CHAPITRE 26

« Je n'y peux rien. »

▫️

Madrid, une première également pour moi au même titre que Saint-Sébastien. Je suis extrêmement ravie de pouvoir découvrir une nouvelle ville de l'Espagne qui est un pays que je commence véritablement à aimer et si l'occasion s'y présente, y habiter serait un pur plaisir. Malheureusement, je ressens malgré tout que l'événement de la veille a considérablement plombé l'ambiance et les échanges entre Antoine et moi sont brefs et secs. Je ne m'en plains pas forcément, ce serait tout de même déplacé étant donné que je suis la fautive dans l'histoire. Néanmoins, s'il serait possible que nous nous comportons de manière légèrement plus mature et non comme deux gamins qui se sont engueulés pour une dernière part de gâteau, ce serait tout aussi adéquat. Je n'oserais dire que la manière dont agit Antoine envers moi est excessive, il a bien évidemment tous les droits de m'en vouloir. Seulement, impossible d'avoir une discussion afin d'arranger les choses. Il vaudrait mieux que je laisse les choses s'apaiser pour l'instant.

Notre vol pour Madrid est donc prévu pour 13h35 ce qui nous laisse le temps de nous préparer paisiblement durant la matinée, tandis que le retour est pour 21h55. Encore heureux que nous ayons uniquement qu'une heure et quart de vol sans quoi, je doute que j'aurais pu supporter de tels déplacements. D'après les courtes explications d'Antoine, c'est un simple rassemblement des joueurs de l'Atletico afin de célébrer la nouvelle saison qui a d'ores et déjà commencé. J'ai apprécié l'invitation d'Antoine en dépit de la façon dont il me l'a administré. « Tu veux venir ou retourner passer la journée chez Ethan ? » Je me suis sentie tellement embarrassée de devoir affronter son regard accusateur. Je l'ai probablement mérité.

Ça fait bizarre de prendre l'avion rien qu'en ayant un sac à main, je tente de détendre l'atmosphère en entamant une potentiel conversation.
Je suis habitué, répond-t-il en s'empressant de se diriger vers la sortie de l'aéroport.

Tentative d'approche de nouveau échouée.

Le voici, il murmure à lui-même en apercevant un jeune homme qui nous fait un signe de la main.
Antoine, comment tu vas, il lui décerne une poignée de main. Bonjour, il m'attribue un sourire.
Très bien. Diane, Kevin Gameiro, un des joueurs de l'Atletico.
Enchantée, je me permets de lui faire la bise.

Je l'ai pourtant reconnu en étant à distance raisonnable mais, le préciser ne servirait à rien. D'autant plus que je n'étais pas capable de dégoter son nom à temps.

C'est cool de venir nous récupérer en tout cas.
Pas de soucis. Montez, il nous encourage, on y va.

Je m'installe automatiquement à l'arrière et stresse légèrement pour ce fameux regroupement. Si Antoine n'ose à peine m'adresser la parole, comment va se dérouler la suite de la journée. Je sens que je vais certainement devoir faire face à la véritable solitude pour le coup.

Je n'étais pas au courant Antoine, depuis quand es-tu en couple ? Demande Kevin s'engageant précipitamment sur la route.
Non, nous ne sommes pas en couple, corrige Antoine en m'adressant un regard foudroyant dans le rétroviseur.

J'aurais peut-être dû rester à Saint-Sébastien finalement.

Nous arrivons devant une maison où nombreuses sont les voitures d'ores et déjà garés devant cette dernière. On y ajoute la nôtre avant de descendre tranquillement. Une maison recouverte de plaquette de parement dans les tons relativement jaunâtres, abritée d'un toit en tuiles d'ardoise. Dès l'extérieur, on peut remarquer la splendeur de cette demeure. En chemin vers celle-ci, je suis relativement surprise qu'Antoine m'ait adressé la parole. Même si ce n'était que pour me préciser le propriétaire qui n'est autre que Fernando Torres, je n'aurais jamais cru qu'un jour j'aurais pu être aussi ravie d'entendre sa voix.

Antoine ! La population ne tarde pas à remarquer son entrée.

On se permet un bonjour général, je doute fort que l'on aimerait ressortir d'ici avec un torticolis dû au nombre de bises qu'il faudrait attribuer. Sans grande surprise, je me retrouve très rapidement abandonnée par Antoine qui me précise pourtant qu'il serait de retour dans quelques instants. Honnêtement, je n'y crois pas trop. Le principal est qu'il n'est qu'à quelques mètres de moi, ce qui me rassure. Je me permets de me servir à boire avant de rejoindre discrètement Antoine en pleine discussion avec quelques-uns de ses coéquipiers. Il s'efforce de faire bonne figure et me présente à chacun d'entre eux, ce qui me fait extrêmement plaisir. J'esquisse un sourire en me dévoilant comme étant une simple amie d'Antoine ce qui surprend certains d'entre eux. C'est écrit sur mon front que je détiens des sentiments pour lui ou ça se passe comment.

