Chapitre 2 - Gueule de bois et autres tracas



T-J

Profondément endormi, je sens un truc humide et chaud remonter le long de mon épine dorsale.

Une langue.

Je pousse un grognement et m'étale un peu plus sur le matelas, à plat ventre.

C'est quoi ce bordel ?

La seule chose à laquelle je peux penser, c'est que ma tête tourne. Beaucoup trop.

Un petit gloussement féminin me répond, une bouche se plaque contre mon oreille et un souffle tiède frappe ma peau.

– Miam... Enfin réveillé, T-J ?

Ce que j'aime avec Hannah, c'est qu'elle ne pose jamais de questions sur ce qui se passe dans ma foutue tête. Je ferme complètement les yeux puis pousse un soupir avant de me retourner et de me laisser tomber sur le dos, le temps d'émerger peu à peu. Je frotte mon visage de mes deux mains, dans l'espoir d'arrêter mon cerveau de tourner dans tous les sens.

J'ai une putain de gueule de bois...

Je bâille à m'en décrocher la mâchoire et presse mes paupières avant de les ouvrir. Aussitôt, ma lèvre inférieure me tire, et je ne peux que me rappeler ce qui s'est passé hier matin, l'enfoiré qui a essayé de faire le malin avec moi avant qu'on se batte...

Et qu'on ne manque d'écraser une petite étudiante par la même occasion. Un regard bleu et franc revient me hanter.

Je le chasse aussitôt.

Pourquoi je repense à son regard de biche effaré, putain ?

Et son regard hargneux quand elle m'a hurlé de ne pas l'approcher...

Hannah, complètement nue, est penchée vers moi, un air diablotin sur le visage. Elle remet une mèche blonde derrière son oreille et il me faut une minute pour me rappeler des détails d'hier soir, mais impossible de me souvenir de tout.

La seule chose dont je me souviens clairement, c'est que sa bouche sur ma queue était incroyable. Oh, ouais, on s'est bien amusés.

– Miam, murmure-t-elle à nouveau en se penchant vers moi, fixant effrontément mon érection matinale.

Je ne me rappelle même pas qu'on ait fini dans mon lit. Habituellement, on s'arrête au canapé et personne ne vient dans ma chambre. Mon portable sur le sol – comment est-il arrivé là ? – se met soudainement à sonner.

Je m'apprête à l'ignorer, mais en découvrant le prénom de mon cousin sur l'écran, je pousse un juron et me penche vers le sol, essayant de ne pas me casser la gueule. Je me sens comme une merde, et j'ai vraiment besoin d'une douche brûlante à cet instant.

– Attends, ordonné-je à Hannah avant de décrocher en me rallongeant. Ouais ?

– Où est-ce que tu es, trou du cul ? marmonne Tucker dans le combiné.

C'est officiel, mon cousin est pire qu'une mère poule.

– Et si tu regardais entre les cuisses de ta copine, voir si j'y suis ?


Un rire rauque me parvient pour toute réponse, car il sait à quel point sa copine, Iris, ne m'attire pas sexuellement. J'aime la taquiner, mais je ne la verrai jamais comme autre chose qu'une amie, et la femme qui compte pour lui.

Il est allé en enfer pour elle. Est-ce que ce n'est pas la plus belle preuve d'amour qui existe ?

Non pas que je croie en l'amour. La seule chose que je sais, c'est que ce putain de sentiment peut ruiner des vies. Hors de question d'aller en enfer pour une nana. Je n'irai que pour ma famille.

– Sérieux, on devait se voir avant le début des cours, reprend mon cousin. T'es où ?

C'est ma dernière année de cours, plus que quelques mois et quelques centaines de matins interminables, et je pourrai rester couché jusqu'à pas d'heure.

Désormais bien réveillé, je m'assieds au bord du lit et me frotte la nuque, comme si ça allait m'aider à décuver.

– Je viens de me réveiller, arrête d'agir comme une petite amie hystérique, marmonné-je à Tucker avant de raccrocher et de jeter mon portable sur le matelas.

Fait chier. Je masse mes tempes douloureuses tandis que les souvenirs d'hier soir déboulent dans mon cerveau. La Meute a organisé une immense fête sur le campus, et c'était mon idée. Et quand on organise une soirée, le seul mot d'ordre est : pas de règles. Ça part généralement en débauche totale, et il me semble que c'était le cas hier soir.

