5,
𝐒𝐞𝐨𝐣𝐮𝐧
Je pensais qu'Hana allait être distraite tout au long de la journée, mais je l'ai été bien plus qu'elle. James n'en pouvait tellement plus qu'il nous a libérés en milieu d'après-midi.
J'ai encore le goût de ses lèvres sur ma langue.
C'est arrivé si brusquement que je ne sais pas quoi en penser. J'ai toujours été distant, autant en relation amicale qu'amoureuse. Mais Hana a tout chamboulé. Elle a le don de m'inspirer autant que de me déstabiliser. Je ne peux pas nier que, lors de notre rencontre, j'ai fait le choix de la détester pour ne pas trop l'aimer.
Mais je suis tombé dans le piège.
Je peux encore entendre les remarques de Misul et sentir sur moi le regard désobligeant de Suwon. D'ailleurs, Hana ne m'a rien dit, mais je sais qu'ils sont encore en froid tous les deux.
J'ai décidé de rentrer à la maison avant de me rendre chez Jiny pour la soirée qu'elle organise avec le groupe. Le regard vide d'Hana m'a fait comprendre qu'elle n'en avait pas envie, mais elle n'a pas le choix, étant donné qu'elle loge chez elle. Ça me fait penser à lire le mail que j'ai reçu de mon avocat au sujet de ce qui se passe sur internet. Hana a déjà été harcelée une fois ; je ne veux pas que cela recommence, surtout si c'est à cause de moi.
Je me jette sur mon sofa en déverrouillant mon portable. Sans étonnement, le mail indique que la publication d'une information personnelle, comme son adresse, sans consentement, peut être considérée comme une violation de la vie privée.
Il mentionne la loi sur la protection des informations personnelles qui peut être utilisée pour poursuivre les responsables. L'agent de Hana peut également déposer une plainte pour faire retirer ces informations et demander des dommages-intérêts, mais il y a tellement de paparazzis sur terre que nous ignorons qui en est à l'origine.
Il fait mention des interventions des plateformes qui peuvent être contactées pour supprimer ces informations. Apparemment, c'est déjà fait et ils attendent un retour.
Mais même si l'adresse d'Hana ne figure plus sur internet, les fans continueront d'en parler – pire, de se rendre chez elle. Jamais plus elle ne se sentira en sécurité chez elle maintenant que c'est arrivé.
Hana peut demander des injonctions pour protéger ses informations personnelles et déménager par la suite.
C'est le bémol dans cette histoire.
La connaissant, elle n'aura pas la tête à se trouver un nouvel appartement et encore moins à devoir revivre chez ses parents. Pour elle, ce serait faire marche arrière.
Comme regarder dans le passé.
Je réponds rapidement à mon avocat, le remerciant au passage. J'ai envie d'appeler Hana, mais ce serait une erreur de lui annoncer cela par téléphone. Même si elle a l'air d'aller bien en ce moment, je perçois parfois ses mains trembler comme si elle allait s'évanouir.
Comme si elle allait imploser.
La semaine prochaine, nous clôturons les clips et mon album sera entièrement disponible sur toutes les plateformes de musique, y compris mes chansons qui n'ont pas de clips. Ensuite, après de longues semaines d'interviews, de shootings et j'en passe, nous annoncerons ma tournée internationale.
Jamais Hana n'aura le courage de m'accompagner sur scène. Ce n'est pas que je n'ai aucune confiance en elle, au contraire. Sa santé est primordiale et je ne souhaite pas la bousculer. L'équipe ignore que ma tournée débutera l'automne prochain, soit dans plus d'un an. Est-ce que Hana sera prête ? Dois-je demander à faire ma tournée sans mes danseurs ?
Sans ma danseuse ?
Brutalement, quelque chose en moi s'écroule. C'est si soudain que je dois fermer les yeux.
Espèce d'idiot, tu crois qu'elle sera encore à ton bras l'année prochaine ?
Non. Bien sûr que non, me rassuré-je. Je ne sais même pas ce qu'il m'a pris, ni pourquoi je n'ai pas pensé aux conséquences plus tôt.
Mais elle est ma muse.
Je passe une main sur mon visage, espérant mettre de l'ordre dans mes pensées. Je ne sais pas où je vais. Je ne sais plus où aller. Je ferme les paupières, laissant une brèche à la solitude qui s'y engouffre volontiers. J'ai toujours considéré la solitude comme une protection, mais je ne l'ai jamais appréciée. Parfois, j'aimerais m'arracher la peau en espérant qu'elle s'en aille, mais elle s'accroche, tenace.
