Chapitre 30 - Caliban

J'avais laissé tourner Spotify en bossant sur mon cours de droit international, et je suis tombée sur cette musique. Écoute, et dis-moi ce que tu en penses. Je suis sûre que tu vas adorer !


Le message d'Arabella n'a rien d'extraordinaire, et pourtant, il suffit à me faire sourire jusqu'aux oreilles. Nous sommes ensemble depuis deux semaines maintenant, et à chaque fois que je le réalise, une vague de bonheur renouvelé me traverse, me donnant l'impression de flotter et...

— Tu me démoralises, sérieusement.

Je redresse la tête de mon écran pour croiser le regard de James, qui m'observe en secouant la tête.

— C'est elle qui t'a écrit ? suppose-t-il.

— Oui. Comment tu l'as deviné ?

— À ta tête de débile. À chaque fois que tu penses à elle, je te vois te transformer en guimauve. C'est à peine si tu ne dégages pas une odeur de marshmallow.

— Et c'est une mauvaise chose ?

James hausse les épaules.

— Non. C'est génial que tu sois heureux. Tant que tu ne nous fais pas une descente d'euphorie après ça, ça me va.

— Ne t'inquiète pas : ça n'arrivera pas.

C'est la crainte de James : que mon histoire avec Arabella finisse mal, malgré les bons rails dans lesquels elle semble engagée. Il s'est réjoui pour moi lorsque je lui ai annoncé que nous nous étions mis ensemble, mais en restant sur ses gardes.

Je peux comprendre ses inquiétudes, puisque c'est lui qui était en première ligne pour me remonter le moral au lycée. En cas de crash, j'en aurai le cœur broyé – une fois de plus.

Raison de plus pour tout mettre en œuvre afin qu'Ari ne se lasse pas de moi.

Elle vit sa vie avec tant de passion... Me montrer à sa hauteur est un défi, alors qu'elle est si talentueuse, si inspirante, si...

— Voilà, tu recommences à penser à elle.

James a pointé un index accusateur dans ma direction. Avec un sourire désabusé, il ajoute :

— Je sens bien qu'en tant que simple meilleur pote, je ne fais pas le poids.

— Tu comptes toujours pour moi.

Je le regarde droit dans les yeux pour le lui affirmer, parce que je ne voudrais pas qu'il en doute. Quel que soit l'état de ma relation avec Arabella, je serai présent pour lui dès qu'il en aura besoin.

L'ombre qui s'était installée dans ses prunelles se dissipe, et il clame :

— J'espère bien ! Parce que tu ne retrouveras pas un ami suffisamment dévoué pour t'accompagner faire les magasins, je te préviens. Je suis une perle rare !

— Mais oui.

— Bon, on s'y remet ? Je préfèrerais quand même qu'on rentre au campus avant vingt-deux heures.

C'est vrai que je devrai une fière chandelle à James. L'anniversaire d'Arabella tombe mercredi – le 8 novembre –, et je tiens à marquer le coup. Je me mets même pas mal de pression pour lui trouver un cadeau parfait – toujours parce que j'ai peur qu'en cas d'erreur, elle change d'avis sur moi. Elle n'est pas matérialiste, pourtant ; je doute qu'elle attende quoi que ce soit de particulier de ma part pour son anniversaire. Sauf que c'est plus fort que moi : je l'imagine me regarder avec le petit air pincé qu'elle arbore lorsqu'elle est gênée mais qu'elle ne veut pas l'avouer. Et je veux éviter ça à tout prix.

C'est pour ça que j'ai demandé à James de m'accompagner, histoire de m'aider à garder la tête froide. Sans compter qu'il a plutôt bon goût, de manière générale. Je me suis décidé pour acheter un collier à Arabella. Je sais qu'elle accorde pas mal de valeur sentimentale à ses bijoux : la manière dont elle porte amoureusement le bracelet offert par sa mère jour après jour le prouve. Égoïstement, j'aime l'idée qu'elle puisse garder ainsi, sans cesse sur elle, quelque chose de moi.

— Un peu de méthode, déclare James alors que nous pénétrons dans la boutique suivante du centre commercial. Il y a environ dix mille modèles de colliers différents. Est-ce que tu as une idée du style que tu veux ?

