Part 20 : Frustration
Le moment m'échappe. Il se faufile entre mes doigts comme si je ne pouvais plus rien maîtriser. À peine ai-je le temps de respirer que la transition opère. Une masse fantôme libère définitivement mon organisme, me laissant engourdie.
La chambre est austère, monacale. Une couche étroite, des draps rêches. Je suis allongée. Je me lève précipitamment et me libère des bras qui me serraient fort contre ce corps brûlant.
Je suffoque. Regarde mes pieds nus, puis la commode usée par le temps, et une autre croix suspendue au mur blanchi à la chaux. L'air est figé, lourd de silence, seulement troublé par la flamme vacillante d'une bougie, dont la lueur projette mon ombre distordue sur les murs. Une chaise et dessus une veste, longue et noire.
Je pivote tout en reculant et mon dos cogne contre le bois du battant rustique. Je reste adossée à la porte, le souffle court, mon cœur cognant contre mes côtes. Il n'est plus possible d'ignorer la présence physique d'Aden dans cette pièce ridicule.
Le grincement de ressort sur la droite et il s'assoie lentement sur le lit, les jambes écartées. Ses doigts viennent effleurer distraitement la couverture, là ou j'étais étendue à ses côtés quelques secondes plus tôt. Son regard se perd dans l'espace, sans ancre, sans histoire. Il semble... vacant. Une toile vierge.
J'ai voulu cela. L'oubli. L'effacement. Je l'ai dépouillé de ses souvenirs, de tout ce qui l'a construit, dans l'espoir d'entrevoir quelque chose d'autre. Le délester de notre passé si monstrueux pour lui, et voir l'homme qu'il serait avec moi si nous n'avions jamais existé.
Je cherche une faille. Une seule... qui pourrait éteindre cette douloureuse déception en moi.
— Tu me regardes, murmure-t-il soudain, sa voix tranchant le silence.
Mon estomac se contracte. Son timbre est le même, grave, posé, aussi insoumis qu'au premier jour. Mais il manque quelque chose. Ce ton cinglant, ce détachement teinté de mépris. Il n'y a plus cette distance glacée. Qu'une douce tiédeur dans cette espace froid.
— Tu ne te souviens de rien ? demandai-je d'une voix faible.
Il tourne lentement la tête vers moi, ses yeux ternes s'accrochent aux miens, je retiens mon souffle. Malgré tout, son regard a gardé cette intensité dérangeante.
— Rien.
Un frisson me parcourt l'échine.
— Même pas de moi ?
Il penche la tête, m'observe comme si je n'étais qu'une inconnue parmi tant d'autres. Je le sens pourtant. Une tension infime se cache sous les apparences. Aden cherche à comprendre, à décoder ce qu'il ressent. Je devine qu'il essaie, qu'il explore. Il ne le montre pas, mais il est en train de se réapproprier ses perception, cette connection avec mes émotions qu'il perçoit sans en saisir l'origine. Il ne doit pas sentir la peur. Je m'oblige à me décontracter, respirant lentement, calmant ainsi les battements diligents sous ma poitrine.
Aden m'a blessée au plus profond de mon être. Je le déteste, et je crois que je n'arrive pas à le cacher.
— C'est toi qui as fait ça, n'est-ce pas ? devine-t-il.
Mon estomac se tord. Je redresse les épaules pour qu'il jauge ma détermination.
— Oui.
Il hoche la tête, lentement, un geste presque contemplatif. Il ne me confronte pas. Il ne cherche pas à récupérer ses souvenirs, ni me supplie de lui dire qui il était. Il accepte le vide avec une sérénité glaçante.
— Pourquoi ?
— Rééquilibrer les choses.
Je reprends la phrase de Thènes comme si cela pouvait justifier tous les actes du monde.
J'ai besoin de reprendre le contrôle. Sur ma vie. Sur mes sentiments car je ne maîtrise plus rien. Je veux reprendre ce qu'Aden m'a volé. Avoir, ne serait-ce qu'une fois, l'avantage. Il m'a tout pris : mon équilibre mental, mes certitudes ancrées, jusqu'à mon propre passé. C'est une vengeance. Peu importe les moyens, peu importe le prix et le temps que cela durera. Je ne crains pas les représailles. Je n'ai plus rien à perdre...
Il baisse les yeux vers ses mains, les observe comme si elles lui appartenaient à peine. Puis, du bout du pouce, il effleure une cicatrice sur la jointure de l'index, une marque qu'aucun souvenir ne peut venir justifier.
— Et alors ? Déçue ?
— Je ne sais pas encore.
Un sourire effleure ses lèvres, un fantôme de rictus. Pas de joie, pas d'amusement. Quelque chose de plus instinctif. Ça me met mal à l'aise. Je m'attendais à une réaction plus forte, à de la panique, de la frustration, de la colère mais il est juste... ainsi. Comme si rien n'avait d'importance.
