8,


𝐒𝐞𝐨𝐣𝐮𝐧

  Hana me déteste et je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je ne sais même pas pourquoi je me suis approché d'elle. Que devais-je lui dire ? Bonsoir, Hana. Je t'ignore parce que je suis un salaud ! C'est ridicule.

La soirée est un véritable fiasco. Enfin, un fiasco pour moi. Hana continue de m'ignorer, même quand je passe à côté d'elle pour saluer et féliciter le groupe pour le travail qu'ils ont fourni pour le clip. 

D'ailleurs, Jiny a un énorme écran plat dans son salon. Elle a proposé de visionner le clip dès sa sortie sur YouTube, en même temps que les fans. 

Cette année, j'ai voulu faire les choses différemment en sortant mon nouvel album petit à petit. Le fait que je sois en retard dans la rédaction de mes chansons a aussi joué dans cette décision.

Et puis, au moins, les fans sont contents d'avoir de la nouveauté. Dès que j'aurai sorti tous mes autres sons, je partirai en tournée internationale. Mais nous ne l'avons pas encore annoncé.

Dans la soirée, je suis rejoint par Lin et une autre fille que je ne connais pas. Elles ne cessent de parler, de se vanter ou d'aborder des sujets auxquels je ne comprends rien. Je me contente de hocher la tête en mangeant ma part de gâteau aux fraises. 

La musique s'élève soudainement, comme si elle venait de se réveiller. Lee ouvre une bouteille de champagne et j'entends Jiny crier aux autres de venir danser. Sa maison est grande – j'aurais peur de m'y perdre – mais au moins il y a assez de place pour ceux qui veulent danser. 

Moi, je préfère rester dans mon coin, quitte à devoir écouter le charabia des filles un peu trop alcoolisées.

J'avoue cependant ne les écouter que d'une seule oreille. Depuis que je suis ici, j'ai l'œil braqué sur Hana. Elle a l'air de s'amuser, même si son sourire me semble faux. Elle parle, rit et mon estomac se retourne brusquement quand je vois Jun-oh à ses côtés. 

Il lui murmure quelque chose à l'oreille tandis qu'Hana s'esclaffe en hochant négativement la tête. J'ignore si elle danse ou si ce sont ses jambes qui tremblent. Elle a un verre de vin dans la main, rapidement remplacé par du champagne que sert lui Lee avec joie.

Au fond de moi, j'espère que cette soirée ne se transformera pas en un désastre. J'ai déjà vu deux ou trois personnes courir aux toilettes en titubant. Voulant prévenir Jiny de ne plus sortir d'alcool, je perçois du coin de l'œil que Jun-oh est proche d'Hana. Très proche.

Je me faufile dans la foule, mais je n'interviens pas, de peur de mal percevoir la scène. Ils ne font que danser, me rassuré-je. Sauf que ça ne marche pas. La scène se déroule si vite que je n'ai pas le temps de réfléchir.

Deux mains se posent sur les hanches d'Hana et ça ne semble pas lui plaire puisqu'elle repousse Jun-oh. Enfin, elle essaie de le repousser. Il semble tout aussi soûl que les autres, mais cela n'excuse pas son comportement. 

Elle n'a clairement pas envie de danser collée à lui, et son insistance me met hors de moi. Je les rejoins rapidement, poussant quelques personnes sur mon passage. J'entends vaguement Hana lui dire de reculer, mais Jun-oh n'a pas le temps de protester que je m'impose.

— Elle t'a dit de reculer !

Surpris, ils me regardent avec de gros yeux. Piqué au vif, Jun-oh s'exclame :

— Elle n'a pas besoin d'un perroquet !

— Alors pourquoi t'es encore là ?

— Va-t'en, Seojun, dit sèchement Hana en me fusillant du regard.

Ses joues sont aussi rouges que sa robe. D'un coup d'œil, je remarque que son verre est vide alors que Lee l'a servi il n'y a même pas cinq minutes.

— T'es complètement arrachée, lui dis-je.

— Va te faire foutre, souffle-t-elle.

Elle part en me bousculant, sauf que cette fois, elle chancelle un instant avant de se diriger vers ce que j'imagine être la cuisine. 