★★★
La musique bat son plein lorsque Lin m'ouvre la porte. Ça faisait longtemps qu'elle ne m'avait plus adressé la parole, mais je n'écoute pas un mot de ce qu'elle me raconte, trop occupé à chercher Hana du regard. Je me suis endormi sur mon sofa comme un idiot, écrasé par des pensées qui me rappellent à quel point je suis perdu.
Ce n'était qu'un baiser, merde ! J'ai fait bien plus avec d'autres femmes, et pourtant, ça ne m'a jamais empêché de les oublier dès le lendemain. Alors pourquoi est-ce que je ne peux m'empêcher de chercher Hana depuis mon arrivée ?
— Elle est à l'étage, me souffle Jiny en m'offrant une bière que je prends contre mon gré.
Je lui lance un regard interrogateur, puis elle me souffle par-dessus la musique :
— Il y a une petite vitre au-dessus de la porte de la salle de danse. Je vous ai vus, ce matin.
Elle me sourit, mais je perçois dans son regard de la tristesse. Je me râcle la gorge, gêné qu'elle nous ait surpris, mais Jiny me devance en changeant l'expression de son visage :
— Dis-lui de descendre. La pizza est arrivée !
Puis elle disparaît quand Lee hurle son nom pour une partie de karaoké dans le salon.
Je gravis les marches deux par deux, espérant trouver facilement Hana dans cette maison gigantesque. Par chance, j'ouvre la première porte et l'aperçois dans la salle de bain. Son regard surpris me fait comprendre qu'elle ne m'a pas entendu venir.
J'entre dans la salle de bain en me demandant pourquoi il faut toujours qu'on se retrouve dans ce genre d'endroit. Notre rencontre me revient en tête, ce qui me fait sourire comme un idiot.
— Qu'est-ce que tu fais là ? demande-t-elle en posant sa brosse à cheveux sur l'évier.
— J'ai été invité, je rétorque bêtement.
Elle lève les yeux au ciel et je remarque qu'elle s'est maquillée pour camoufler ses cernes.
— Il y a de la pizza en bas.
— Je n'ai pas faim, réplique-t-elle.
Je fronce les sourcils, cherchant à savoir si elle dit vrai ou si elle ne mange pas de pizza, mais je préfère ne rien dire par peur de gâcher l'ambiance.
— Tu aimes la pizza ? je m'entends lui demander.
Elle hoche la tête, un sourire timide sur les lèvres. Elle doit certainement penser aux États-Unis, c'est là-bas qu'elles sont bien grasses. Les meilleures, d'après Misul.
— Mais je n'en veux pas. En fait, j'ai mangé le reste du kimchi que Jiny m'a proposé ce matin, confie-t-elle en adoptant un air nonchalant.
Quelque chose n'est pas normal. Je remarque qu'elle serre son téléphone dans son autre main.
— Tu es certaine que tout va bien ?
En venant ici, je ne m'attendais à rien de la part d'Hana. Néanmoins, j'aurais aimé lui annoncer ce que mon avocat m'a dit. Mais Hana ne semble pas ouverte à une mauvaise nouvelle. À moins qu'elle ait envie de déménager et de se trouver un appartement dans toute cette cacophonie qu'est notre métier.
— J'ai un peu mal au ventre, c'est tout.
En m'approchant, je peux voir son regard scintiller tristement. Une question embarrassante me taraude l'esprit, mais je m'abstiens par peur de la brusquer. Je préfère lui demander :
— Tu sais pourquoi ?
Elle hausse les épaules en rétorquant que c'est le stress des derniers jours. J'ai du mal à la croire, mais je n'insiste pas.
— Est-ce que je peux faire quelque chose ?
Elle remue négativement la tête, puis m'offre un sourire qui illumine son visage.
Il avait l'air si sincère, pourtant.
★★★
Il est 23 h quand Jiny décide d'augmenter le volume de la musique, en s'exclamant que la fête peut « officiellement » commencer. Mes oreilles bourdonnent, les basses sont si puissantes qu'elles résonnent dans ma poitrine. Lee est complètement soûl et s'éclaffe bêtement lorsqu'il s'aperçoit que la bouteille de soju est vide.
— Eh, les gars ! Et si on jouait au « 3-6-9¹ » ?
— Tu rigoles, j'espère ? rétorque Lin sur le canapé, juste à côté d'Hana. On n'est plus au lycée !