— Tu pensais que je supplierais qu'on me rende ce que j'ai perdu ?
Il jauge ma réaction, savoure mon malaise. Lit-il mes émotions, évidemment. Je serre les mâchoires. Il marque un point. Je voulais peut-être qu'il craque, qu'il me supplie, qu'il ressente cette impuissance que j'ai connue. Mais il n'offre rien.
— Peut-être que je n'ai pas besoin de mes souvenirs, lâche-t-il d'un ton détaché.
N'aimais-tu pas me mépriser, Aden ? M'éviter ? Qu'est-ce que je t'ai fait de si mal ?
— Tu devrais me haïr, soufflé-je.
— Peut-être. Mais je ne ressens rien.
Je recule d'un pas, comme frappée en plein cœur. J'aurais préféré qu'il me haïsse viscéralement. Que ce rejet soit ancré en lui. Au lieu de cela, il expose une vérité évidente : il n'a jamais aimé la personne que j'étais, encore moins mon caractère. Alors que de mon côté, je ne voulais pas savoir à quoi ressemblait de vivre sans lui, qu'importe la façon dont il me rejetait. Un frisson de rage me traverse. Il se moque de moi, sans même s'en rendre compte.
— Rien ? répété-je.
— Ni colère, ni tristesse, ni rancune. Rien. Et ça ne me dérange pas.
Un rire amer me secoue.
— Et dire que je te trouvais froid...
Il se lève lentement du lit, avance vers moi d'un pas mesuré. Il me surplombe sans effort, comme toujours. Je ne bouge pas, gardant toute détermination intacte. Il s'arrête à quelques centimètres, plongeant ses yeux dans les miens. Je tiens bon, plantant mes ongles dans mes paumes pour ne pas céder à ce frisson désastreux qui remonte mon échine.
— Comment aurais-tu voulu que je sois ?
Comment aurais-je voulu que tu sois ? Mon souffle se suspend un instant alors qu'une pensée me traverse : "à moi", juste une fois. Dans mon égoïsme absolu, j'aurais voulu que tu sois mien. Que tu ne sois ni Sentynel, ni un meneur, encore moins le fils de ton père. Oui, c'est vrai, je voulais que tu m'appartiennes. Et alors ? Peu m'importe si c'est égoïste. Tu aurais dû m'être fidèle, prêt à me suivre comme un chien s'il le fallait. Pas ce salaud de polygame qui se moque de moi, ce fou qui se fiche de qui je suis.
Je sens qu'il dissèque mes émotions acerbes. Elles doivent lui paraître floues, terribles, entremêlées. Ça me met hors de moi. Des larmes de rage gagnent mes paupières.
— Comment tu t'appelles ?
Je lève les yeux tremblant vers lui.
— Ava, dis-je en le fixant moi aussi en retour.
Il reste énigmatique, comme s'il tentait d'évaluer la situation sans montrer de faiblesse. Il ne pose pas de questions inutiles. Son souffle s'évanouie sur mon front. Il est trop proche. Trop sûr de lui. J'aurais tellement voulu voir du doute, du désarroi. Le signe d'une déroute. Mais non. Rien ne transparaît.
— Tu espérais quoi, Ava ? murmure-t-il.
Le son de mon prénom dans sa bouche est une aiguille glacée qu'on plante dans ma peau. Il le prononce avec une telle évidence, sans hésitation.
— Rien, réponds-je trop vite.
Aden esquisse un sourire imperceptible.
— Mensonge.
Il me déstabilise. J'ai pris un avantage sur lui en lui volant ses souvenirs, et pourtant, c'est encore lui qui contrôle. C'est tellement prévisible...
— Tu n'as jamais été facile à comprendre, Aden, lâché-je avec amertume. Finalement, avec ou sans mémoire, je ne saurais rien de plus sur toi.
Il incline légèrement la tête, l'ombre d'une curiosité dans ses traits. Je dois sortir. J'étouffe ici, mais la tonalité basse de son murmure me rappelle à lui :
— Et toi, Ava ? Es-tu plus facile à comprendre ?
Je serre les dents, puis le foudroie des yeux. Il sait tout de moi, même ce que je garde au plus profond de mon âme. Depuis mon enfance, il s'approprie mes secrets, dérobe mes émotions. Alors, est-ce vraiment une victoire si, pour une fois, je lui vole quelques minutes de sa vie ?
Je détourne le regard et marche jusqu'à la commode où la bougie vacille. Je tends la main droite vers la flamme, laissant la chaleur chatouiller le bout de mes doigts qui tremblent. Quelques minutes de ta vie, Aden, alors que tu as enterrés mes rêves de petite fille. Quelle ironie.
— Je me demande ce que tu ferais si tu retrouvais tes souvenirs maintenant, murmuré-je plus pour moi-même.
