en arrière. S'en suivait un grognement fracassant de l'aberration qui résonnaint sur des kilomètres.
Terrifiée, ses yeux s'ouvrirent grandement, son sang se figea et son cœur cessa de battre quelques secondes avant de violemment reprendre un rythme effréné. Sa respiration devint lourde, profonde et chaude. Sur l'instant, ses jambes se paralysèrent et ses poils se dressèrent sur tout son corps. Elle avait l'impression de manquer d'air, ses mains devinrent moites, sa vue se brouilla, son ventre se mit à gargouiller et elle perdit le sens de l'équilibre.
Cette scène sous ses yeux, lui rappelait la tragédie dans laquelle elle perdit un être cher quelques années plus tôt. Une horrible mort se dessinait peu à peu dans son esprit quand une pensée sur son fils se superposa. Elle se mordit la lèvre inférieure, et serra très fort sa robe avec ses mains. Elle savait qu'il ne fallait pas rester là. Brusquement, elle redescendit l'échelle à toute vitesse et courut dans sa chambre. Une fois dans la pièce, elle glissait sous son lit pour en sortir un petit coffre dans lequel elle prit des objets assez étranges. Sa respiration était très forte et son cœur battait à cent à l'heure. Elle transpirait à grosse goutte. Elle descendit les marches, puis s'écria en courant.
— NIYOH, VITE CHÉRI SORTONS DE LA MAISON, NOUS NE DEVONS PAS RESTER ICI !
Ne sachant pas le drame qui se déroulait, ce dernier ne comprenait pas l'urgence.
— Mais pourquoi maman ? Qu'est ce qui se passe ?
— Ce n'est pas le moment de poser des questions chéri, fait ce que je te dis !
Elle le prit par la main pendant que le garçonnet souleva Paf, et les trois sortirent de la demeure. Une fois à l'extérieur ils se mirent à courir.
Les alentours étaient très boisés et le regard de Meredith oscillait sur chaque recoin pour trouver un espace dégagé. À plusieurs mètres, sur la gauche de sa maison, elle trouva ce qu'elle cherchait, traînant son angelot dans cette direction. Cependant, ce dernier la ralentissait dans leur course, il n'était évidemment pas aussi rapide qu'elle. Elle le porta sur le ventre pour aller plus vite.
Ils avaient déjà effectué plus de la moitié de la distance qui les séparait de la zone qu'elle voulait atteindre. Pendant qu'elle courait, Niyoh ne put tenir Paf fermement, et le fit tomber. C'était un assez grand animal de compagnie. Il pesait plus ou moins neuf kilos.
Ne pouvant en aucun cas envisager de laisser son ami d'enfance, Niyoh demanda à Meredith de s'arrêter. Il criait en essayant de descendre.
— MAMAN ATTENDS ON DOIT RÉCUPÉRER PAF !
Sans ralentir un seul instant, serrant très fort ce dernier, elle répondit d'une voix désenchantée.
— Pardonne moi chéri, nous ne pouvons pas revenir sur nos pas. Maman est désolée !
Dans une telle situation, la priorité c'était son chérubin et rien d'autre. Mais lui ne pouvait le comprendre, il voulait à tout prix récupérer son meilleur ami. Pour faire lacher prise à sa mère, il s'agitait dans tous les sens.
— Non, Niyoh, arrête de gesticu...
Alors qu'elle essayait de le maîtriser, elle perdit l'équilibre et trébucha. Mais avant de se heurter sol, la jeune mère força une manœuvre dans laquelle, elle se tourna sur le dos afin de protéger son fils de la chute. Glissant sur un mètre en tombant de tout son poids, Meredith se tordit la cheville, s'égratigna le dos et l'épaule gauche.
Pendant qu'elle se tortillait et qu'elle gémissait de douleur, sans réfléchir, l'entêté se releva et courut pour aller récupérer son familier.
— ATTENDS PAF, J'ARRIVE !
Au moment où il se rapprochait, quelque chose de massif s'écrasa lourdement sur leur maison qui tomba en ruine, en une fraction de seconde. Son atterrissage s'accompagnait de rafales de vent qui soulevaient de la poussière, faisant s'affaisser l'enfant. Détournant le regard par réflexe, celui-ci porta son avant-bras droit devant son visage pour protéger ses yeux des grains de sable.
Toutefois, il écoutait de curieux bruits, trois précisément. Le premier lui parut clairement être un vrombrissement, le second semblait être de fortes respirations mais il avait du mal à savoir ce que pouvait être le troisième son bruyant qui lui parvenait. S'en suivit une lourde odeur nauséabonde qui lui remplit les narines, tout cela lui donnait la chair de poule.