Jun-oh me fusille du regard sans pour autant la rejoindre, ce qui me rassure. Cela me facilitera la tâche pour convaincre Hana de prendre un taxi et de rentrer chez elle.

Je crois que la cuisine est aussi bondée que le salon. Je cherche Hana du regard, mais ne parviens pas à la trouver. Je suis retenu par un mec qui m'attrape l'épaule en beuglant que je suis la star du siècle, puis une fille (certainement sa copine) nous prend en photo. Le flash m'aveugle un instant, puis je me défais de son étreinte. 

Le plafond de la cuisine est plus bas qu'à l'entrée, car elle donne accès à une véranda. J'y entre et me sens enveloppé dans la douceur du printemps. Cette pièce atténue la musique qui bat son plein, et mes épaules se relâchent quand mon regard croise celui d'Hana. Contrairement à moi, elle ne semble pas contente de me voir.

— Si tu viens pour parler avec moi, tu peux aller crever, crache-t-elle en croisant les bras sur ses seins qui ressortent parfaitement de son corset.

— Et arrête de me mater !

Je détourne les yeux en feignant un air nonchalant et lui dis :

— Donc tu ne veux pas parler ?

— Non, casse-toi !

Il suffit d'un regard pour mesurer la haine qu'elle me porte. La douceur d'Hana s'est faite dévorer par sa brutalité.

— Tu n'as qu'à m'écouter, fis-je en haussant les épaules.

Hana fronce les sourcils, mais ne me répète pas d'aller me faire voir. Je poursuis :

— Rentre chez toi, Hana. Tu tiens à peine debout.

Un rire jaune la secoue, elle chancelle une énième fois et est obligée de se tenir au mur pour retrouver l'équilibre.

— Parce que tu crois que je vais t'obéir ?

Je fais deux pas dans sa direction, me retrouvant rapidement face à elle. Son parfum me chatouille les narines, je me force pour ne pas baisser le regard sur son cou.

— Tu l'as pourtant bien fait quand je t'ai demandé de te confier.

Ma parole me revient comme un boomerang, aussi rapide que la brutalité d'Hana parce que sa paume me gifle la joue d'une rapidité sans nom, comme si elle rêvait depuis toujours de le faire (ce qui est certainement le cas). 

Son petit sac lui glisse des bras pour s'écrouler au sol. Manque de pot, tout son contenu glisse à nos pieds.

Sachant que la gifle m'était méritée, je me baisse pour ramasser ses affaires. Hana n'a pas les idées claires, ce serait idiot de lui en vouloir.

Elle se penche rapidement pour ramasser une petite boîte cartonnée, mais je suis plus rapide qu'elle. Je la sens blêmir quand je prends conscience d'une chose très grave.

— Putain, Hana !

Je sens la colère me ronger les veines. Le regard qu'elle me lance me fait comprendre qu'elle savait l'ampleur de sa bêtise. Je ne peux m'empêcher de lui crier dessus :

— Tu te bourres la gueule alors que t'es sous antidépresseurs ? D'abord tu ne manges rien jusqu'au malaise et ensuite ça ? Mais c'est quoi ton problème, putain !

Je blêmis davantage quand mon regard s'attarde sur le pictogramme présent sur l'emballage, signifiant que l'alcool est interdit. Il ne faut pas être un génie pour comprendre que l'alcool a un très mauvais effet sur ces médicaments. 

Quand elle me l'arrache des mains, je m'attends à ce qu'elle m'insulte ou hurle à son tour, mais le contraire fait descendre ma colère. Son regard s'humidifie, elle inspire profondément en posant une main sur sa poitrine.

— Je vais être malade, gémit-elle.

Je réagis au quart de tour. Ses jambes cèdent et je me retrouve à faire comme la plupart des invités : je cours jusqu'aux toilettes. Par chance, j'en trouve rapidement. Je relève la cuvette, mais rien ne sort d'entre les lèvres d'Hana, hormis des plaintes de douleur.

— Respire, lui dis-je en nouant ses cheveux dans ma main.

Un frisson la parcourt, puis la seconde d'après, Hana a la tête dans les toilettes. Je lui masse le dos en espérant la rassurer, mais je ne le suis pas moi-même. 

