2,
𝐒𝐞𝐨𝐣𝐮𝐧
La nuit est tombée depuis un moment, et la pluie a enfin cessé. Confortablement assis sur le canapé, je regarde le film que j'ai sélectionné sans vraiment suivre le fil de l'histoire. Mes yeux vagabondent dans le salon, évitant l'écran.
Ils passent en revue ses trophées de danse avant de se poser sur un cadre photo où figure Hana enfant avec ses parents. Cette image me ramène inévitablement à l'idée qu'elle a eu une enfance compliquée.
Son sourire, qui plisse ses yeux ronds en croissants de lune, n'est qu'un sourire forcé. Elle devait avoir douze ou treize ans à l'époque, probablement ses premières années au collège, qui furent ses pires années scolaires.
Je me rappelle qu'elle m'a aussi parlé de ses études supérieures, qui n'ont pas été une partie de plaisir non plus. Comment un sourire si chaleureux peut-il être un mensonge ? Il semble si vrai.
Son bonheur paraît si sincère que j'ai presque l'impression d'entendre des bribes de son rire à travers la photo, si je tends l'oreille. Mais non. Ce sourire n'est qu'un masque.
Je ferme les yeux un instant avant de reporter mon attention sur le film, qui semble toucher à sa fin. La chienne de Hana frotte frénétiquement sa truffe contre mon genou, probablement en quête de caresses que je lui offre sans hésiter.
— Comment elle s'appelle déjà ? demandé-je.
Aucune réponse. Je tourne la tête vers Hana et découvre qu'elle s'est endormie. Ça ne m'étonne pas. Elle tenait à peine debout en sortant du studio, et je l'ai vue piquer du nez à plusieurs reprises pendant que nous attendions nos commandes.
Mon regard s'attarde sur son visage : ses mains serrent le plaid qui couvre ses jambes, comme si elle craignait qu'il s'envole. Sa respiration régulière, ses pommettes rosies et ses lèvres légèrement entrouvertes dégagent une sérénité désarmante. Hana endormie est l'incarnation de la paix.
Et cela me fait sourire. Parce que je sais qu'elle souffre. Je sais qu'elle angoisse pour une multitude de choses et qu'elle se sous-estime constamment. Mais elle ne voit pas son propre potentiel. Elle ignore jusqu'où elle pourrait briller.
Je tends la main pour dégager une mèche qui lui barre le visage et caresse sa joue du pouce, cette joue qui a accueilli tant de larmes au fil des années. Et soudain, je me demande ce que je peux encore lui offrir pour l'aider. Une chose est sûre : je ferai de mon mieux pour qu'elle se reconstruise.
— Je te le promets, murmuré-je en passant ma main sur le sommet de sa tête.
Si ses cicatrices ne s'effacent pas, j'y dessinerai des étoiles pour apaiser ses souffrances. Si ses douleurs persistent, je les banderai avec des mots qui raviveront sa passion. Je ferai tout pour l'aider, parce que je n'ai pas pu le faire pour mon frère.
Cette pensée me noue la gorge. Je déglutis en caressant Hana du regard, avant d'éteindre la télévision, de débarrasser la table basse encombrée de restes et d'emballages, et de me tourner à nouveau vers elle.
Je me demande longuement si je devrais la déplacer dans son lit. Le problème, c'est que je ne connais pas son appartement et j'ignore où se trouve sa chambre. Mais je sais qu'une nuit sur le canapé n'est pas ce dont son corps a besoin.
OK, elle ne dormira pas ici, conclus-je en la regardant une dernière fois.
Avec précaution, je repousse le plaid qui la recouvre et glisse une main sous ses jambes, l'autre dans son dos, pour la soulever. Comme si elle en avait conscience, elle niche sa tête contre mon torse et passe un bras autour de ma nuque.
— Où est ta chambre ? demandé-je doucement.
Un petit gémissement réveille ses cordes vocales, et elle murmure :
— Premier étage.
