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𝐇𝐚𝐧𝐚³ ⁶⁷⁸
Comment sommes-nous censés nous habiller pour une soirée célébrant la sortie d'un clip ?
C'est la question que je me pose depuis un quart d'heure, face à mon dressing. Il est grand, large, donnant une vue sur mes robes, pulls, joggings, t-shirts, pantalons, jupes, chaussures, mais je ne parviens pas à me décider !
J'ai peur de sélectionner des vêtements trop élégants ou, dans le cas contraire, de ne pas être à la hauteur. Je recherche même de l'inspiration sur Pinterest, mais je comprends que je ne saurai pas m'habiller si je ne demande pas conseil directement à l'organisatrice de cette soirée.
J'envoie alors un message à Jiny et éprouve une certaine satisfaction depuis que j'ai enregistré son numéro.
Moi : Hello, je ne sais pas comment m'habiller pour ce soir...
Mon répertoire est très petit, j'ai le numéro de mes parents, celui de Suwon, Su-ah, la vétérinaire d'Ellie, mon médecin généraliste, ma kiné, celui de l'agence de Seojun qui s'est ajouté récemment et maintenant, celui de Jiny. Mon amie. Elle m'a également ajoutée dans le groupe WhatsApp où Jun-oh, Lin et Lee sont. Le groupe est nommé « Five, six and seven » parce que nous avons commencé à cinq et que deux nouvelles personnes vont bientôt s'ajouter. Je mettrais ma main à couper que c'est Jiny qui a eu l'idée du nom.
D'ailleurs, elle me répond aussitôt :
Jiny : OMG ! Bah viens à poil !!!
Je m'empresse de taper un message pour lui demander d'être sérieuse, mais elle me devance :
Jiny : Viens te préparer chez moi, j'ai des vêtements qui pourraient t'aller ;)
Elle m'envoie son adresse et m'assure que les invités ne seront pas chez elle avant 20 h. En termes de vêtements, j'ai largement ce qu'il faut. Je voulais juste qu'elle me guide sur mes choix vestimentaires, mais je pense que me préparer chez Jiny serait bénéfique pour moi. Je vais pouvoir prendre mes aises avant l'arrivée des invités et apprendre à connaître davantage celle qui organise la soirée.
Je prends tout de même mon sac en cuir noir qui – j'en suis certaine – complétera ma tenue choisie par Jiny. J'y glisse mon chargeur, mes médicaments et le rouge à lèvres qu'elle m'avait offert lors des auditions. J'avoue ne pas l'avoir souvent mis, mais quand je le mets, je me sens belle et invincible. Et ce soir, j'en aurai besoin !
Lorsque j'arrive chez Jiny, je crains de m'être trompée. Mais mon GPS m'indique clairement l'adresse qu'elle m'a donnée et pas la Maison-Blanche des États-Unis. Agréablement surprise, je contemple sa maison avant de sonner. Le portail s'ouvre et je me dirige jusqu'à un petit parking pour y garer ma voiture. Rapidement – peut-être suis-je pressée ? – je frappe à sa porte. Jiny m'ouvre, heureuse et parée d'une robe rose poudré et beige qui lui va à ravir.
— Tu es magnifique, lui dis-je en caressant le tissu de sa toilette.
— Et tu le seras encore plus dans quelques heures, s'exclame-t-elle en me faisant entrer. J'ai toujours eu envie de te coiffer, maquiller et t'habiller !
— Tu m'as déjà maquillée, tu te rappelles ?
Je fais référence au jour de l'audition, quand elle m'a trouvée en larmes parce que je ne me sentais pas à la hauteur et que l'on m'avait pratiquement insultée à l'accueil. Quand je repense à ce jour, je ne peux m'empêcher de revoir la scène où Seojun a quitté le théâtre à la fin de ma présentation.
C'était le premier indice pour te faire comprendre qu'il est un salopard, résonne ma voix intérieure qui m'en veut de m'être confiée à lui, mercredi.
— Je vais commencer par te coiffer, reprend Jiny une fois dans sa chambre.
La tapisserie de sa chambre est beige, ses rideaux ont la même couleur que sa robe et un cadre d'une danseuse classique couronne sa tête de lit. On se croirait dans un conte de princesse. Ici, tout est grand, élégant et sent la rose. Mon père en aurait la nausée, pensais-je bêtement.
— Tu vis seule ici ? demandai-je pendant que Jiny s'attèle à mes cheveux.
Je peux voir son visage se crisper dans le reflet que me renvoie le miroir.
