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𝐇𝐚𝐧𝐚 ³ ⁶⁶⁷
J'ai passé mon week-end à dormir et à enchaîner les Sexy Dance qui passaient à la télé, sur une chaîne américaine. Le stress des auditions est redescendu et c'est ce qui m'a le plus fatiguée. J'ai eu des tonnes de mails de l'agence de Seojun, probablement nos plannings, nos contrats, les règlements intérieurs, mais je n'ai pas eu envie de me prendre la tête avec toute cette paperasse. Puisque le lundi est notre jour de repos (bon, j'ai vu dans un des mails que le lundi était consacré au renforcement musculaire, mais je n'ai pas eu envie de sortir de mon canapé), j'en ai profité pour inviter Suwon et mes parents à la maison pour leur annoncer la nouvelle. C'était dur de ne rien dire, mais je tenais à me reposer avant toute chose. J'espère qu'ils ne m'en veulent pas, en général ce genre de nouvelle ne se garde pas aussi longtemps. Il est 19 h passées quand mes parents sonnent à la porte. Ellie aboie – comme à son habitude – et mon père ne cesse de lui faire des caresses.
— Comment tu vas, ma puce ? demande maman en m'enlaçant.
— Super ! Je crois que je n'ai jamais autant dormi en deux jours.
— Toi aussi tu hibernes ? dit papa en laissant Ellie lui lécher le visage.
— Oh, chéri, c'est dégoûtant ! s'exclame maman.
Je me moque en me dirigeant vers la cuisine. Comme je ne suis pas une grande cuisto, j'ai décidé de faire des burgers maison et des pommes de terre sautées. Un plat typique d'une Américaine, me dis-je. Tout étant prêt, je dois juste mettre la table.
— Suwon vient aussi ?
Pour confirmer la question de maman, la porte d'entrée s'ouvre sur lui. Il retire ses chaussures avant de faire une accolade virile à mon père.
— Dis donc, je vais me sentir exclu ce soir avec tous ces Américains autour de la table, plaisante papa.
— Ha, ha, très drôle, répond Suwon d'un rire forcé, comme d'habitude, quoi !
Maman m'aide à finir de mettre la table pendant que je dresse les assiettes. Derrière moi, Suwon plante un doigt dans mes côtes et je m'exclame :
— Hé ! Arrête !
Il se marre avec papa, puis je les rejoins aussi. Ça me fait du bien de rire et je suis contente que Suwon agisse normalement avec moi. Nous ne nous sommes plus reparlés depuis notre engueulade, vendredi.
— Comment va mon Américaine préférée ? demande-t-il en piquant un concombre.
— Bof, feignis-je. Installez-vous, je dois vous annoncer quelque chose.
Je me mords les joues pour ne pas sourire. Aussitôt, tout le monde est à table, servi.
— Merci d'être venus, dis-je, je suis contente de vous voir...
— Allez, crache le morceau, me presse Suwon.
— Ok, ok ! Désolée de vous le dire comme ça, mais j'aurai moins de temps à vous accorder parce que j'ai été prise aux auditions !
Papa et maman hurlent de joie et Suwon se lève pour me prendre dans ses bras. Il me serre si fort que mes pieds ne touchent plus le sol. Je ris aux éclats, heureuse de pouvoir enfin partager une si bonne nouvelle.
— Pour être honnête, on le savait déjà, dit papa.
Maman lui donne un coup dans l'épaule et je m'empresse de dire :
— Ouais, je m'en doutais.
— On ne fait pas des hamburgers pour rien, informe Suwon en croquant dans le sien.
Je me penche vers lui pour lui demander :
— Tu as mis du temps à venir, comment ça se fait ? D'habitude tu es toujours là avant mes parents...
Il mâche longuement avant de me répondre :
— J'étais chez un ami... Mais, je ne sais pas, j'ai l'impression qu'il me cache quelque chose. Sinon, tu es prête pour demain ?
Avec ma fourchette, je pique dans un quart de pomme de terre et le trempe dans ma mayonnaise.
— Ouais, j'avoue être un peu stressée !
— C'est normal, chérie. Qui ne serait pas angoissé de danser pour Min Seojun !
Je lève les yeux au ciel, me retenant de leur dire qu'il a l'air d'avoir un sale caractère.
