CHAPITRE 16
« Je donnerais tout pour. »
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À peine cinq minutes de route et nous sommes déjà arrivés à destination. Honnêtement, plus proche que ça, tu meurs. Je m'attendais pourtant à plus d'une dizaine de minutes de trajet. Pour le coup, on peut dire que j'ai le bec vraiment bien cloué. Je n'ai guère besoin de jaillir hors du véhicule pour distinguer l'endroit où nous avons atterris. Franchement, j'aurais pu m'attendre à tout, sauf à ça. Je ne vais tout de même pas rester assise à me demander qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour me retrouver ici, je décide de sortir au même rythme qu'Antoine.
— Suis-moi.
Je m'exécute avant de poser un pied sur la pelouse de ce terrain illuminé de quatre projecteurs LED. Pleins de questions se cognent contre les parois de ma tête, il ne m'aurait pas emmené ici sans raison. Je côtoie régulièrement des terrains de foot, je pense clairement savoir à quoi en ressemble un. Mais alors, qu'est-ce qu'il pouvait bien venir chercher ici. J'évite de lui dévoiler toute ma panoplie d'interrogation et je me contente de patienter. Patienter pour quoi ? Et bien justement, c'est la question.
— Rien qu'en regardant ta tête, je vois que tu as l'air complètement paumée, remarque-t-il sur un ton moqueur.
— Il y a de quoi, j'attends juste que tu m'expliques.
— Et bien, c'est vraiment tout simple. C'est ici sur ce gazon que j'ai pratiqué le football pour la toute première fois.
— Sans blague ? Je me retrouve surprise.
— C'est l'une des principales raisons pour laquelle je t'ai proposé de venir à Mâcon, je voulais vraiment que tu découvres tout ce qu'il y avait avant l'Equipe de France et l'Atlético Madrid.
Je contemple le paysage vaste et campagnard, une seule question à la tête. Pourquoi vouloir me raconter autant de choses ? Honnêtement, cela me flatte énormément d'avoir la chance de pouvoir en savoir plus sur lui. Surtout le fait qu'il m'est carrément amené dans sa ville natale, je trouve ça extraordinaire. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de me demander si cette action est volontaire ou si elle est réellement dans l'unique but d'en connaître davantage sur lui. Même en tenant compte qu'il veuille m'en dévoiler plus, pourquoi son passé et non pas son présent.
— Il y a une raison particulière qui t'incite à faire ça ? Lui demandé-je innocemment.
— Je veux juste que tu puisses me connaître, c'est tout.
Disons que je n'ai pas le choix de le croire, il m'a l'air tellement sincère. Je ne vois pas vraiment pourquoi il oserait me mentir. Et si oui, quelle serait la véritable raison. Ça n'a aucun sens. Dans tous les cas, je suis heureuse qu'il puisse m'accorder du temps de cette manière.
— J'espère que tu ne me trouveras pas ennuyant, rigole-t-il passant sa main dans ses cheveux.
— Aucune chance, j'ai vraiment envie de savoir qu'est-ce que tu vas bien pouvoir m'apprendre, souris-je.
J'ai pour habitude de détester ce genre de moments où les gens se permettent de raconter leurs vies et leurs anecdotes toutes aussi folles les unes que les autres. J'ai effectivement du mal à rester concentré et je finis par vite devenir agacé. Mais en toute franchise, entendre la voix d'Antoine pendant un long moment ne me dérange, mais alors vraiment pas.
— Aussi marrant que ça puisse l'être, quand j'étais petit, j'avais les cheveux blonds. C'était le genre de blond que tu reconnaissais à dix milles kilomètres, si tu vois ce que je veux dire.
— Totalement, j'ai expérimenté la chose également, ne t'inquiète pas, m'esclaffé-je en repensant à la coupe ridicule que j'arborais étant petite.
— Et ce petit blond a commencé le football et n'a plus ressenti l'envie d'arrêter. Mon père m'a énormément aidé dans l'apprentissage, et je lui dois beaucoup à l'heure d'aujourd'hui. Grâce à lui, j'ai pu commencer dans l'Entente Charney et Mâcon 71 à six ans et continuer deux ans plus tard en intégrant l'UF Mâconais. Ça a été sept années de pur bonheur dans ce dernier, et je n'oublierais jamais cette époque de ma vie.
Je le rejoins sur ce point également. Mes années dans mon tout premier club à Lyon ont été tout simplement magiques et resterons gravées en ma mémoire pour toujours. Que de bons souvenirs durant cette époque qui me réchauffe le cœur rien que d'y penser.
— Je vais passer le fait qu'un caleçon Bob l'éponge a longtemps été mon porte bonheur, il ne vaut mieux pas détailler, dit-il d'une voix à peine audible.
— S'il ne faut pas détailler ? Bien sûr qu'il le faut ! M'exclamé-je intrigué par cette révélation.
— Détailler quoi, j'ai oublié ce que je disais, mince.
— Mais oui, bien sûr !
