CHAPITRE 21
« Il est trop tard. »
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C'est la toute première fois que j'ai la bravoure d'avouer cette bouleversante histoire. Nous nous étions préalablement installés sur le canapé avant que je ne puisse déverser toute la vérité. Je dois cependant avouer que ce n'a été d'une grande facilité. Je m'y revoyais encore, chaque instant se renouvelait à nouveau dans ma tête. C'était d'une atrocité exécrable de devoir revivre le moment tragique qui avait indéfiniment détruit mon présent ainsi que mon futur. Antoine voulait absolument tout savoir, il posait constamment des questions qui me dérangeaient et l'idée qu'il puisse déceler la vérité me terrifiait énormément. Seulement, il avait bel et bien remarqué ces disgracieuses cicatrices sur mon poignet. Au grand jamais je n'aurais pensé qu'ils puissent apercevoir celles-ci et je n'y prêtais même plus attention. J'avais beau nié la réalité des faits, la pression qu'il exerçait sur moi m'avait fait perdre le contrôle.
Antoine sait désormais tout. Cette histoire l'a terriblement touché, je le sens. Durant la majeur partie de mon long discours, je pouvais apercevoir les larmes qu'il s'efforçait de ne pas délivrer, briller dans ses yeux. M'étant considérablement libérée de ce lourd poids qui pesait sur mes épaules, je ressens une délivrance en moi que je ne saurais expliquer. Malgré mon profond chagrin qui peine à vouloir s'effacer, la légèreté serait le mot adéquat pour me décrire à cet instant. Il ne résiste pas à la tentation et se rapproche manifestement de moi afin que je puisse m'échouer dans ses bras.
— Je regrette de m'être mutilée, c'était faible de ma part, je brise ce long silence.
— Je sais que tu le regrettes et je suis extrêmement désolé pour tout ce que tu as pu traverser.
— Ne t'inquiète pas, je vais bien, j'essaye de positiver.
— Merci de m'en avoir parlé, c'était vraiment courageux de ta part.
— S'il te plaît, promets-moi juste une chose. Je ne veux pas que tu me regardes autrement à cause de ça, je t'en prie, je le supplie en mêlant mon regard au sien.
— Jamais je ne pourrais te regarder différemment, il passe délicatement une mèche de cheveux à l'arrière de mon oreille.
Un petit frisson me prend instantanément à la suite de ce geste raffiné.
— Je l'espère, je souris timidement ne cessant de contempler son adorable visage.
J'appuie paisiblement ma tête sur l'épaule droite d'Antoine et hume son doux parfum par la même occasion. Je craignais tellement sa réaction qui aurait pu être exagérée à la limite de l'hypocrisie. Généralement, les personnes qui apprennent ce genre de nouvelles éprouvent une certaine forme de compassion et agissent de façon plutôt étrange. Je n'ai jamais eu à affronter ce type de situation, cependant c'est relativement courant et je refuse que quelqu'un éprouve ce sentiment envers moi. Au final, je me rends compte que je m'étais considérablement trompée sur Antoine et que je suis particulièrement fière de m'être exprimer sur ce sujet. Ce mur entre lui et moi s'est finalement écroulé et je n'aurais désormais plus besoin de me cacher derrière celui-ci. Sa main se dépose délicatement sur la mienne et y exerce une légère pression.
— Tu te sens mieux ?
— Oui, ça fait du bien de se lâcher un peu, j'admets la main sur la poitrine. C'est gentil de m'avoir écouté, je sais que ça peut être ennuyant d'entendre quelqu'un parler de sa vie.
— Je t'ai si ennuyé que ça quand je t'ai raconté la mienne, rigole-t-il en haussant les sourcils.
— Non, évidemment que non, j'ai beaucoup aimé en savoir sur toi, je le pointe de l'index.
— C'est vrai ? Son visage s'adoucit.
— Bien sûr, on a tellement rigolé, je souris chaleureusement. Monsieur je me promène le matériel à l'air dans les vestiaires, me moqué-je de lui, tu ne crois tout de même pas que j'ai oublié !
— J'avais espoir, il échoue sa tête dans ses mains.
Nous éclatons mutuellement de rire nous remémorant cette soirée riche en hilarité.
— Même si tu as la capacité d'être belle quand tu pleures, et d'ailleurs je n'ai jamais compris comment tu fais, ajoute-t-il en baissant légèrement le ton, je te préfère largement le sourire aux lèvres, continue-t-il me pinçant la joue.
— Je crois que c'est une personne comme toi qu'il me manquait depuis que Ryan est parti.
— Une personne comment ? Il affiche sur son visage, une expression qui m'indique qu'il attende que je le complimente.
— Une personne qui réussisse à le faire apparaître, j'affiche un sourire et désigne en suite ce dernier.
— Oh que je suis flatté, je vais rougir, il agit de manière ridiculement féminine.
— Arrête un peu, je pouffe de rire en lui tapant la cuisse.
— Ça me fait plaisir que tu me dises ça, il reprend de façon plus sérieuse.