La Meute, certains pourraient la voir comme une simple fraternité qui règne sur la fac de Denver. Beaucoup pensent qu'on est simplement une bande de sales cons qui organisent les soirées les plus déjantées... Et d'un côté, ils n'ont pas tort. Mais c'est beaucoup plus que ça. Les personnes qui me sont les plus chères, ma famille de cœur, se trouvent parmi ses membres.

Hannah se redresse et s'arrête face à moi, ses deux seins exhibés juste devant mon visage.

– On dirait bien que la fête est finie...

J'ignore sa nudité mais lui souris néanmoins, me relève et fixe les draps froissés et les emballages de capote qui traînent au sol. Il semblerait que oui...

– Ouais, il est temps de rentrer chez toi, ma belle.

Je passe près d'elle et termine par un :

– Il y a sans doute du café préparé par mon colocataire dans la cuisine.

Ne pas être un connard. Ma mère a tenté de m'inculquer certaines valeurs depuis mon plus jeune âge, et j'essaie de m'y tenir. La plupart du temps, du moins.

– Et si je te rejoignais sous la douche ? Ou qu'on allait déjeuner ensemble, quelque part ?

Je m'immobilise sur place. Je n'aime pas du tout l'espoir que j'entends percer à travers ses mots. Ça fait plusieurs fois qu'on couche ensemble, et au petit matin, chacun retourne chez soi. Hannah couche avec d'autres mecs, et je couche avec d'autres nanas. On n'est rien, elle et moi. Mais je commence à comprendre qu'elle s'attend à autre chose.

C'est mort...

Je vais devoir la stopper dans ses pensées immédiatement.

– Tu m'fais quoi, là ?

Je me retourne vers elle avant de croiser mes bras sur mon large torse.

– Peut-être qu'on pourrait se voir en dehors du lit... suggère-t-elle en s'avançant vers moi, ses yeux vagabondant partout.

Je n'aime pas son regard, comme si elle cherchait des indices pour tenter de percer ma carapace. Cette chambre, c'est mon intimité. Ses mots me font tiquer.

– Nous voir en dehors du pieu ? Non Hannah, pas moyen. On baise ensemble et on rentre chez nous. C'est ma règle.

Elle lève les yeux au ciel.

– Ça va, T-J, arrête de monter sur tes grands chevaux. Je sais que tu ne veux pas de nana, et je ne veux pas de mec. Y a trop de propositions sur le campus pour ça. Bref, laisse tomber.

Je préfère ça. Mais honnêtement, je crois que c'était la dernière fois qu'on prenait du bon temps ensemble.

Soudain, elle tend sa main vers le carnet noir usé sur ma table de nuit, un air intrigué sur le visage. Mon cœur loupe un battement.

– Non !

Face à mon ton sérieux, elle commence à bougonner dans sa barbe avant de se rhabiller peu à peu.

– Quoi ? Y a un secret d'État dedans ? Qu'est-ce que tu caches, beau gosse ?

Pour toute réponse, je lui réponds par un petit sourire.

Les secrets, j'en ai plein. Et je ne laisserai jamais les gens les découvrir. Nous dévoiler aux autres nous rend faible. Et un jour, ils utiliseron cette faiblesse contre nous.

Je ne veux pas être faible. Je l'ai déjà trop été.

Je ne laisserai aucune fille rentrer dans ma tête. Je donne mon corps, mais c'est tout.

Je me dirige vers la salle de bains, toujours nu et je l'ignore désormais.

– À plus.

– T'es pas drôle ! me lance-t-elle avant de soupirer.

Lorsque je sors de la douche quelques minutes plus tard, vêtu d'un jean et d'un simple T-shirt gris, ma chambre est désormais déserte et un léger parfum floral envahit toujours la pièce. Cette odeur agressive me fait froncer le nez et je ne tarde pas à quitter ma chambre pour rejoindre le salon.

Mon colocataire, Sam, est également l'un de mes meilleurs potes, et celui qui m'a aidé à organiser la soirée hier soir. Et si j'en crois son dos voûté et ses yeux à moitié explosés qui fixent sa tasse de café sans la voir, il est dans le même état que moi.

– Salut mec, lancé-je en remplissant à mon tour une tasse.

Je déteste le café noir, mais y a rien de mieux pour me bouger le cul. Pour toute réponse, il grogne quelque chose et je retiens un sourire. Depuis qu'on s'est installés en colocation il y a peu, au nord du campus, je ne crois pas l'avoir déjà entendu me répondre un vrai « bonjour » à huit heures du matin. J'aurais pu rejoindre une grande maison de plusieurs étages que partagent des potes, mais j'ai préféré le calme du coin.