Un caleçon Bob l'éponge, qu'est-ce que c'est mignon.
— Viens la partie un peu moins drôle qui a été l'une des plus dures pour moi. J'avais 14 ans et j'ai effectué plusieurs essais pour de nombreux clubs en France, je ne saurais même plus te les citer. Et bien évidemment, j'étais toujours considéré comme le petit garçon trop fragile pour réussir et j'ai été refusé partout.
Il m'en avait brièvement parlé lors de la balade à vélo et j'avoue que cela m'avait fait un peu remuer l'esprit. « Je me suis battue pour avoir ce que je voulais, malgré les nombreux refus. Tu as la chance toi, d'obtenir une proposition en or, et pourtant, tu n'as aucune envie de faire ce petit effort pour réaliser ton rêve. » Ce discours m'a beaucoup marqué et m'avait laissé bouche bée.
— Puis, une chance m'est tombée sur la tête. J'ai été repéré par la Real Sociedad la même année lors d'un tournoi. Ils m'ont proposé un essai de deux mois, que j'ai accepté sans hésitation et j'ai finalement signé un premier contrat, enchaîne-t-il le sourire aux lèvres.
— Quelle belle revanche pour ceux qui ont douté de toi, avoué-je fermement.
— C'est exactement à cela que j'ai pensé en signant le contrat. Disons que c'était un mal pour un bien. Si j'avais été accepté en France, je n'aurais jamais pu intégrer la Real Sociedad, qui pour moi, est un club qui a beaucoup compté pour moi.
— Ça fait plaisir d'entendre ça, je peux sentir à quel point tout ça t'a rendu heureux, déclaré-je.
— Et ce n'est pas fini. J'ai continué tranquillement mon parcours junior en parallèle avec mes études à Bayonne avant d'intégrer en 2009, le parcours professionnel de la Real Sociedad. Et puis finalement, en 2014, j'ai pris la décision de signer avec l'Atlético Madrid, mon club actuel, il effectue un geste qui matérialise la fin de son parcours.
— Sûrement pas, je veux en entendre plus.
Il acquiesce sans grande réticence et trouve très rapidement une nuée d'anecdotes à me raconter. Des conneries d'enfance, des scénarios farfelus en plein entraînements, des histoires hilarantes qui me décernent d'énormes crampes aux joues à force d'en rigoler. Plus que passionnantes les unes que les autres, je ne m'en lasse pas. Je serais prête à rester jusqu'au lever du soleil à m'esclaffer de cette manière. Quelle bonne ambiance, cela ne change pas. Comment ne pas passer un merveilleux moment avec Antoine, il faudrait étudier la question. Qui peut bien le détester, c'est une personne formidable au sourire d'ange. Il faudrait être fou pour haïr un garçon comme lui. Si drôle au caractère de gamin, il aime détendre l'atmosphère en distribuant sa bonne humeur. Cependant, il détient une partie en lui si touchante qui me procure une folle envie de l'enlacer et de ne jamais devoir le laisser. C'est fou à quel point une personne peut nous faire ressentir cette panoplie de différents sentiments qui nous rend finalement si vulnérable à une seule et même émotion, la joie.
— Je crois t'avoir balancé le maximum de choses sur moi. Bravo, tu as réussi à me faire pleurer de rire, me dit-il toujours sensible à un potentiel fou-rire.
— Pour le coup, je pense vraiment que j'ai fait apparaître une plaquette d'abdos, je n'en peux plus ! Soupiré-je à bout de force.
— Arrête de me faire rire ! Il replonge.
— Mais j'ai rien fais ! Rétorqué-je sur le point d'éclater de rire à mon tour.
— Tu m'énerves, dit-il. Non, ce n'est pas vrai, pardonne-moi, me supplie-t-il les mains jointes.
On le redoutait et le voici à nouveau. Nous nous tordons littéralement, rouge comme des tomates. Dans ce genre d'instant, n'importe quel petit mot peut tout faire dégénérer. Honnêtement, ce n'était plus un mot, mais une phrase entière de trop.
— Antoine, qu'est-ce que tu racontes ?
— Je n'en ai aucune idée, tu me rends fou.
— Dit monsieur qui se trimballe les castagnettes à l'air dans les vestiaires, balancé-je me moquant de lui.
Il se précipite sur moi et je n'ai le temps de m'enfuir qu'il m'a déjà entouré de ses bras qui me sert de plus en plus fort dès que je tente d'effectuer un mouvement afin de me débarrasser de ceux-ci.
— Ça c'est pour t'être moqué de moi, me dit-il en me chatouillant.
— Non, arrête, s'il te plaît ! M'écrié-je au bord des larmes de rires.
— Fais-moi un câlin alors.
— Lâche-moi au moins, précisé-je continuant de me débattre.
— Très bien. Attention, pas de bêtises, il s'exécute, mon câlin.
— Tu sais que tu es vraiment chiant, admets-je en échouant dans ses bras, comme prévu.
— Je n'ai pas bien entendu, il me tient fermement en me balançant.
