CHAPITRE 3
« Regarde-moi. »
▫️
L'adrénaline dans mes jambes, je m'élance vers l'objectif principal. La gardienne est en place, alors que j'arrive à une vitesse incroyable. L'équipe adverse n'a le temps de remonter vers moi que le ballon est déjà parti en un coup de pied qui manque de me faire tomber au sol. Elles se mettent à sauter sur moi, heureuse de notre victoire, alors que je peine déjà à rester sur pied. Je peux voir la tête dépitée des filles lors du coup de sifflet qui marque la fin de la minute de prolongation. Ce n'était que 31 minutes et pourtant, cela m'a rendu complètement HS. Marine, qui est dans l'équipe adverse, me fait la moue en ayant perdu face à la mienne. Le score est de 1-0, c'était un match court, mais plutôt intense. On finit par toutes se prendre dans les bras, nous sommes une équipe avant tout et ce n'était qu'un match pour profiter de cette précieuse atmosphère. On retourne au point de rassemblement, incontestablement épuisées, mais toujours debout.
— Et bien, ce fût un plaisir de vous avoir réservé ceci aujourd'hui, en espérant que vous garderez toujours pour seul objectif, la volonté de réussir et de donner le meilleur de vous-même. Aucun sport n'est facile, chacun a ses difficultés et on doit faire en sorte de vivre avec, ça fait partie du contrat ! Didier insiste sur la fin et reprend, merci énormément pour votre coopération et bon retour.
— Merci à vous, nous répondons sur un ton jovial.
On applaudit toutes ensemble, en poussant des cris de joie et en sifflant, fière d'avoir eu la chance de vivre une telle expérience. On frappe dans la main de chaque joueur pour également les remercier de nous avoir aussi bien accueilli.
— A la prochaine, me dit Antoine lorsque sa main rentre en contact avec la mienne
Je me contente de lui sourire.
Alors que je pensais avoir repris un peu de moral, à la minute où je me suis retrouvée seule dans ma voiture sur le parking privé du Stade, j'ai senti le monde s'écrouler autour de moi. Je renverse ma tête sur le guidon, j'appuie involontairement sur le klaxon ce qui me fait subitement sursauter. Je souffle, j'en ai ras le bol. Comment un sport où on ne fait que courir derrière un ballon peut me rendre aussi...mal ? Je pensais pourtant que tout commençait à s'éclairer, ce n'est qu'une passion et je voulais qu'elle en reste une. Mais, une fois que j'ai franchi l'entrée de la pelouse, l'émotion que j'ai ressentie était indescriptible. Un sentiment que je pourrais ressentir si j'entame ma carrière professionnelle. « Mais est-ce vraiment ce dont j'ai envie. Vais-je pouvoir réussir sans... » Non, stop, ne pense pas à ça. J'appuie l'arrière de ma tête sur le siège, ma queue de cheval me gêne. J'enlève l'élastique et le jette violemment, je ne sais où. Je frappe pour la énième fois sur le volant avant qu'un bruit n'attire mon attention. On toque à ma vitre côté passager. Franchement, ce n'était absolument pas le moment. J'oriente délicatement ma tête vers la droite, m'interrogeant sur l'identité de la personne. Antoine, oh non. J'essuie promptement le peu de larmes sur mes joues, arrange mes cheveux tout aussi rapidement et baisse la vitre.
— Tu me laisses entrer ? Me demande-t-il sur un ton adouci, voyant clairement que quelque chose cloche.
Je n'ai pas vraiment le choix, au point où on en est.
— Je savais que quelque chose n'allait pas, me dit-il en s'asseyant sur le siège.
Il dépose son sac à ses pieds et attend patiemment une réponse.
— Tu me surveilles depuis combien de temps ? Je le questionne évitant à tout prix son regard.
— Je ne te surveillais pas, je t'ai entendu frapper sur le volant et en regardant par la fenêtre, je t'ai reconnu.
— Hmm.
Je ne sais pas quoi répondre.
— Qu'est-ce qui se passe ?
— Rien du tout.
— Arrête de te braquer comme ça.
— Rien, tout va bien... Tout va très bien ! M'écrié-je avant de m'affaler une fois de plus sur mon volant.
Je renifle un bon gros coup.
— Tu veux en parler ? me demande-t-il, sa main pressant mon épaule.
Je secoue la tête de gauche à droite. Mon état étant relativement critique, je doute qu'en parler pourrait être une bonne idée.
— Tu en es sûr ? Il insiste.
Je secoue la tête une nouvelle fois.
— Tu pourrais m'en parler un jour ?
Je hausse les épaules. Pourquoi devrais-je réfléchir au fait d'en parler à une personne que je ne connais ni d'Adam, ni d'Eve. Monsieur est footballeur, et non psychologue. Toutes ces histoires me rendent si hargneuses envers moi-même et le monde extérieur. Il souhaite m'aider, c'est compréhensible.
— Regarde-moi.
Je relève la tête timidement. Je ne voulais pas qu'il me voit dans un état pareil, mon dieu, j'ai si honte. Je passe délicatement mes mains sur mes joues trempées de larmes.
— Même quand tu pleures, tu es belle, ce n'est pas croyable les gens comme ça, m'accorde-t-il d'un sourire probablement censé me réconforter.
Je réussis à échapper un léger rire, étonnamment.
— Dis-moi ce qui ne va pas, c'est le but de tout à l'heure qui te met dans tous ces états ? Il blague une nouvelle fois.
— Evidemment que non, je me force à sourire.
— Mais alors, c'est quoi ?
— Tu vas trouver ça tellement bête.
— Tu ne pourras en être certaine que lorsque tu me le diras.
J'inspire fortement. Évidemment, je ne compte guère lui dévoiler ma vie privée et les problèmes qui s'en suivent. Je ne me contenterais pas de lui dévoiler la cause, mais uniquement le résultat de cette dernière.
— Devenir professionnelle m'angoisse.
— Ne te prend pas la tête, il n'y a vraiment pas de quoi s'inquiéter, me rassure-t-il, sa main ne quittant mon épaule.
— Chacun voit les choses différemment.
— Pour la plupart des footballeurs ce serait un rêve de devenir professionnel, ce n'en est pas un pour toi ?
— Bien sûr que si, avoué-je en adoucissant le ton de ma voix.
— Mais alors, où est le problème ?
Voyant que je ne trouve rien à dire, il ajoute sans que je ne puisse être forcer de répondre.
— Ecoute, tu ne peux pas rester à te morfondre ici, rentre chez toi, d'accord ? Me propose-t-il gentiment.
Il sort son téléphone, le déverrouille et ouvre la page des contacts. Bien sûr, il n'aurait bien évidemment pas pu me laisser en plan de la sorte, ce qui m'aurait probablement ravie davantage. Il cherchera tant bien que mal à vouloir m'aider et ça, j'en suis certaine.
— Tiens, rentre ton numéro, je t'appellerai et on en rediscutera.
J'acquiesce d'un air réticent que je m'efforce de cacher afin qu'il ne puisse nullement penser que cela me dérange. Même si c'est tout de même un peu le cas.
— Et arrête de pleurer, tu vas me faire tomber amoureux, rigole-t-il.
— N'importe quoi, j'arrive à émettre un sourire malgré tout.
Il sort de la voiture et passe sa tête par la fenêtre. Il ne dit rien, il se contente d'un sourire réconfortant avant de se redresser, continuant son chemin vers sa voiture. Je ne serais pas capable de lui en parler. Mais alors vraiment pas.
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