Épilogue - Caliban

Battement. Battement. Battement. Inspiration.

Battement. Battement. Battement. Inspiration.

Longtemps, j'ai compté sur ce rythme pour canaliser le trop-plein d'émotions qui menaçait de me submerger. Pas aujourd'hui. La mélodie est familière, mais mon esprit est en paix. Je n'ai rien à confier à l'eau ; au contraire, j'ai l'impression que c'est elle qui s'insinue en moi, pour me pousser, m'encourager.

C'est ma troisième course des championnats de ligue, et j'ai rarement aussi bien nagé.

Il me reste encore une longueur et demie à parcourir ; je suis concentré, lancé à pleine vitesse. Les cris d'encouragement du public me parviennent ; ils me poussent, m'incitent à ne rien lâcher. Je suis dans les premiers lors du dernier virage. Plus que 25 yards à tenir – en apnée, pour ne pas perdre le moindre centième lors de cet ultime sprint.

Battement. Battement. Battement. Battement. Battement. Battement !

Je touche le mur au terme d'une ultime poussée. Aussitôt, je me tourne vers le tableau électronique qui affiche les résultats... et serre le poing, victorieux, lorsque je les découvre. 48 secondes 62 : j'ai battu mon record personnel. Et je termine en troisième position, ce que je n'osais même pas espérer – derrière un nageur de Keene et un autre de Plymouth. J'ai devancé Austin d'un dixième. Loin de m'en tenir rancune, il sourit de toutes ses dents à la ligne d'eau à côté de la mienne, et me tend son poing pour le frapper contre le mien.

Ces championnats se déroulent bien pour nous. Nous sommes au coude à coude avec Bridgewater pour la première place. Que nous l'obtenions ou non, nous pourrons être fiers de nous. Tous autant que nous sommes, nous nous surpassons lors de nos courses, et même le coach Cabrera paraît ravi – pourtant, le dérider n'est pas une mince affaire, surtout lors d'une échéance aussi importante pour l'équipe que celle-là.

Il me tape sur l'épaule alors que je passe devant lui pour regagner notre banc. La fierté m'envahit ; encore plus lorsqu'à leur tour, ce sont les Dolphins qui me félicitent.

— C'était une course de fou ! s'exclame Theo.

— On était tous à fond derrière toi, et tu as géré, m'assure Ernest.

— Lâcher un temps comme ça, c'est la meilleure manière de conclure la saison, conclut Patrizia.

— Toi, tu as intérêt à nous battre le record du championnat tout à l'heure, sur le 400 yards 4 nages, je lui renvoie. On compte sur toi !

— Alors là, c'est clair que si je peux faire fermer les bouches de Penelope Combs et de ses amies, je ne vais pas m'en priver !

Nous avions raison de penser que les parents de sa concurrente n'oseraient pas aller plus loin que la lettre qu'ils ont envoyée à notre directeur athlétique : suite à la fin de non-recevoir qu'il leur a adressée, nous n'avons plus entendu parler d'eux. Quelques filles chez les Warriors ont bien chuchoté entre elles lorsque nous sommes arrivés au meeting jeudi, mais en présence des équipes des autres universités, c'est tout ce qu'elles se sont risquées à faire. Heureusement pour elles : les Dolphins au complet étaient prêts à faire front pour défendre Patrizia s'il l'avait fallu.

Je tape encore dans quelques mains, récupère un t-shirt dans mon sac, puis m'approche de la barrière qui sépare la zone réservée aux athlètes du reste de la piscine. Les félicitations de mes coéquipiers m'ont fait plaisir, mais il y en a d'autres que j'attends avec davantage d'impatience encore.

Celles d'Arabella...

Elle est là, descendue des gradins pour me rejoindre, ses cheveux auburn cascadant librement sur son sweat aux couleurs de la WestConn – quitte à venir me soutenir, elle ne l'a pas fait à moitié. Le reste du monde semble s'effacer lorsque nos regards se trouvent. Dans ses prunelles, je lis une profondeur de sentiments qu'elle ne cache plus ; quant à son sourire, il m'électrise.

Je la rejoins avec l'impression de retrouver mon oxygène après une longue apnée. Ses lèvres s'entrouvrent, prouvant avec quelle avidité elle aussi attend notre baiser. Mais je ne l'embrasse pas immédiatement. Avant cela, mon index se pose sur sa joue, la caresse. Juste pour me gorger un peu plus d'elle, avant que nos bouches ne se fondent.

— Tu as fait une course incroyable, me murmure-t-elle, la voix rauque.

— Merci...

Ma paume glisse jusqu'à sa nuque. Il n'y a plus que quelques centimètres entre nous ; la chaleur de sa peau baigne la mienne.

— Est-ce que c'est le moment de réclamer ma récompense ? je lui demande, espiègle.

— Je n'ai pas emporté de médaille à te donner.

— Oh, mais j'avais d'autres idées...

— AHEM.

Ce toussotement sur ma droite a attiré mon attention au moment où, enfin, mes lèvres allaient s'emparer de celles d'Arabella. Nous pivotons de concert : James nous observe tous les deux, les mains dans les poches de son jean.