— Non, mais mes parents sont souvent absents à cause de leur travail.
— Que font-ils ?
— Ils sont agents secrets, murmure-t-elle.
J'écarquille les yeux, choquée.
— Sérieux ?
— Bien sûr que non !
Jiny se moque clairement de moi, puis je m'esclaffe à mon tour. Elle me demande ma couleur préférée et je remarque qu'elle n'a pas répondu à la question concernant ses parents. Je n'insiste pas, sachant qu'elle était mal à l'aise quand j'ai abordé le sujet.
— Mais ce n'est pas une couleur, s'offusque-t-elle. Et c'est super triste, le noir !
— Je pourrais aussi te dire que le rose est cliché pour une danseuse classique !
— Ex-danseuse classique, corrige-t-elle en levant son index. Je trouve que notre couleur préférée reflète notre personnalité et nos goûts. Par exemple, je mettrais ma main à couper que la couleur préférée de Seojun est le bleu, parce que c'est une couleur qui lui va très bien au teint. Et puis, c'est une couleur froide !
Comme son cœur, pensais-je en me remémorant la façon dont il a pris ses distances après lui avoir parlé de mon harcèlement.
— Et donc, quelle couleur vois-tu en moi ? raillai-je.
Jiny réfléchit sérieusement en terminant de boucler une dernière mèche de mes cheveux.
— Le rouge, dit-elle enfin. Tu savais que le rouge était un dérivé du rose ? Le rose est la douceur. Tu es une personne qui dégage beaucoup de douceur, mais tu as aussi quelque chose en toi de vif, de chaud. Alors pour moi, ta couleur est le rouge.
Jiny s'exprime avec passion et honnêteté. J'aime sa façon de penser et de percevoir les gens. Peut-être a-t-elle raison ? Mais je ne perçois pas cette couleur comme Jiny la perçoit. Pour moi, le rouge, c'est la couleur du sang, des enfers dans lesquels j'ai été plongée durant une bonne partie de ma vie.
Cependant, je peux croire ce qu'elle me dit, parce que le rouge à lèvres fait ressortir quelque chose en moi que je ne connaissais pas auparavant.
Une demi-heure plus tard, mon amie a terminé de me maquiller. Elle dit que j'ai des yeux de sirène, alors elle a mis en valeur cette forme en y ajoutant une nuance de gris sur mes paupières qui fait ressortir la couleur de mes iris.
— Il ne manque plus que la robe, chantonne-t-elle en tirant sur une boucle qui remonte sur mes épaules comme un tire-bouchon pour attirer mon attention.
Lorsque je me retourne, elle me présente une robe qui me fait frissonner.
— Donc tu étais sérieuse en disant que le rouge était ma couleur...
Jiny hoche frénétiquement la tête, excitée de m'habiller.
— C'est ma mère qui me l'a offerte, elle vient de Russie ! Mais je ne l'ai jamais portée, je trouve qu'elle me rend trop pâle. Tu pourras la garder, vois ça comme un cadeau qui complète le rouge à lèvres que je t'avais offert !
— Non, non, on avait convenu que tu me prêterais une tenue, me défendis-je.
Jiny hausse les épaules en ajoutant :
— De toute façon, j'ai une trop petite poitrine pour qu'elle me mette en valeur. J'insiste !
Elle me la tend, je caresse le tissu en sentant la douceur sous mes doigts.
— Elle est vraiment douce, dis-je en la contemplant.
Nous sommes interrompues par la sonnette qui résonne dans toute la maison.
— Ce sont les traiteurs, me rassure Jiny, je vais aller voir. Pendant ce temps, tu enfiles cette robe !
Elle quitte la pièce, mais j'entends quand même son murmure :
— Ça va le rendre fou.
Un quart d'heure plus tard, Jiny remonte avec deux coupes de champagne et hurle d'excitation en me voyant face au miroir de son dressing.
— Oh là là ! T'es trop, trop sexy !
Je rougis soudainement autant que la couleur de ma robe. C'est vrai que cette robe me va vraiment bien. Elle épouse mes formes et met un peu trop en avant ma poitrine.
Elle s'arrête au-dessus de mes chevilles, mais la fente monte jusqu'à ma cuisse droite, révélant ma longue jambe.
J'ai enfin ma réponse à la question que je me posais il y a trois heures, devant ma penderie.
— J'espère que t'aimes ! J'ai l'impression de voir une protagoniste de Dark Romance.
— De... quoi ?
