2,
𝐒𝐞𝐨𝐣𝐮𝐧
J'ai déposé Hana chez Jiny pour qu'elle puisse récupérer sa voiture après notre petit-déjeuner tardif. Pour être honnête (et ça me fait du mal de l'admettre) j'ai passé un bon moment avec elle. On ne le croirait pas comme ça, mais en dehors de ses crises d'angoisses elle est rayonnante. Si on me demande où se trouve la lumière, je la pointerais du bout du doigt.
De ses fredonnements à son sourire, elle pourrait rivaliser avec le soleil. Je pourrais presque oublier l'état dans lequel je l'ai ramené chez moi hier soir. Beaucoup d'autres seraient encore en train de se lamenter sur leur sort.
Mais Hana s'est relevée. Elle a placé ça derrière elle comme un vulgaire souvenir. C'est comme si une corde la liait avec le futur, l'obligeant à regarder vers l'avant constamment.
Tout mon habitacle est imprégné de son odeur. Je croirais même qu'elle n'est jamais descendue de la voiture. J'imagine que chez moi, ce doit être pire. Hana a dormi dans mes draps, a utilisé ma douche, a enfilé mon t-shirt.
Elle a le don de rester toujours dans ma tête, que je la déteste ou pas, l'effet est le même. Pour me la sortir de la tête, je ne rentre pas directement. Yoo-Joon m'a appelé en urgence ce matin, mais je ne lui ai pas répondu (trop occupé avec Hana) alors je décide de passer le voir. Il se trouve à l'agence, au dernier étage.
Je gare ma voiture et prend directement l'ascenseur du parking qui me mène jusqu'à Yoo-Joon.
Les bureaux ne sont pas ouverts le samedi, mais il y a une bonne dizaine de personnes. Je salue brièvement la foule en reconnaissant quelques visages.
J'ai droit à des félicitations pour la sortie de mon premier clip qui – d'après eux – a éveillé quelque chose en mes fans.
— Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Demandais-je finalement en les regardant à tour de rôle.
Mon manager me rejoint dans le couloir et intime tout le monde à prendre place dans la grande salle. Je réfléchis à la chanson de mon dernier clip, je ne parle pourtant que de ma solitude...
— Quelqu'un peut-il m'expliquer ce qu'il se passe ? Ce n'est pas la première fois que je sors un clip qui plait aux fans.
J'ai droit à un rire de Yoo-Joon. Su-ah et James sont là également.
— Ce n'est pas le clip qui plaît aux fans, petit, raille un manager, c'est la fille.
— L'américaine, renchérit une femme au blazer blanc cassé. Les fans semblent l'adorer.
Moi aussi, me dis-je en sentant mon torse se bomber alors qu'ils ne parlent pas de moi.
— Et ils en veulent plus avec elle.
— Et donc ? Vous allez me demander de faire semblant de sortir avec elle pour rapporter plus d'argent ?
Ma question est idiote, mais je ressens tout de même une pointe de désir. Yoo-Joon remu la tête. Cette fois il me répond :
— Oh non, certains d'eux la détesteraient s'ils apprennent que tu n'es plus célibataire. Disons qu'ils veulent juste... du changement.
Voyant que je ne saisis pas entièrement ce qu'ils essaient de me faire comprendre, James décide de m'éclairer :
— L'équipe d'enregistrement a lu tes chansons. Ils disent que tu parles de quelqu'un en particulier. Les fans le pensent aussi et ça semble les exciter.
Je commence à saisir ma bêtise. Oui, j'écris uniquement et seulement ce qu'il se trouve dans mon cœur. J'ai peut-être enfin réussi à me faire comprendre.
Peut-être trop.
— Hana devrait être ta muse.
Elle l'est déjà, mais ça je ne le dis pas. Personne ne doit savoir de qui je parle dans mes chansons. Certains pensent même que je m'inspire de la vie des autres.
— Que veux-tu dire par là, James ?
Il se frotte les mains, heureux que je pose la question.
— Hana est une excellente danseuse, Su-ah peut le confirmer (celle-ci hoche fièrement la tête) elle est l'une des seules où l'on ressent des choses qu'on ne pensait pas ressentir. Vous deux, vous êtes compatibles et tout le monde dans cette pièce est d'accord avec moi pour dire que vous devriez travailler ensemble.
Un frisson me parcourt. Je suis heureux d'avoir mis une casquette parce que je suis certain d'avoir le bout des oreilles rouge. Affalé sur mon siège, j'essaie de paraître détendu. L'univers semble vouloir me rapprocher d'elle alors que j'étais censé la détester.