— Arrête, ça peut être drôle, intervient Jun-oh aussi soûl que Lee.
Jiny me jette un coup d'œil avant de répondre à son tour :
— Je suis d'accord avec Jun-oh, mais encore plus avec Lin. Et si, à la place de boire, on imposait un gage ?
J'entends Lin marmonner qu'on régresse au niveau d'un collégien, et je suis bien d'accord avec elle, pour une fois.
— Je suis partant, répond Lee.
Jun-oh acquiesce, puis convainc Lin de jouer. Je sens Hana se tendre à mes côtés, lorsque Jiny nous supplie de nous joindre à la partie.
— Laisse tomber, Seojun est trop famous pour jouer à ce genre de chose, s'esclaffe Lee, qui parle sans filtre.
Je peux voir l'alcool circuler dans ses veines à l'œil nu.
— Il a surtout trop peur de perdre, crache Jun-oh en me regardant d'un air dédaigneux.
OK, ils ont gagné.
Je quitte ma place sur le canapé pour m'asseoir à leurs côtés, autour de la table basse, à même le sol. J'entends Hana me murmurer que j'ai trop de fierté, puis le sourire de Jun-oh se fane lorsque je lui lance :
— Peut-être, mais au moins, je sais perdre avec dignité, ce qui n'est visiblement pas donné à tout le monde.
Hana arque un sourcil, intriguée, tandis que Jun-oh me lance un regard noir, vexé par ma pique. Autour de la table, l'atmosphère devient plus tendue, mais aussi plus électrique, comme si chacun attendait le prochain mot pour alimenter le feu.
— Très bien, dit-il en s'adossant contre le canapé, les bras croisés. Montre-nous à quel point tu es si doué, alors.
Je prends une profonde inspiration, cherchant une réponse à la fois tranchante et posée, mais c'est Hana qui intervient avant que je puisse dire quoi que ce soit :
— Ça suffit, vous deux. On est là pour jouer, pas pour régler vos comptes.
Elle me jette un regard qui me rappelle que, malgré tout, elle espère que je n'envenime pas la situation.
— Tu devrais peut-être te joindre à la partie, en tant qu'arbitre, lançai-je avec un regard chargé de sous-entendus.
Elle souffle, visiblement peu convaincue, mais finit par s'installer à mes côtés. Je sais qu'au fond, elle est soulagée de n'avoir à endosser qu'un rôle d'arbitre, même si le jeu n'en nécessite pas vraiment un.
Hana n'a jamais été du genre à participer à ce genre de défis, et je la connais assez pour deviner qu'elle préfère cette position d'observatrice. En lui proposant ce rôle, j'évite qu'on la pousse à faire quelque chose qu'elle n'aurait pas choisi, et je m'assure qu'elle garde le contrôle sur ses limites.
Nous commençons dans une ambiance mi-amicale, mi-compétitive et je me surprends à apprécier la compagnie de ce groupe, alors qu'ils ne sont même pas mes amis à la base. En fait, je ne les ai même jamais considérés comme tels.
Mais que voulez-vous ? On se voit tous les jours, quand une personne est en difficulté, c'est tout le groupe qui prend et nous sommes forcés de déjeuner ensemble quand mon manager nous invite au restaurant. Sans parler des soirées organisées par Jiny et des événements pour les nouvelles sorties des clips. Peut-être se considèrent-ils comme une famille, mais ce n'est pas encore mon cas.
Les premières minutes, personne ne perd. Tout le monde a l'esprit vif, si bien que je sens Hana s'ennuyer à mes côtés. Elle semble prendre son rôle très au sérieux.
— Perdu ! s'exclame-t-elle soudainement. Tu as perdu, Jiny !
Celle-ci râle, mais son sourire illumine son visage. Lin lui donne le gage de manger un piment sur sa part de pizza.
— Et interdiction de le cracher, se marre Lee.
Contre toute attente, Jiny supporte très bien et engloutit le piment sans grimace.
Nous relançons une deuxième partie, puis une troisième, et je frissonne lorsqu'Hana se penche pour me murmurer à l'oreille :
— Tu n'as pas envie de montrer ton humilité en perdant ? Je m'ennuie et j'ai envie qu'on t'attribue un gage.
— Dans tes rêves, peut-être.
Elle se réinstalle en tirant la tronche et j'ignore si j'ai envie d'exploser de rire ou d'embrasser sa mine boudeuse. Du coin de l'œil, Jun-oh me regarde dans l'espoir de me voir perdre.
