Le bureau de l'Agence des Détectives Armés était calme en cette matinée, une atmosphère étrange flottant dans l'air. La chaleur des premières lueurs de l'aube se mélangeait à l'odeur du café, mais quelque chose était différent aujourd'hui. Une tension silencieuse flottait, non pas à cause de l'énigme à résoudre, mais plutôt en raison de la présence de Ranpo. Depuis la conversation avec Yosano, je ne pouvais m'empêcher de le regarder différemment. Chaque mot qu'il disait me touchait un peu plus que d'habitude, chaque geste me semblait plus significatif. Il n'avait aucune idée de ce que je ressentais, mais moi, je le ressentais de plus en plus, au point que ma gêne devenait presque palpable chaque fois qu'il s'approchait. 

Ranpo, pour sa part, ne semblait absolument pas remarquer la distance étrange qui s'était installée entre nous. Il était toujours aussi insouciant, toujours aussi implacable dans sa capacité à résoudre des énigmes. Mais cette fois, il avait cette lueur dans les yeux qui annonçait que l'affaire sur laquelle nous allions travailler allait être différente des autres.

"Un meurtre sans aucun indice", dit-il d'un ton décontracté, tout en feuilletant un dossier devant lui. "Cela semble être un cas parfait pour nous, n'est-ce pas ?"

Je n'avais même pas eu besoin de regarder le dossier pour savoir que c'était loin d'être aussi simple. La victime était un homme, un homme apparemment sans histoire, retrouvé mort dans un parc isolé. Aucun témoin, aucune trace, aucun signe de lutte. Il n'y avait même pas d'arme, ni de preuve tangible qu'il y ait eu un crime. Les policiers étaient perdus, et c'était pour cela qu'ils avaient fait appel à l'Agence.

"Un meurtre sans preuve... ça pourrait être l'œuvre de n'importe qui", murmurais-je en posant le regard sur Ranpo, mais je n'avais pas l'intention de lui dire ce qui me tracassait réellement. Ce n'était pas le cas de l'enquête qui me perturbait. C'était ma propre incapacité à être normale autour de lui.

"Tu es nerveuse", observa Ranpo sans lever les yeux de son dossier. Il ajouta, un sourire en coin, "Tu n'as pas besoin de cacher ça. Tu n'as qu'à suivre mon rythme, et tout ira bien. Tu verras."

Je sentis mes joues se réchauffer, mais je n'avais pas le temps de me perdre dans ces pensées. Nous étions en pleine enquête.

Le lieu du meurtre se trouvait dans un petit parc en bordure de la ville. Tout semblait paisible. Les policiers avaient déjà bouclé la scène, mais rien dans la configuration de l'endroit ne semblait ordinaire. Le corps avait été trouvé près d'un banc, comme si la victime s'était assise là avant de s'effondrer. Il n'y avait pas de signes de lutte, aucune indication évidente sur la façon dont il avait été tué. La situation était étrange, et Ranpo, même avec son indifférence habituelle, semblait se concentrer sur les détails qui échappaient à la vue de la plupart des gens. 

Je l'observais en silence, ses yeux scrutant chaque recoin comme s'il était déjà à l'intérieur du cerveau du meurtrier, devinant chaque mouvement, chaque intention. Je n'avais même pas besoin de lire son langage corporel pour savoir qu'il avait trouvé quelque chose. Mais quoi ?

"Regarde là-bas", dit-il finalement en pointant un petit tas de feuilles mortes près du banc. "Je parie que ce sont les premières preuves concrètes."

Je m'approchais avec une certaine appréhension, mais Ranpo n'attendait même pas que je sois près. Il se pencha en avant, ramassant délicatement un petit morceau de papier. Sur celui-ci, quelques mots étaient écrits dans une écriture tremblante : *Le pire est encore à venir.* 

"Voilà quelque chose de plus intéressant", dit-il avec un sourire. "Cela nous donne une direction."

Je me sentais en décalage, mon cœur battant plus fort à chaque mouvement qu'il faisait. Ce n'était pas seulement l'enquête qui me perturbait, c'était le fait que Ranpo était si proche, si implacablement confiant, alors que moi, je me sentais complètement perdue dans ce tourbillon de sentiments qui ne cessaient de grandir en moi.

Nous avons continué à examiner les alentours, mais il semblait évident que cette enquête n'allait pas être facile. L'homme n'avait pas de lien apparent avec des personnes dangereuses, et personne n'avait d'antécédents criminels. Pourtant, cette note, ce petit papier abandonné près du corps, changeait tout.

"Un message, un avertissement", dis-je en réfléchissant à voix haute. "Mais à qui était-il destiné ? Et pourquoi maintenant ?"

Ranpo ne répondit pas immédiatement. Il observa le papier avec une intensité presque inquiétante, son regard profond plongé dans l'énigme, avant de répondre, son ton de plus en plus grave. 

"Je suis curieux de savoir ce que ça veut dire. Il y a quelque chose que nous ignorons encore. Et je pense que le coupable joue un jeu dangereux."