Son souffle me chatouille le cou.
— À droite, ajoute-t-elle d'une voix enrouée, preuve qu'elle dormait profondément.
Je m'en veux de l'avoir réveillée, mais son corps me remerciera demain.
Une fois en haut des marches, je pousse la première porte sur la droite et pousse un soupir de soulagement en découvrant sa chambre. D'un geste calculé, j'allume la lumière avec mon épaule, évitant de trop la bouger, puis je la glisse sous ses draps.
Elle pousse un soupir de réconfort, un sourire flottant sur ses lèvres.
— Merci, murmure-t-elle en gardant les yeux fermés.
Sa main vient se poser sur la mienne, serrant doucement mes doigts entre les siens.
— Pour tout.
Je lui rends cette timide étreinte, me demandant si elle est consciente de ce geste ou si c'est simplement sa reconnaissance qui parle. Puis je quitte sa chambre, soulagé de la voir retomber dans le sommeil.
Avant de partir, j'écris un mot sur un post-it pour lui dire que je viendrai la chercher demain matin, puisqu'elle a laissé sa voiture sur le parking du studio. J'envoie également un texto à Frédéric pour le prévenir qu'il n'a pas besoin de s'en occuper.
Avoir un garde du corps est déjà suffisamment pesant ; je préfère qu'Hana soit épargnée de cette charge supplémentaire.
Après avoir éteint les lumières et fermé la porte derrière moi, je rentre chez moi.
Une demi-heure plus tard, à peine ai-je retiré mes chaussures que mon téléphone sonne. C'est un appel de Su-ah. Intrigué, je décroche.
— Si tu as des insomnies et que tu penses que je vais te chanter une berceuse, je...
— Seojun, halète-t-elle. Les paparazzis !
Je fronce les sourcils, active le haut-parleur et commence à retirer ma veste.
— Qu'est-ce qu'il y a avec eux ?
Sa voix trahit une panique que je m'efforce de ne pas partager, bien qu'un mauvais pressentiment m'envahisse.
— Regarde la photo que je viens de t'envoyer. Oh là là... j'espère qu'elle ne la verra pas..., murmure-t-elle comme pour elle-même.
Je déverrouille mon téléphone et ouvre la notification. Mon cœur se serre en découvrant l'image.
— Merde...
Je serre mon téléphone si fort que je suis surpris qu'il ne se casse pas. Ce n'est pas une photo ordinaire. Ce ne sont pas non plus des paparazzis professionnels. Non, il s'agit de fans intrusifs, de ceux qui se nourrissent de scandales et cherchent à briser ce qu'ils prétendent admirer. Des fans toxiques, capables de louer mes chansons tout en détruisant mon nom dans les commentaires. Les mêmes qui ont poussé mon frère au bord du gouffre.
Et la photo... elle est bien trop précise. On y voit tout, malgré l'obscurité : moi, aux côtés d'Hana, devant son appartement. Pire encore, l'adresse est lisible.
— Ils connaissent son adresse, confirme Su-ah d'une voix tremblante, comme si je n'avais pas saisi l'ampleur de la situation.
Je serre les dents et lui dis que je dois raccrocher. Je passe immédiatement un appel à Frédéric, ignorant les appels entrants de Yoo-Joon, de Suwon, et même un message de Misul.
— Frédéric, j'écoute, répond-il calmement.
— C'est Seojun. On a été pris en photo, Hana et moi.
Il soupire, et je n'arrive pas à savoir si c'est un rire nerveux ou de la lassitude.
— Ce sont des choses qui arrivent, Seojun. Ce n'est pas...
— Devant son appartement, je le coupe. Son adresse est partout sur le net.
Un juron fuse de l'autre côté de la ligne, suivi du bruit d'un moteur qui démarre.
— Je suis à cinq minutes de chez elle, dit-il. Je ne voulais pas m'éloigner trop, même après ton message.
Je me passe une main sur le visage.