— Tu as peur que je me souvienne ? demande-t-il avec une douceur inattendue.
— Oui.
— Pourquoi ?
— Tu me tuerais.
— Pourquoi je te tuerais ?
Qu'il pose des questions sans filtre est si déstabilisante... Il n'a jamais fait le moindre effort pour me connaitre, savoir ce que je pense. Pourquoi maintenant ? Est-ce que toute sa personnalité n'est qu'un mensonge ?
— Tu me détestes et... je te déteste.
Il s'approche dans mon dos, lentement. La chambre, déjà minuscule, semble se refermer sur moi. Je sens la tension dans mes muscles, mais je tiens bon.
Son murmure me frôle la nuque, et un frisson me traverse, si fugace que j'ignore s'il est dû à la nervosité, l'aigreur ou à autre chose.
— Je ne crois pas...
Je pousse un petit rire, sec, forcé.
Il me déteste, c'est incontestable.
Je le déteste, c'est...
Je fronce les sourcils cherchant la formule adéquate.
Il n'a pas besoin de souvenirs pour savoir comment défier mes certitudes.
— Tu me tuerais tant je t'insupporte, soufflé-je.
— ... Ou quelque chose d'équivalent.
Mon cœur fait une embardée. Je me retourne brusquement. Ses prunelles sont toujours trop sombres pour que je ne détecte le moindre signe de réveil. Mes fesses rencontrent le meuble derrière moi, et je me raccroche au rebord du bout des doigts.
— Si j'étais un meurtrier...
Il laisse sa phrase en suspens. Comme si je devais deviner la suite. Un vertige me prend. Mon instinct me hurle de fuir, que c'est lui, mais je reste ancrée sur place. Je refuse de reculer même si je n'avais pas anticipé ce que signifierait être enfermée seule avec lui.
Ai-je commis une erreur ?
Je relève le menton, refusant la fuite pour le moment. Aden est un prédateur né. Ce genre de réaction est naturel.
J'analyse son regard alors qu'il incline légèrement la tête.
Sa main droite se lève. Ses doigts frôlent une mèche de mes cheveux, l'attrapent doucement, puis la caressent entre ses phalanges.
Mon cœur cogne si fort contre ma cage thoracique que j'en perds le souffle. Aden est grand, concentré, la tête penchée au-dessus de la mienne. Je sens quelque chose se serrer au creux de mon ventre. Il est toujours sous le joug de Thènes, me rassuré-je.
Les rêves sont imprévisibles...
Je refuse de céder à l'angoisse. Je dois reprendre le dessus.
Je fais un pas, me trouvant presque à l'intérieur de ses bras. Il recule la tête pour pouvoir m'observer.
Il lâche ma mèche qui retombe sur mon épaule.
M'appuyant contre la commode derrière moi, je me dresse sur la pointe de pieds. Je tends le menton vers lui. Son regard s'accrochant au mien. Nos visages sont à quelques millimètres. J'essaie de trouver une raison profonde à tout ce cheminement jusqu'ici.
Pourquoi me blesser à ce point, Aden ? Tu aurais dû quitter le manoir beaucoup plus tôt si c'était pour tout laisser derrière toi.
Sans que je m'y attende, il fait un mouvement vers moi, comme s'il me lançait un défi. Je frémis sous notre proximité, et nos corps se touchent un instant. Je refuse cette chaleur. Elle ne devrait pas exister. Pourtant, les battements entêtants de mon cœur me donnent le tournis.
— Tu sembles troublée, Ava, murmure-t-il.
Son sourire est imperceptible, mais il est là, dans l'ombre d'un frisson au coin de ses lèvres.
— Je ne le suis pas, rétorqué-je, mais ma voix me trahit, plus rauque qu'elle ne le devrait.
Sa main descend lentement le long de mon bras en une caresse légère à travers le tissu. Je me maudis d'avoir la peau qui frissonne sous ce contact, d'être réceptive. Je ne devrais plus rien ressentir.
Tu devais me protéger. Tu avais promis... J'ai perdu cette promesse, comme on perd une partie de soi-même.
Il n'y a plus rien à prouver. Je ne sais pas pourquoi je m'obstine à lire quelque chose en toi.
— C'était ma dernière carte, dis-je à bout de souffle.
Mes talons retrouvent le sol.
Je dois partir. Il est temps que je quitte la chambre. Combien de minutes Thènes m'a accordée. Je me traite de sotte de ne pas l'avoir questionné plus tôt.
Aden continue de me fixer, mais ce n'est plus un regard vide. Il y a quelque chose de plus intense, de plus réel et je sens un frisson glacé courir sur ma peau. Je devrais prendre la poudre d'escampette, pourtant... c'est étrange... il me regarde comme si j'étais la seule chose dans cette pièce qui comptait. Je voulais être la seule dans son monde.