— Attendez, quoi ? Min Seojun ?
Surprise qu'il ne le sache pas, je me tourne vers Suwon en l'interrogeant du regard.
— Tu n'étais pas au courant ? Je pensais te l'avoir dit...
— Ouah, euh... Non, je ne savais pas. Mais c'est cool, c'est un chic type, tu verras !
J'éclate de rire.
— Pourquoi, c'est ton meilleur ami ? dit papa en s'esclaffant aussi.
Nous rions pendant un si long moment que je dois me ressaisir pour retrouver de l'oxygène. Papa essuie une larme de joie au coin de son œil pendant que maman nous toise d'un sourire moqueur.
— Je ne savais pas que tu connaissais ce chanteur, dis-je. Je ne l'ai jamais vu dans ta playlist.
— Ouais, mais il passe souvent à la radio. Et puis, tout le monde le connaît.
— Eh bien, pas moi, apparemment... Enfin, maintenant si. Quoique, je ne le connais pas aussi bien que je le devrais.
★★★
Comme à mon habitude, je me lève avant que mon réveil ne sonne. Je suis sortie courir avec Ellie, heureuse que le monde ne soit pas encore réveillé, puis j'ai commencé à avoir la boule au ventre sous la douche. J'ai pris mon petit-déjeuner en notant la date du jour dans mon carnet. Comme j'avais du temps devant moi, j'ai allumé mon ordinateur portable pour prendre connaissance des mails envoyés par le manager ce week-end. J'imprime mon planning et blêmis lorsque j'en prends connaissance. Ouah, c'est du sérieux. Puis je souris, parce que le temps que je vais passer au studio, c'est du temps en moins que je passerai à me morfondre chez moi. Mon esprit va bien être occupé, j'espère cependant pouvoir tenir le coup d'être toujours en compagnie d'autres personnes. Ensuite, je signe une charte de confidentialité et lis le protocole.
Cette fois, je blêmis définitivement en lisant que l'on va devoir accompagner Seojun en tournée... mondiale ! Je compose le numéro de Su-ah, qui répond au bout de la deuxième sonnerie.
— C'est la première fois que tu m'appelles aussi tôt, dit-elle.
Je remarque qu'il n'est que 7 h, mais ne m'excuse pas pour autant.
— Tu savais qu'en plus de danser pour ses nouveaux clips, on va devoir l'accompagner en tournée ?
Son silence me confirme qu'elle le savait. Je pique un fard en lui disant :
— Pourquoi ne me l'as-tu pas dit ?
— Est-ce que ça aurait changé quelque chose, Hana ?
— Oui, je n'aurais évidemment pas participé à cette audition !
— C'est exactement pour ça que je n'ai rien dit. Hana... Si tu veux briller, tu ne peux pas rester indéfiniment dans l'ombre.
— Je sais danser devant un public, pas devant le monde entier ! Su-ah, il y a des milliers de personnes à ce genre de concert... Je ne pense pas pouvoir y arriver.
— Ah non, non, non, s'exclame-t-elle. Tu ne vas pas commencer à te décourager alors que tu n'as même pas encore commencé ! Je te l'interdis, Hana ! Et puis, Seojun n'a même pas encore terminé son album, la tournée sera dans longtemps. Pour l'instant, vous allez vous concentrer sur les musiques qu'il a déjà sorties pour en faire un clip.
Pendant qu'elle parle, je regarde ma case journalière n° 3 668 en me disant que je n'arriverai jamais à surmonter cette journée.
— Allez ma grande, montre-nous ce que tu as dans le ventre !
— Ouais... dis-je sans conviction, ça va être long.
— Si je t'ai inscrite à ces auditions, c'est parce que je sais que tu peux le faire. N'oublie pas que pour réussir, il faut essayer.
Nous raccrochons, je termine de remplir les derniers documents et file au studio en m'assurant qu'Ellie ne manque de rien.
★★★
— C'est immense ! s'exclame Jiny, qui est arrivé en même temps que moi.
Nous attendons le reste de notre équipe sur le parking, et je crois que Jiny fait partie des gens qui ne s'arrêtent plus de parler à cause du stress.
— Hé ! Calme-toi, lui intimé-je. Respire profondément, ça va aller.
Je suis persuadée d'avoir également parlé pour moi-même. Oui, ça va aller...