— Séoul est immense, dis-je d'un ton lourd. Je ne sais pas combien de fans vivent à deux pas de chez Hana, ni s'ils sont assez mal intentionnés pour aller l'importuner...
Cette fois, Frédéric rit doucement, sans joie.
— Les fans se moquent bien de la politesse, explique-t-il. Quand ils imaginent que le moment le plus marquant de leur vie sera d'aller chez la danseuse de Min Seojun, ils perdent toute logique. Vous êtes comme des étoiles : ils ne supportent pas de ne vous voir que de loin. Connaître une information comme son adresse leur semble plus important qu'une vérité biblique.
Ses mots me laissent un goût amer. Tous mes efforts pour protéger Hana me semblent soudain vains.
Mon téléphone vibre. Un message de Suwon, visiblement pressé.
Suwon : C'est le moment. Dès demain, je veux que ce soit fait, s'il te plaît. Pense à son bien...
Non, non, non. Qu'est-ce qu'il veut dire par là ?
— Frédéric, que peut-on faire ? demandai-je, désespéré.
Je ne cache plus l'angoisse dans ma voix. Si Hana voit cette photo, si quelqu'un se rend chez elle, si elle est agressée... Je serre les poings, envahi par une prière silencieuse. Je ne me le pardonnerai jamais.
— Seojun, tu m'écoutes ? me coupe Frederic. Je suis devant chez elle et il n'y a pas un chat. Je resterai ici toute la nuit. Appelle mon agent pour qu'il fasse supprimer ces photos d'internet. Malheureusement, je doute qu'il puisse stopper toutes les informations qui circulent...
— Es-tu sûr qu'elle est en sécurité ?
Je l'entends soupirer. Cette fois, son désespoir est palpable.
— Oui, Seojun, Hana est en sécurité. Je suis devant chez elle et je surveillerai son appartement jusqu'à ce que tu viennes la récupérer demain matin. J'ai les écrans des caméras de surveillance sous les yeux. Tout est en direct.
Je le remercie, tout en maudissant intérieurement cette ironie : avoir des fans n'est pas toujours une bénédiction.
— Ce ne sont pas des fans, dans ces cas-là, ajoute-t-il. Les vrais admirateurs vous poussent à avancer, à surmonter vos peurs, et surtout, ils respectent vos choix.
Je pince l'arête de mon nez en rappelant qu'internet ne se limite pas à mes fans et qu'il y a des gens malveillants partout.
— Alors je me comporterai comme un garde du corps, répond-il platement. Fais-moi confiance, je suis préparé à ce genre de situation.
J'acquiesce, mais me rends compte qu'il ne peut pas me voir. Je m'empresse de lui dire qu'il a raison. Nous restons encore quelques minutes au téléphone pour nous assurer que tout va bien. Finalement, Frederic insiste pour que je raccroche et me repose.
Je ne réponds ni aux appels manqués ni aux messages reçus et vais directement me coucher, laissant mon téléphone allumé, au cas où Frederic ou Hana m'appellerait dans la nuit. Mais le sommeil me fuit. Étonnamment, malgré le tumulte des événements, je trouve de l'inspiration.
M'installant à mon bureau, je griffonne quelques phrases musicales qui deviennent une strophe, puis un refrain, et enfin une chanson entière. Je finis par m'endormir, la tête posée sur ma table de travail.
★★★
Je suis réveillé par les rayons du soleil chatouillant mes paupières et réchauffant mon visage. En me redressant, je découvre ma feuille de brouillon collée à ma joue. Mes muscles protestent après une nuit passée dans une position inconfortable.
Je dois avoir dormi quatre heures, peut-être moins. La journée promet d'être longue et stressante. Après une séance d'étirements et une douche chaude pour apaiser mes courbatures, je me réconforte avec un café.