Son autre main se lève, mais cette fois, ce n'est pas mes cheveux, ni mon bras qui l'intéressent. Ses doigts glissent sur ma hanche, effleurent le tissu de ma soutane, traçant une ligne brûlante qui m'arrache un bond sous la poitrine. Il le sent. Je le vois au léger tressaillement de sa mâchoire.
Mon corps devient étrangement trop conscient de lui, de la chaleur qui émane de son torse, de la façon dont ses mains me caressent.
— Je suis attiré par toi.
Les mots tombent comme un couperet. Aden esquisse un rictus pendant que la puissance de son corps irradie vers moi.
Il laisse planer un silence, un de ceux qui aspirent l'oxygène. Puis, il penche la tête, et son nez effleure ma tempe. Il inspire longuement mes cheveux, sa bouche frôle presque ma peau lorsqu'il murmure :
— J'ai envie de toi.
Je cligne des paupières. L'aveu est direct, brutal, sans détour. Sans provocation. C'est trop. Trop de tension. J'ai peut-être réveillé un autre démon.
Je me décale brusquement, me libérant de son emprise.
Aden ne fait rien pour me retenir. Il me regarde me diriger à l'autre bout de la pièce. Il y a quelque chose de différent dans ses yeux. Comme s'il venait de comprendre quelque chose d'important. Et moi, je n'arrive plus à respirer correctement.
— Pourquoi tu dis ça, comme ça ?
Aden ne répond pas tout de suite. Son regard glisse sur ma silhouette, lentement, comme s'il voulait graver chaque détail dans sa mémoire.
— Je ne sais pas, murmure-t-il enfin. C'est mon corps.
Je retiens mon souffle. Ma gorge s'assèche.
— Il veut te toucher, te sentir, continue-t-il. Mon corps sait que ta peau est...
Il s'arrête. Son regard descend lentement sur mes lèvres.
— ... familière.
Ce mot me frappe de plein fouet. Je devrais être satisfaite. C'était ce que je voulais, non ? Une autre version d'Aden, débarrassée de tout ce qui l'éloignait de moi.
Mais pas comme ça. Pas de cette façon. Il ne me désire pas. Seulement son corps le décide comme il s'approcherait de n'importe qui parce que quelque chose de plus primitif, plus profond dans sa conscience réagit à ma présence.
Et je déteste ça. Ce n'est toujours pas ce que je voulais.
— Alors ce n'est pas vraiment moi, dis-je, un rire sans joie m'échappant. Juste un instinct.
Aden fronce légèrement les sourcils, comme s'il analysait mes paroles.
— Qu'est-ce que ça change ?
Mon estomac se tord.
— Ça change tout.
Je fais un pas en arrière, mais je suis arrêté par le bois du lit dans mes cuisses.
— Ava, murmure-t-il, d'une voix presque douce. Tu veux que je sois à toi, n'est-ce pas ?
Je retiens mon souffle. Comment a-t-il deviné ? C'est peut-être à cause de cette peur, cette insécurité et ce désir presque passionnel de contrôle. Toutes ces émotions me trahissent.
— Je le suis, poursuit-il. Mais pas comme tu l'espérais.
Je ferme les yeux un instant, ravalant cette rage sourde, cette déception.
— Ce n'est pas assez.
Les mots s'échappent hors de moi avant que je ne puisse les retenir. Aden, j'aurais voulu te posséder corps et âme. C'est tellement égoïste, tu le sais. C'est pour cela que tu me hais.
— C'est pourtant tout ce que j'ai à offrir.
Le silence s'étire entre nous. Je le regarde, et il me regarde en retour, imperturbable, comme si mes propres réactions l'intriguaient plus que la situation elle-même.
— Pourquoi ?
Ma voix est rauque. Vulnérable.
— Pourquoi n'as-tu que ton corps à m'offrir ? dis-je à regret.
Aden, même cela, tu ne voulais pas me le céder malgré que tu te sois donné à d'autres femmes.
— Parce que c'est tout ce qu'il me reste.
Je serre plus fort les poings, frustrée.
— Ce n'est pas une réponse.
— Au contraire, c'en est une, répond-il calmement. Tu as pris le reste, Ava. Tu as voulu voir ce que je serais sans mon passé.
Il s'approche encore, juste assez pour que je sente la chaleur de son corps, pour que mon souffle se suspende. Il poursuit :
— Un homme qui ne ressent rien, sauf ce qui est inscrit dans sa chair. C'est ce que tu veux.
Ma gorge se noue.
— Non. Ce n'est pas ce que je voulais.
Aden esquisse un sourire, mais ce n'est pas un sourire chaleureux. Il est lent, calculé, un éclat d'ironie que je ne peux ignorer. Il n'a rien de normal, mais alors que je prends peu à peu conscience du risque de rester là, Aden me rappelle à son attention.
— Non ? Alors dis-moi, Ava. Qu'est-ce que tu voulais ?