— Oh, ce n'est pas Lee et sa sœur qui viennent d'arriver ?
Mon regard se pose sur la voiture qui se gare juste à côté de la mienne. Lin est au volant, tandis que Lee semble occupé sur son téléphone. Lorsqu'ils sortent de l'habitacle, Lin nous ignore, mais Lee nous salue chaleureusement.
— Salut, vous allez bien ?
— Super, et toi ? répond Jiny en entortillant une mèche de ses cheveux autour de son index.
— Un peu stressé, avoue-t-il.
Nous sommes rejoints par Jun-oh, qui s'empresse de rassurer :
— Ce n'est plus le moment de paniquer, les amis. On est des élus, maintenant !
Les amis, jamais je n'aurais cru entendre ça un jour. J'espère que c'est sincère. Que nous sommes vraiment amis.
Nous nous dirigeons tous ensemble vers l'accueil, où une femme vêtue d'une jupe crayon et d'une chemise portant un badge au nom de « Mme Yujin » nous explique que nous sommes censés nous enregistrer dans un carnet chaque fois que nous pénétrons dans le bâtiment. Elle précise que c'est interdit aux visiteurs et que c'est vers elle que nous devons nous diriger en cas d'imprévu ou d'absence. J'ai la soudaine impression de retourner à l'école.
La femme nous fait une visite des lieux. Le bâtiment est sur deux étages, le deuxième étant réservé aux bureaux, nous n'avons pas besoin de nous y rendre, sauf pour la paperasse. Les salles de sport sont au sous-sol, tandis que le studio d'enregistrement est au premier, ainsi que les salles de danse. Le hall est uniquement destiné à l'accueil et aux salles de pause. D'après notre escorte, c'est une ancienne école de danse classique, ce qui explique la beauté des lieux. Jiny est d'ailleurs fière lorsqu'elle lui dit qu'elle a fait Le Lac des cygnes.
— Ça va, arrête de frimer, la taquine Lee.
Nous montons au deuxième en nous dirigeant directement vers notre salle de danse.
— C'est ici que vous vous entraînerez principalement. Si vous ressentez le besoin de danser en dehors des cours, ce sera dans la salle du fond.
Je contemple la pièce, le cœur battant la chamade. Il y a des barres d'échauffement et le miroir prend toute la longueur et la largeur des murs. Ici, je vais devoir confronter mon reflet de dos comme de face.
— Ah, et évitez de vous rendre au studio d'enregistrement. Seojun ne doit pas être dérangé.
Elle nous toise tous un à un avant de nous sourire chaleureusement. Elle a l'air d'être une femme sympathique, sauf qu'elle doit probablement exiger un minimum de respect de notre part, ce qui explique son côté froid.
— Avez-vous des questions ?
Un blanc s'installe avant que Jun-oh lève la main.
— Quels sont les horaires d'ouverture ?
— Le bâtiment est ouvert tous les jours de 5 h à 22 h, sauf pour les bureaux qui sont ouverts du lundi au vendredi de 9 h à 17 h. Vous pouvez venir vous entraîner du matin au soir, tant que vous respectez ces horaires et le règlement.
— Seojun est ici tous les jours ? demande Lin en papillonnant des cils.
— En dehors de ses rendez-vous, oui, Seojun passe la plupart de son temps ici.
La réponse de Mme Yujin semble satisfaire Lin.
— Il sera là aujourd'hui ?
Tout le monde se tourne vers moi, surpris. Je ferme brusquement la bouche, regrettant d'avoir posé cette question. Pour être honnête, mon cerveau ne m'a pas consulté avant de me faire parler.
— Non, il a un shooting pour son prochain album et en fin d'après-midi il assiste une seconde fois aux auditions.
J'ignore pourquoi, mais je suis déçue. Si j'ignore mon entrevue au restaurant vendredi soir, Seojun reste une bonne personne à mes yeux. J'aurais aimé pouvoir en connaître plus sur lui. Seulement pour confirmer mes doutes...
— Vous devriez vous échauffer, votre professeur de la matinée ne va pas tarder, informe Mme Yujin en jetant un coup d'œil à sa montre.
Après nous avoir souhaité la bienvenue, elle retourne à l'accueil. Nous commençons alors à nous échauffer et je préfère m'éloigner du groupe pour faire un point dans mon esprit. Je suis très tendue, il me faut du calme pour que je décompresse.
