Chapitre 4 - Un plan diabolique


T-J

Encore une nouvelle journée, des cours, des sourires, des blagues échangées. Quelques regards charmeurs de certaines personnes. Pourquoi ai-je l'impression que tous les jours se ressemblent ?

Je sors de mon cours de « Finance et analyse du risque » et traverse le hall du bâtiment B, cherchant mon cousin du regard.

Je suis censé finir mon cursus cette année, puis être engagé dans une grosse boîte de la ville et brasser des milliers de dollars. J'ai rapidement appris que la sécurité financière était fondamentale.

Mon enfoiré de père ne cessait de me le faire comprendre, si bien que malgré tout cette idée est restée gravée dans ma foutue cervelle. Pourtant, quand j'imagine mon avenir, je ne me vois pas assis derrière un bureau en train de calculer les risques et autres conneries des opérations boursières. Mais on n'a pas toujours ce qu'on veut dans la vie.

En passant devant ces stupides machines à café qui sont cassées – pour ne pas changer –, un petit sourire me vient. Une seule image me reste en tête.

Celle d'une grande brune au regard franc qui semblait m'insulter de tous les noms tandis que je la taquinais tout à l'heure.

Elle n'a pas hésité à sortir les griffes, comme si elle n'avait pas de temps à perdre avec moi. Tous crocs dehors, elle m'a littéralement envoyé chier. Il n'y a qu'une seule autre nana qui a osé me rentrer dedans ainsi : Iris, la copine de mon cousin. Mais là, c'était différent. Alors qu'Iris s'amuse à me répondre avec moquerie et assurance, la fille de tout à l'heure semblait débordée par ses propres émotions. Iris est toujours dans la maîtrise, mais elle, elle ne contrôlait rien du tout.

Elle doit vraiment avoir une dent contre moi, pour se mettre dans des états pareils...

Il faut dire que le jour d'avant, je crois que je lui ai fait une peur bleue. Elle m'a hurlé de ne pas l'approcher, comme si j'étais un monstre et qu'elle avait peur que je la mange.

Comme si j'étais mon père...

Cette perspective m'a totalement retourné, et même si j'ai essayé d'en rire tout à l'heure en lui rappelant sa petite phrase, sur le coup, je n'en menais pas large.

C'était quoi, son petit nom ? Putain. Est-ce qu'elle m'aurait au moins répondu si je lui avais demandé ? Je suis prêt à parier que non. Elle m'aurait envoyé bouler avant de m'ignorer une nouvelle fois et de partir. Ou plutôt de fuir.

Pas de bouche en cœur, pas d'invitation à venir réchauffer mon lit. Aucune étoile dans ses yeux. Elle m'a simplement dégagé de son chemin comme si j'étais un vulgaire insecte qui traînait là.

Un insecte qui la faisait vraiment, vraiment chier...

Et j'ai trouvé ça... intriguant.

D'ailleurs, je devais être bien perturbé, parce que je lui ai déballé quelque chose sur moi, sans même réfléchir, à savoir que j'ai dessiné les affiches de la Meute. Beaucoup pensent que ces affiches ont été faites par un mec que j'ai payé, parce que je ne me suis jamais vanté d'aimer le dessin.

Encore une chose que personne ne sait.

Les Pure Spirit.

Bien sûr, la faculté de Denver regroupe diverses fraternités et sororités, mais j'ignore tout du fonctionnement de celle-ci. À chaque fois que des grandes fêtes sont organisées sur le campus, leurs membres sont aux abonnés absents. Certains disent que c'est parce qu'ils se considèrent plus importants que des étudiants lambda qui ne vivent que pour la bière bon marché. D'autres pensent que c'est simplement une bande de filles coincées qui ne font partie d'une sororité que pour avoir des points en plus dans leur moyenne.

Je visualise la petite bouche boudeuse de la furie de tout à l'heure. Elle n'avait pas l'air d'être coincée. Sur la défensive, sans aucun doute. Mais pas coincée.

Plutôt prête à s'enflammer...

Vire-la-toi de la tête, mec.

J'atteins le réfectoire et avise une tête rousse au loin. Un petit sourire s'installe sur mes lèvres. Il y a des gens que j'aime emmerder, ça en devient même une passion. Et Iris Foster arrive en tête de liste.

– Ma meilleure amie ! m'exclamé-je en arrivant près d'elle.

Elle mâchouille une frite avant de se tourner vers moi, les yeux plissés.

– Quand est-ce que tu vas arrêter avec ce surnom stupide ?

Je l'embrasse rapidement sur la tempe avant de me laisser tomber sur la chaise en face d'elle.

– On va faire un truc. Si tu me dis droit dans les yeux que tu me détestes, je te jure que je te laisserai tranquille.

Iris me fixe et entrouvre ses lèvres alors que je la fixe, confiant.

– OK. C'est bon, t'as gagné.

Je rigole en récupérant une frite dans sa barquette. Sa main essaie de frapper la mienne mais je retire mes doigts juste avant.

– Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu pour être amie avec un type pareil ?

Je ne lui réponds rien, souriant toujours. Amis. Nous sommes amis, elle et moi. Elle est la femme qu'aime mon cousin, mais elle compte également beaucoup à mes yeux.

Avec tout ce qui s'est passé dans la vie de Tucker, toutes les merdes qui l'ont cabossé, Iris est venue lui apporter un parfait équilibre.

– Où est Tucker ? lui demandé-je justement en scannant du regard le reste du réfectoire.

Iris hausse une épaule et se mord la lèvre inférieure avant de reprendre doucement :

– Je ne sais pas exactement, il est resté vague. Mais aujourd'hui... c'est...