Enfin... quand je dis « calme »... ce n'est peut-être pas vraiment le mot adéquat.

En tout cas pas quand les loups sont dans les parages...

Je m'apprête à poser ma tasse vide dans l'évier mais interromps mon geste en découvrant un reste de poudre blanche sur la table.

– Putain Sam, dès le matin ? !

– Arrête de te prendre pour ma mère, marmonne-t-il en se redressant.

Je fixe les traces de griffures sur son dos nu tandis qu'il s'éloigne vers le couloir.

– Je dis ça pour toi, alors arrête de jouer au con. Tu vas te faire virer de l'équipe de baseball si tu continues à sniffer autant qu'une pute à crack.

Je pourrais ajouter que je suis inquiet pour lui, parce qu'il consomme de plus en plus ces derniers temps, et que je n'ai pas envie de le perdre comme j'ai perdu d'autres personnes chères à mon cœur. Sam se stoppe et se tourne vers moi, ses cheveux bruns complètement emmêlés.

– Et moi, je te rappelle que tu t'es barré de l'équipe. Alors arrête de me faire la morale.

Tous ceux qui ne sont pas au courant du bordel que représente ma vie pensent que c'était pour me consacrer aux soirées et à mes cours. En réalité, c'est parce que je voulais couper tout lien avec mon géniteur. J'ai mis du temps, mais j'y suis arrivé. C'est peut-être stupide. Mais toucher une batte, assister à des compétitions, me rappelait sans cesse toutes les fois où il m'accompagnait le week-end pour me voir jouer. Ses petits sourires et son attitude de père de famille honorable en public, alors qu'il n'était qu'une représentation du plus fidèle disciple du Diable en privé.

Donc ouais, sur un coup de tête, j'ai abandonné le jeu.

Parfois ça me manque, de frapper de toutes mes forces et de laisser libre cours à ma rage. Mais à vrai dire... le sexe est un merveilleux moyen d'évacuer la pression.

Je ne trouve rien à ajouter et laisse Sam s'éloigner.

Je jette un œil à mon portable. Ouais je devais traîner avec Tucker avant le début des cours. Mais ça sera pour une autre fois. Là, je dois passer quelque part.

***

Trente minutes plus tard, j'arrive devant la maison de ma mère, dans laquelle j'ai habité toute mon enfance. J'ai toujours vécu à Denver. J'ai fait les quatre cents coups ici, et même si une partie enfouie en moi rêve de découvrir le monde, je crois que je ne pourrai jamais quitter définitivement la ville.

Comme toutes les maisons de la rue, la nôtre est grande, faite de pierres blanches, avec un jardin parfaitement entretenu. Mais les autres foyers ont-ils vu passer autant d'horreurs que le mien ?

Je ne crois pas.

D'un mouvement souple, je retire mon casque et descends de ma Ducati noire que je viens de garer le long du trottoir.

Ce n'est pas le modèle le plus récent, mais je l'ai payé à la sueur de mon front en retapant voitures et motos. J'ai travaillé pendant des mois, en plus du baseball qui me prenait pas mal de temps, pour me l'offrir. À mes 21 ans, la part de mon héritage qui m'était réservée a été débloquée. J'ai pu arrêter de travailler, même si retaper des bolides reste un truc que j'apprécie.

Alors que j'avance dans l'allée, je sens sur mon corps le regard d'une voisine d'une quarantaine d'années. Je tourne la tête vers elle et lui fais un petit clin d'œil sous son regard choqué, puis rejoins l'entrée.

Une minute plus tard, je passe le seuil de la cuisine, une délicieuse odeur de bacon envahissant mes narines. Je pose délicatement mon casque sur l'étagère de droite.

Dos à moi, ma mère casse un œuf dans une poêle brûlante. Une envie de meurtre m'assaille quand je constate à quel point elle a maigri ces dernières années. Je sais qu'elle est en train de reprendre du poids, mais voir ses os ressortir sous sa robe me donne envie de cogner quelque chose. Ou plutôt quelqu'un.

Je serre mes poings et inspire fortement pour tenter de me calmer. J'ai envie de hurler, mais je lui ferais peur et lui faire peur est la dernière chose que je souhaite. Elle va « mieux », hors de question que je gâche tout ça. Les premiers mois ont été difficiles, mais c'est de l'histoire ancienne.

– Salut, dis-je d'une voix maîtrisée.

Ma mère sursaute et ça me fend un peu plus le cœur tout en m'énervant royalement. Si mon père était en face de moi à cet instant, je ferais pleuvoir mes poings sur sa face de rat.

