CHAPITRE 28
« Ethan, ça va ? »
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Effectivement, je ne vais pas cacher le fait que la conversation téléphonique que je me suis permis d'écouter hier soir m'a particulièrement rendue sceptique durant le reste de ma nuit. Ce qui explique donc mes yeux brûlants de fatigue à mon réveil, me rendormir a été d'une atroce difficulté. Je ne dirais pas que cela m'inquiète mais, plutôt que cela m'intrigue fortement. Comme d'habitude, après un rapide saut dans la salle de bain pour un petit débarbouillage quotidien, je m'oriente vers la cuisine afin de petit déjeuner paisiblement. Malgré les rayons de soleil qui m'aveuglent de manière relativement violente, je peux clairement apercevoir la présence d'Ethan sur le balcon. Il semble qu'il n'est même nullement remarqué ma soudaine apparition dans la pièce et je n'ose le déranger pour un simple bonjour. Toutefois, ce n'est qu'après avoir accidentellement claquer un placard, qui pour ma défense s'est échappé inopinément de ma main, qu'il se retourne subitement et esquisse un sourire avant de regagner l'intérieur.
— Bonjour Diane, je t'attendais justement. Tu as bien dormi ? Me demande-t-il prenant place au bar.
— Oui, très bien, je réponds instinctivement sachant pertinemment que ce n'est la vérité. Et toi ?
— M'ouais, on peut dire que oui.
Une envie soudaine m'encourage à engager la discussion sur ces fameux médicaments et ce probable problème de santé qu'il pourrait avoir. Je paraîtrais très certainement indiscrète néanmoins, je ne pourrais continuer à lui parler sans qu'il puisse remarquer que quelque chose cloche de mon côté. Il vaudrait mieux que je vise l'honnêteté après tout, il parlait si fort, ce n'est tout de même pas de ma faute.
— Je t'ai entendu parler au téléphone en pleine nuit, je déclare après une brève gorgée de jus d'orange.
Son visage change radicalement d'expression.
— Je peux savoir ce que tu as entendu ? Il me demande visiblement craintif.
— Tu parlais de médicaments avec une dénommée Sabrina.
Il soulève doucement sa tête, pressant ses lèvres l'une contre l'autre. Je m'attends malheureusement à ce qu'il me reprenne en me reprochant ma soif de curiosité.
— Sabrina, c'est ma sœur, il m'informe, à ma grande surprise. Elle est très protectrice.
— Tu as un problème de santé, je me trompe ? Je continue de l'interroger.
Ses mains s'emmêlent entre elles, tandis qu'il évite tout regard direct envers moi.
— J'avais des problèmes d'estomac il y a quelques temps, il finit finalement par avouer. Le médecin m'a prescrit un traitement que j'ai arrêté puisque mon état s'est amélioré, il se détend au fil de ses dires.
— D'accord, j'acquiesce d'un mouvement de tête vertical. J'ai cru que c'était quelque chose de beaucoup plus grave, tu me rassures, j'échappe un rire soulagée.
— Ne t'inquiète pas, je vais bien, il arbore un sourire.
Je n'ai donc aucune raison de m'inquiéter plus sur l'état de santé d'Ethan. Ce n'était rien qu'un mal d'estomac dont il s'en est manifestement bien remis et d'ailleurs, je ne remarque aucun signe qui pourrait m'indiquer qu'il en souffre toujours. Sa sœur s'inquiète pour lui et je lui donne complètement raison, cela prouve l'amour fraternel qu'elle ressent envers lui. Certes, c'est peut-être embêtant et oppressant sur le coup mais au fond, on ne veut que le meilleur pour les personnes que l'on aime. Cette pensée va tout droit en l'honneur d'Antoine. Il est vrai que cela m'a dérangé plus qu'une fois qu'il puisse me rabâcher les mêmes remarques de manière constante. Toutefois, en y repensant à cet instant, il ne veut que mon bonheur et je ne peux lui en vouloir pour cela. C'est sur cette dernière pensée que je retourne dans la chambre à la recherche de mon téléphone. Celui-ci en ma possession, j'aimerais tenter d'avancer mon billet d'avion en espérant pouvoir partir pour Paris avant Jeudi. Je doute fort que cela puisse être possible mais, je ne pourrais en être certaine que lorsque j'aurais appelé.