Je m'apprête à lui rendre son regard, lorsque le genou de Hana me frôle la cuisse. Je m'écarte un peu, pensant qu'elle n'a pas assez de place entre le canapé et la table basse, mais elle ne bouge pas.
Son genou reste contre le mien, comme si c'était intentionnel. Je tourne légèrement la tête pour croiser son regard, mais Hana fixe obstinément la table, ses doigts jouant nerveusement avec son gobelet en plastique vide.
— Tu devrais te concentrer, murmure-t-elle, sa voix à peine audible, presque comme un reproche.
— C'est toi qui me déconcentres à gesticuler ainsi, je lui souffle.
Elle ricane, ce qui attise la jalousie de Jun-oh.
— Vous avez fini vos messes basses, qu'on puisse donner un gage au prochain perdant ?
— Bien sûr, répond Hana d'une fausse gentillesse.
Ils relancent une partie, et je comprends que je suis le prochain sur qui le « 9 » va tomber. Fière d'avoir calculé rapidement mon coup, je me laisse choir contre le pied du canapé. Hana se penche une seconde fois pour me murmurer :
— Mon père m'a dit que si on a un fils, il devra hériter de son prénom.
Je fronce les sourcils avant de me pencher vers l'écran qu'elle me tend et regarde le message qu'elle vient de recevoir de son père. Je réprime un rire, mais en fait son téléphone est allumé sur ses notes. Je lis rapidement :
Peut-être que si tu perds, on pourra enfin s'éclipser.
— Seojun, bordel ! s'exclame soudainement Lee, c'est à ton tour.
— Neuf.
Toute la tablée s'esclaffe de ma défaite. Pour le plaisir de devoir le dire enfin, Jun-oh précise que je viens de perdre. Mais il ignore ce que je viens de gagner.
— Qu'on lui donne un gage !
Je dévisage Hana, me retenant de lui ordonner de se taire, mais son sourire fait palpiter quelque chose dans ma cage thoracique avec force.
— Je suggère le Ppoppogi avec Hana ! s'écrie Jiny, puis Lin acquiesce, excitée, suivie de près par son frère.
Hana et Jun-oh n'ont soudainement plus le sourire aux lèvres. C'est si jouissif que je me retiens de ne pas taper des pieds.
— Allez, Seojun, me presse Lin.
— OK, à une condition, dis-je en me tournant vers Lee. On ne filme rien, on ne photographie pas. Compris ?
Jiny repousse le téléphone de Lee loin de la table, comme si elle s'y attendait également.
Le gage que l'on vient de m'attribuer est de faire semblant d'embrasser Hana... sans jamais aller jusqu'au bout. Je me retiens de leur dire que j'avais sa bouche sur la mienne en début de matinée par peur que l'on m'attribue un gage moins... passionnant.
Lin avait raison : Nous sommes des collégiens.
Je pivote de sorte à me placer face à Hana. Elle regarde autour d'elle, déglutit, puis hoche la tête comme pour me lancer son feu vert. Juste pour raviver la flamme que nous avons ressentie ce matin – et la jalousie mordante de Jun-oh – j'approche lentement mon visage du sien.
Nos nez se frôlent, sa respiration saccadée s'écrase sur ma mâchoire, puis je frôle ses lèvres en m'éloignant brusquement.
— Contents ? je marmonne face au groupe qui applaudit bêtement, sauf Jun-oh qui semble se décomposer sur place.
Hana se lève, prend ma main avant de me forcer à l'imiter. Elle se dirige rapidement vers l'étage, mais je parviens à lancer :
— Tu avais raison, Jun-oh. Je suis un mauvais perdant.
Hana monte l'étage à toute vitesse, si bien que je manque de m'écrouler à la dernière marche. Elle ouvre une pièce que je devine être sa chambre et me plaque brutalement contre le mur après avoir refermé la porte.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
— Et c'est toi qui poses la question ?
Je n'ai pas le temps de répondre. Hana attrape mon visage et plaque ses lèvres contre les miennes. Elle tremble, d'excitation ou de stress, je l'ignore. En réalité, je n'arrive juste pas à réfléchir.
Ses mains divaguent partout sur moi, de ma nuque à mon torse, et ses effluves de fleurs me font tourner agréablement la tête, mettant sur pause mes pensées. Quand elle passe une main dans mes cheveux, je me vois reprendre le dessus de la situation en la plaquant contre le mur à mon tour.
— Mauvais perdant, hein ?