J'espère qu'il ne se pointera pas ici ou je risque de commettre un meurtre.

– Bonjour.

Ma mère me sourit légèrement en remplissant une assiette pour moi.

– Tu ne devais pas avoir cours ? reprend-elle. Pourquoi est-ce que tu es là ?

Je m'assieds sur une des chaises du bar et avale aussitôt un morceau de bacon qu'elle vient de placer devant moi.

– T'es pas contente de me voir ? Avoue au moins que j'te manque, grogné-je la bouche pleine.

Ma mère croise ses bras de l'autre côté du bar.

– Vu les petits yeux que t'as, j'imagine que la nuit a été difficile. Et vu l'état de ta lèvre inférieure...

Je prends un air innocent pour toute réponse. J'avais oublié ce détail.

– C'est super bon.

Elle soupire, pas dupe pour un sou face à mon absence de réponse.

– Et toi, ça va ?

– Je suis une grande femme, mon garçon. Arrête de t'inquiéter pour moi, je vais bien.

– Et s'il...

– Ton père n'est pas revenu, et il ne reviendra pas. Il a quitté Denver. Les papiers du divorce ont été signés. Ça fait un an. Tout va bien. Tu n'as pas besoin de traverser la ville juste pour vérifier que tout est OK. Tu dois vivre, même si le jeune homme avec qui tu partages l'appartement a l'air d'être un ami haut en couleur aux mœurs... particulières.

Si ma mère savait à quoi s'adonnent les membres de la meute, je crois que les yeux lui sortiraient de la tête. Le mot « orgie » la ferait sans doute fuir en courant.

J'avale ma bouchée, toujours silencieux.

– Je vais bien, me répète-t-elle une nouvelle fois. Je me sens mieux. Le chemin de la guérison est long, mais il n'est plus douloureux. Je m'amuse de nouveau, Tayron. Je suis heureuse.

Les traits de son visage sont détendus, elle a l'air sincère.

Après une nouvelle minute silencieuse, je décide de la croire. Et puis je remarque qu'elle a un peu changé. Elle a recommencé à se maquiller, à se coiffer aussi délicatement qu'elle le faisait dans le passé.

Pourquoi est-ce que je n'ai rien remarqué plus tôt ?

Je me redresse, récupère mon assiette et m'apprête à jeter les restes dans la poubelle mais je m'immobilise sur place. Mes yeux tombent sur une paire de talons aiguilles de l'autre côté de la cuisine. Je me tourne vers ma mère et c'est à cet instant que je remarque les cernes sous ses yeux.

– Tu es sortie ?

Elle papillonne des yeux en fixant la paire de chaussures que j'indique du menton, intrigué. Mon enfoiré de géniteur a retenu ma mère dans une cage pendant des années, avant qu'elle ne parvienne à se libérer de lui après que je lui ai refait le portrait. Est-ce qu'elle a décidé de voir à nouveau quelqu'un ?

Elle finit par m'adresser un petit sourire timide.

– En fait... oui. J'ai rencontré un homme charmant.

Je stoppe tout mouvement et reprends doucement :

– Depuis quand ?

– Ça fait plusieurs mois, m'avoue-t-elle.

Alors c'est sérieux. Du genre... vraiment sérieux. Un sentiment désagréable m'étreint la gorge. J'ai soudainement envie de tout savoir. Je veux me mesurer à ce type. Et si je découvre que c'est un enfoiré...

Elle me coupe dans mes pensées et reprend en levant ses mains :

– Je sais, je ne t'en ai pas parlé. Rien n'était prévu mais je... je ne sais pas. Je n'ai pas pensé à moi pendant des années, et j'ai finalement décidé, pour une fois, de me laisser aller.

Mon Dieu. Comment ai-je pu être aussi aveugle ?

– Je veux le voir, exigé-je d'une voix forte. Si tu sors avec lui, depuis plusieurs mois, c'est qu'il compte pour toi. Je veux le voir.

– Arrête de me chaperonner, tu veux ? répond-elle en soupirant d'un air théâtral.

Je ne dis rien pour ma défense, car elle a raison. Mais ça ne change rien au fait que je veux voir ce type. Et comme si elle sentait toute ma détermination, elle cède finalement :

– D'accord.


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J'espère que ce deuxième chapitre vous a plu ?

Sachez que les précommandes sont enfin ouvertes pour My rules, sur tous les sites Amazon, Kobo, iBooks etc !

Je vous retrouve dans quelques jours pour le chapitre 3 sur 4 qui seront dispo sur Wattpad,

anita <3

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