J'aurais pourtant parié. Monsieur Griezmann, il serait temps de te caser ! S'exclame Nicolás d'un ton enjoué.
On en parle de ta situation ? Se moque Antoine déclenchant un rire général. Je n'ai que vingt-cinq ans, c'est plutôt toi qui devrait te caser.

Je décide par la suite de laisser Antoine discuter paisiblement vu que je n'apprécie pas vraiment la place de spectatrice. Je m'oriente vers le petit buffet où je me permets de me servir quelques apéritifs avant de me cogner soudainement sur une personne.

Pardon, je m'excuse.
Ce n'est pas bien grave, une voix masculine me répond. C'est Diane, si je ne me trompe pas.
Oui, effectivement. Je tente de deviner son nom face à ce visage me paraissant familier.
Óliver Torres.
Ravie de te rencontrer, je souris timidement.
Une footballeuse à ce que j'ai cru entendre de la conversation, je ne l'aurais jamais deviné.
Je dois le prendre comme un compliment ou autrement, je rigole suite à sa réplique.
Plutôt un compliment, il me rejoint dans mon rire.
Et bien merci, je suppose.

Alors en pleine discussion, la sonnerie de mon téléphone retentit subitement. Óliver me permet de décrocher en me faisant signe qu'il reviendrait un peu plus tard afin de me laisser répondre à cet appel. Je tire mon cellulaire hors de ma poche avant de voir apparaître un numéro qui m'est complètement inconnu. Qui cela pourrait-il bien être.

Oui, allo ? Je décroche.
Bonjour, Igor San Miguel à l'appareil.

Mon cœur rate un battement.

Ne bougez pas, je me rends dans un endroit un peu plus calme, je l'informe avant de me mettre en marche vers Antoine. Viens avec moi, vite, je m'adresse à lui en un murmure, sans attirer l'attention.
Pas maintenant Diane, on parlera après, il me chuchote.

Je n'ai guère le temps d'insister plus et préfère me diriger immédiatement à l'extérieur.

Pardon, je vous écoute, je reprends la conversation téléphonique.
Oui, mademoiselle Diane Trevis. Je ne me permettrais pas de passer par quatre chemins. Nous avions beaucoup aimé vos capacités de jeu néanmoins, elles ne sont probablement pas assez techniques pour gagner votre place dans notre équipe. Je suis navré en tout cas mais, sachez que vous avez toutes vos chances en professionnel avec un travail peut-être un peu plus poussé au niveau du mental.

Après un simple au revoir, je raccroche brusquement et souffle n'arrivant pas à croire l'annonce que je venais de recevoir. J'avais pourtant espoir d'avoir toutes mes chances pour ce poste d'attaquante toutefois, il semblerait que mes faiblesses mentales n'aient guère échappé au regard attentif du coach qui les a instinctivement repérées. En toute franchise, je n'oserais pas dire que je suis choquée. Certes fortement déçue mais, une partie de moi s'y attendait. Il est clair que ce n'est plus quelque chose qui semble être pour moi. J'ai pourtant essayé, je me suis déplacée jusqu'en Espagne dans l'intention de gagner cette place. Malheureusement, ces efforts n'ont apparemment pas été suffisants. L'envie de regagner la maison m'est absente et je préfère rester dans le jardin à faire les cinq cent pas.

Diane, où étais-tu passée ? Apparaît subitement Antoine, des lustres plus tard.
Et bien, j'étais ici, je réponds platement.
Quelque chose ne va pas ? Me demande-t-il d'un air étrangement inquiétée en me rejoignant.
Tiens, tu me parles maintenant, je remarque.
S'il te plaît. Ne joue pas à ça.
Ne joue pas à ça ? Je répète en évacuant un rire montrant le ridicule de ces propos. Tu sais quoi Antoine, je ne te reconnais même plus. Je ne sais absolument pas ce qu'il t'arrive mais, depuis que je t'ai rejoint en Espagne, tu agis parfois de manière si insupportable.
Diane, il dit mon nom sur un ton calme.
Non, il n'y a pas de Diane, je reprends le même ton.
Je ne sais juste plus comment agir envers toi pour que tu puisses comprendre, il pose sa main sur son front.
Comprendre quoi ?

