PARTIE 2/4
BYRON BAY | AUSTRALIE (NSW)
La nuit était tombée sur Byron Bay. Les quartiers d'habitations étaient calmes et silencieux, baignés à la fois de la lueur pale de la lune et de la lumière chaude des lampadaires. Quelques jets d'eau automatiques, qui tournaient sur les pelouses de certains habitants, envoyaient par intervalles réguliers de leur rotation quelques gouttes sur la route. Après la chaleur écrasante de la journée et dans celle étouffante de la nuit, il remontait de l'asphalte humide une odeur particulière qu'Hunter adorait.
Allongé dans son lit, il avait ouvert la fenêtre de sa chambre, qui donnait sur l'une des petites allées du quartier. Elle était destinée aux piétons, à la manière d'un passage secret permettant de passer d'un pâté de maison à un autre. À Byron Bay, ces ruelles étaient étroites, pavées et bordées de plantes dont les effluves venaient de temps à autre titiller les narines d'Hunter lorsqu'il dormait. Ces effluves de verdure, doux et divers, se mêlaient ce soir-là à l'odeur du parfum de Noa.
Après la révélation du déménagement, le matin-même dans l'océan, les deux jeunes garçons avaient passé la journée ensemble à surfer, à enchaîner glaces et granités sur la promenade au bord de la plage, et à errer dans leur boutique de surf préférée. En fait, leur journée avait été la même que toutes celles qu'ils avaient partagées, l'été, depuis qu'ils s'étaient rencontrés étant enfants. S'ils travaillaient à côté de leurs études le reste de l'année depuis qu'ils étaient en âge de gagner un peu d'argent eux-mêmes, il y avait quelque chose qu'ils s'étaient pour l'heure refusé à faire : gâcher leur été avec des petits boulots. Ainsi, depuis toujours, les chaudes journées d'été ne se résumaient qu'à trois mots : surf, plage et farniente. Ils profitaient, tout simplement. Et malgré cette annonce qui venait tout chambouler, chacun s'était fait la promesse de ne rien changer.
Après avoir passé une nuit à ressasser et encaisser la nouvelle sans dormir Noa, ce soir-là, était finalement tombé comme une masse. Dans la chambre d'Hunter, tandis que se jouait sur l'écran plat une partie de jeu-vidéo, le brun avait fini par abandonner la manette sur le lit, après un énième bâillement, et s'y était affalé avant que Morphée ne lui ouvre grand ses bras.
Seulement, cette nuit, c'était au tour d'Hunter de ne pas parvenir à fermer l'oeil. Les questions qui l'avaient assailli lorsque Noa lui avait annoncé son départ ne l'avaient que vaguement quitté, toujours dans un coin de sa tête même lorsqu'ils s'étaient marrés comme des baleines devant leur glacier préféré. Et maintenant que la maison était parfaitement endormie, que tout était calme et qu'il n'était plus que seul avec lui-même, ses inquiétudes refaisaient surface : il avait peur. Peur de voir son ami partir et, surtout, peur de ce que ce constat faisait naître en lui.
Allongé sur le profil, tourné face à Noa, Hunter ne l'avait pas lâché des yeux depuis qu'il s'était endormi. Lorsqu'il avait entendu ses premiers ronflements, le blond avait rapidement éteint sa console et la télévision, et s'était allongé dans le lit après avoir éteint les lumières. Depuis, il le regardait ; ses longs cils, sa peau séchée par le sel de l'océan, ses sourcils fournis, sa petite cicatrice juste au-dessus de ses lèvres charnues. Il le regardait et ne pouvait que constater sa beauté.
Rares n'étaient pas les fois où ils avaient dormi ensemble, chez l'un ou chez l'autre, ou même sur la plage lors de soirées surf avec leurs amis. Ils s'étaient plusieurs fois endormis l'un à côté de l'autre et jamais, avant ce soir, Hunter n'avait admis une telle chose : Noa était beau. Il aimait ce qu'il dégageait, là dans son lit. Sa proximité le rassurait, sa chaleur l'apaisait. La douceur qui émanait de lui lui donnait envie de se blottir dans ses bras et de ne plus jamais le lâcher. Que lui arrivait-il ? Hunter déglutit, peu sûr de lui.
— Qu'est-ce que tu fais...?
Noa, bien que gros dormeur, fut réveillé par une douce caresse sur sa tempe. S'il avait d'abord pensé à un courant d'air, il comprit bien vite qu'il s'agissait des doigts d'Hunter. Ils étaient fins et chauds et sentaient le parfum de ce savon qui trônait toujours dans une coupelle près de l'évier de sa cuisine. Perturbé par ce contact qui lui donna subitement très chaud, il marmonna.
— Rien, souffla en réponse Hunter dont le rouge lui montait aux joues.
— C'est agréable...
Noa n'avait pas ouvert les yeux. Il préférait profiter de l'instant, bien que gênant, sans prendre le risque de regarder son ami. Qu'aurait-il vu dans ses yeux ? Il n'était pas certain d'être prêt à le découvrir. Pas alors que son cerveau semblait subitement disjoncter et que son coeur ne battait plus à un rythme régulier. Rester dans sa bulle, les yeux fermés et dans un demi-sommeil, valait mieux qu'un retour à la réalité selon lui.
— Tu vas tellement me manquer...
Hunter retint un sanglot. Des pensées nouvelles et trop intimes s'insinuaient en lui. Des pensées qu'il avait refoulées longtemps, lorsqu'elles avaient parfois tenté de surgir dans des moments de douceur tels que celui-ci. Il était toujours parvenu à garder enfoui au fond de lui ses doutes, ses questionnements et ses fantasmes ; parce que Noa était son meilleur-ami d'enfance, et que ça s'arrêtait là. Seulement, lorsqu'il se montrait honnête envers lui-même, il n'était plus sûr que cela soit aussi simple maintenant qu'ils avaient grandi.
— Toi aussi tu vas me manquer, Hun'.
Noa se sentait bien. La main d'Hunter sur sa nuque, son souffle près de son visage, son corps près du sien étaient comme un paradis sur terre. Qui se sentait si bien dans les bras d'un simple ami ? Personne, et il le savait. Depuis quelques années, les moments où ils dormaient ensemble étaient de ceux qu'il attendait le plus : parce qu'il pouvait enfin s'accorder un peu de bonheur, s'accorder un peu d'égoïsme et profiter de la présence d'Hunter d'une manière bien plus intime, bien moins conventionnelle pour deux amis de leur âge. Et cette nuit, pour Noa, était de loin la meilleure de toutes celles qu'ils avaient partagées.
— Viens dans mes bras.
Décidant de se laisser guider par son coeur, bien que terrifié par sa prise de conscience soudaine, Hunter ouvrit ses bras et attira Noa contre lui. Ce dernier, trop heureux, ne se fit pas prier et vint se blottir contre le torse de son ami. Les cheveux d'Hunter chatouillèrent le visage de Noa lorsqu'ils ajustèrent tous les deux la tête sur l'oreiller. Le brun sourit, Hunter n'en loupa aucune miette, et son coeur s'emballa.
— Promets-moi qu'on va passer le meilleur été de notre vie ? murmura Noa.
Un baiser sur le front de Noa plus tard, en guise de promesse, Hunter trouva finalement le sommeil tandis que la vérité s'imposait à lui : il l'aimait et ne voulait pas le laisser partir.
... à suivre ...
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