Naturellement, quand le vent cessa de souffler, il voulut visuellement confirmer ce qu'il entendait et d'où provenait ce relent fétide. Il baissa son avant-bras, relevant lentement son regard dans la direction de l'impact. Mais sa tête n'arrêtait plus de se redresser. Qu'est-ce qui pouvait être aussi grand ? Se demandait-il. Quand finalement ses yeux atteignirent une certaine hauteur, progressivement, ceux-ci s'écarquillaient sous la découverte de l'immense bête qui lui semblait avoir une hauteur insensée pour un animal. Pour lui, les animaux devaient au moins faire la taille de Paf ou celle d'une monture au plus. Son cœur tambourinait à mesure qu'il scrutait le quadrupède qui ne l'avait pas encore remarqué. Un nuage poussiéreux le couvrait encore. Portant son regard plus haut, il découvrit une hideuse tête énorme. La peur le saisit et son coeur se bouscula si fort dans sa petite poitrine qu'il eut l'impression qu'il avait explosé. Angoissé, sa respiration devint profonde et lourde. Que pouvait être cette gigantesque créature ? S'interrogeait-il.
La bête avait la tête couverte d'écailles et de grands yeux globuleux. Ses puissantes mâchoires broyait quelque chose qui émettait les étranges bruits qu'il n'arrivait pas à saisir plus tôt. C'était sûrement un herbivore géant, pensait-il. Le reptile pencha la tête pour remettre dans sa gueule, ce qu'il mâchait, permettant à Niyoh d'appercevoir vaguement quelque chose. La tête levée et les yeux fermés, le végétivore savourait tranquillement ce qu'il mangeait.
Cette fois, le jeune garçon put clairement voir ce que mastiquait l'animal. Ce n'était sûrement pas un herbivore. Une tête d'enfant ainsi qu'un bras d'adulte débordaient de sa gueule et du sang fusait le long de ses babines. Il triturait² os et chair. En se léchant les babines, la bête remit dans sa gueule, des bouts de viscères qui collaient à ses dents. Cette chose mâchonnait des êtres humains et ce bruit qu'il ne distinguait pas au départ était des brisures d'os.
L'effroi traversa le corps entier de Niyoh. Il se pétrifia à l'instant, son sang se glaça dans ses veines et ses poils se hérissèrent. Devenu pâle comme un macchabée, ses yeux s'ouvrirent comme des soucoupes. La bouche pendante, il ne put s'empêcher de laisser s'échapper des cris.
— AAAAAAH..... Iiih... Iih !
Cet hurlement de terreur laissa des larmes dévaler le long de ses joues, dans une explosion de pleures. Bien que ce n'était qu'un enfant, pour la première fois de sa vie, un sentiment qu'il pourrait sans doute qualifier de mort, l'accabla. Mais ce cri à plein poumons avait attiré l'attention de la bête qui festoyait paisiblement. Elle se tourna vers Niyoh qui réalisa que ce qu'il pensait être un herbivore géant, ou un effrayant monstre gigantesque, était une créature bien pire que tout ce qu'il aurait pu imaginer. C'était une ignominie sortit tout droit des enfers. Quel genre d'animal ressemblerait à ce qu'il voyait sinon.
Cette difformité infernale était dotée de trois têtes massives, dont deux sur les côtés étaient recouvertes d'une écaillure tricolore assombrit par sa volute ténébreuse, et dévoilaient une paire de grandes cornes chacune. Celle du centre par contre, était enveloppée d'une fourrure d'un noir obscur. Chaque crâne possédait de grandes narines qui la donnait de puissantes aspirations d'air qui, à chaque expulsion, ressortait sous forme de vapeur. De plus, elle avait des ailes de dragon surdimensionnés et de grands iris reptiliens. Ses gueules possédaient une denture disproportionnée. Une présentait des crocs semblables à des ivoires tandis que les deux autres cachait difficilement des dents en zigzag très aiguisées. Sur ses pattes démesurées, des serres remplaçaient des griffes. Son haleine empestait des cadavres en décomposition.
La présence suffocante de ce monstre des abîmes s'accompagnait de vrombissements caverneux, et d'un épais fluide sinistre qui s'évaporait de sa stature colossale.
Terrorisé et médusé, Niyoh était au bord de l'évanouissement. Alors que ses épaules s'affaissaient en parenthèse, un liquide chaud mouillait continuellement sa culotte, se répandant en dessous de son postérieur. Celle-ci forma une flaque jaunâtre.
Naturellement muni d'un instinct plus aiguisé, Paf, allongé en sphinx à quelques centimètres de son jeune ami, n'osait plus bouger. La trémeur l'avait tétanisé.
Quand finalement, Meredith, qui à plat ventre peinait à se redresser levait la tête, ses traits se froissaient d'épouvante. Cette dernière voyait l'aberration se tenir à quelques mètres de son enfant. Tandis que des frissons d'effroi électrisaient simultanément ses orteils, ses vertèbres ainsi que sa nuque, ses jambes se paralysèrent instantanément. Tremblante comme une feuille, son corps tout entier refusait de se mouvoir. Une impuissance indicible la clouait sur la surface de dalle.
