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𝐇𝐚𝐧𝐚³ ⁷⁶⁶

Je suis de retour au studio après l'inondation qui aurait apparemment eu lieu hier. D'après les photos que j'ai aperçues, le problème semble avoir été réglé assez rapidement. Heureusement ! Nous devons finaliser la chorégraphie pour filmer le dixième clip, prévu pour sortir vendredi prochain.

En entrant dans la salle, je remarque que James a l'air nerveux, presque nauséeux. Je m'apprête à lui demander si tout va bien, mais Jiny vient s'installer à mes côtés pour s'échauffer avec moi.

— Tu vas bien ?

— Le stress de James déteint sur moi, mais je suis en forme, dis-je. Et toi ?

Elle m'avoue qu'elle n'a pas beaucoup dormi. Je m'empresse de lui demander ce qui ne va pas.

— Mes parents devaient revenir pour le mois de juillet, mais finalement, ils ont des réunions en Chine presque toutes les semaines du mois.

J'entends sa tristesse à travers ses mots.

— Je suis désolée de l'apprendre... Ils doivent terriblement te manquer.

Jiny hausse les épaules, effaçant l'air nostalgique sur son visage. Elle me donne presque l'impression d'avoir halluciné cette émotion.

— J'ai l'habitude, dit-elle. Et puis, ça me permet de faire des fêtes à la maison !

Oh non...

— C'est le premier vendredi depuis qu'on danse où il n'y a aucune sortie de clip, ajoute-t-elle.

— Laisse-moi deviner, dis-je. Tu as trouvé une excuse parfaite pour organiser une soirée ?

Elle tape dans ses mains, l'air ravi.

— Bingo !

Je lève les yeux au ciel, ce qui ne manque pas de la faire sourire.

— Oh, allez ! Cette fois, ce sera une soirée tranquille, juste entre nous. On commandera des pizzas et on jouera à des jeux de société.

Une lueur d'espoir – que je connais trop bien – brille dans ses yeux. Jiny est très seule. Contrairement à moi, elle doit détester ça. Cette soirée semble importante pour elle, alors j'acquiesce.

— Tant que tu ne commandes pas de pizzas à l'ananas, je viendrai, plaisanté-je.

Elle me prend dans ses bras, murmurant que je suis la meilleure amie qu'elle ait jamais eue. Un frisson me traverse, puis j'expire enfin, libérant l'air accumulé par toutes les fois où je me suis sous-estimée.

Plus tard dans la matinée, Seojun nous rejoint enfin. Par chance, il connaît déjà les premiers pas, ce qui nous permet de ne pas ralentir la cadence.

À mes côtés, il murmure qu'il devait absolument finir l'enregistrement d'une chanson, car nous avons aussi du retard dans ce domaine.

Nous. Ce mot résonne étrangement en moi. C'est étrange de me sentir impliquée dans son travail, qui me semble si personnel. Seojun n'est ni pudique ni réservé – malgré son côté mystérieux –, il sait mettre son cœur à nu. Moi, en revanche, je trébuche sur mes mots dès qu'il s'agit d'aborder des sujets importants.

C'est comme si mon subconscient comprenait l'importance et le poids de mes paroles, empêchant mon corps de les exprimer. Une corde semble m'étrangler, me privant d'air à chaque tentative. Seojun est l'inspiration que je n'ai jamais eue. Parfois, sa présence simplifie tant de choses que je m'en veux de m'appuyer sur lui au lieu d'apprendre à trouver mon équilibre seule.

Et je ne parle pas seulement de danse.

— Tout va bien ? Me demande-t-il.

— Oui, bien sûr, réponds-je. J'espère qu'on finira à temps.

— Alors concentrez-vous, intervient James. Il nous reste deux minutes et vingt secondes de chorégraphie. Plus vite on s'y met, plus tôt on en aura terminé !

Seojun pose une main rassurante sur mon épaule avant de se placer à l'avant. Tandis que je le suis des yeux, je croise le regard de Jun-oh, qui me fixe d'une drôle de manière. Cela me met mal à l'aise. Je détourne les yeux, essayant de me concentrer.

J'adore danser. Vous pensez sûrement que c'est évident, étant donné que mon plus grand rêve est de devenir danseuse professionnelle. Pourtant, je réalise soudain que j'ai de plus en plus de mal à tenir sur mes jambes.

Je suis épuisée, et il n'est que onze heures du matin.

J'adore danser, parce que c'est le seul moyen qui m'aide à mettre mes problèmes de côté. Et c'est exactement ce que je fais jusqu'au moment où je remarque un appel manqué de Suwon, aux alentours de treize heures.

— C'était qui ? me demande Seojun, curieux.

— Rien d'important, dis-je en haussant les épaules.

Nous terminons cinq enchaînements en un temps record, mais il nous faut une demi-heure pour en créer un nouveau. La chorégraphie n'est pas la plus difficile que j'aie jamais apprise, mais ce n'est pas la plus simple non plus. La situation est d'autant plus compliquée que mon téléphone ne cesse de sonner, interrompant notre concentration. Mes partenaires de danse, fatigués, commencent à me reprocher d'entrer dans leur espace.