J'ai la tête sur les genoux au moment où Jun-oh s'installe à mes côtés.
— Salut, dit-il.
— Salut.
Je tends les jambes devant moi en attrapant les extrémités de mes orteils. Jun-oh fait pareil, mais son regard commence à me tendre davantage. Plus je l'ignore, moins il comprend qu'il me dérange. Au bout d'un moment, je lui fais face.
— Désolée, mais j'ai besoin d'espace quand je m'échauffe, expliqué-je.
Il sourit, mais ne bouge pas pour autant. Perdant patience, j'annonce en soufflant :
— Laisse tomber, je vais dans la salle d'à côté.
J'ignore ses commentaires et les questions des autres, mes oreilles sifflent et je dois presser le pas pour sortir de cette salle. Rapidement, je me retrouve dans le couloir. L'air frais me fait comprendre que j'avais cessé de respirer. Lorsque je me retourne, je bute sur quelqu'un :
— Un problème, mademoiselle ?
Un homme d'une trentaine d'années me fait face et attend une réponse.
— Désolée, dis-je, et euh... non, il n'y a aucun problème.
— Bien, alors entrez dans cette salle, nous allons commencer.
Je me retiens de me donner une claque en comprenant qu'il s'agit de notre chorégraphe. Étonnamment, cette entrevue a fait disparaître mon angoisse. Il est grand, fin, on devine facilement ses muscles sous son t-shirt. Il a les cheveux foncés et les yeux bleus. Il n'a pas l'air d'être coréen non plus, ce qui me rassure. J'ignore pourquoi, d'ailleurs.
La matinée se passe mal. Très mal. Je me retiens de pleurer à plusieurs reprises et notre chorégraphe m'a même mise à l'arrière en milieu de matinée. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive, mais j'ai l'impression de ne plus savoir danser. C'est certainement parce que je suis en groupe, puisque ces derniers temps je n'ai dansé qu'avec moi-même. Le miroir me déstabilise également. Pour une personne qui avait l'habitude de danser seule, dos au miroir, voilà que je suis confrontée au strict opposé d'un seul coup. Les autres ne semblent pas remarquer mon air déçu lorsque le cours prend fin.
— C'était incroyable, s'exclame Lin en tapant dans les mains de son frère.
— Il est super sympa, poursuit Jiny.
— Tu t'attendais à une mamie de ballet ou quoi ? raille Lee.
Je récupère mon sweat, ma bouteille d'eau et sors de la salle.
— Hana, où est-ce que tu vas ?
— Prendre l'air, dis-je, je vous rejoins au déjeuner.
Elle hésite à m'accompagner, mais Lee semble lui dire quelque chose d'intéressant, car elle détourne le regard. Ça m'arrange, j'ai besoin d'être seule un moment. Danser en groupe me fatigue plus qu'en solo.
Je m'arrête à un café, pas loin du studio, et me commande un matcha glacé. Je le bois à l'intérieur, car je n'ai pas pris de casquette et le soleil tape fort aujourd'hui. Je mets mes écouteurs et lance ma playlist malgré la radio qui tourne dans le café. Je préfère écouter ma musique pour me détendre.
Je suis en train de remuer ma boisson avec une paille quand je suis rejointe par Jun-oh. Par politesse, je retire un écouteur.
— Je suis désolé pour ce matin, dit-il. Je ne pensais pas que tu étais sérieuse.
C'est la première fois qu'une personne me demande pardon. Je cligne des yeux, me rassurant de ne pas avoir rêvé, puis lui lance d'un air que j'espère froid :
— J'ai encore besoin d'espace, au fait.
Cette fois, je ris en voyant son expression faciale. Il comprend ensuite que je n'étais pas sérieuse.
— Aucun souci, le rassuré-je, au moins tu sauras que j'aime m'échauffer seule.
— Il y a plein de choses que tu aimes faire seule, remarque-t-il en me désignant d'une main. Comment ça se fait ?
Qu'est-ce que je suis censée répondre à ça ?
— On devrait aller déjeuner, non ?
Son sourire me fait comprendre que sa question a été oubliée dans les ténèbres. Si chaque jour on me pose une question de la sorte, je ne pense pas atteindre mon objectif de sitôt.
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