— Une... une chimère ! susurra-t-elle, le regard terni de désespoir.
Évidemment c'en était une. La même qui venait de terrasser une centaine de soldats aguerris et de détruire un bourg entier, en un temps ahurissant.
Meredith porta ses yeux sur son fils terrifié et soudain, son adorable garçon se fit brutalement dévorer sous son regard impuissant. Son cœur se contracta douloureusement dans sa poitrine.
Cette projection délirante que venait de peindre son subconscient à l'instant, secoua violemment son corps tout entier, jusqu'à la plus infime particule de son être. Elle ne pouvait envisager un tel scénario. Dans un éveil lunatique de tous ses sens, son instinct maternel prit le dessus sur sa terreur. Elle se mordit les lèvres, fronça les sourcils et se redressa difficilement en poussant de faibles gémissements.
Se retrouvant à quatre pattes, sa respiration était rapide et son cœur battait si vite, qu'elle ne distinguait plus le courage de la peur. Elle tendit sa main droite en arrière, effectua des gestes qui fit apparaître quelque chose d'étrange dans le vide puis, se releva dans un effort héroïque. Elle sortit ensuite quelque chose dans l'une de ses poches qui, au contact de sa main s'agrandit. L'objet ressemblait à un genre de barre métallique aux inscriptions scripturaires, mais c'était bien plus que ça. Elle rassembla ses forces et courut vers Niyoh en traînant le pied qui s'était foulée la cheville.
— AAAARH... ÉLOIGNE TOI DE LUI, CRÉATURE DES TÉNÈBRES !
Au même moment, quelques voisins qui se cachaient à cause de l'explosion qui eut lieu plus d'une heure plus tôt, sortaient de chez eux et pu voir la monstruosité qui venait de débarquer dans leur habitation paisible.
— AAAAAHH... MAIS QU'EST CE QUE C'EST ?
— OH MON DIEU !
— COMMENT UNE CHOSE PAREILLE A-T-ELLE PU ARRIVER ICI ? QUE FONT LES SOLDATS ?
La panique les fit courir dans tous les sens et leur brusque apparition, excita l'immonde abomination qui grogna puissamment. Ce qui signait le début de sa chasse.
Soudain, elle bondit sur Niyoh mais juste à ce moment, un dôme lumineux d'un blanc éblouissant apparut et l'enferma. C'était l'œuvre de Meredith. Elle se tenait devant le jeunot qui la voyait enfoncer une barre de fer dans le sol. Dans le même temps, elle s'adressait à lui mais il semblait ne rien écouter. Elle retint avec sa main droite la barre, se tourna vers le jeunet pour lui serrer très fort avec son bras gauche, et s'adressa de nouveau à lui qui cette fois, put l'écouter.
— Niyoh... Niyoh, mon chéri, écoute moi attentivement, je veux que tu sois fort et courageux, tu vois le cercle juste derrière toi ?
Incapable d'articuler, Niyoh tourna la tête en tremblant et vit de quoi elle parlait. En réponse, il hocha la tête.
— Très bien, je veux que tu prennes Paf avec toi, et que tu cours vers ce cercle pour le traverser. Vas-y ! reprit-elle.
Elle saisit la nuque de ce dernier, rapprocha son front de ses lèvres et le fit un baiser. Elle l'aida ensuite à se relever. Il prit son familier et courut aussi vite qu'il put. Arrivé devant le cercle, il s'arrêta et trouva enfin la force de formuler une phrase, en couinant, ses yeux larmoyant cernés.
— Et.. et... toi maman... tu ne viens pas avec nous ?
Des fossettes se creusèrent sur les joues de cette dernière et un sourire chaleureux se dessina sur son visage.
— Ne t'en fais pas, maman va te rejoindre dans pas longtemps, répondit-elle.
Niyoh traversa la spirale verticale qui disparut aussitôt sans laisser aucune trace de lui.
.... À Suivre ....
Lexique de mot
1. ''Hiyonit'' signifie énergie vitale.
2. ''Triturer'' c'est-à-dire broyer ; réduire en parties très menues ou en poudre.
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👋😃Saluut, merci pour ta lecture ! ☺️
J'espère que ce chapitre t'as plu. Si c'est le cas, 😊 m'ajouter la petite étoile 🌟 me fera chaud au cœur !
🤓 N'hésite surtout pas à me laisser un commentaire (j'adore les commentaires constructifs) et à me faire part de tes impressions.
😃Ah, au fait, n'oublie pas, pour ne pas manquer les nouveaux chapitres, abonne toi🤗.
En attendant impatiemment ta prochaine lecture, je te souhaite une santé de FER❤️💪 !
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