Mystère tragique
Ce matin-là à sept heures, comme à l'accoutumée, le commissaire Maigrelet ouvrit sa porte pour ramasser son journal. Le livreur, très en retard et pressé, arriva à cet instant crucial et le commissaire reçut son quotidien hebdomadaire en pleine face (de rat), ce qui eut pour conséquence de déclencher un abondant saignement de nez. Le visage ensanglanté, le commissaire lança des injures et des jurons que la décence ne me permet pas de répéter, à l'attention du jeune livreur, seulement âgé de quatre-vingts ans.
Le chat du commissaire, un magnifique persan à poils longs, répondant au doux nom de Médor, en profita pour se glisser dehors et alla laper le lait de la bouteille déposée par la laitière moustachue. Il avait appris, à force d'entraînement, à décapsuler les bouteilles avec sa queue panachée (sans alcool).
Le commissaire Maigrelet était un homme trapu, de petite taille (j'insiste), dont le patronyme de Bourrelet lui eût mieux convenu étant donné son embonpoint abdominal. Il était sédentaire et avait négligé de développer ses plaquettes de chocolat (au lait truffé d'amandes et de raisins secs).
Il portait généralement un chapeau mou qui s'aplatissait, sur son crâne touffu en véritable poil de renard, comme une crêpe qu'il saupoudrait consciencieusement, tous les matins, de sucre glace. Son couvre-chef était clairsemé de trous et de traces de morsures, indices de la voracité des passants qu'il croisait. Pour cette raison, il était apprécié, au sens figuré comme au sens propre, par beaucoup de gourmands peu exigeants en qualité.
Le commissaire, le nez s'étant arrêté de pisser le sang_ et pas de l'urine, précisons le pour ceux qui auraient lu en diagonale perpendiculaire_ renifla l'air ambiant. Cela fleurait bon les chaussettes moisies depuis au moins quinze jours. Il descendit à la cave chercher un escabeau, il s'était donné comme tâche de lessiver ses rideaux. Il trouva la concierge du sous-sol, décoiffée en bigoudis, en train de s'époumoner sur une rutilante mobylette rouge qu'elle cirait tous les jours. Cet engin appartenait à son époux volage qui s'était enfui il y a dix ans avec la mercière espagnole au Tibet. C'est pourquoi le village ne comptait plus (sur ses doigts) de mercerie. La raison de sa colère était que le réservoir de gasoil était définitivement vide. Elle n'arrivait pas à trouver l'endroit où l'approvisionner en carburant. Le commissaire avait tenté à maintes reprises de lui expliquer la manœuvre mais elle était sourde comme un pot de chambre. Vous appréhendez maintenant la gravité de sa surdité.
Médor s'était roulé dans le cambouis. Il avait bien besoin d'un bon bain. Maigrelet le nettoierait en machine avec ses rideaux de flanelle rose boudin noir. Médor serrait dans sa gueule_ il se comportait comme un chien_ les souliers de son maître. Celui-ci s'aperçut enfin grâce à son <<pet>> (en V.O dans le texte) qu'il était pieds nus depuis bientôt deux heures et que le fumet qui se dégageait, provenait de ses socquettes Betty Boop. La machine à laver allait déborder, il fallait encore y rajouter le slip du commissaire. Celui-ci en possédait douze, un pour chaque mois de l'année. Il avait voulu faire des économies de lessive, on était au mois de juin et il portait encore celui de janvier.
Le soir, lorsqu'il se dévêtait, son slip tenait debout tout seul sans aide (il n'avait pas encore appris à marcher, c'est dommage parce qu'il se serait précipité dans le premier bain moussant venu de lui-même).
La laitière moustachue avait un faible pour le commissaire Maigrelet. Elle lui rajoutait, en plus de la traditionnelle bouteille de lait, onze œufs à la douzaine et un camembert bien coulant piqué aux vers. Le commissaire était féru de pêche. Son hameçon allait se régaler.
Or en ce fameux vendredi treize juin_ hâtez-vous de jeter un kilo de sel gros par-dessus l'épaule pour conjurer le mauvais sort_ il ne trouva avec sa bouteille de lait qu'un sucre d'orge bien doré (comme les blés). Que cela signifiait-il ?
<<C'est une enquête pour moi, se dit Maigrelet avec une fierté non dissimulée par les tentures roses boudin blanc (la lessive bon marché aux puces décolorait le linge), allons inspecter le quartier (d'orange) et commençons par la confiserie. Mon petit doigt très bavard me dit qu'il s'y passe des événements peu clairs (de lune). La confiseuse qui en tenait une couche de sucre, se trouvait mollement assise comme une guimauve derrière son comptoir marbré en zinc. Elle avait dans la bouche une sucette d'enfant que l'on reconnaissait à la chaîne (de vélo) accrochée par une épingle sur son sein droit dénudé qui saignait en une longue coulée.
Le commissaire lui demanda à qui elle avait vendu ce jour-là un sucre d'orge doré (comme le maïs). Elle ne répondit rien, la politesse exige que l'on ne parle pas la bouche pleine d'excréments. Désorienté, Maigrelet tourna sept fois autour de lui-même et sortit complètement tourneboulé de la confiserie Truchemachine (à coudre à pédales). Médor vint se frotter contre ses jambes. Il odorait le reblochon et ses selles (de bicyclette) grouillaient de vers de vase (de cristal où fleurissait un tournesol).
En fait, Médor avait passé un deal avec la confiseuse qui en échange d'un sucre d'orge avait réclamé la crinière bleutée de Médor pour se tricoter un cache-nez pour ses oreilles quand la bise fut venue (J'ai déjà lu cela quelque part...). Médor, rasé comme un punk, ne passait pas inaperçu. Il avait attaché ses poils restants avec de multiples barrettes. Il n'avait pas pu se procurer au marché noir de barres à mine (de rien).
Maigrelet s'exclama :<<Bon sang, mais c'est bien sûr !(Cela aussi, je l'ai déjà entendu quelque part...). Le coupable, c'est Médor ! A partir de maintenant pour le punir (il n'existe pas de geôles pour chats non de gouttière), je l'appellerai Youki ! Ce sera bien fait pour sa pomme (de reinette et pomme d'api, tapis gris), pardonnez-moi, je m'égare (de Montparnasse). <<Allez Youki, rentre à la niche et débrouille-toi pour vomir mon reblochon, ce soir j'ai convié des amis pour une raclette (à vitres)>>.
Youki ou Médor, comme vous préférez, et son maître rentrèrent à la niche trop petite pour Maigrelet.
<<Voilà une enquête triangulairement menée, pensa le commissaire, vivement le treize juin prochain !>>.
Le commissaire avait en effet un rythme effréné de travail, il menait une enquête par an, ce qui l'épuisette, pardon, l'épuisait.
A bientôt pour une nouvelle enquête palpitante du célèbre commissaire Maigrelet !
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