Je me mords l'intérieur de la joue, refusant de répondre. Parce que le doute m'envahit. Parce que je pensais pouvoir le plier à ma volonté, et qu'au final, c'est moi qui me perds. Son amour ? Est-ce vraiment ce que je voulais ? Oui. Mais exclusivement. Le seul que je pensais pouvoir obtenir. C'est si bas, déplorable.
— Si tu veux plus, poursuit-il. Il faudra que tu me donnes plus.
Je frissonne malgré moi.
— Te donner quoi ?
— Toi.
Un battement de silence. Je secoue la tête, comme si cela pouvait chasser l'ombre de ses mots.
C'est absurde.
Il avance et je me sens prise au piège. Une tension magnétique pulse entre nous. Aden se penche légèrement, son souffle frôlant ma joue, sa voix à peine un murmure.
— Donne-moi quelque chose de vrai, Ava. Quelque chose qui ne soit pas une manipulation.
Mon cœur rate un battement. L'angoisse au creux du ventre.
— Alors nous serons égaux et nous n'aurions plus à nous détester.
On ne sera jamais égaux ! Tu resteras le garçon qui m'a abandonné sans te retourner.
J'étais accroché à toi et tu ne m'as jamais regardé. Encore là, ce n'est pas Ava qui t'attire. Juste une présence, une enveloppe réceptive à ton désir.
Mais... est-ce que ça change vraiment quelque chose ?
Il touche ma cuisse du bout des doigts, et je frémis malgré moi. Il m'observe, attentif, comme s'il testait une hypothèse. Comme s'il attendait une réaction pour en mesurer la portée. Sa main se déplace sous la soutane, remonte lentement, de plus en plus haut. Une chaleur inconfortable naît dans mon ventre.
— Tu frissonnes.
Je détourne les yeux, honteuse de mon propre corps qui répond au sien.
— C'est le froid.
— Un Mensonge. Encore. Est-ce pour cela que je te détestais ? Tes mensonges ?
— C'est toi qui m'a menti, fais-je immédiatement, la colère que je retenais jusque-là tremble au bord de mes lèvres.
— Là, je ne te mens pas.
Ses doigts remontent lentement, effleurant ma peau avant de glisser sous le bord de ma culotte. Mon souffle se coupe. J'attrape son poignet, mais je ne le repousse pas. Il ne bouge pas non plus. Une attente suspendue entre nous.
Mon rythme cardiaque s'emballe alors que je sens la brûlure de sa paume sur ma peau qui contraste tant avec la froideur de la pièce. Je devrais m'arrêter là. Dire quelque chose. Quitter cette pièce sur-le-champ.
Mais je suis fatiguée d'être Ava. D'être celle qu'il aurait rejetée, celle qu'il aurait méprisée s'il savait.
Alors, qu'importe.
En fait, j'ai compris.
Je voulais retirer la mémoire d'Aden, ne serait-ce que pour quelques minutes, parce que je cherche un moment de vérité pure, une brèche dans laquelle il ne serait plus façonné par son passé, ses mensonges ou ses propres barrières. Je voulais voir qui il est, au-delà des blessures, des rejets et des faux-semblants.
Peut-être espéré-je que, sans le poids de ses souvenirs, il m'aimerait enfin sans hésitation, sans rancune. Ou peut-être voulais-je tester autre chose : si, même dans l'oubli, il me désirait toujours.
Si ce qui nous attire l'un vers l'autre dépasse la raison.
J'attends une réponse à mes propres questions. Un moment où Aden ne pourra plus fuir, où je saurai enfin si ce que nous avons partagé était réel... ou si j'ai toujours été seule dans notre histoire.
Mes paupières papillonnent sous le poids des larmes. Ma bouche se froisse.
Je lève le menton et croise son regard, qui me scrute et semble dire : On s'en fout de tout ça. Tu me veux tout à toi. Tu as envie de moi, toi aussi. Qu'importe qui on est, faisons-le. On en a envie. On n'a pas besoin de s'aimer. On peut le faire même si on se déteste.
Son t-shirt épouse la courbe ferme de ses pectoraux, la puissance rassurante de ses bras. Mes yeux glissent sur l'angle de sa mâchoire, s'attardent sur ses lèvres. Sa beauté cruelle à une respiration de moi. Il suffirait d'un geste, un seul, pour le toucher. Pour qu'il m'appartienne.
La chaleur vive et fiévreuse qui émane de son corps me réchauffe jusqu'au sang.
Mes doigts tremblent sous l'adrénaline. Mon souffle se brise.
J'ai besoin de le voir torse nu. Comme ces rares fois où je l'ai surpris.
Je glisse mes doigts sous l'ourlet de son t-shirt, mais avant que je ne puisse le retirer, ses doigts encerclent mon poignet, arrêtant net mon geste.
Aden n'a jamais été docile. Même dans ces instants-là.