J'ai la tête qui tourne. Pendant une pause que James nous accorde, j'en profite pour manger un biscuit et souffler un peu.

Nous finissons la chorégraphie à la tombée de la nuit, et j'ai si faim que la douleur dans mon estomac devient insupportable. En rangeant mes affaires, je réfléchis. Devrais-je choisir entre manger et dormir ? Cette journée a été atroce. Une des plus épuisantes que j'aie vécues, même si elle semble banale pour quelqu'un exerçant un tel métier.

— On sort manger quelque part ou on va chez moi ? me propose Seojun à la sortie du studio.

Je jure tout bas en voyant l'heure sur mon téléphone et le nombre d'appels manqués de Suwon. En déverrouillant l'écran, je découvre qu'il m'a laissé un message :

Suwon : J'aimerais qu'on discute. Passe quand tu es libre.

Un mélange de soulagement et d'appréhension m'envahit. Ignorant Seojun, qui attend toujours ma réponse, je lui écris :

Moi : Bien sûr. Je pars du studio.

Je me mords l'index, hésitant. Suwon souhaite-t-il s'excuser ou répéter les mots blessants qu'il m'a dits la dernière fois que nous avons parlé ?

— Tu réfléchis ou tu es dans ton monde ? me lance Seojun, interrompant mes pensées.

Je me pose une autre question : vais-je réussir à rouler sans m'endormir ou risquer un malaise en chemin ? Peut-être devrais-je appeler Frédéric. Avoir un chauffeur – et garde du corps – est un avantage. Mais pourra-t-il me défendre si Suwon est, encore une fois, en désaccord avec moi ?

— Bon, je présume que tu es dans ton monde, ajoute Seojun avec une pointe d'agacement.

Non, évidemment que Frédéric ne peut pas faire ça. Son rôle est de me protéger physiquement ou moralement si quelqu'un dépasse les limites. Mais Suwon est mon meilleur ami. Jamais il ne ferait une chose pareille.

— Hé, Hana, on peut parler ?

Je relève la tête, abasourdie de voir Jun-oh devant moi.

— Parler ? Tu sais parler en gardant tes mains dans tes poches ? crache Seojun, frôlant mon épaule en se mettant légèrement devant moi.

— Oh, allez, mec. J'étais bourré, réplique Jun-oh d'un ton désinvolte.

— Ça n'excuse rien, rétorque Seojun.

Il sait de quoi il parle. Je m'apprête à calmer le jeu, mais mon estomac gargouille bruyamment, attirant l'attention des deux garçons.

— Désolée, dis-je enfin. Non, Jun-oh, je n'ai pas envie de parler. Ne le prends pas personnellement, ajoutai-je rapidement. Je suis juste exténuée, et tout ce que je veux, c'est dormir.

Puis, me tournant vers Seojun, j'explique :

— Je ne peux pas dîner avec toi. J'ai un souci à régler, et après je rentrerai dormir... en espérant que mon corps tienne jusque-là.

Je lâche un rire nerveux et grimace aussitôt, incapable de comprendre pourquoi je ris toute seule.

— Tu meurs de faim. Mange avant, conseille Seojun. Et toi, dégage.

Jun-oh lève les mains en signe de reddition et s'éloigne sans un mot.

— Waouh ! Quelle autorité, plaisanté-je.

Seojun avance d'un pas et se place face à moi. Il prend mon téléphone des mains.

— Qu'est-ce que tu fais ? protesté-je.

Ignorant ma réaction, il rédige un message à Suwon et, avant que je puisse intervenir, il me rend mon téléphone.

— Il est tard, tu as faim, tu es fatiguée. Ton ami a certainement autant de travail que toi. Tu régleras tes soucis quand ton corps te le permettra.

Je baisse les yeux vers l'écran, éberluée par son message :

Moi : Changement de programme ; je dîne avec Seojun et après, je vais me coucher.

— Tu aurais pu me laisser l'écrire ! Ce message est glacial, déjà que l'ambiance entre mon ami et moi n'est pas très chaleureuse.

— Au moins, on est deux, rétorque-t-il en haussant un sourcil.

Je lève les yeux au ciel, puis les repose sur Seojun, qui fait la moue avec un air faussement innocent.

— Quoi ? Tu ne veux pas partager un repas avec ton chéri ?

Je jette un regard autour de moi, puis hausse les épaules d'un air faussement innocent.

— Mince alors, où est-il ?

Cette répartie a le mérite de faire rire Seojun, ce qui me permet de dissimuler mon embarras. Malheureusement pour moi, il ne se laisse pas abattre et insiste pour que je monte dans sa voiture. Une part de moi se réjouit à l'idée de passer la soirée avec lui, non seulement parce qu'il est agréable à mes côtés, mais aussi parce qu'il semble toujours anticiper mes besoins, sans que je n'aie à demander. Enfin, sauf pour ça :

— Est-ce que je peux activer le chauffage de mon siège ?

Sans un mot, il appuie sur la commande, et je le remercie.

