7,



𝐒𝐞𝐨𝐣𝐮𝐧


Hana se tend lorsque ses parents sonnent à ma porte, mais elle dissimule rapidement son anxiété en prenant une autre gorgée de sa boisson. Je ne tente pas de la rassurer, étant moi-même nerveux pour cette rencontre.

Bien conscient que notre relation est basée sur des raisons professionnelles, je garde à l'esprit que les parents de Hana ne doivent pas en être informés. 

C'est difficile pour elle de leur cacher un secret, mais cela fait partie des engagements qu'elle a pris en signant son contrat. Certaines choses peuvent être partagées, d'autres doivent rester confidentielles.

Je me précipite pour ouvrir, adoptant l'assurance qui me caractérise lors de mes concerts. En ouvrant la porte, je fais face à un homme au visage marqué par la fatigue mais au charme intact, et à une femme presque aussi grande que Hana. Ses yeux, quasiment identiques à ceux de Hana, sont ce qui m'interpelle en premier.

— Bonsoir, dis-je en me décalant sur le côté. Je vous en prie, entrez !

À mon grand soulagement, Hana me rejoint rapidement.

— Salut, vous deux ! s'exclame-t-elle en prenant son père dans ses bras.

— Content de te voir, ma puce.

À son tour, sa mère l'embrasse tendrement et lui murmure qu'elle lui a manqué. Un pincement au cœur me saisit.

— Laissez-moi vous présenter Seojun, dit Hana en glissant son bras sous le mien.

Elle me lance un regard pour s'assurer que tout va bien, et mon sourire lui confirme qu'elle peut continuer.

— Seojun, voici Jaeseok, mon père, et Evelyn, ma mère.

Nous échangeons des salutations officielles et quelques politesses avant de les inviter à s'installer dans le salon.

— C'est très aimable de nous avoir invités, Seojun. Mais je dois dire que ma fille ne nous a pas beaucoup parlé de vous, confie Jaeseok en observant mon meuble télé.

Hana se crispe, mais sa mère intervient rapidement :

— Tu ne devrais pas lui en vouloir, Hana a un métier très prenant maintenant. Et Seojun n'est pas n'importe qui !

Elle accentue son commentaire par un clin d'œil tandis que son père me jette un regard un peu troublé. Hana semble au bord de l'évanouissement. Je lui fais signe de me suivre dans la cuisine.

— Nous vous ramenons des boissons fraîches, dis-je avec un sourire poli.

Dans la cuisine, Hana se frotte la nuque en murmurant que la soirée va tourner au désastre.

— Je ne comprends pas pourquoi tu dis ça, lui avoué-je.

Elle me lance un regard incrédule.

— Non, mais... Ils viennent à peine d'arriver, et voilà que mon père commence à jouer les policiers ! Heureusement que maman n'est pas entrée dans son jeu, sinon je me serais déjà enterré six pieds sous terre.

Je sors deux verres à pied et y verse du champagne. Bien qu'il m'arrive de boire de l'alcool, je préfère rester aux smoothies pour ne pas mettre Hana mal à l'aise.

— Arrête de t'inquiéter, Hana. Un père a son rôle à jouer, et il se soucie de sa fille. Je trouve ça normal.

Elle me tire la langue après que je lui donne une pichenette sur l'épaule. Rapidement, nous retournons auprès de M. et Mme Choi pour leur servir à boire. Nous nous installons dans le salon, et Evelyn murmure quelque chose à l'oreille de Hana pendant que je mets une playlist pour briser le silence. Hana grimace aussitôt et repousse doucement sa mère.

— Seojun, puis-je vous poser une question ?

— Maman, s'il te plaît, arrête... murmure Hana.

Amusé par la situation, je fais un signe de tête à Mme Choi pour l'inviter à poursuivre.

— Quelle est la première chose qui vous a plu chez ma fille ?

Jaeseok croise les jambes en levant son verre. Hana en profite pour me murmurer que je n'ai pas à répondre, mais je la coupe :

— Eh bien, ce n'est pas simple...

Leurs visages se figent, intrigués.

— Parce qu'il y a tant de choses que j'ai aimées chez votre fille en un seul instant qu'il me faudrait revivre chaque minute pour décortiquer les émotions que j'ai ressenties.

Je m'installe sur l'accoudoir, place une main chaleureuse sur la nuque de Hana et lui masse doucement l'épaule.

— Quel romantique, dit Jaeseok, vous commencez à me plaire.

Je souris en sentant les épaules d'Hana se relâcher.

— Seojun, cela vous dérangerait si nous nous tutoyions ?

Dans la poche.

— Pas du tout, dis-je avec un grand sourire, bien au contraire !

Je croise le regard de Hana, espérant la rassurer en lui montrant que tout se passe bien et que je maîtrise la situation.

— Et la prochaine fois, invite donc tes parents ! poursuit Jaeseok.