— Aeropuerto San Sebastián, bonjour, une voix féminine me répond.
— Bonjour, j'aimerais avoir un renseignement au sujet d'un déplacement de vol, j'engage la conversation.
— Je vous écoute.
— Il se trouve que j'ai un billet prévu pour ce Jeudi à destination de Paris, avec une escale à Madrid cependant, je voudrais savoir s'il serait possible de l'avancer, j'expose mon soucis.
— Nos vols sont normalement complets dans les jours qui suivent, patientez quelques instants que je puisse vérifier une potentielle disponibilité, me dit-elle poliment.
— Très bien, merci.
Je croise franchement les doigts.
— C'est-à-dire que c'est un peu compliqué. Pour l'instant, il semblerait qu'il n'y ait aucune place disponible sur un vol, j'en suis navrée. Néanmoins, je peux me permettre de vous demander votre nom ainsi que votre prénom. Si une place se libère, je vous mettrais immédiatement au courant.
— Trevis Diane, je lui réponds légèrement déçue.
— C'est noté.
— Merci beaucoup, bonne journée.
— À vous aussi, au revoir.
Cela m'étonnerait tout de même qu'une place se libère avant la date prévue et j'en suis amplement consciente. Je mettais dis au départ que partir dans quelques jours ne me dérangerait pas forcément seulement, je me suis peut-être trompée. Rien que de savoir que je suis actuellement dans la même ville qu'Antoine alors que je ne suis pas censée y être à cet instant me brise considérablement le cœur. Plus que je ne l'avais imaginé, à vrai dire. Je me sentirais tellement moins coupable si je pouvais repartir paisiblement à la maison, ce serait le scénario parfait.
— Je travaille cet après-midi, je vais prendre une douche, dit-il en filant vers la salle de bain.
— Pas de soucis.
Nous étions justement en pleine discussion par rapport à son planning quelque peu embêtant. Il se plaignait du fait qu'il est capable de travailler à n'importe quel moment de la journée et qu'il aurait apprécié trouver un travail un peu plus fixe que celui-ci. Il peut très bien être de service le matin, le midi ou le soir. Sans heures réellement précises, il est donc difficile pour lui de réellement organiser son emploi du temps. J'avoue qu'à sa place, cela m'aurait extrêmement dérangé. Mais après, pour gagner un salaire, il faut parfois faire des sacrifices comme il me l'a si bien dit. Assise devant la télévision, je suis subitement dérangée par une sonnerie de téléphone. C'est celui d'Ethan qui, une fois entre mes mains, affiche le nom de Sabrina sur l'écran. Entendant le bruit de la douche coulée, je me dis qu'il vaudrait mieux que je réponde afin de lui préciser qu'il ne pourra décrocher pour l'instant.
— Allo ? Je me permets de répondre.
— Oui, allo. Ce n'est pas mon frère à l'appareil, qui est-ce ? Me demande-t-elle.
— Diane, je suis une amie. Il est sous la douche, tu pourras le rappeler dans à peu près dix minutes.
— C'est donc toi Diane.
— Euh, j'allonge légèrement la syllabe. Oui, c'est moi, je finis par dire.
— Ethan n'est peut-être pas tout à fait honnête avec toi, elle me balance à la volée.
— Comment ça ? Je fronce instinctivement des sourcils.
Le bruit de la douche s'arrête subitement ce qui me cloue le bec immédiatement.
— Diane, tu m'as parlé ? S'écrit Ethan de la salle de bain.
— Non, du tout, je lui réponds.
— Je dois raccrocher, désolée, je m'adresse de nouveau à Sabrina.
— Diane, non, attends ! Elle vocifère à l'autre bout du fil.