J'émets un rire découragé, vide d'émotions.
Je le déteste d'avoir cet effet sur moi, alors que j'ai si peu d'emprise sur lui. Je le hais de m'obséder quand il ne sait que mentir et me repousser.
Son rejet me fait tellement de mal.
Je me perds dans cette douce supercherie.
Fille facile...
— Ava...
Mon nom me ramène définitivement à la dure réalité. Je fais n'importe quoi.
Je recule et soudain des larmes coulent sur mes joues.
Ses sourcils se froncent.
Je me sens ridicule. Comme toujours.
Je ne suis rien qu'une idiote qui ferait tout pour avoir l'attention des autres, son attention à lui, quitte à perdre toute dignité. Aden a raison.
Comme cette nuit au manoir, il ne voulait pas d'un énième rapprochement, mais j'ai forcé les choses.
C'est terminé. J'arrête les frais.
Je me faufile sur la gauche, mais je me mets à suffoquer alors qu'Aden ne nous laisse aucun espace. Le mur, à présent dans mon dos, je dois m'immobiliser, le Sentynel tout contre moi.
Aden me regarde sans précision. La couleur de ses yeux oscille, pareille aux reflets de l'eau une nuit de pleine lune.
Il semble perdu entre le faux et le vrai de mes émotions. Celles torturées que je ressens à cet instant et celles de la Ava audacieuse de son rêve.
J'arrache les larmes de mon visage d'un revers de main.
Il ne vaut mieux pas qu'il devine à quel point, je me sens pathétique. Ni qu'il ressente les tremblements de ma bouche sous sa main qu'il vient de poser sur ma joue.
Il a gagné.
— Aden... C'est bon. Je veux qu'on arrête.
Sa tête fait non.
Ses doigts s'enroulent à présent autour de ma nuque et la maintiennent avec force. Son regard profond et monochrome se rive enfin au mien : fixe, intense, indéchiffrable.
Doucement, son pouce se faufile entre mes lèvres remplis de larmes de dépit, puis entre mes dents avant de toucher le bout de ma langue. Sa façon de faire, de me dévisager..., tout devient plus viril, imposant, écrasant. Ma respiration s'emballe.
— Att... attends.
Il se fout de mes protestations et fait glisser l'élastique de la natte tressée qui retenait mes cheveux. Je frémis lorsque je sens la masse onduler dans mon dos. Il en saisit une poignée et la tire en arrière, déployant ma gorge, cambrant mes reins. Je n'ai même pas la force de me débattre, je le fixe simplement.
Suis-je le faible agneau et lui un lion prêt à me dévorer ?
Oui, c'est exactement ce que je ressens.
Le visage toujours penché au-dessus de moi. Un fauve trop confiant pour être impatient, Aden danse sur un pied, puis sur l'autre. Il parait ne pas se décider par où commencer. Mes nerfs se crispent.
Sa tignasse disparaît dans mon cou. Il inspire longuement à l'endroit même où se trouve ma carotide.
Il se redresse et je suis obnubilée par sa langue qui humecte insolemment ses lèvres. Un désir traître me consume, partant de mon ventre et agrippant mon entre-cuisses. Picotant ma chair.
Il approche sa bouche de la mienne, très lentement. Il va m'embrasser et cette fois, tout sera hors de contrôle, je le sais. Sa spirale voluptueuse et charnelle va se refermer autour moi comme un piège.
Je l'ai déjà ressenti dans la forêt. Je ne pourrais pas lui échapper.
Je contiens mon souffle, plus vraiment prête à découvrir jusqu'où vont ses rêves. Les limites qu'il leur impose. Pire que ça, je crains d'éprouver du plaisir et de ne pas en sortir indemne.
Mon cœur s'emballe, proche du seuil acceptable. Je secoue la tête.
Stop, j'ai assez joué. On ne peut pas aller plus loin. Je vais me faire prendre à mon propre jeu. Acculée, le dos toujours collé contre le mur, tête penchée vers la sortie pour l'atteindre, je gémis tout bas.
— Je ne peux pas continuer... Thènes, arrête. Arrête tout.
Je rends les armes.
Je tente de me soustraire encore, seulement ses deux coudes font barrages alors qu'il les pose contre le mur de part et d'autre de ma tête. Je tente de contenir mes émotions, trouver un stratagème pour sortir de là.
Ses yeux prennent feu et les flammes oscillent entre l'orange et un rouge criblé d'éclats dorés. Aden est magnifique et mon organe vital se serre.
Cet homme est plus fort que moi. Surtout à ce jeu-là. Il aura toujours un temps d'avance. Malgré mes offensives, il saura taper là où ça fait mal, car même endormi, il a une vision directe et transparente de mon âme, de mes envies. Moi, je suis aveugle. Je n'ai pas de pouvoir.
Il va se réveiller et se moquer de ma faiblesse, de cette situation que j'ai amorcée, de mon manque de cran. Il me ridiculisera sans aucun doute et sans pitié.