Je déglutis. En un instant, mon assurance s'effondre. Hana enlace alors ses doigts aux miens et explique à ses parents qu'ils étaient occupés.

Je ne sais pas pourquoi elle invente cela, elle n'a même pas idée que mes parents ne m'adressent plus la parole. Néanmoins, son geste me touche profondément. Je me penche vers elle, lui dépose un baiser furtif sur le bout du nez, puis me retire en cuisine.

★★★

Le repas se déroule dans une ambiance étrange. Après le dessert, les parents de Hana me posent beaucoup de questions sur l'industrie de la musique. Ils veulent même savoir comment se crée une chanson. 

Cela ne me dérange pas de parler de ma passion, d'autant plus que ce sujet ne semble pas mettre Hana mal à l'aise. Je parviens même à parler de mes amis – en dehors de Suwon – et Hana semble sincèrement intéressée, ce qui me réjouit étrangement.

— Ils ont l'air géniaux, conclut-elle après une anecdote sur Misul à New York.

— Oh, alors c'est à New York que tu as rencontré Hana ? devine Evelyn. Je pensais que c'était aux auditions...

— Oui, c'est à ce moment-là que mon monde s'est arrêté, dis-je en souriant.

Sous la table, Hana m'écrase le pied. Je croise le regard de Jaeseok, qui brille d'une lueur triste.

— Quelque chose ne va pas, Jaeseok ? demandai-je, soudain inquiet.

Evelyn pose sa serviette et secoue doucement la tête.

— Ne t'en fais pas, Seojun. La mention d'un monde qui s'arrête nous donne toujours des frissons, mais pas pour les raisons que tu pourrais penser.

Je ne comprends pas ce qui se passe, ni ce qu'ils veulent dire. Hana se racle la gorge et murmure d'une petite voix :

— Ne gâchons pas l'ambiance...

— Oh, ma puce... Au contraire ! Nous nous réjouissons que ton monde ait recommencé à tourner. On voit bien que tu es heureuse en ce moment, ça rassure tes parents adorés, explique son père.

Discrètement, je jette un œil à Hana, qui se mord les lèvres en acquiesçant doucement. De quoi parlent-ils ? À quoi font-ils allusion ?

— Seojun, maintenant qu'Hana est avec toi, nous te faisons confiance pour prendre soin d'elle ! Son sourire et sa joie de vivre sont un miracle... Tu sais, depuis qu'elle...

— Je sais, coupai-je. Je prendrai soin de votre fille comme si ma vie en dépendait.

Je pose ma main sur la cuisse de Hana pour qu'elle cesse de trembler. J'ignore ce qu'ils sous-entendent, mais je comprends qu'il s'agit d'un événement important de la vie de Hana que j'ignore. Je suis curieux, mais pas au point de vouloir l'apprendre de la bouche de quelqu'un d'autre.

— Bien, parce que sa vie dépend de...

— Papa, arrête ! s'il te plaît...

Les larmes aux yeux, Evelyn fusille Hana du regard.

— Allons, ma chérie. C'est un sujet important que nous devons aborder avec Seojun. Tu lui en as parlé, n'est-ce pas ?

— Bien sûr, je suis au courant de tout, mentis-je.

— Bien, conclut son père. Hana a raison, ce n'est pas un sujet à aborder lors d'un dîner.

— Merci, papa, rétorque sèchement Hana.

La soirée se termine peu avant minuit. Après avoir remercié Evelyn et Jaeseok pour leur visite, Hana et moi débarrassons la cuisine. Elle essuie la dernière casserole quand je reviens vers elle.

— Tout va bien ?

— C'était abominable, murmure-t-elle. Je suis désolée, mes parents sont très maladroits et...

— Hana, s'il te plaît, arrête de t'excuser. Je ne sais pas de quoi ils parlaient, mais une chose est claire : tes parents t'aiment et s'inquiètent pour toi.

Je lui prends la casserole des mains, la range, puis me place en face d'elle pour capter toute son attention.

— Mes parents m'ont renié quand j'avais quatorze ans.

— Quoi ? s'étouffe Hana. Mais...

— Oui, je sais, tranchai-je. J'ai vingt-huit ans. Ils ne voulaient pas que je devienne chanteur et ont donc préféré m'exclure de leur vie.

— Seojun, je... Tu n'es pas obligé de me raconter tout cela...

Je caresse sa joue du bout des doigts.

— Laisse-moi parler, tu as le droit de savoir.

Prenant une grande inspiration, je lui confie :

— J'avais un grand frère. Il était comédien dans une troupe de théâtre, comme tu le sais déjà. Mais il s'est fait harceler sur les réseaux à cause de sa soudaine célébrité. Alors, quand mes parents ont su que je voulais être aussi célèbre que lui, ils m'ont rejeté pour éviter de revivre une telle perte.

Hana entrelace ses doigts aux miens, attentive à mes paroles.