Elle n'a pas besoin de finir sa phrase. Je sais exactement quel jour nous sommes. Je me gifle mentalement. Je sais où il est. Je me redresse, lui pique une dernière frite, et m'éloigne après l'avoir saluée.

J'arrive une demi-heure plus tard devant le cimetière Fairmount. Juste en face de ma bécane, un pick-up est stationné. C'est celui de Tucker. Je descends de ma moto, le cœur battant, abandonnant mon casque sur le siège. Je suis rarement revenu ici ces derniers temps, tandis que Tucker y passe beaucoup de temps.

Près de sa sœur.

Je l'aperçois au loin. Les mains dans les poches, dos à moi, il fixe la pierre tombale. En m'approchant, je lis une nouvelle fois l'épitaphe qui y est inscrite.

Debbie Bomley. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de sa mort.

Tucker a perdu sa sœur, et j'ai perdu ma cousine, après un accident de voiture. Elle est restée pendant des mois immobile sur un lit avant de rendre son dernier souffle.

Mais Debbie n'est pas entrée seule dans la tombe. Sa mort en a entraîné une autre. Mon meilleur ami et celui de Tucker, Dan, s'est tué peu de temps après, après avoir pété un terrible câble. La mort de la femme qu'il aimait l'avait complètement détruit et entraîné dans une spirale dévastatrice. Il a fait des choses affreuses avant de... se tirer une balle.

Quand je vous disais que l'amour pouvait détruire. Je ne veux jamais être fou d'amour, jamais.

Tucker m'aperçoit enfin. Il renifle discrètement avant de se gratter la gorge.

– Tu me cherchais ? me demande-t-il d'une voix rauque.

Il me cache ses yeux rouges et je me retiens de lui foutre mon poing dans la gueule. Combien de fois m'a-t-il vu dans un sale état ?

– T'es un trou du cul, tu le sais, ça ? Pleurer ne te rend pas faible, ça montre au monde que tu es assez fort pour dévoiler tes larmes et les assumer.

Pour toute réponse, il lâche un petit rire moqueur.

– T'es devenu un putain de philosophe ?

Le silence s'installe entre nous et quand il commence à s'éterniser, je débute :

– J'organise une soirée sur le campus, ce week-end. Quelque chose de plus calme que d'habitude. Pas trop... d'excès. Une bonne vieille fête comme on les aime.

Il se tourne vers moi, la mine intriguée.

– Tu ne veux pas plutôt ramener l'ensemble de la fraternité chez moi ?

Je secoue la tête. Mon plan est parfaitement au point dans mon cerveau.

– Qu'est-ce que t'as prévu ? Ton regard ne me dit rien de bon. La dernière fois que t'as eu une expression pareille sur le visage, tu finissais chez les flics parce que t'avais lâché des cochons sauvages sur le campus.

– Cette fois... on va bien s'amuser.

– OK. Là, tu m'inquiètes. Où est-ce que t'organises la soirée, exactement ?

J'hésite puis lui avoue finalement :

– On va s'inviter dans une sororité.

– Laquelle ? Les Delta ? Je crois qu'elles font déjà un truc.

– Les Pure Spirit, murmuré-je d'un air de défi.

Tucker recule alors qu'une expression de surprise s'imprime sur ses traits.

– Je crois que cette sororité n'est pas branchée dans notre délire, mec.

Il commence à s'éloigner et je lui emboîte le pas.

– Tout le monde aime faire la fête. On va les dérider un peu et leur apprendre à s'amuser.

Il s'arrête, croise les bras et j'en fais de même. Il est un peu plus large d'épaules, mais je suis plus grand. Mes muscles sont finement dessinés, sans doute après la pratique intensive du baseball depuis des années.

– Une de leurs membres m'a envoyé chier, ce matin. Comme une merde.

– Tu t'es embrouillé avec une de leurs membres ? Peut-être qu'elle s'est rendu compte que t'étais con et ne voulait pas perdre son temps.

Je ne prends pas la peine de répondre à sa pique.

– Embrouiller n'est peut-être pas le terme exact. Mais en tout cas, j'ai envie de lui montrer que je ne suis pas rancunier, et quoi de mieux qu'organiser une petite soirée pour hisser le drapeau blanc ? dis-je avec un sourire angélique.

Je sais que Tucker n'est pas dupe : il doit croire que je fais ça juste pour emmerder cette nana et lui rendre la monnaie de sa pièce.

Et c'est en partie le cas... mais il y a autre chose.

Quand son apparence de petite fille sage s'est fissurée, j'ai vu de la force dans ses yeux. Une force et une énergie qui ne demandent qu'à sortir de son corps. J'ai eu l'impression d'être face à une personne égarée et enfermée dans un monde d'apparences, face à une tempête, à un feu dévastateur prêt à tout écraser sur son chemin.

Exactement comme moi.

Quelque chose m'a interpellé en elle, en quelques minutes. Je veux la revoir. Et je dois avouer que j'ai bien envie de la faire sortir de ses gonds à nouveau. Rien que l'idée de la voir m'envoyer chier une nouvelle fois en me découvrant sur le pas de sa porte pour venir déranger sa parfaite petite vie rangée... Oh, ouais, l'idée de voir ses yeux m'envoyer des éclairs me plaît bien.

– C'est toi qui décides, soupire Tucker en levant ses mains en signe de reddition. Mais ce sera ton bordel.

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J'espère que ce chapitre vous plait! 

Et voilà, la publication s'arrête ici comme prévu. L'histoire sort demain en numérique sur tous les sites (Kindle, Kobo, iBooks etc), j'ai plus que hâte d'avoir vos avis. j'espère que vous allez aimer Tairont et Rose et les accueillir comme il se doit ! 

Merci d'avoir suivi le début et à très vite, Anita <3 

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