Il est véridique que les mois suivants son décès ont été fort difficiles. J'ai catégoriquement refusé d'accepter l'offre de mes parents qui me proposaient de revenir à la maison le temps que je puisse faire mon deuil et passer à autre chose. Une maison qui a accueilli l'enfance que j'ai partagé avec Ryan et dont chaque mur regorge de nombreux souvenirs. J'ai dû malheureusement y séjourner à cause de la veillée et l'enterrement et je peux confirmer que ces moments ont été indubitablement rudes à supporter. Une fois ces deux événements achevés, je suis immédiatement repartie à Paris où je suis d'ailleurs considérablement tombée en dépression. Nombreuses sont les fois où je me suis demandée qu'est-ce qui me retenait de rejoindre Ryan. Toutefois, ce n'était pas la solution qui allait résoudre mes problèmes. Au fil des mois, je commençais à comprendre qu'il fallait probablement me reprendre en main et ne guère continuer à m'apitoyer sur mon sort. Néanmoins, je me rendais bien compte que je n'étais véritablement plus la même.
Je ne connais probablement Antoine que depuis un mois et des poussières, seulement il m'aide énormément à me changer les idées. D'autant plus qu'une partie en lui me rappelle sans aucun doute Ryan. J'arrive en dépit de ce fait à faire la part des choses entre ce dernier et Antoine puisque je ne le considère en aucun cas comme un frère. Ce serait impossible de ma part compte tenu de la réaction que j'éprouve toutes les fois qu'un rapprochement s'impose entre nous. « Crotte, je savais que tu l'aimais bien, petite coquine. » Qui est-ce qui l'a ramenée celle-là, qu'il se dénonce.
— Ce n'est peut-être pas le moment d'en parler, mais je pense qu'il faudrait que j'aborde le sujet un jour ou l'autre, balance Antoine me sortant indubitablement de ma rêverie.
— De toutes les manières, je n'arriverais pas à te retenir, je m'efforce de sourire sachant de quoi il aimerait discuter.
— Sache que je ne veux en aucun cas me servir de ton frère pour changer ta décision, je veux juste que tu penses à lui.
Je confirme d'un mouvement de tête vertical qui lui accorde la poursuite de son discours.
— Diane, il t'a aidé afin que tu puisses un jour, réaliser ton rêve. Il a été la seule personne qui a toujours cru en toi et tu l'as tragiquement perdu, j'en suis tellement désolé, tu ne sais pas à quel point, il marque une pause et ne tarde pas à enchaîner. Il s'est battu pour que tu puisses avoir l'avenir que tu désirais, malgré le fait que lui n'ait pas pu l'avoir. Tu as bien dis que tu n'allais pas seulement réaliser ton rêve, mais que tu allais également indirectement réaliser le sien. Il faut que tu te ouvres les yeux et que tu te battes à ton tour pour lui.
— Tu as raison. Tu as complètement raison. Mais, ce n'est pas facile, comprends-moi.
Evidemment qu'il a totalement raison et je redoutais d'ailleurs un discours de ce type venant de sa part. Ryan avait dû subitement abandonner le football à cause de nos parents qui souhaitaient posséder l'entier contrôle sur nos vies. Et pourtant, il voulait absolument que je puisse mériter l'avenir que lui n'avait pu conquérir. Abandonner serait d'un irrespect abominable de ma part d'autant plus que je réduirais en poussière ce futur qu'il s'était efforcé de me construire. En dépit de ces arguments tout aussi authentiques les uns que les autres, tout reste encore flou dans ma tête.
— Ecoute, il emprisonne mon visage de ses mains, il ne faut pas que tu sois effrayée de l'inconnu. Fais-moi confiance, je crois en toi moi aussi et je t'aiderais. S'il te plaît, la moindre des choses serait que tu prennes le temps d'envisager une autre possibilité. Fais-le pour Ryan et le petit garçon qui se trimballait nu dans les vestiaires, il émet un sourire rassurant.
— Tu crois en moi, je répète sa réplique en un murmure.
— Bien sûr que oui, depuis le début et je ne te lâcherais pas.
Sans s'en rendre compte, il venait de prononcer la première réplique qui engageait la fidèle promesse de Ryan. Une envie considérable me pousse à compléter cette dernière, mais je n'en suis nullement capable et me contente d'agir comme si je n'y avais prêté attention.
— Antoine, il est trop tard. J'ai déjà refusé, je prends soin de lui rappeler.
— Je le sais bien, mais disons que j'ai peut-être fait quelque chose, il libère mon visage et baisse promptement son regard.
— Et, j'allonge la syllabe, je peux savoir qu'est-ce que tu as fait ? Je l'interroge d'un ton inquiet.
— Quand tu m'as annoncé la nouvelle, j'avais tellement peur que tu puisses regretter un jour que je suis rentré en contact avec Igor San Miguel le jour d'après. Je lui ai demandé de mettre ta proposition de transfert en suspens le temps que tu puisses régler quelques petits problèmes, il sourit nerveusement.
— Antoine, je soupire en secouant instinctivement la tête.
