Le Café Uzumaki, situé juste en dessous de l'Agence des Détectives Armés, était un endroit simple et tranquille, parfait pour échanger quelques mots après une journée bien remplie. L'odeur du café fraîchement moulu se mêlait à l'atmosphère feutrée du lieu, et l'éclairage tamisé apportait une sensation de réconfort, loin des tensions du monde extérieur. Ce soir-là, je m'y retrouvais avec Yosano, l'une des détectives de l'agence avec qui je m'étais rapidement liée. Elle était calme, mais savait toujours apporter un regard neuf sur les situations, ce qui était un vrai soulagement parfois. 

"Tu sembles dans tes pensées, aujourd'hui", me dit Yosano en me servant une tasse de thé, son regard attentif ne me quittant pas. "Tu as l'air préoccupée, plus que d'habitude."

Je soupirai, posant mes mains autour de la tasse chaude. Si j'avais eu le courage de le dire, j'aurais peut-être répondu que mes pensées tournaient en boucle autour de Ranpo. Mais je n'étais pas encore prête à formuler cela à haute voix. Pas encore.

"Je... réfléchissais à tout ça", répondis-je en faisant un geste vague avec ma main. "À l'agence, à mon rôle ici, et surtout à certaines personnes." Je marquai une pause. "Comme... Ranpo."

Le simple fait de prononcer son nom fit naître une chaleur dans mon ventre que je n'avais pas anticipée. Yosano leva un sourcil, un sourire en coin apparut sur ses lèvres. 

"Ah, donc c'est à lui que tu pensais ?"

Je fis une moue, prise au piège. "C'est pas ce que tu crois", tentai-je de répliquer, mais ma voix trahit mon hésitation. Elle en avait assez vu pour savoir qu'il n'y avait pas de détour possible. 

"Il t'intrigue, n'est-ce pas ?" continua-t-elle, son sourire s'élargissant légèrement. "Il est difficile à cerner, c'est vrai, mais il a ce petit quelque chose qui attire les gens. Même ceux qui n'en parlent pas."

Je lâchai un léger rire nerveux, en essayant de détourner le regard. Mais je savais que Yosano avait vu juste. C'était ce qu'il avait, ce qu'il dégageait, qui me poussait à m'interroger sans cesse sur lui. Mais ce n'était pas simplement l'aspect du détective brillant, encore moins son arrogance ou son attitude désinvolte qui m'attiraient. Il y avait quelque chose de plus, quelque chose qui m'échappait encore.

"Ce n'est pas juste de la curiosité ou de l'admiration", murmurais-je, les mots s'échappant avant même que je ne puisse les contrôler. "Il y a quelque chose d'autre. Je... Je ne sais pas comment l'expliquer."

Yosano ne dit rien tout de suite. Elle me fixa simplement, comme si elle m'encourageait à aller plus loin. 

Je pris une profonde inspiration. "Au début, j'étais juste intriguée, tu vois ? Il est tellement... imprévisible. Et puis je l'admirais, c'est évident. C'est un génie, après tout. Mais plus je passe de temps avec lui, plus je réalise que ce n'est pas ça. Ce n'est pas seulement de l'admiration. Ce n'est plus de la curiosité, ce n'est plus juste l'envie de percer son mystère. C'est..."

Je m'arrêtai net, le cœur battant dans ma poitrine. Ma gorge se serra légèrement. La vérité était là, prête à éclater, mais je n'avais pas l'habitude de mettre des mots sur mes émotions. Jamais. C'était plus simple de se cacher derrière des pensées rationnelles, de tout analyser.

"Qu'est-ce que c'est alors ?" demanda Yosano, presque trop doucement, comme si elle savait déjà la réponse, mais voulait me laisser l'explorer par moi-même.

Je levai les yeux, fixant le fond de ma tasse, une sensation de chaleur envahissant mes joues. "C'est de l'amour, Yosano", soufflai-je. "Je crois que je suis amoureuse de lui."

Les mots étaient sortis si naturellement que je n'avais pas eu le temps de les rattraper. C'était là, brut et sincère, et je pouvais sentir le poids de la vérité se déposer dans la pièce. J'avais mis le doigt dessus, enfin. Je n'avais pas besoin de le dissimuler plus longtemps. Je n'avais plus besoin de chercher des excuses. 

Un silence lourd s'installa entre nous. Yosano observa un instant, puis un sourire bienveillant se dessina sur son visage. Elle ne semblait ni choquée ni surprise. Juste... compréhensive.

"Je vois", répondit-elle simplement. "C'est étrange, n'est-ce pas ? Quand on se rend compte que ce qu'on pensait être un simple défi devient quelque chose de beaucoup plus profond. Mais tu sais, c'est la beauté de l'amour. On ne le contrôle pas."

Je laissai échapper un rire nerveux, mais ce n'était plus le même rire que j'avais laissé échapper plus tôt. Cette fois, il était teinté de soulagement. Comme si, enfin, j'avais accepté ce qui m'était arrivé. Comme si tout avait pris son sens d'un coup. 

"Et toi, Yosano, tu en penses quoi ?"

Elle haussait les épaules en souriant. "Je pense que tu devrais juste le lui dire. Si tu es honnête avec toi-même, tu seras honnête avec lui. Et ça, c'est tout ce qui compte."

Ses mots résonnèrent dans ma tête alors que je me laissais aller dans mes pensées. Peut-être qu'un jour, je lui dirais. Peut-être que le moment viendrait. Mais pour l'instant, ce qui comptait, c'était que je l'avais enfin compris. L'admiration, la curiosité, tout cela n'était que le prélude à quelque chose de plus grand, plus profond. Quelque chose que je ne pouvais plus ignorer. Quelque chose qui m'envahissait à chaque regard, à chaque parole échangée.

Et même si tout cela était encore incertain, une chose était claire : il n'y avait plus de retour en arrière.