— Désolé de vous interrompre, mais je me dois de vous rappeler que vous êtes dans un lieu public, lâche-t-il. Et puis, vous savez quelle haine je voue aux bougies parfumées. Si je me suis déplacé jusqu'à Boston, ce n'est pas pour tenir la chandelle.

Ari et lui ont fait la route ensemble pour me soutenir en ce troisième et dernier jour de compétition – même si, dans le cas de James, c'est l'ensemble de l'équipe qu'il est là pour encourager. Enfin, il voit le bout des péripéties liées à sa fracture au poignet : son médecin lui a donné le feu vert pour reprendre la natation la semaine prochaine. J'en suis ravi pour lui, et j'espère que cela mettra fin à la période de morosité dans laquelle il paraît s'enfoncer depuis sa blessure. Ce jour est particulièrement difficile pour lui : je me doute qu'il doit être tenaillé entre l'enthousiasme à la perspective de soutenir les Dolphins, et l'abattement de devoir prendre place dans les gradins et pas sur le banc qui nous est réservé. Un moment, j'ai même cru qu'il renoncerait à venir à ces championnats de ligue, parce que cela lui serait trop douloureux. Qu'il me sourie à cet instant me rassure un peu : cela prouve qu'il apprécie sa journée, en fin de compte. Tant mieux : cela m'aurait attristé que son amertume prenne le dessus.

— Bravo, Cal', me lance-t-il. Arabella a raison, c'était fou. Et je peux te garantir que tu as une supportrice du tonnerre. C'est un miracle que mon tympan droit soit encore fonctionnel après avoir assisté à ta course à côté d'elle. J'ai déjà le nez super sensible, je préfèrerais éviter de me dérégler un autre organe, si possible.

Ma petite amie lève les yeux au ciel d'un air innocent tout en prenant place naturellement contre mon flanc.

— C'est impressionnant, ton hyperosmie, quand même, commente-t-elle. Je ne savais même pas que ça existait, un truc comme ça.

— Eh ouais, lui renvoie James en haussant les épaules. Mais bon, ça ne sert pas à grand-chose, en réalité. Juste à identifier précisément quel parfum les filles portent. Et encore, je doute que ça me soit très utile. Ce n'est pas comme si j'avais à pister quelqu'un à travers tout le campus.

— On ne sait jamais !

Il secoue la tête, amusé. Au même instant, Ernest déboule près de la barrière et le hèle.

— Eh, James ! J'étais certain de t'avoir aperçu de loin. Ça fait super plaisir que tu te sois déplacé pour le dernier jour des championnats.

— Même avec ma propre nageoire en vrac, je n'allais pas abandonner les Dolphins, voyons.

Il s'éloigne pour rejoindre notre coéquipier, nous laissant tous les deux, Arabella et moi. Elle esquisse un mouvement pour le suivre, mais je la retiens. Je n'oublie pas ce que James a interrompu entre nous il y a un instant, ce baiser que je m'apprêtais à recueillir...

Lorsque je comprends ce que j'attends d'elle, son regard pétille, et c'est d'elle-même qu'elle vient poser ses lèvres contre les miennes. Je la serre contre moi, au comble du bonheur.

Je nage, et elle est là. Que pourrais-je attendre de plus ?

C'est seulement au bout de longues secondes que nous nous séparons. Alors, sa bouche effleurant toujours la mienne, elle me souffle :

— Je t'aime...

Et dans ma poitrine, toute l'eau de mon cœur s'ouvre en deux pour chérir cette nouvelle déclaration en son sein.

FIN


***

Et voilà, c'est donc la fin de l'histoire de Caliban et Arabella 💙

J'espère qu'elle vous a plu et qu'ils ont su toucher votre cœur tous les deux ! En tout cas, de mon côté avec cette deuxième version, je les aime encore davantage qu'avant, je trouve leur lien plus fort. Je croise les doigts pour que vous partagiez ce sentiment vous aussi !

Mais on ne leur dit pas immédiatement au revoir : je prévois d'écrire un tome autour de chacun des 6 Dolphins de la promotion de Caliban. Le tome 2, My Breeze of Hope, centré autour de James, est déjà posté, tout comme le tome 3 autour de Neal, My Crushing Wave ! N'hésitez pas à aller découvrir leur histoire également ! Ces tomes 2 et 3 ont eux aussi été intégralement retravaillés !

Si vous avez aimé ma plume, n'hésitez pas à aller découvrir mes romans publiés en librairies, RoyalesDonne-moi des ailes, Tu ne me briseras pas et mon dernier roman, Réseau Royal, qui est sorti le 17 mai. Il compte énormément pour moi car j'ai passé 5 ans à l'écrire sur Wattpad. J'y ai mis beaucoup de moi ! Il part du principe que la Révolution française n'a jamais eu lieu, et que la France actuelle est toujours une monarchie absolue, laquelle est ébranlée par la montée en puissance des réseaux sociaux... Si l'idée vous plaît, j'espère que vous serez au rendez-vous à sa sortie pour le découvrir !

Vous pouvez également me suivre sur les réseaux sociaux, où vous me trouverez sous le pseudo versicamille. Je suis sur Instagram, TikTok, Threads, X, Facebook... Un peu partout en fait !

Merci en tout cas de m'avoir lue jusqu'au bout de cette histoire, vous êtes géniaux 💙

Camille Versi

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