— Je suis désolée, Seojun... De quoi est-il mort ?

— Il s'est suicidé, dis-je, la gorge nouée. Une étoile qui ne brille plus, désormais.

Les yeux d'Hana expriment tout ce qu'elle n'arrive pas à dire sous le coup de l'émotion. Sa lèvre inférieure tremble, une larme coule le long de sa joue, mais elle reste forte face à mes confidences. Doucement, elle pose une main sur mon épaule pour m'attirer à elle.

— Merci de t'être confié, dit-elle du bout des lèvres.

Puis, je me retrouve dans les bras de la femme que j'ai autrefois repoussée, alors qu'elle avait besoin de cette étreinte.

— Je suis désolé pour toutes les fois où j'ai mal agi envers toi...

Mon estomac se serre lorsqu'elle m'embrasse sur la joue.

— Je comprends ton comportement maintenant, murmure-t-elle. Mais je pense que tu as mal interprété ma réaction le jour où tu m'as demandé si j'avais pensé au suicide.

Je recule pour plonger dans le regard d'Hana, sentant enfin qu'elle se confie d'elle-même. Comme si elle lisait en moi, elle précise :

— Ce sujet est loin d'être facile pour moi...

— Hana, je ne veux pas que tu te sentes obligée de te confier juste parce que je viens de le faire.

Elle secoue doucement la tête, prend une grande inspiration, et déclare :

— J'ai envie de t'en parler aussi.

Un frisson la parcourt, ce qui m'encourage à poser mes mains sur ses épaules pour l'apaiser. D'une main, je l'invite à aller s'installer sur le sofa du salon. M'asseyant à sa gauche, je lui fais comprendre qu'elle peut parler autant qu'elle le souhaite, je serai là pour l'écouter.

— Je n'ai jamais songé au suicide, dit-elle.

Se triturant les mains, Hana fait une pause, cherchant ses mots.

— Mes harceleurs le faisaient pour moi, en quelque sorte. En fait, c'était tous les jours, reprend-t-elle. Je passais mes récréations dans les toilettes, où ils me battaient jusqu'au sang, m'assaillant d'insultes aussi douloureuses que leurs coups.

Seigneur. C'est horrible. J'ai soudain une envie de me gifler pour mon comportement passé envers elle.

— Ils arrêtaient uniquement quand je saignais, confie-t-elle, et je comprends alors pourquoi elle s'était évanouie au studio l'autre jour.

— C'est pour ça que la vue du sang t'effraie ? demandai-je doucement.

Elle hoche la tête, et mon cœur se serre.

— C'est en partie pour ça que j'ai abandonné mes études de médecine. Après le lycée, j'ai suivi mes cours à la maison pour éviter le harcèlement. Mais... on a beau vouloir échapper aux horreurs de la vie, elles finissent toujours par nous rattraper.

Je glisse ma main dans la sienne pour qu'elle arrête de s'arracher la peau.

— Que veux-tu dire ?

— Eh bien, comme mes harceleurs ne pouvaient plus me toucher en personne... ils ont décidé de me poursuivre en ligne.

Un bruit sourd résonne dans ma tête, jusqu'à mon cœur. Une douleur intense m'étreint l'estomac. Je grimace, soudainement nauséeux, et Hana se penche pour me masser le dos.

Une autre larme coule sur son visage lorsqu'elle murmure :

— Je sais que c'est dur à entendre, dit-elle, je sais que tu penses à ton frère.

L'angoisse m'étouffe comme jamais auparavant. J'ai honte de ne pas être aussi fort qu'Hana l'a été pour moi lorsque je me suis confié. Je me redresse alors et lui explique :

— Ça m'arrive souvent quand je suis anxieux ou que je pense à mon frère. Ne t'inquiète pas, continue.

Hana attend un instant et, profitant du silence, trace des arabesques du bout de ses doigts sur ma peau. Elle tremble et ses doigts sont glacés. Je la recouvre alors d'un plaid.

— Heureusement, reprend-elle, cela n'a pas duré longtemps. J'ai supprimé tous mes réseaux et n'ai plus jamais entendu parler d'eux. Mais ils m'ont laissé des cicatrices qui ne disparaîtront probablement jamais. J'ai du mal à me reconstruire. Il ne se passe pas un jour sans que je sente un poids oppressant sur mon cœur.

Ses mots meurent dans un sanglot. Je m'approche d'elle et la serre contre ma poitrine. Je ne veux pas qu'elle ait honte ou regrette de m'avoir raconté tout cela. 

Je caresse sa tête, la laissant se calmer doucement. J'entends son cœur battre contre le mien et n'ai jamais été aussi heureux de percevoir ce pouls.

— Ça va aller, dis-je. Tu vas réussir à te reconstruire.

Je me mords la langue avant de promettre :

— J'y veillerai personnellement.

En espérant qu'elle comprenne, lorsque le moment sera venu.


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