D'abord Suwon qui me dit de prendre soin d'elle, ensuite Hana qui me demande d'être son ami (si je refusais je ferais parti du même sac que ses harceleurs et c'est hors de question) et maintenant mon manager et toute sa clique qui veulent que je travaille plus avec elle.
Autrefois, nous étions aussi loin que la lune et le soleil, maintenant nous sommes aussi proches que des aimants. Ce n'est pas pour me déplaire, loin de là. C'est juste qu'instaurer de la distance entre elle et moi était une idée de ma part afin de ne pas souffrir.
Depuis le départ de mon frère, je ne voulais plus faire entrer de personnes dans mon cœur. Mais Hana est arrivée aussi brutalement que l'orage, ne me laissant pas le temps de m'abriter.
— Tu entends quoi par « plus travailler ensemble » ? On laisse tomber les autres danseurs ? Dis-je.
James répond par la négative.
— Nous avons sélectionnés quelques sons où nous pensions qu'un duo serait mieux que toute une troupe de danseurs. Le metteur en scène a déjà des idées pour les clips et Su-ah et moi pour la chorégraphie.
Si ce n'est que ça...
— Il nous faut l'accord d'Hana, poursuis Su-ah. Ce changement risquerait de la projeter vers l'avant plus vite que prévu et je connais très bien Hana pour savoir qu'elle aura du mal à s'y habituer.
— Et si elle refuse ? m'entends-je demander nerveusement.
James hausse les sourcils.
— Oh, mais elle ne refusera pas.
— On va d'abord commencer à la placer devant dans le prochain clip.
— J'ai oublié, ce sera quelle chanson ?
James interroge Yoo-Joon du regard qui consulte brièvement son agenda.
— Vous commencez à danser sur « The Way I Hate You »
Ah. C'est la première chanson que j'ai écrite sur elle. J'en suis peu fière, mais je le pense toujours. Détester est plus facile qu'aimer. Moins douloureux.
— La chorégraphie doit être fini jeudi. Nous tournerons le clip vendredi, assène la femme au blazer.
J'ignore son nom, mais elle doit faire partie de l'équipe qui filme puisque je l'ai vu sur le tournage la semaine dernière.
— On a du pain sur la planche, je marmonne.
— Pas vraiment, dit James. Les danseurs sont doués, la chorégraphie ne devrait pas poser de problème et le temps qui nous ait accordé est parfait.
J'acquiesce, mais je ne parlais pas de cela quand je disais qu'on avait du travail. Enfin, j'ai du travail. Les prochains jours à venir, je passerais la plupart de mon temps avec Hana.
Je ne suis plus censé la détester puisque nous avons convenus de devenir ami, j'en suis conscient, mais ça ne change pas le fait que je reste toujours sur mes gardes.
On ne change pas en un claquement de doigts et j'ai bien peur que l'étiquette du salaud ne se décollera pas de sitôt. Les semaines à venir seront mouvementés...
— Quand sera-t-elle mise au courant ?
— Je l'appellerai lundi, répond Su-ah.
Un silence s'installe, marquant la fin de cette entrevue. Yoo-Joon tape dans ses mains puis se relève de son siège.
— Bien, merci à tous d'être venu. Notre star internationale a des chansons à nous pondre et ça ne va pas se faire si on l'en empêche.
Je lève les yeux au ciel pendant que tout le monde quitte la pièce. Rapidement, je me retrouve seul avec Su-ah qui m'analyse du regard.
— Qu'est-ce que tu as ?
Elle hausse les épaules, pas moins gênée de me fixer du regard.
— Je sais quel genre de personne tu es, Seojun et par ce quoi tu es passé. Je sais aussi qui est Hana alors fais attention où tu mets les pieds, mon grand. Ça pourrait être dangereux.
A son tour, elle se lève et se dirige vers la sortie. Avant de me quitter elle ajoute :
— N'oublie pas que c'est la muse qui fournit l'histoire au poète.
★★★
Mardi arrive plus vite que je ne le pensais. J'ai passé mon week-end à rédiger, composer et à me vider l'esprit dans ma salle de sport. Ayant été en retard pour mon nouvel album, me voilà pile dans les temps.
J'arrive au studio sur les coups de huit heures et décide de me faire couler un café étant donné que les cours ne commencent pas avant une heure.