Elle vient quand même de boire une grande quantité d'alcool alors qu'elle est sous traitement. Je frissonne en repensant aux antidépresseurs, j'ignorais qu'elle allait aussi mal pour en arriver jusque-là.

Les lèvres tremblantes, Hana se redresse. Ma main ne quitte pas son dos par peur qu'elle tombe à la renverse.

— J'aimerais rentrer, murmure-t-elle en passant une main sur son visage pâle.

Je lui donne quelques secondes pour qu'elle se ressaisisse. En attendant, je vais récupérer nos affaires et prévenir Jiny. 

Cette dernière est dans le salon, en train de nettoyer la table basse où une bouteille a été renversée.

— Je m'en vais, lui dis-je, et elle redresse aussitôt la tête en m'apercevant.

— Ok ! Tu sais où se trouve Hana ?

J'essaie d'adopter un air normal en lui expliquant :

— Elle a trop bu. Je la raccompagne.

Son sourire espiègle ne m'échappe pas, mais contre toute attente, elle ne fait pas de remarque.

— Ses affaires sont à l'étage, dans ma chambre. Ah, et prends une bouteille d'eau dans le réfrigérateur de la cuisine !

J'acquiesce en la remerciant, puis je gravis les marches deux par deux. Rapidement, je rassemble les vêtements d'Hana – j'ignorais qu'elle se changerait ici – et prends une bouteille d'eau comme me l'a dit Jiny. 

En entrant dans les toilettes, Hana est assise contre le mur à même le sol.

Quand elle m'aperçoit, elle pète de rire.

Elle est complètement soûle. J'ignore son comportement et l'aide à se relever. La seconde d'après, Hana recommence à pleurer.

— Tiens, bois un peu d'eau.

Je lui ouvre la bouteille, puis elle me l'arrache des mains en buvant une grande quantité. Au bout de quelques minutes, je suis soulagé d'être arrivé à ma voiture. Hana est pénible, elle ne cesse de changer d'humeur. 

D'abord elle rit, puis elle pleure, et l'instant d'après, elle me repousse, sauf qu'elle s'accroche désespérément à mes bras en me sermonnant de la lâcher. Ça n'a aucun sens, mais elle semble se calmer une fois attachée.

— J'ai mal au ventre, gémit-elle.

Je me retiens de la sermonner une seconde fois, à la place je lui intime de boire plus d'eau. J'ignore si ça va la soulager, mais au moins son corps éliminera plus rapidement l'alcool.

— Ne vomis pas dans ma voiture, prévins-je d'un ton un peu plus froid que prévu.

Je doute qu'elle ait encore quelque chose dans l'estomac, cependant le mélange d'alcool et de médicaments peut faire rendre jusqu'à la bile.

— T'es maniaque ou quoi, marmonne-t-elle en se vautrant sur son siège.

Elle inspire profondément et expire doucement en se massant l'estomac. Puisqu'elle a ses jambes repliées sur le siège, sa robe glisse jusqu'à ses cuisses, révélant davantage ses jambes. Elle ne semble pas le remarquer, la douleur doit vraiment la préoccuper. 

Je serre le volant pour cesser de la contempler à son insu.

Je ne dois pas la laisser seule, me murmure mon côté protecteur. Je suis censé l'emmener à l'hôpital ou – au minimum – appeler Suwon. J'ai peur qu'elle fasse une surdose si je la ramène chez elle.

— Je te ramène chez moi.

Mais Hana ne dit rien. Il n'y a que sa respiration régulière que j'entends dans l'habitacle. Ses yeux clos et sa bouche légèrement ouverte me confirment qu'elle s'est endormie. Tant mieux, ça me facilitera la tâche. 

Hana me déteste trop pour accepter de passer une nuit chez moi, et Suwon me détestera si je la ramène chez elle.

Cette nuit, il y a peu de bouchons, alors j'arrive rapidement à la maison. Je gare ma voiture dans mon garage, puis la contourne pour ouvrir la portière côté passager. Hana sent l'alcool et la bougie. Le genre de bougie que l'on allume pour danser la valse. 