Je dépose le téléphone à sa place initiale me posant mille et une questions à propos de la réplique de cette fameuse Sabrina. D'une part, il semble qu'elle ait définitivement entendu parler de moi par le biais d'Ethan. « C'est donc toi Diane. » Il est donc évident que pour elle, je ne sois pas qu'une simple inconnue. De ce côté, cela ne me dérange pas. Je loge tout de même chez son frère et je suppose qu'il a dû naturellement lui prévenir qu'il n'était pas complètement seul chez lui. D'autant plus qu'à ce que j'ai cru comprendre, ça m'a l'air d'une sœur protectrice. Pour moi, c'est tout à fait normal. Toutefois, lorsqu'elle m'a annoncé qu'Ethan n'est peut-être pas tout à fait honnête avec moi, j'ai de suite bloqué. J'aurais aimé bénéficier d'un peu plus de détails seulement, Ethan serait capable de débarquer à n'importe quel moment dans la pièce et ce ne serait nullement une bonne chose. Me vient subitement à l'esprit qu'elle pourrait peut-être penser qu'Ethan et moi sommes actuellement dans un début de relation et qu'elle me préviendrait d'une potentielle fréquentation secrète d'Ethan. En toute franchise, je n'en ai aucune idée et chercher la véritable raison ne servirait à rien. Qu'il soit honnête ou non, il n'y a absolument rien qui me lie à lui et par conséquent, je ne vois pas en quoi je devrais m'inquiéter.
— Tu es sûr que tu ne m'as pas parlé, il passe sa tête hors de la salle de bain.
— Oui, je t'assure. C'est sûrement la télévision.
— D'accord. Bon et bien, j'y retourne, il rigole en refermant la porte derrière lui.
Je soupire, rassurée qu'il ne m'ait pas clairement entendu. Encore heureux, je n'aurais pas été en mesure de trouver une parfaite excuse. Soudainement, je me retrouve à sursauter quand je sens quelque chose vibrer sous ma fesse gauche. Je délivre mon cellulaire de cette dernière dans une position peu avantageuse et voit apparaître une notification qui me fait sourire à la seconde où j'aperçois l'expéditeur.
De : Antoine
Bonjour Diane,
J'espère que tu es bien rentrée.
Tu me manques déjà. Je t'appelle tout à l'heure.
— Toi aussi tu me manques, je réponds à haute voix.
— Merde ! Crie subitement Ethan avant que je n'entende de multiples bruits de chute d'objets par la suite.
— Ethan ? Je me lève immédiatement vers le couloir. Tout va bien ? Je lui demande ne prenant pas la peine de m'aventurer plus loin.
Une fois de plus, il vocifère des injures à la chaîne accompagnant ces sons d'écroulements sur le sol. Bon sang, je n'ose imaginer l'exécrable bordel qu'il doit y avoir dans la pièce, qu'est-ce qui lui prend. Mon taux d'inquiétude monte en flèche et je ne me retiens pas de l'appeler de maintes fois sans bénéficier de réponses.
— Ethan ! M'exclamé-je pour la énième en toquant à la porte.
— Ça va Diane, ça va. Je suis très maladroit, je crois l'entendre rire ce qui me rassure.
— Tu m'as fait peur, je me joins à son rire. Tu as cassé quelque chose ?
— Non, rien. Ne t'inquiète pas, tout va bien.
— Explique-moi comment t'es-tu débrouillé pour te retrouver avec une seule chaussure en plein entraînement, demandé-je à Antoine au bout du fil tout en préparant mon sac.
— Puisque je te dis qu'ils se sont tous liés contre moi.
— Je suis sûre que tu l'as bien cherché, je souris.
— Pour une fois, je t'assure que je n'ai absolument rien fait, il se défend.
— Je suppose que je n'ai pas le choix de te croire. Ça me fait plaisir d'entendre ta voix, vraiment.
— Moi aussi, tu ne sais pas à quel point, il marque une pause avant de reprendre d'une voix affaiblie, Diane, finalement, je crois que je l'ai bien cherché, il semble se rappeler de quelque chose.
— Je le savais ! M'exclamé-je le rire aux lèvres.
Ethan étant partie il y a de ça deux heures au travail, une nouvelle balade dans les rues espagnoles s'impose pour Diane la touriste. Toutefois, c'est en me préparant que j'avais reçu un appel inattendu d'Antoine. Probablement pas si inattendu que ça puisqu'il m'avait bel et bien prévenu cependant, j'étais tout de même chaleureusement surprise. Comme je lui ai préalablement précisé, entendre sa voix me ravie de manière incontestable. J'ai tellement l'impression de l'avoir auprès de moi et c'est tout aussi rassurant. Je ne cache en aucun cas le fait qu'il me manque et que je ne peux attendre nos prochaines retrouvailles qui sont pour le moment indéterminées.