— Je m'étonne d'avoir froid, dis-je en constatant qu'il fait tout de même 17 degrés dehors.

Seojun souffle, exaspéré, et démarre.

— C'est parce que tu es fatiguée. Ton corps est moins efficace pour réguler la température : il conserve son énergie pour les fonctions vitales. La fatigue n'arrange rien, et tu manques de "carburant" pour produire de la chaleur, puisque les calories servent aussi à maintenir la température corporelle. Tu n'as jamais appris ça en médecine ?

Je grimace à sa remarque, un peu vexée, mais je lui avoue que mes études étaient souvent perturbées par des distractions.

— Désolé, ce n'est pas ce que je voulais dire...

Sa voix trahit un certain regret.

— Je sais, dis-je doucement. Ce n'est plus important, maintenant.

Pendant une fraction de seconde, je capte son regard pour lui montrer que je suis sincère. Il me sourit avant de reporter son attention sur la route.

— Qu'est-ce que tu as envie de manger ?

Mon estomac gronde en réponse, mais je reste indécise.

— Je ne sais pas... Comme tu veux.

Il grogne, râlant que son meilleur ami est tout aussi exaspérant que moi lorsqu'il s'agit de choisir.

— Désolée d'être indécise, ris-je. Comment s'appelle ton ami ?

Il hésite un instant, ce que je comprends, car il a droit à sa vie privée. Mais il finit par répondre :

— Misul. C'est lui qui m'a aidé quand mes parents m'ont abandonné. Il est génial, tu verras.

Je marque une pause, déconcertée.

— « Tu verras » ? Je suis censée le rencontrer ?

Seojun se gare devant un restaurant que je ne connais pas, se détache et se tourne vers moi.

— Pourquoi ? Mes amis n'ont pas le droit de rencontrer ma petite-amie ?

Je bénis l'obscurité de cacher le rouge qui monte à mes joues.

— Je pensais que tu leur avouerais que tout ça repose sur un mensonge, dis-je, surprise.

Son sourire dévoile une fossette à laquelle je ne reste jamais insensible.

— Allez, viens. On va se prendre des sushis.

Je défais ma ceinture et avoue avec un sourire :

— J'en avais tellement envie !

Ma conscience me rappelle que je devrais surveiller mon alimentation, mais cela fait si longtemps que je n'en ai pas mangé que je décide de faire une exception.

— Ce n'est pas comme si je ne t'avais pas demandé ton avis, grogne Seojun en sortant.

Nous avançons vers le restaurant, et je prie pour que mes jambes tiennent le coup. Alors que Seojun passe une main autour de ma taille, un flash éclate soudain devant nous.

— Des paparazzis, murmure-t-il en plissant les yeux.

L'envie de me réfugier dans mon appartement me saisit instantanément. Nous nous dépêchons d'entrer dans le restaurant, espérant que ces paparazzis ne nous suivent pas à l'intérieur.

★★★

J'avais vu juste : Seojun sait toujours comment combler mes besoins sans que j'aie à dire quoi que ce soit. Nous voilà installés dans mon appartement, confortablement assis sur le canapé, entourés de sushis fraîchement préparés. Ils ont l'air délicieux, et dès la première bouchée, je ne regrette pas d'avoir choisi ce restaurant japonais que je n'avais jamais testé.

Pourvu que mon pancréas soit aussi enthousiaste, pensai-je.

— Tu veux regarder un film ?

J'attrape la télécommande sur l'accoudoir et la lui lance. Seojun la rattrape avec une aisance déconcertante.

— Beau réflexe ! Mets ce que tu veux.

Je lui sers un verre de coca – offert par le restaurant – et me verse de l'eau, glissant discrètement un cachet dans ma bouche. C'est une précaution que je préfère prendre pour éviter d'éventuelles douleurs. Les sushis ne sont pas aussi gras que d'autres plats, mais le poisson cru pourrait me rendre malade. Je m'assure d'être discrète, mais il est bien trop absorbé par le choix d'un film pour remarquer quoi que ce soit.

En l'observant, je remarque qu'il caresse machinalement le sommet de la tête d'Ellie d'une main libre, et tout devient flou.

Chaque geste, chaque attention qu'il m'a prodiguée me revient en mémoire.

Le fait qu'il cuisine des pancakes tous les mardis. Son sourire rassurant lors de nos shootings. Ses mains fermes qui m'aident à garder l'équilibre quand nous dansons. Sa présence constante à mes côtés quand mes crises d'angoisse m'écrasent ou que je suis au bord du malaise. Les moments où il m'écoute avec une attention presque troublante. Les solutions qu'il trouve, toujours adaptées.

Et ce soir... Ce soir où il reste avec moi, s'assurant que je mange, que je sois en sécurité, et que je rentre saine et sauve.

Puis il y a lui.

Lui dans mon appartement.

Lui sur mon canapé.

Lui.

Je n'ai jamais eu peur d'affronter la vérité. Mais celle-ci me frappe comme une lame affûtée.

Ce ne sont pas seulement ses attentions ou sa compagnie que j'aime.

C'est lui. Min Seojun.

Et personne d'autre.

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