Ce n'est qu'un rêve, Ava. Tu peux l'arrêter, à tout moment. Oui, mais c'est son rêve. Ses intentions.
Et je m'en rends compte alors que je suis coincée.
Aden me scrute fixement, étrangement. Ses prunelles sont moins lumineuses et je me demande si je n'ai pas rêvé leur fusion passionnée un peu plus tôt.
Je veux arrêter cela. Je me soustraie à son étreinte mais il me saisit le poignet d'un coup, il me fait pivoter et mon ventre rencontre le mur froid. Mon cœur pendu dans les airs.
— Tu es si proche du but...
Sa voix sûre d'elle, est bien plus rauque, plus bestiale, plus lui. Combien de temps me reste-t-il ? Mon pouls s'emballe. Je dois fermer les paupières pour me concentrer. Rien ne doit perturber son rêve, pas même mes sentiments instables et contradictoires. Trouver un moyen. Partir d'ici.
J'opère un nouveau mouvement en arrière pour me soustraire à sa prise, mais son corps ferme m'en empêche. J'essaie encore et encore, détestant m'avouer vaincue.
Ses mains immobilisent mes épaules et je me rends compte que ses pouces me caressent. Je retiens mon souffle. Aden me masse avec patience. Troublée par cette douceur, je ferme les yeux. Progressivement, l'angoisse s'efface, puis disparaît totalement. Je me laisse bercer par sa respiration régulière contre ma nuque. Il détend mes muscles avec précision et les défroisse, me rendant plus malléable qu'une poupée de chiffon. Des sons de gorge passent entre mes lèvres.
Il est toujours endormi mais c'est une question de seconde. M'ensorcelle-t-il ? Les murs s'effacent au profit de l'homme fort derrière moi. Je sens la flagrance de sa peau et quelque chose qui m'attire à lui.
Il se penche au-dessus de moi, sa bouche effleure mon cou, tout près de mon oreille.
Il me respire sous l'oreille gauche jusqu'à celle de droite tout en longeant ma gorge que je déploie pour lui. C'est tellement sensuel que cela en est étourdissant.
— Je t'avais choisie, murmure-t-il contre ma peau.
Troublée par ces mots, je tourne la tête pour trouver son regard et découvre ses iris toujours cristallisés.
Doucement, quelque chose, plus dure, s'appuie contre mes fesses, se loge entre elles, impose sa place au-dessus du coton léger de ma soutane. Je retiens ma respiration et une chaleur m'envahit les joues. Des frissons partout dans mon corps. Je tente de retenir les sensations licencieuses qu'Aden suscite en moi.
Ses doigts accrochent ma longue chemise. Ils la retroussent avec lenteur. Le tissu frôle mes cuisses qui se couvrent de chair de poule. Son autre bras vient me tenailler sous la poitrine, tandis que ses doigts retiennent ma soutane, dévoilant sous ses yeux mes hanches, ma culotte, unique sous-vêtement que je porte. Je suis pratiquement nue et je n'en éprouve aucune honte.
Je n'avais pas l'intention d'aller plus loin ni d'en arriver jusque-là. J'ai franchi la limite, mais je suis incapable de dire stop à présent. Je voulais le rendre fou, mais je suis en train de perdre la tête. Le jeu me dépasse.
Ses doigts libres ramènent mon menton vers lui.
Maintenant dévoilée et sans défense, l'étrange et étourdissante atmosphère autour de nous devient voluptueuse. Je respire profondément. Je plane un peu plus. Ses phéromones... J'ai commis l'erreur de les oublier. Le mâle est en train d'amadouer la femelle.
Il penche la tête sur le côté et observe par-dessus mon épaule la tâche de naissance sur ma hanche. Avec un autre que lui, j'aurais cherché à la dissimuler, or, je ne tente rien. Le laissant la contempler tout son soul. Je ne bouge pas d'un millimètre pendant que son index vient en dessiner les contours. De la fossette en bas de mon dos jusqu'à la partie chatouilleuse de mon ventre. Les frissons s'étendent au reste de mon anatomie.
Sa main frôle mon abdomen et se faufile sous l'élastique de ma culotte, il s'amuse avec, le glissant, puis l'enroulant autour de ses doigts, et quand ses yeux se plantent dans les miens, il l'arrache d'un geste net et précis me faisant tressaillir. Il abandonne le tissu à nos pieds aussitôt avant de me faire passer la soutane par dessus la tête. Je suis dévêtue, mais Aden près de moi est pareil à un manteau épais et enveloppant.
La curiosité l'emporte, celle de comprendre jusqu'où va l'attraction grandissante entre nous. Ma virginité est sans importance et elle n'en a jamais eu. Je ne fais pas grand état de ces choses sans valeur.
Qu'est-ce de plus qu'un bout de chair après tout ?