— Stop, je n'ai rien dis, il s'immobilise à nouveau.
— Je peux ne pas te lâcher ? Me demande-t-il la tête enfouie dans mes cheveux.
Je donnerais tout pour.
— J'avoue que c'est plutôt confortable ici, dis-je essayant de paraître indifférente.
— Ça veut jouer les romantiques, je sens un sourire s'afficher sur ses lèvres.
— Ça se voit tant que ça, blagué-je.
— Légèrement trop.
On finit par se dissocier de manière automatique même si j'aurais aimé faire durer ce moment un peu plus longtemps. J'ai la vive impression que son visage s'approche à petit feu du mien, j'ai du mal à en être certaine avant qu'il le recule subitement ce qui me fait sursauter de l'intérieur.
— On devrait rentrer, sourit-il timidement.
— D'accord, allons-y.
J'ai du mal à comprendre ce qui vient de se passer.
Assise sur le lit, ça doit faire depuis bien deux heures que nous sommes rentrés. Je n'ai pas la force d'attraper mon téléphone se trouvant sur la table de nuit, cependant, je suis presque certaine qu'il doit probablement être aux alentours d'1h00 du matin. Je n'arrive guère à trouver le sommeil, malgré une journée relativement remplie. J'entends des pas dans le couloir qui s'arrête devant ma porte entrouverte.
— Je peux entrer ? Me demande Antoine qui y passe sa tête.
— Oui, bien sûr.
— J'étais sur le point d'aller dormir, mais j'ai vu la lumière allumée. Tout va bien ? Dit-il en rentrant son ordinateur en mains.
— Oui, je n'arrive juste pas à dormir.
— Je peux te tenir compagnie. Enfin, si tu veux bien. Il retourne son ordinateur afin que je puisse voir l'écran. J'ai de quoi t'occuper, il sourit.
— Football Manager, je lui rends un sourire à mon tour. Tu peux venir t'assoir près de moi.
Il acquiesce d'un mouvement de tête et me rejoint en prenant place sur le lit, à mes côtés. Nous nous allongeons afin de nous mettre à l'aise, les jambes recouvertes du drap et le dos appuyé sur la tête de lit.
— Alors, laisse-moi voir un peu, dis-je en m'approchant de lui pour regarder l'écran.
— Je sens que tu vas trouver un truc qui ne va pas.
— Comment as-tu deviné ? Ce joueur, échange-le avec celui-ci.
— Sûrement pas !
— Sors de ma chambre.
— Non, d'accord, d'accord, finit-il par céder.
— Ça fait déjà une erreur en moins.
— Je peux te demander un truc qui n'a absolument rien à voir.
— Oui, répondis-je impatiemment.
— Je vais te manquer quand tu rentreras à Paris ? Il sourit malicieusement.
— Pourquoi me poses-tu cette question ?
— Je ne sais pas quand on se reverra et je voulais être sûr que ce serait réciproque.
Une vague de frissons me prend d'un coup. Réciproque, dit-il. Je vais lui manquer, c'est bien ce qu'il est en train de me faire comprendre. Je suis censée répondre, mais je n'y arrive pas. Il se fera certainement des idées si je lui dis qu'il pourrait potentiellement me manquer. Mais, si c'est la vérité, je ne peux pas le nier.
— Désolé, je n'aurais pas dû poser cette question. Je ne voulais pas que tu te sentes mal à l'aise.
— Non, je...
— Je te propose un truc, il m'interrompt. Prends mon ordinateur, tourne-toi et fais tout les changements possibles. Quand tu as finis, tu me le dis, son sourire illumine de nouveau son visage.
Je m'exécute, embarrassée de ne pas avoir eu le temps de répondre. Il ne m'avait pourtant pas du tout mis mal à l'aise. Bon, peut-être légèrement. Mais, j'aurais été plus que capable de lui dire ce que je pensais réellement. Au pire des cas, je lui en reparlerais après. Quelques minutes plus tard, j'ai enfin fini les maintes modifications de l'équipe.
— Terminée ! M'exclamé-je.
Étrangement, je n'entends plus un seul son dans la pièce. Je me retourne et retrouve Antoine endormi, parfaitement bordé. Le voir de cette façon me fait échapper un petit rire. Ne voulant pas le réveiller, je ferme l'ordinateur que je dépose près de moi. Je me recouvre entièrement du drap et me rapproche instinctivement de lui. J'ai probablement l'air d'une cinglée à le contempler de cette manière, mais il a l'air si sage et innocent.
— Oui, tu vas me manquer, grand fou. Murmuré-je tâchant de ne pas exploser de rire.
Les yeux me picotant de fatigue, je les ferme en espérant tomber rapidement dans les bras de Morphée. J'entends subitement Antoine qui se racle la gorge. J'entrouvre mes yeux et aperçois un sourire s'afficher sur ses lèvres. Il est réveillé.
— Diane, arrête de me faire rire, chuchote-t-il en heurtant ma jambe d'un léger coup de pied.
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