— Euh... Joli ?

Il roule des yeux.

— Merci, Caliban, super précis. Or ou argent ?

— J'en sais rien. Argent, plutôt ? J'ai l'impression qu'Ari préfère ces tons-là.

— OK, on avance. Qu'est-ce que tu penses de ceux-là, sur le présentoir ? Tu crois qu'ils pourraient lui plaire ?

Je m'approche des colliers que James vient de me pointer. Ils arborent des pendentifs aux motifs divers : des oiseaux, des fleurs, des cœurs... Ils ne sont pas laids, loin de là, mais ils m'inspirent davantage de panique qu'autre chose. Comment suis-je censé choisir celui qu'Arabella préfèrerait ? C'est mignon, mais peut-être qu'elle n'a pas envie de se balader en permanence avec un lotus autour du cou ?

— Je ne sais pas... je souffle. Il n'y a pas des choses plus... épurées ?

— Si, là, regarde. De l'autre côté.

Mon meilleur ami fait pivoter doucement le présentoir sur son axe. Derrière, je découvre des chaînes dans un style plus dépouillé. Certaines sont ponctuées de perles, d'autres de petites feuilles... C'est plus discret, c'est clair, et j'imaginerais davantage Arabella porter cela au quotidien ; mais en même temps, je trouve ces modèles trop simples. Il manque quelque chose, de quoi capter l'attention. Je grimace, perplexe.

— Tu ne veux pas lui offrir du parfum, sinon ? suggère James. Là, je serais beaucoup plus qualifié pour t'aider.

Mais je ne l'écoute plus. Alors que mon regard balayait la boutique, mon attention a soudain été attirée par un point bleu profond sur un portant un peu plus loin. Une minuscule lueur couleur océan qui m'appelle. Je m'approche pour découvrir un collier dont je fais couler les mailles entre mes doigts, captivé. Au bout d'une fine chaîne en argent pend un saphir en forme de larme, maintenu par trois petites griffes. Je n'ai aucun mal à l'imaginer sur la peau d'Arabella, caressant sa gorge, tout près de son cœur. Comme une goutte s'attardant sur son corps, un peu de l'eau qui m'est si chère encapsulée pour rester près d'elle.

C'est une évidence. C'est ce collier-là que je veux lui offrir, et aucun autre.

— Qu'en penses-tu ? je demande à James en le soulevant.

— Ça compte vraiment, ce que je vais te dire ? Parce que tu as déjà choisi, je le sens.

Je lui sers une petite grimace désolée. Il ajoute :

— Mais je le trouve très élégant, si tu veux tout savoir.

Son avis achève de me décider. Sans plus attendre, je fais signe à une vendeuse, qui s'approche de nous avec un grand sourire. Elle récupère le collier, puis me fait signe de la suivre jusqu'à un comptoir, derrière lequel elle s'active pour déposer le bijou dans un écrin et l'envelopper de papier de soie. Quelques minutes plus tard, je sors de la boutique un sac en kraft à la main, et le cœur léger... avec, à côté de moi, un James qui peste :

— Mon aide a été si utile... Je me sens vraiment indispensable, là, mec.

— Tu l'étais !

Alors qu'il lève les yeux au ciel, je poursuis :

— Je te promets que quand ton tour viendra, moi aussi je te soutiendrai lorsque ta petite amie te retournera le cerveau au point de t'empêcher de réfléchir posément.

— C'est noté. Je te préviens, Caliban, je te prends au mot !

James pointe son index sous mon nez. Je lui souris, amusé, et nous nous mettons en route pour rejoindre le campus.

J'ai la meilleure petite amie de la Terre, et un pote prêt à m'épauler même lorsque je deviens une éponge dégoulinante d'amour. Franchement, que demander de plus ?


***

Coucou ! On traverse une série de chapitres tout choupis où tout semble aller dans le meilleur des mondes pour Caliban et Arabella... mais vous vous doutez bien qu'au vu du nombre de chapitres restants, ça ne va pas durer. Une idée des rebondissements qui les attendent ?

Merci de me suivre en tout cas, et bonne lecture de la suite !

Camille Versi

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top