Je passe une main sous ses genoux et derrière son cou en la soulevant, comme la fois où elle s'est évanouie au studio. Je monte en silence à l'étage, où se trouve ma chambre et l'allonge délicatement sur mon lit. J'ai soudain l'estomac qui se retourne en la voyant là, assoupie, belle comme une déesse dans mes draps.

Je pourrais lui faire des atrocités que beaucoup d'hommes commettent, je pourrais la faire souffrir comme elle l'a été. Mais je ne la touche pas. Hors de question de lui ôter sa robe, même si elle est imbibée d'alcool et tachée de sucre. Je pourrais le faire avec son accord, mais son inconscience m'autorise uniquement à retirer ses talons et à rabattre ma couette sur elle.

Peut-être paniqué à l'idée qu'elle vomisse pendant son sommeil, je la place sur son flanc.

Elle est si belle, si légère. Si vulnérable qu'elle pourrait se briser en un claquement de doigts. J'écarte une mèche de cheveux qui lui barre le visage et la laisse tranquille. 

Je prends des vêtements de rechange dans mon dressing, lui pose un t-shirt et un short à moi au bout du lit au cas où elle désirerait se changer, puis vais prendre une douche.


★★★


Je me doutais que je n'allais pas beaucoup dormir, mais de là à être pleinement éveillé, cela me surprend. Hana dort sagement dans ma chambre pendant que je rédige – soudainement inspiré – dans le bureau qui se trouve en face de la chambre. 

J'ignore pourquoi, mais ces derniers temps je rédige couplet sur couplet et trouve des titres à mes chansons aussi facilement que je change de caleçon. Je tapote la pointe de mon stylo sur mon carnet en me perdant dans la profondeur du ciel étoilé, pensif. Vu la hauteur de la lune dans le ciel, il doit être très tard. Ou très tôt.

Je termine officiellement la rédaction d'une chanson quand j'entends des bruits dans la chambre d'à côté. Hana. Je me lève pour lui rafraîchir la mémoire, lui dire qu'elle est ici chez moi, en sécurité. Je n'ai pas le temps de me lever qu'elle entre timidement dans mon bureau.

La vue que j'ai sous les yeux me fait déglutir bruyamment. Hana a enfilé mon t-shirt – et uniquement mon t-shirt. Elle remarque mon expression surprise puisqu'elle me dit :

— Ton short glissait sur mes hanches.

Une image d'Hana et de mon short glissant sur ses hanches, me vient soudainement à l'esprit, me nouant la gorge.

— Est-ce que tu as des médicaments contre le mal de ventre ? demande-t-elle timidement en tirant sur mon t-shirt qui lui arrive sous les cuisses.

— Je pense que tu as pris assez de médicaments, rétorqué-je sèchement en songeant à son acte idiot.

Enveloppée de honte, elle baisse le regard. Je sens mon cœur se tordre en repensant à mon ton cinglant.

— Je vais te préparer un bouillon de légumes et il me reste du riz dans le frigo. Manger te fera plus de bien que de prendre un médicament.

Je me lève pour me diriger vers la cuisine, sauf qu'Hana ne se décale pas de mon passage. Tendu, le regard toujours rivé sur ses pieds, je remarque qu'elle tremble.

— Je suis désolée, murmure-t-elle. Je sais que je n'aurais pas dû, mais je voulais faire comme les autres. Je voulais me sentir normale...

Je comprends qu'elle fait référence à sa consommation d'alcool. Je songe à lui dire quelque chose de rassurant, mais tout mot me manque quand Hana pose sa tête contre mon torse.

— S'il te plaît, supplie-t-elle, prends-moi dans tes bras.

Sa plainte me déchire le cœur. Je frissonne de la tête aux pieds, voulant désespérément la serrer dans mes bras. Mais, encore une fois, je décide d'agir en salaud. Je serre les dents et pose mes mains sur ses épaules frêles pour l'écarter doucement mais froidement de mon torse.

— Je ne suis pas ce genre de mec, Hana.

Son regard croise le mien et je perçois la lueur brillante dans ses yeux s'éteindre.

Je viens d'éteindre les derniers espoirs d'Hana.

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