Belle
Jour de la rentrée, nouveau lycée, nouvelle classe, nouveau monde. Je déteste déjà. Je frissonne à chaque parole du professeur envers moi, je ne regarde personne à part ma seule amie, à ma droite. À ma gauche la fenêtre, avec le parc et les bruits de la ville de la fin d'été. Il fait plutôt chaud et je repousse régulièrement ma queue de cheval qui tombe dans mon cou. Cette horrible journée s'achève enfin, un jour de repos et ça sera le grand bain. Je n'ai pas envie, pas envie de voir ces regards inconnus s'attarder sur moi, pas envie de devoir zigzaguer entre tous ces grands, pas envie de recommencer tout l'édifice. Les amis, j'en ai quelques uns, mon amie de toujours qui a une classe de plus, et une autre qui m'a suivie dans ce lycée peu fréquenté par les gens de notre collège. Ma meilleure amie m'a quittée, pour un lycée privé, rêvant d'un carrière littéraire. Et je me retrouve seule, perdue sans elle, sans sa main dans la mienne, sans son rire, sans son assurance et sa sociabilité. Moi je suis renfermée, j'attends que l'on m'approche et que l'on cherche gentiment à ouvrir ma coquille. A ce moment là, je teste, j'essaie, et j'apprécie les gens, enfin. A ma manière. Le grand jour est arrivé et les cours commencent pour de vrai, et ce jour là je l'ai vue. Elle, si belle, si assurée, entourée, grande, mûre. Un modèle de perfection. La grande sœur que je désirais si ardemment. Sans le vouloir elle attire mon regard, sans le vouloir j'essaie de croiser le sien. Et je souris, je lui souris. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui méritent mon sourire et encore moins ce sourire. Je m'imagine parfois l'aborder ou m'asseoir à côté d'elle dans le bus, avec une bonne excuse pour éloigner mon amie. Personne ne le sait, sauf Loona, elle seule me comprend et me soutient, je ne me confie vraiment qu'à elle. Mais elle est loin de moi et je dois me débrouiller seule, je peux seulement lui parler. Tous les jours je guette ma belle inconnue, j'ai cru deviner qu'elle était en terminale, en S je pense. J'ai une cousine lointaine dans sa classe mais je n'oserai bien sûr jamais lui demander son prénom. Je me retrouve à quelques pas d'elle le vendredi, dans le petit couloir de l'internat et je peux entendre sa voix. Elle a une voix assez grave, douce, agréable. Une voix de grande. Belle, c'est comme ça que je l'appelle, ma Belle. C'est un sentiment étrange, comme une chaleur parcourant tout mon corps à sa vue, comme si j'étais vraiment heureuse à un moment. Et je souris. Et j'essaie d'éviter de la fixer, mais je crois qu'elle me voit aussi maintenant. Quand je passe elle me regarde, où peut-être que c'est moi qui m'imagine des choses. Elle me regarde et je fais semblant de regarder ailleurs mais je ne vois qu'elle. Elle avec son manteau brun, avec sa grande écharpe à carreaux, avec ses collants noirs parfois et ses talons aussi. Peut-être qu'un jour j'oserai lui parler mais... Je peux toujours rêver, c'est un secret et mon corps ne me laisserait jamais le dévoiler. J'espère qu'il y aura une place libre à côté d'elle dans le bus, pour sentir son odeur et, et si elle me parlait ? Si elle m'adressait la parole. Je deviendrais rouge pivoine mais je lui répondrais, de ma toute petite voix timide. Peut-être qu'elle sourira, peut-être qu'elle se moquera gentiment de moi. Je suis sûre qu'elle est infiniment bienveillante, et si elle ne l'est pas, tant pis. Je l'aimerais quand même. Ma Belle.
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Ce texte est très... Important pour moi et si j'ai décidé de vous le confier, j'espère qu'il restera à moi et je vous en remercie.
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