Je ne fais que penser à Hana et à l'idée pittoresque de la proposition qu'à dû lui poser Su-ah hier. Une part en moi espère qu'elle a refusé, même si j'en serais très déçu. Je ferme les yeux pour chasser ce sentiment et bois une gorgée brûlante de mon café.
— Arg, trop chaud et trop amer, râlais-je en le versant dans l'évier du réfectoire.
— Il n'y a pas plus infect que les cafés de la machine !
Je me retourne et mon cœur se sert à la vue d'Hana. Elle porte un legging vert foncé et un t-shirt assorti. Dans ses mains, elle tient un carton contenant trois grands gobelets.
— Qu'est-ce que tu fais là ?
Elle me fixe en rétorquant :
— Bah, je viens danser.
— Mais tu as une heure d'avance, dis-je. Je t'ai manqué, chérie ?
Hana rougit mais ne se laisse pas intimider par mon comportement puéril. Ses épaules s'affaissent quand elle confie :
— J'ai passé un week-end horrible...
— Je savais que tu aurais dû rester avec moi, plaisantais-je.
Elle me foudroie du regard et je comprends qu'elle était sérieuse.
— Que s'est-il passé ?
Elle s'installe sur une chaise haute du comptoir et je repense soudainement à la nuit où j'ai voulu embrasser Hana.
— J'ai été malade tout le week-end... Mes excès de vendredi ont eu raison de moi.
Cette fois, je pense sérieusement qu'elle aurait dû rester chez moi. Hana se mord nerveusement les lèvres en enchaînant :
— Puis j'ai eu une coupure de courant, donc j'ai dû passer le reste du week-end chez mes parents.
— Tu ne t'entends pas avec eux ? Demandais-je d'une curiosité qui me surprend.
— Oh si, si ! C'est juste qu'ils... sont tout le temps sur mon dos.
Une lueur de détresse vrille dans son regard, mais Hana se reprend rapidement.
— Enfin bref. Tu devrais goûter ce café ! Le meilleur de Séoul, jure-t-elle.
Elle me tend un gobelet, puis saisis le sien.
— Et toi, qu'est-ce que tu bois ?
Elle secoue frénétiquement sa boisson, faisant claquer les glaçons entre eux :
— Un jus de fruits ! Et ça c'est un milkshake aux fraises pour Jiny, dit-elle en désignant le troisième gobelet. Pour la remercier de m'avoir offert la robe.
Je souris en rétorquant :
— Et le café c'est pour me remercier de t'avoir vêtue, samedi ?
Je m'attendais à ce qu'elle lève les yeux au ciel, mais sa réaction me surprend.
— Si je devais te remercier en café pour tout ce que tu as fait, il vaudrait mieux que je t'achète une machine. Ce serait plus simple.
J'essaie de ne pas regarder ses lèvres quand elle boit une gorgée de son jus. Heureusement, elle se détourne et met le milkshake au frais.
— Sinon... Su-ah t'a parlé de la nouveauté ?
— Ah, dit brusquement Hana. Ouais...
— Tu n'es pas contente ?
— Si ! Bien sûr que si, je n'ai jamais autant rêvé une chose pareille...
Des étoiles pétillent dans ses yeux quand ils croisent les miens, je sens cependant qu'elle ne me dit pas tout. Je creuse :
— Mais ?
— Mais je ne m'y attendais pas. Vraiment pas. On m'harcelait principalement pour mon physique, alors entendre Su-ah me dire que les fans m'adorent... Je n'ose même plus ouvrir les réseaux sociaux, rit-elle nerveusement.
Je pose ma paume sur ses mains tremblante en la rassurant :
— Moi ça ne m'a pas étonné.
Et je suis honnête. S'il y a bien une personne que nous remarquons plus qu'une autre c'est Hana. Elle dégage quelque chose de captivant, de vital. C'est ce petit quelque chose qui ne cesse de m'attirer à elle. Qui me donne envie de la connaître.
— C'est vrai ? Bégaie-t-elle.
Je lui présente un sourire rassurant en taquinant :
— Es-tu en train d'insinuer que je ne connais pas les goûts de mes fans ?
Elle prend un air offusqué.
— Attends, parce que tu as des fans ?
J'éclate de rire, rapidement rejoint par celui d'Hana.
Son rire est le son le plus joyeux que j'ai pu entendre, parce qu'Hana connaît la véritable joie. Tous ceux qui ont souffert connaissant cette joie.
Moi le premier.
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