Quand j'allume mon téléphone, une avalanche de notifications m'attend. Heureusement, aucun message de Frederic ou Hana, ce qui m'apaise un peu. Parmi les messages, celui de Minjae, mon nouveau manager, attire mon attention :
Minjae : Je pense que tu es au courant de la photo qui circule de ta copine et toi sur internet. Mais tu devrais voir celle-ci :
Sous le message, une photo d'Hana apparaît, prise au flash pendant l'une de ses promenades nocturnes avec son chien. Mon sang se glace en réalisant qu'elle était déjà ciblée avant même que cette histoire de fausse relation n'éclate.
Maintenant qu'internet connaît son adresse, Hana ne peut plus rester seule chez elle tant qu'une solution n'aura pas été trouvée. Je remercie Minjae pour l'information et quitte rapidement mon appartement pour rejoindre Hana.
Sur le trajet, je me débats avec un dilemme : dois-je lui parler de cette photo ou lui épargner ce stress supplémentaire ? Ses proches ou les autres danseurs de l'agence risquent de lui en parler, alors je décide de lui révéler la vérité moi-même.
Je me gare devant son immeuble et aperçois la voiture de Frederic de l'autre côté de la rue. Hana met un moment à ouvrir la porte, mais finalement, elle apparaît au moment où je sors mon téléphone.
— Salut, dit-elle doucement. Désolée, je n'avais pas entendu.
Elle se masse la nuque, m'expliquant que c'est sa chienne qui l'a alertée de ma présence. L'animal me renifle curieusement en entrant.
— Heureusement qu'elle est là, plaisanté-je en caressant sa petite tête poilue.
— Tu veux boire quelque chose pendant que je prépare mes affaires ?
Je décline poliment et lui demande si elle a mangé.
— Oui.
— Menteuse.
Elle grimace en mettant des affaires dans son sac de sport.
— Tu ne peux pas danser jusqu'à midi sans rien dans le ventre, Hana. Tu le sais mieux que personne.
— Alors j'emporte un yaourt et un fruit que je mangerai dans ta voiture, et je mets une barre de céréales dans mon sac, au cas où.
Elle me montre la barre avant de la jeter dans son sac.
— Bien, mais pense à manger la prochaine fois. Je ne veux pas avoir à te surveiller pour ça.
Rougissante, Hana murmure qu'elle prend habituellement un petit-déjeuner, mais j'ai du mal à la croire. Elle grignote souvent en arrivant.
Dans la voiture, la chaleur m'oblige à allumer la climatisation. Hana, elle, choisit une musique pour le trajet : ma toute première chanson. Une vague de nostalgie m'envahit.
— Celle-ci est sublime, confie-t-elle en croquant dans sa pomme. Tes amis doivent être géniaux.
Comme si elle les avait invoqués, Misul m'appelle via le Bluetooth.
— Tu veux décrocher ? demande Hana.
J'acquiesce, certain que Misul saura rester discret.
— Oui, merci.
Hana décroche et répond avec une voix amusée :
— Secrétaire personnelle de Min Seojun, que puis-je pour vous ?
Je ris en imaginant l'expression incrédule de Misul.
— Quoi ? C'est quoi, ces conneries ? grogne-t-il.
Hana et moi éclatons de rire.
— Très drôle, lâche-t-il sarcastiquement.
— Désolé, la chaleur nous monte à la tête.
— Bon courage. Il n'est que huit heures du matin, badine Misul. Je t'appelle pour savoir si tout va bien ? Comme tu n'as pas répondu à mes mess...
— Fait pas l'idiot, tranchais-je, bien sûr que ça va. Le problème sera réglé rapidement, j'espère !
Je déglutis en espérant qu'il ne l'annonce pas devant Hana avant que j'aie pu le faire.
— OK, c'est ce que je voulais savoir. Ah et Hana ?
Cette dernière se tend sur son siège, mais articule tout de même :
— Euh... Oui ?
— Hâte de faire ta connaissance.
_________________Petite surprise pour m'excuser du retard_________________ ><;
PS : Venez me rejoindre sur instagram -> sepia.flower
À la semaine prochaine !
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