Je réponds que oui, mais mes mots ne sont qu'un râle faisant vibrer mes cordes vocales. Ses lèvres sont si chaudes, douces, fines, pressées contre les miennes. J'en perds la tête. Mais au bout d'un moment, ça ne suffit plus.
Je suis peut-être un éternel insatisfait, mais elle semble bien contente lorsque ma langue danse contre la sienne. Ou lorsque mes mains descendent sur ses reins, ou encore quand mes doigts s'ancrent dans sa peau. Sa poitrine tressaute, elle ne recule pas.
Au contraire. Elle enlace ses jambes autour de ma taille et je ne vois rien d'autre à faire que de me presser un peu plus encore contre elle, lui volant un faible gémissement.
— On devrait arrêter, bredouille-t-elle.
Je m'attarde sur son cou en posant mes lèvres contre son pouls excité.
— Donne-moi une raison valable, je murmure.
Plusieurs secondes s'écoulent avant qu'elle ne réponde :
— Il n'y en a pas.
Un sourire se dessine sur mes lèvres à sa réponse. Évidemment. Je relève la tête pour croiser son regard et ce que je vois me donne le tournis. Hana a les joues roses, les lèvres gonflées et le voile de désir qui passe dans son regard rend ses yeux un peu plus foncés. Ses mains se pressent sur ma nuque, m'invitant à reposer mes lèvres sur les siennes, mais je remarque que quelque chose ne va pas.
Son regard se dérobe, et j'ai la sensation qu'elle cherche à alléger son esprit plutôt qu'à nourrir son cœur. Elle semble soudainement trop lourde dans mes bras, ses hanches trop froides contre moi et je lui pose la question qui semble se suspendre dans le silence :
— De quoi as-tu peur ?
Ses yeux fuient les miens, fixant un point invisible quelque part derrière mon épaule. Je la repose doucement au sol, sans pour autant retirer mes mains autour de sa taille.
Elle reste silencieuse, mais je vois sa gorge se nouer légèrement, comme si elle cherchait une réponse qu'elle n'osait pas formuler, ou qu'elle n'arrivait pas à ravaler.
— Je ne veux pas gâcher le moment...
Je sonde son visage, l'air inquiet.
— Ma chérie, tu ne gâches rien du tout. Je veux savoir ce qui te tracasse.
Elle baisse le regard, n'osant toujours pas me révéler le fond de sa pensée.
— Il n'y a rien qui me tracasse...
Menteuse.
Je glisse un doigt sous son menton pour relever doucement son visage.
— Ce matin, j'ai remarqué ton épuisement, puis tu as été tendue toute la soirée et maintenant tu m'embrasses pour me dire ensuite qu'on devrait arrêter.
En posant une main sur sa joue, je remarque qu'elle tremble.
— Tu peux me le dire. Je ne te ferai jamais de mal, tu m'entends ?
Des larmes perlent aux coins de ses yeux, mais Hana lève le regard pour les faire disparaître.
— Je ne veux pas que tout ça devienne compliqué.
Je comprends qu'elle fait allusion à nous.
« Nous ». Mais qu'est-ce que nous sommes, au juste ? Jusqu'à maintenant, nous faisions semblant de nous aimer en public. Mais ce qui est arrivé ce matin et à l'instant, c'était à l'abri des regards.
— Hana, rien n'est jamais simple, rétorqué-je avec douceur. Mais ça ne signifie pas que tu dois t'arrêter, que tu n'as pas le droit d'essayer.
Ses mains sont restées sur ma nuque, jouant délicatement avec mes cheveux. Mais son hésitation persiste, palpable, presque tangible.
— Est-ce que tu veux essayer, Hana ? Toi et moi, est-ce que tu souhaites nous donner une chance ?
Elle hoche faiblement la tête, en murmurant un « oui » presque inaudible.
— Oui, quoi ? Dis-le-moi.
— Oui, je veux essayer. Je veux nous donner une chance.
« Nous ».
Alors que je repose mes lèvres doucement sur les siennes, comme pour sceller la promesse que nous venons d'échanger, une porte s'ouvre brusquement dans mon dos.
Hana s'effraie, puis je manque de m'étouffer lorsqu'elle s'écrie :
—Suwon ? Qu'est-ce que tu fais là ?
N.-B :
¹ : Le jeu « 3-6-9 » est un jeu coréen où les joueurs comptent à tour de rôle, mais doivent taper dans leurs mains au lieu de dire les chiffres contenant 3, 6 ou 9, sous peine de devoir boire en cas d'erreur.
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