Ses mains expertes descendent jusqu'à empoigner mes hanches me ramenant à la réalité de sa fière excitation. Ses lèvres frôlent le lobe de mon oreille gauche. La pointe de mes seins dressés effleurent le mur froid.
— Touche-toi.
J'écarquille les yeux, troublée. Sans obéir, je relève et tourne le menton au-dessus de mon épaule pour plonger dans l'abysse de ses iris. Ils sont d'un noir vide et presque mat, surprenant. Pas une seule lumière vient perturber leur solide apparence. Il dort toujours, j'en suis sûre. Un masque impassible couvre ses traits, mais même le Aden noctambule ne peut pas me demander cela. Il attrape mon poignet et force ma main à descendre plus bas. Je ne sais pas exécuter ce genre de chose et il le sait pertinemment. Je résiste. Mes joues se creusent.
— Tu n'es plus une petite fille, murmure-t-il, d'une voix sobre.
Mon cœur se fige dans ma poitrine. Il me scrute plusieurs secondes encore. Non... non... S'il était réveillé, il m'aurait sorti d'ici. M'aurait chassée ! ... Une nouvelle vague douce déferle en moi et m'alanguit.
— Fais-le, commande-t-il.
Je décide de relever le menton face à son ordre, comme un sursaut de rébellion et le fixe des larmes impuissante toujours dans les yeux. Je commence à me masturber comme je peux et j'essaie d'y trouver du plaisir. Je me concentre sans réel succès. Je sais qu'il analyse en profondeur, décortique chacun de mes gestes et mes sensations, mais la passion physique s'effrite peu à peu. Je ne ressens absolument rien et avant que le moment ne devienne humiliant, je retire ma main qu'il retient avec fermeté.
Je suis des yeux mes doigts qu'il approche lentement contre sa bouche. Mon index et mon majeur s'introduisent entre ses lèvres. Un élan de désir, aigu et foudroyant, s'empare de mon sexe. Sa langue humidifie mes doigts avant de les replacer à l'endroit devenu sensible, appuyant les siens au-dessus des miens.
— Pense à moi.
Un magma chaud m'envahit alors qu'il les presse plus fort, puis avec douceur, pilotant mes gestes et saisissant dans mes prunelles ce qui me fait du bien. C'est incroyable. Il remonte, fait rouler le monticule de chair. À présent, je sens son torse contre mes omoplates, sa grande main calleuse s'est refermée sur l'un de mes seins me procurant une montée de désir. Sa bouche s'est frayé un passage dans mon cou et je l'entends respirer contre mon oreille. Sa chaleur m'irradie et le feu reprend vie. Insoutenable. L'air devient plus rare et étouffant, puis électrique. La pièce se rétrécit.
Ce soir, je ne suis plus Ava. Je suis juste une femme. Et il est juste un homme. Et pour une fois, c'est suffisant.
Mes doigts jouent avec mon clitoris, mais pas seulement, avec l'extérieur et l'intérieur aussi. Je suis accoudée contre le mur et mon front, se couvrant d'une mince pellicule de sueur, prend appui sur mon avant-bras.
Ses hanches me maintiennent contre lui, contre son sexe érigé, ne me laissant aucun repli.
Il exige que je prenne conscience de mon corps, que je l'apprivoise et il profite de toutes les étapes d'initiation. Mes cuisses, mes abdominaux se contractent, tout est focalisé sur mon plaisir, oubliant l'espace et le temps. Tout est plus dur, plus sensible, plus gonflé. Une vague s'amoncelle, me persécute. Mon bas ventre durcit.
Au creux de mon oreille, Aden imite le rythme de mes respirations, toujours plus rapide que la précédente alors qu'il se frotte à moi, légèrement. Ma température corporelle augmente.
Je ressens comme des spasmes douloureux, pinçant mon centre. Je les désire à en perdre la tête. Est-ce cela le début de l'extase ? Un mal qui fait du bien. J'ai chaud, je transpire. Incapable de retenir les cris indécents que je pousse.
Je hurle que je vais mourir au moment où il stoppe les machines, à l'instant le plus crucial. Il retire ma main de mon entrejambe. Je me tortille dans tous les sens. Il doit éteindre ce qu'il a provoqué. Maintenant, ou je vais devenir folle. Il me saisit l'autre main avant que je n'aie le temps d'agir et maintient mes poignets contre le mur au-dessus de ma tête.
Nous restons comme ça, captive de ma respiration affolée.
— Désormais, tu sais, souffle-t-il d'une voix entrecoupée.
Quoi ?! Me donner du plaisir !
Il a senti l'orgasme qui s'amoncelait alors pourquoi ?! Pourquoi s'arrete-t-il ?
— Maintenant que tu as appris à te suffire à toi-même, épargnes moi tes caprices.
Impossible... à moins qu'il ne soit déjà réveillé.
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