— Je suis désolé, je ne voulais vraiment pas que cette chance puisse te passer bêtement sous le nez. Fais-moi confiance, je te promets que tu as toutes tes chances.
— Tu veux m'aider et c'est adorable de ta part. Mais, je ne suis pas sûre de réellement savoir ce qu'il y a de mieux pour moi.
— Diane, non. Réfléchis-y au moins, je t'en prie, me supplie-t-il en se positionnant face à moi.
— Antoine, je t'ai déjà dit qu'il faudrait que tu arrêtes de te donner autant pour moi.
— Quand une personne compte pour soi, il ne faut jamais l'abandonner. C'est ce que l'on est censé faire quand on aime quelqu'un.
Mon sang ne fait qu'un tour à l'écoute de la fin de sa phrase. Restant stupidement muette, mes joues s'enflamment et ma gêne peine à vouloir s'estomper. J'analyse minutieusement son dire et m'efforce d'y trouver un autre sens, cependant il est évident que je m'emballe une fois de plus pour absolument rien. Aimer est un mot bien vague et peut signifier tellement de choses. M'attarder sur celui-ci ne m'amènerait à rien. Et pourtant, j'aurais espéré qu'il puisse m'amener vers quelque chose. Il doit certainement faire référence au fait que si j'aime réellement mon frère, je ne devrais pas le laisser tomber. « Roh, tu ne pourrais pas être optimiste pour une fois. » Tais-toi, je suis réaliste, c'est tout. « Idiote, oui. »
— Ce que j'essaye de te faire comprendre, il enchaîne d'un air aussi embarrassé que moi qui m'alarme instantanément, c'est qu'il faut que tu puisses rendre ton frère fier.
— Je le sais bien, je lève les yeux vers le plafond complètement perdue.
— Tu disais avoir confiance en moi, tu en es certaine ?
— Mais bien sûr que si, c'est en moi que je n'ai pas confiance.
— Diane, je t'ai vu jouer sur le terrain. L'image que tu dégages est celle d'une joueuse talentueuse et épanouie dans ce qu'elle entreprend. J'ai confiance en toi et tu passeras ce test en Espagne parce qu'au fond de toi, je sais que tu en as envie.
— Et si je ne réussis pas le test ? Je demande d'un ton pessimiste.
— Il n'y a aucune raison que tu ne puisses pas le réussir. Et même si tu échoues, fais-moi confiance, la chance finira par te sourire.
À cet instant, je me rends brusquement compte que mes pensées se remettent paisiblement en place. Il faudrait probablement que je puisse trouver la force d'affronter irrémédiablement mes craintes. La vie me teste et cherche à savoir si je suis en mesure continuer à marcher seule. Jusque-là, cela me paraissait totalement infaisable. Certes, il m'avait promis qu'il ne me lâcherait pas, malheureusement le destin en a décidé autrement. C'est désormais mon tour de tenir cette promesse entre mes mains. Il n'est peut-être plus à mes côtés, mais je sais qu'il ne cessera de veiller sur moi. Antoine a raison, je dois le rendre fier.
— Très bien, j'y réfléchirais, je cède.
— Merci, il soupire de soulagement.
Plongée jusque-là dans un profond sommeil, je me réveille brutalement en un sursaut. Je tourne maintes fois dans mon lit tentant d'adopter une position adéquate afin que je puisse paisiblement me rendormir. Cependant, il semble que mon corps n'ait guère l'envie de m'accorder quelques heures de repos en plus. Le jour ne s'est encore manifesté et aussi surprenant que cela puisse l'être, je décide de me lever une bonne fois pour toute. Mon téléphone affiche 2h46 du matin. Seulement trois heures de sommeil et j'ai malgré cela l'impression d'avoir hiberné durant un hiver entier compte tenu du fait que je me sens drôlement en forme. J'avoue pourtant avoir eu extrêmement du mal à me laisser emporter dans les bras de Morphée à l'heure du coucher. La voix d'Antoine s'était emparée de mes songes et ne cessait de me hanter. Je m'oriente vers le salon que j'illumine en pressant l'interrupteur. Je mets en route la cafetière que je n'ai pourtant pas l'habitude d'utiliser.
Une soudaine pensée me frappe l'esprit. Je tente de la garder à l'écart de ce dernier, mais c'est plus fort que moi. Je m'engage dans le couloir et me dirige vers la dernière porte sur la gauche. La chambre de Ryan. Depuis son décès, j'évite d'y rentrer et la porte est constamment close. Néanmoins, je pense qu'il est probablement temps pour moi de faire un choix. Je dépose soigneusement ma main sur la poignée sur laquelle j'exerce une pression avant que la porte ne s'ouvre. J'allume la pièce sombre et peine à vouloir avancer dans celle-ci. Je n'ai d'ailleurs jamais osé toucher quoi que ce soit et cette chambre est telle qu'il l'a laissé. Je n'ose pas plus m'y aventurer et me contente d'en venir à une conclusion.
— Je le fais pour toi, je murmure refermant délicatement la porte.
À : Antoine
J'accepte.
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