Les Hommes
Le début de tout
Dieu comprit et se mit en colère. Sa peine était sans pareil : l'Homme était devenu maître du jugement. Et parce qu'il était devenu injuste, et parce qu'il devenait proche de son égal, comme jamais aucun n'y avait fait, n'y était parvenu, Dieu courroucé cria sentence. Et Adam pris peur. Pour la première fois de son existence, à la vue de ce Père qui ne l'avait jamais grondé, il se sentait coupable ; il jugeait son propre crime, il sentait cet insidieux sentiment le ronger de l'intérieur, il était un poison sournois qui corrompait sa vision, Adam n'avait plus l'esprit clair. La sueur perlait sur son front, ses mains commençaient à trembler, dans la panique, il bredouilla des fragments d'excuses, puis sa voix se tut ; il restait incapable de se justifier.
Alors il se produisit ce qui n'était jamais arrivé : du doigt, il la dénonça.
Les mots suivirent le geste.
"C'est Eve, qui m'a tenté, dit-il. Elle a cueillit le fruit et me l'a partagée."
Comme un cordon ombilical qu'on lui aurait sauvagement arraché, son épouse se senti meurtrie, atteinte, au plus profond d'elle-même. Trahie, divisée de son origine, seule. Son mari, quand à lui, sentit quelque chose se rompre ; il découvrait qu'il pouvait trahir quelqu'un d'autre, qu'il pouvait se montrer perfide ; si cela le plongea un peu plus dans la honte, il ressenti un grand bien à se défendre, pour alléger son propre poids.
Eve était pleine de colère et de dépit, ils n'étaient plus complices, ils n'étaient plus Un, et c'était Adam même qui venait de la blesser. Elle sentait une boule compacte rouler dans son estomac, alors qu'elle mâchait, crachait ces mots comme du venin :
"C'est le serpent, dit-elle. Il a usé du langage pour me duper."
En elle, elle rencontrait la rancune.
On alla chercher le Serpent.
La punition
"A toi, Serpent, je te maudis, dit Dieu"
Et le serpent qui aimait tant se tenir, pour pouvoir tout guetter, observer, et tout comprendre, fut réduit au sol.
"Je te condamne à ramper plus bas que les autres, pour que plus jamais ne te vienne l'idée qu'un autre puisse m'égaler."
Ainsi le Serpent fut puni.
"A toi, femme, je te maudis, dit Dieu"
Et la femme, connut la souffrance, de porter puis mettre au monde.
"Je te condamne au mal de ton corps, qui enfantera dans la douleur."
Ainsi Eve fut punie.
Mais quand vint le tour d'Adam, Dieu hésita. Il était son premier fils, son premier né, et parce que le Serpent n'était qu'un animal, et Eve rien d'autre qu'une seconde création, il portait son fils en affection. Ainsi, au moment de prononcer la sentence, rejeta t-il toute la faute sur les deux autres.
"Que cela vous serve de leçon, dit-il au Serpent et à la femme. Toi, Serpent, tu hairas les Hommes. Tes semblables mordront leurs chevilles et eux vous le rendront. Ainsi, jamais plus, vous ne vous allierez contre moi."
Puis se tournant vers Adam et Eve :
"Toi, Femme, écoute donc ton époux, toi qui te fais si facilement duper...Quand à toi, Adam, ne la suit pas dans la bêtise ; ne l'écoute plus jamais."
Eve se sentit rougir, devant ce favoritisme à peine dissimulé. Pour la première fois, elle eut honte de ne pas être la première, elle eut honte d'être une femme. Dieu venait sans le savoir de créer une brèche dans l'humanité, une différence infime dans la perception de la femme par l'homme, une différence qui pour beaucoup changea tout.
Du Paradis à la Terre
Mais, après tout cela, Dieu, lorsqu'il les regarda tous les trois, et le Jardin, qui se profilaient derrière eux, comprit que jamais plus il ne pourrait les laisser y vivre. L'arbre n'y était plus sûr, à portée de leurs mains, de leur Désir. Et par dessus tout, Dieu n'avait plus confiance. La crainte qu'ils refassent de même lui était insupportable. L'effroyable vérité : il ne pouvait permettre au couple de devenir entier, eux qui pour son bonheur, avait partagé le fruit, et étaient encore loin de sa puissance. Mais tout pouvait changer à tout moment, laisser ici Adam et Eve était prendre des risques inutiles, des risques qu'il devait éviter. Il devra rester le seul, l'unique, le grand. Dieu.
Alors il les chassa. Devant les portes d'Eden, il modela des êtres en tout point semblables à l'homme, à la différence près qu'il s'assura de leur complète obédience. Il les arma, et en fit des sentinelles, pour être sûr, que les Hommes, toujours, resterons loin du fruit, loin de la tentation, et de lui, Dieu. Car depuis ce jour, plus aucun ne l'égal. Les Hommes sont à Terre, à la cultiver pour vivre, loin du paradis céleste qu'ils avaient quitté.
Ainsi est l'histoire des Hommes.
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