Elle balaie ma question d'un geste de la main, comme si sa remarque n'était pas importante (ce qui doit être le cas) et me tend une des coupes qu'elle a apportées.
— J'espère que tu as faim, parce que le traiteur vient d'installer le buffet et que les invités commencent déjà à arriver !
Aussitôt dit, mon estomac se met à gargouiller, puis à se retourner. J'angoisse, mais j'ai faim. Jiny m'intime de la suivre, mais je lui dis qu'il me faut quelques minutes afin de réajuster ma robe (excuse totalement fausse) et je souffle un instant quand elle me quitte.
Elle n'a invité que notre groupe de danse, me rassuré-je en essuyant mes paumes moites sur mes cuisses.
★★★
Jiny n'a clairement pas invité que notre groupe de danse. Au fur et à mesure, l'entrée se remplit d'inconnus, tous aussi élégants les uns que les autres.
Étrangement, je me sens bien. Peut-être parce que Jiny ne cesse de remplir mon verre dès qu'il se vide. Je ne bois de l'alcool que lors de grandes occasions, comme celle-ci. Néanmoins, je sais que je ne devrais pas boire.
Ça affecte beaucoup mon pancréas (déjà en mauvais état), et ma prise de médicaments n'est pas compatible avec ces boissons.
Évidemment, je ne dis rien à Jiny quand elle me prend mon verre de champagne des mains pour le remplacer par un verre de vin rouge.
— C'est l'heure de taper dans le buffet ! s'extasie-t-elle.
Je la suis jusqu'à un buffet où se trouvent plusieurs sortes de sushis et d'autres spécialités japonaises que je ne connais pas. Je me souviens que Jiny a des origines japonaises, elle s'y connaît certainement mieux que moi.
— Qu'est-ce que c'est ? demandai-je en me servant.
— Du tempura, c'est une spécialité japonaise originaire du Portugal. Goûte, c'est délicieux.
Je n'attends pas qu'elle termine de parler pour enfourner la nourriture dans ma bouche, tout en veillant à ne pas abîmer mon rouge à lèvres. Jiny et moi restons ensemble un long moment, à rire et goûter tout ce que le buffet nous propose. J'ai un faible pour les petits gâteaux sucrés que Jiny adore depuis ses sept ans.
— Mon père en avait apporté d'Écosse, et j'ai tout mangé en une seule nuit tellement c'était bon !
Je m'esclaffe encore plus lorsqu'elle ajoute :
— Après ça, je disais "Hello" à tout le monde à tout bout de champ.
C'est agréable de rire, de manger et de boire sans se soucier de rien. C'est agréable d'avoir une amie, me dis-je en sentant une chaleur envahir mon cœur.
J'ai Suwon, certes, mais je n'évoque pas les mêmes choses avec lui qu'avec Jiny. De plus, étant donné que Jiny ne sait rien de mon passé, j'ai l'impression d'être une jeune femme comme une autre. Normale, et en bonne santé physique et mentale.
J'apprends qu'elle a des cousins qui vivent en France, et elle me promet de m'y emmener un jour. Jiny semble chercher quelque chose avec empressement.
— Que cherches-tu ?
— Mon portable, je voulais te montrer des photos, dit-elle. Je pense que je l'ai laissé à l'étage.
Sautant sur l'occasion de faire un peu de vide dans ma tête, je lui dis que je peux aller le chercher.
— Tu es sûre ?
— Oui, pendant ce temps, tu n'as qu'à remplacer les bouteilles vides par des pleines, conseillai-je en désignant le buffet qui se vide peu à peu.
Jiny hoche la tête, et je file à l'étage.
Pendant dix longues minutes, je cherche son téléphone, mais ne le trouve pas. Je me saisis de mon portable pour faire sonner le sien et le retrouver plus facilement.
Au moment où je le déverrouille, je reçois justement un message de Jiny qui me dit qu'elle l'a retrouvé. Apparemment, elle l'avait posé à l'entrée.
Avant de redescendre, je jette un œil à mon reflet pour m'assurer de ne pas avoir de sucre glace sur les lèvres, puis me dirige vers le somptueux escalier en colimaçon qui mène au hall.
Puis je le vois.
Mon réflexe aurait été de faire demi-tour et de me cloîtrer dans la chambre de Jiny jusqu'à la fin de la fête, mais mon ego me pousse à descendre les marches quand son regard croise le mien.
Cela fait deux jours que nous nous ignorons, on peut très bien continuer à le faire. Mais pourquoi ne détourne-t-il pas le regard ?
Et pourquoi ne le fais-je pas moi-même ?