Il n'ose répondre à la suite et laisse un silence mortel s'installer entre nous avant de finalement prendre une forte inspiration.

Je n'ai pas envie que tu puisses trouver le bonheur dans les bras d'un autre, il peine à vouloir m'admettre.

Je sursaute intérieurement émotionnée par ses dires. Cela expliquerait inévitablement le comportement intolérable d'Antoine depuis quelques jours. J'en étais pratiquement certaine seulement, je m'efforçais à croire que ce n'était qu'une odieuse crise de jalousie. Seulement, le fait qu'il me dise ce qu'il ressent de manière aussi attendrie me confirme que c'était largement plus que ça. La peur de me perdre.

Je t'ai embrassé le soir dans ta chambre parce que, je voulais que tu saches ce que je ressens véritablement envers toi avant que tu ne puisses commencer à le fréquenter, il m'admet dans la foulée. Tu m'as dit un jour que j'étais la raison de ton sourire. Je veux tout simplement le rester.
Mais, je ne ressens absolument rien pour Ethan, je lui avoue pour la énième fois.
Et on a beau s'embrasser, il ne s'occupe pas de ma réponse, le lendemain, plus rien. Il semble que tu préfères partir je-ne-sais-où avec quelqu'un d'autre. Je me suis finalement lancé et je voulais que l'on puisse parler de nous hier soir et qu'est-ce que tu m'annonces ? Il marque une pause. Qu'il t'a embrassé. Tu ne cesses de me faire tourner en bourrique, Diane.
Ne t'inquiète pas, une fois de retour à Paris, je n'aurais plus à te faire tourner en bourrique, déclaré-je d'une tonalité de voix à peine perceptible, ayant un sentiment de culpabilité qui s'amplifie en moi.
Pourquoi tu dis ça de cette manière ? Il fronce des sourcils. Ça ne veut pas dire que je veux que tu repartes.
Je t'ai demandé de venir avec moi tout à l'heure, je lui indique mon téléphone, Igor m'a appelé.

Ses yeux s'écarquillent de stupéfaction.

Tu aurais dû me dire que c'était lui au téléphone, il passe sa main dans ses cheveux en soupirant.
J'ai été refusé, Antoine, je dis d'une voix tremblante.
Putain, c'est une blague, il ne se pose aucune question et m'emprisonne de ces bras protecteurs.
J'ai été refusé, je murmure à nouveau alors que je me noie dans un profond océan de mélancolie. Je ne sais plus quoi faire.
Ne pas baisser les bras, c'est ce que tu dois faire. Une autre occasion viendra à toi.
Tu ne comprends pas. C'est de ma faute, je n'ai pas les capacités mentales requises.
Bien évidemment que tu ne les as pas puisque tu ne cesses de douter de ta personne alors que tu es une joueuse fantastique. Il faut que tu puisses regagner confiance en toi, il tente de me réconforter.
J'en peux plus, je suis à court d'énergie.
Ecoute-moi, il prend mon visage entre ses mains et plonge son regard dans le mien, tu n'es pas à court d'énergie. La défaite doit te rendre encore plus forte.

Je retrouve soudainement un Antoine qui m'avait fort manqué. Néanmoins, il se pourrait qu'il se présente un peu tardivement.

La défaite m'affaiblit, je n'y peux rien, j'hausse les épaules.
Ne dis pas ça Diane, il pousse ma tête à se loger dans le creux de son épaule.
J'aurais essayé au moins, je m'y dégage aussitôt en tapotant le dessous de mes yeux.
Qu'est-ce que ça veut dire ? Il s'inquiète.
C'est terminé pour moi Antoine.
Non, il ne peut y croire, tu ne sais pas ce que tu dis.
Au contraire, je sais pertinemment ce que je suis en train de dire. Tout ça me fatigue.

La journée d'hier s'est malheureusement achevée de manière extrêmement triste. Nous avions terminé la soirée en compagnie des autres joueurs en arborant un large sourire de façade afin de cacher notre humeur mélancolique. Ne s'adressant à peine la parole, le vol du retour a été tout aussi attristant. Seulement, nos mains sont restées entrelacées durant l'entière partie de celui-ci ce qui m'indiquait qu'Antoine me soutenait malgré tout. La tension entre nous s'était considérablement apaisée en dépit du fait que nous n'avions toujours pas eu le courage de parler de notre situation. C'est tout de même si étrange que nous soyons aussi réservés sur nos sentiments, ne serait-il pas plus facile de mettre les choses au clair une bonne fois pour toute, au lieu de se bécoter un jour et tout oublier le lendemain. En regagnant Saint-Sébastien, la nuit a été fâcheusement courte pour moi étant donné que j'ai beaucoup réfléchi pendant cette dernière jusqu'à ce qu'une conclusion me viennent à l'esprit après maintes gesticulations dans mon lit. Je me devais de continuer pour moi, ainsi que principalement pour Ryan, c'est bien ce que je m'étais dit avant de partir pour l'Espagne. Néanmoins, il semblerait que je ne m'en sois toujours pas remise et que mes pensées négatives doutant de ma continuation sans l'aide de mon frère, m'est indubitablement piégée en se ressentant dans la qualité de mon jeu. Il est donc clair que je ne puisse plus continuer sur ce chemin et que même si l'envie est probablement encore quelque part cachée en moi, le courage et la détermination m'ont quitté depuis belle lurette.