— Donc si je comprends bien, c'est terminé ? Me questionne Antoine d'un air manifestement embêté.
— Il faut d'abord que je puisse en parler à mon coach, il me suit depuis mes dix-sept ans et j'ai besoin de lui faire part de tout ça.
Le téléphone logé dans le creux de mon épaule, je me tape de ces sprints dans l'appartement à la recherche de la clé. Ethan a de nouveau verrouillé la porte et sans clé, je ne pourrais sortir de l'appartement. D'autant plus que je ne serais pas en mesure de sortir tout court puisque je ne pourrais pas refermer la porte après mon départ. Je mets malheureusement fin à la conversation téléphonique avec Antoine en lui précisant une fois de plus que j'ai hâte que l'on puisse se revoir et que je ne manquerais l'occasion de lui passer un coup de fil dès que possible. À cet instant, il faut absolument que je puisse joindre Ethan, il a bien dû la ranger quelque part.
— Ethan, je suis désolée de te déranger, je m'excuse alors qu'il vient à peine de décrocher.
— Aucun soucis, qu'est-ce qu'il se passe ?
— Je suis sur le point de sortir mais, je ne trouve pas la clé. Où l'as-tu rangé ? Je lui demande en m'appuyant contre le plan de travail de la cuisine.
— Quelle clé ? Sa voix change bizarrement de ton.
— Ta deuxième clé, celle que j'ai utilisée pour sortir hier.
— Je n'ai pas de deuxième clé, je ne vois pas de quoi tu parles.
— Bien sûr que si, je te l'ai emprun-
Un bip successif résonne promptement à mon oreille. Il m'a raccroché au nez. Je tente de le rappeler de multiples fois qui sont assurément toutes vouées à l'échec.
« Votre correspondant n'est pas disponible pour le moment. Veuillez laisser un message après le bip. »
— Diane, je suis rentré ! S'exclame Ethan d'un ton enjoué.
Je me tiens littéralement en face de lui, la fameuse clé entre mon pouce et mon index. Bien évidemment que j'ai réussi à la trouver. J'ai dû complètement retourner l'appartement de fond en comble toutefois, je l'ai retrouvé. Par conséquent, l'envie de sortir s'est indubitablement volatilisée une fois que j'avais finalement mis la main dessus.
— Ma clé, tu l'as retrouvé. Je me demandais bien où est-ce que je l'avais mise, il affiche une expression étrangement stupéfaite.
— Tu l'as mise à la poubelle.
— Quoi ? Il plisse du front, reculant sa tête en arrière.
— À la poubelle, j'insiste sur le plus important.
— C'est insensé, pourquoi l'aurais-je mise à la poubelle, il faudrait être fou pour faire ça.
— Alors peut-être que tu l'es.
— Je ne suis pas fou, il rétorque changeant fâcheusement d'expression faciale.
Je lui lance sa clé de manière à ce qu'il puisse l'attraper. Cependant, ne bougeant pas d'un poil, cette dernière tombe sur le sol émettant un son plus ou moins aigu. La respiration d'Ethan s'intensifie et devient définitivement plus audible et j'écarquille mes yeux face à ce personnage qui me semble quelque peu différent. Ses points se resserrent sur eux-même d'une force qui en fait trembler ses bras. Je n'arrive guère à comprendre ce qui est actuellement en train de se passer et me contente de reculer de quelques pas vers l'arrière. Progressivement, un sourire vient apparaître sur son visage qui se détend également dans la foulée. Il incline sa tête vers le sol, se baisse et ramasse la clé du bout de ses doigts.
— Ma clé, tu l'as retrouvé. Je me demandais bien où est-ce que je l'avais mise, il répète mot pour mot une précédente réplique.
— Ethan, je prononce son prénom d'un ton soupçonneux. Est-ce que ça va ? Je lui demande doutant de l'état de son comportement.
— Bien sûr que ça va, pourquoi ça n'irait pas ? Il continue son chemin dans l'appartement déposant sa sacoche sur le bar.
— Non, pour rien.
— Alors, pour ce soir, il ouvre le frigidaire avant de m'adresser un regard. Des hamburgers, ça te-, il s'arrête. Diane, ça ne va pas ?
— Ça va très bien, je m'efforce de sourire.
J'ai commis une erreur. Une énorme erreur.
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