Chaque pas que je fais me rapproche de lui et de la prestance qu'il dégage ce soir. Seojun est beaucoup de choses, mais il est surtout très beau. Je ne peux pas lui enlever cela. Il a plaqué ses cheveux en arrière, mettant en avant les contours saillants de sa mâchoire.
Puis je m'attarde sur ses épaules, tendues sous sa chemise blanche, moulant parfaitement ses biceps. Et là, je remarque son pantalon de costume bleu.
Bleu !!
Jiny avait raison. Le bleu est la couleur de Seojun. Je le reluque ouvertement (consciente que l'alcool me donne du courage), car c'est exactement ce que fait Seojun (sauf que son verre de champagne est plein dans sa main, et je pense qu'il vient d'arriver).
Je sens son regard partout sur moi, comme s'il me touchait directement les épaules, les seins, les hanches, et le rouge me monte aussitôt aux joues. J'atteins la dernière marche, et quand Seojun s'approche de moi, je me sens vulnérable.
Avant qu'il ne m'adresse la parole, je passe à côté de lui en heurtant son épaule. J'espère qu'il a bien compris !
La chaleur monte en moi alors que je continue à traverser la pièce. Mon cœur bat à tout rompre, et je sens le regard de Seojun peser sur mon dos.
Je serre les dents et me dirige vers le buffet, où Jiny m'accueille avec un grand sourire. Elle remarque tout de suite l'émotion sur mon visage et fronce légèrement les sourcils.
— Tout va bien ? me demande-t-elle en me tendant une nouvelle coupe de vin.
Je hoche la tête, essayant de cacher l'agitation qui me tourmente.
— Oui, oui, ça va. C'est juste... je crois que Seojun est arrivé.
Jiny ne peut retenir un éclat de rire.
— Ah, je vois ! C'est pour ça que tu es toute rouge. Ne t'inquiète pas, tu es sublime, et je suis sûre qu'il l'a remarqué aussi.
Je prends une gorgée de vin, espérant que l'alcool apaisera mes nerfs. Mon regard parcourt la pièce, cherchant un moyen de me distraire, mais je le vois. Seojun se rapproche, son regard toujours fixé sur moi.
Je me sens coincée, piégée entre la tentation de partir en courant et celle de lui faire face.
Il s'arrête à quelques pas de moi, son regard intense me déstabilise. Il lève légèrement son verre en signe de salut, et je ne peux m'empêcher de répondre par un petit signe de tête. Je dois rester forte. Ne pas flancher.
— Tu es... magnifique, murmure-t-il, sa voix grave et sérieuse.
Mon cœur rate un battement. Pourquoi maintenant ? Pourquoi me fait-il ça alors que j'essaie de l'oublier ? Je tente de jouer la carte de l'indifférence, même si mes émotions menacent de me trahir à tout moment.
— Merci, dis-je froidement, en prenant une nouvelle gorgée de vin pour garder mon sang-froid.
Il s'approche un peu plus près, son parfum envahissant l'air autour de moi, et je me sens presque suffoquer par sa présence.
— Je sais que tu m'en veux, commence-t-il, mais il faut qu'on parle.
Je secoue la tête, refusant de céder.
— Pas ce soir, Seojun. Ce soir, c'est la fête de Jiny, ce n'est pas le moment pour ça.
Je me détourne, espérant qu'il comprenne que la discussion est terminée. Pourtant, avant que je puisse m'éloigner, il attrape doucement mon bras, sans force, mais assez pour me faire arrêter.
— C'est important, insiste-t-il.
Mon estomac se noue. Je me retourne lentement vers lui, et cette fois, je vois quelque chose dans ses yeux que je n'avais jamais vu auparavant : du regret. Sincère. Mais suis-je prête à écouter ? À lui pardonner ?
— Peut-être, mais pas ici, répondis-je d'une voix plus douce, en retirant mon bras de sa prise.
Je le laisse là, debout au milieu de la pièce, et rejoins Jiny qui s'éclate avec d'autres invités. Je respire enfin, tentant de calmer mon esprit en ébullition.
Une partie de moi sait que je vais devoir confronter Seojun à un moment donné, mais ce soir... ce soir, je veux juste profiter de la fête, de mes amis, et de ce sentiment de liberté qui, même s'il est temporaire, me permet de me sentir vivante.
Jiny me fait signe de la rejoindre près du buffet, et je décide de me concentrer sur elle, sur cette soirée, et sur l'idée que peut-être, je mérite d'être heureuse.
Même si ce n'est que pour une nuit.
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