Le soleil vient alors à peine de se lever que je descends des escaliers, ma valise fraîchement fermée, à la main. Antoine, réveillé par le vacarme que je ne cessais de faire dans la chambre en rangeant mes affaires, m'avait préalablement rejoint dans ma chambre. Les yeux à peine ouverts, il se croyait en plein rêve quand il comprit ce que j'étais sur le point de faire. « Je descends et je t'expliquerais. » lui avais-je dit avant de fermer définitivement mon bagage.

Qu'est-ce qu'il se passe ? Me demande-t-il après s'être débarbouillé le visage, me rejoignant au rez-de-chaussée.
Je repars pour Paris, déclaré-je sans plus attendre.
Mais, il n'est que Samedi. Tu n'étais pas censée repartir avant Jeudi, il s'inquiète de la situation présente.
Je sais, je réponds. J'ai réussi à faire avancer mon billet en appelant à la première heure.
Diane, tu délires, il s'approche précipitamment. Tu ne peux pas partir maintenant.
Il faut que je reparte pour Paris afin de discuter avec mon coach de la décision qui me conviendrait le mieux.
Diane, je te le dis de suite, tu n'arrêteras rien du tout, il hausse sa voix pour paraître convaincant.
S'il te plaît, Antoine.

Je m'avance ouvrant mes bras afin de l'accueillir dans ces derniers sentant l'heure du départ arrivée à petit feu. Il faut qu'il comprenne qu'il arrive forcément un moment dans la vie où nos faiblesses finissent par nous vaincre.

Je reviendrais te voir, promis. Seulement, je dois d'abord régler mes problèmes, je m'efforce d'esquisser un sourire. Par contre, il faut que j'y aille, dis-je subitement sentant les larmes me remontées aux yeux. Le temps de déposer la voiture de location avant le vol.

Il m'accompagne alors à l'extérieur, transportant gentiment ma valise jusqu'à mon coffre. Il est littéralement bouche bée, toujours la tête dans les vapes. Le pauvre, j'en ai le cœur considérablement brisé.

Avant que tu partes, il me retient dans ma lancée. Je t'attendrais aussi longtemps qu'il le faudra.
Tu n'as pas à m'attendre, je me permets pour la première fois d'engager un léger baiser. Tu m'as déjà, je lui serre la main avant de pénétrer dans le véhicule.

C'est sur ces derniers mots que je laisse tristement Antoine sur le chemin de pavé, quittant la demeure de ce dernier. J'ai beau m'être retenue néanmoins, je suis toute aussi anéantie que lui. Le pire dans tout ça et je suppose que je ne pourrais probablement jamais me le pardonner, c'est que ce n'était qu'un terrible mensonge venant de ma part. En route vers ma véritable destination, je m'imagine d'ores et déjà sa réaction s'il découvre celui-ci. Toutefois, je ferais absolument tout pour qu'il ne puisse guère être au courant. Pour lui, je suis bel et bien en route pour un retour imminent à Paris et cela devra être comme cela jusqu'à mon réel départ qui est lui, toujours prévu pour Jeudi. C'est fortement malhonnête de ma part et j'en suis amplement consciente. Cependant, c'est la seule solution que j'ai pu dégoter de mon esprit. Si je reste aux côtés d'Antoine, il tentera de toutes ses forces de me convaincre une fois de plus. Sauf que cette fois-ci, je n'ai plus envie de faire d'efforts. Je n'ai vraiment pas le choix.

Diane ? Me dit le grand brun alors que je me tiens devant sa porte, ma valise à la main. Je suis si content que tu sois revenu, il sourit avant de détourner ses yeux sur cette dernière.
J'aurais besoin de ton aide, j'appréhende sa réponse.
N'en dis pas plus, entre je t'en prie, il m'accueille d'un sourire fort chaleureux.

Je n'ai pas le choix, je vais devoir loger chez Ethan jusqu'à mon départ.

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