Chapitre 1 - Vivre avec ses cicatrices


Rose


Est-ce que vous avez déjà ressenti une douleur si forte qu'elle vous a coupé le souffle ?Une douleur qui vous a brisé de l'intérieur ? Une que vous avez essayé de surmonter, tout en sachant pertinemment que cela serait impossible ?

Mais si, vous savez... Cette douleur qui représente une blessure qui ne sera jamais guérie. Une cicatrice qui ne disparaîtra jamais.

J'ai ressenti cette douleur. Je la ressens toujours aujourd'hui.

Mon père ne cesse de répéter que nos cicatrices font partie de nous. Qu'elles soient mentales ou physiques, nous ne devons pas les cacher. Nous devons vivre avec pour accepter notre passé et ne pas le laisser nous hanter.

Je passe le bout de mon index sur la peau fine de mon poignet droit, mes yeux bleus fixant la fine marque un peu plus claire.

Mon cul.

Ça fait presque cinq mois que j'essaie de vivre avec mes cicatrices physiques, et un an et cinq mois que j'essaie de vivre avec toutes les autres. Et comment vous dire que ce n'est pas vraiment une réussite...

Mais je ne vais pas laisser les mauvaises pensées me ronger aujourd'hui. Qu'elles aillent se faire foutre.

Une main toque à la porte en bois de ma chambre et interrompt mon introspection.

– Ouais ?

Le battant s'ouvre et une silhouette élancée entre dans la pièce.

– Je vais en cours, déclare Isaa, ses courtes mèches châtains volant autour de son visage de poupon.

Je me redresse sur mon matelas et commence à récupérer les livres qui traînent aux quatre coins de la pièce.

– Ça marche ! Vas-y, je te rejoins. Je dois faire mon sac.

Ma meilleure amie, celle qui m'accompagne depuis le bac à sable, observe une seconde mes mèches sombres emmêlées avant d'ouvrir la bouche, mais je la coupe :

– Et me coiffer. Je vais aussi me coiffer. Promis.

Elle sort une seconde plus tard et je commence à m'activer, son rire résonnant dans le couloir de notre étage.

L'un des avantages à vivre directement sur le campus, c'est de pouvoir se réveiller plus tard, sans être en retard. Enfin, en principe. Mais j'ai longuement révisé mon cours de biologie hier soir et je me suis endormie comme une loque humaine sur mes fiches, avant d'être réveillée au milieu de la nuit, en sueur.

Qui aurait cru que les ptéridophytes pouvaient être si ennuyeux ?

Bref, je vais finir par bel et bien être en retard, et contrairement au premier semestre del'année dernière, quand j'habitais encore chez mon père à l'autre bout de la ville, je n'ai aucune raison de l'être.

J'ai juste... perdu l'habitude.

Au second semestre, ça n'allait vraiment plus, et j'avais fini par suivre les cours à distancede chez moi. Et même si depuis la rentrée, ça fait déjà plusieurs semaines que je retourne à lafac, je crois que je n'ai toujours pas réussi à m'y faire.

Ce qui explique que je me retrouve à courir aux quatre coins de ma chambre quinze minutes avant le début de mon cours...

Mais il faut bien que je tienne la promesse que j'ai faite à mon père. Celle d'essayer de reprendre une vie normale.

« Je veux que tu vives, Rose. Je veux que tu profites. Que tu rencontres des gens. Je veuxque tu me promettes d'essayer. »

Ses mots me reviennent en mémoire, ma gorge se serre et je finis par attraper un pull à la volée et sortir en catimini.

J'ai beau être née dans le Colorado et vivre à Denver depuis des années maintenant, je crois que je ne m'habituerai jamais aux températures de novembre. Nous ne sommes que le 2 et pourtant il commence seulement à y avoir un vent frais. Bon, la bonne nouvelle, c'est qu'il neneigera pas, je pense.

Dans le couloir, je croise d'autres filles qui sont elles aussi membres de ma sororité et jeles salue poliment avant de dévaler les escaliers.

Ça aussi, c'était pour rassurer mon père. Intégrer une sororité sympa et sérieuse, pas borderline, qui me permettra d'avoir une vie sociale « saine ».

Isaa m'a suivie. Et entre ses blagues pourries et ses ragots, je sais qu'elle garde un œil surmoi. Elle me surveille, comme une bonne fée, ou un ange. Elle ne me laissera pas tout gâcher une nouvelle fois.

Je sais qu'elle irait jusqu'en enfer pour moi. Mais je ne veux pas la plonger dans les ténèbres avec moi. Pas elle.

On est donc les deux nouveaux membres des Pure Spirit. Cette sororité, assez stricte sur lesbords, n'est peut-être pas à l'image des autres bandes du campus où la démesure et les excèsrègnent, mais finalement, ça me va très bien. Pas de soirée le jeudi soir, pas de concours de T- shirts mouillés, juste quelques activités avec des associations. Déjà que je déteste être entouréede trop de monde dans un amphi bondé, alors je n'imagine pas ce que ce serait à des soirées débridées...

Je presse le pas alors que je longe le campus, marchant du plus vite que je peux en prenantconnaissance des deux appels de mon père. Une partie de moi hésite à le rappeler. Je sais qu'il est réveillé. En réalité, lui comme moi ne dormons que très peu. On fait semblant, on se dit que tout va bien.

Mais la nuit...

La réalité refait surface.
Lorsque toutes les lumières sont éteintes... Les monstres sont libérés de leurs cages et cherchent à griffer jusqu'au sang nos esprits déjà meurtris.

Mais finalement, j'ignore ses appels, pas assez en forme pour avoir une vraie discussion avec lui.

Et surtout très à la bourre...

Je reprends ma route, trottinant presque pour ne pas arriver en retard à mon cours de biophysique. S'il y a bien une chose en laquelle j'ai confiance, c'est la science.

Cette deuxième année d'études de biologie va être difficile, mais je suis prête à relever le défi. Je ne laisserai rien ni personne se mettre en travers de mon chemin.

Soudain, j'entends des cris à quelques mètres de là, devant le bâtiment C. Deux mecs, deux bruns que je ne connais pas, une casquette à l'envers sur la tête, sont debout sur des tables, devant plusieurs étudiants suspendus à leurs lèvres. L'un des deux agite quelque chose dansles airs, et je me retiens de lever les yeux au ciel en découvrant de quoi il s'agit : un stupide masque de loup.

– C'est comme ça que naissent les légendes ! On est des putains de légendes ! braillent-ils alors que je m'approche du bâtiment.

– Ouais ! s'exclame un autre mec en levant le poing dans sa direction.
Certains prennent leur fraternité un peu trop à cœur, si vous voulez mon avis... surtout les membres de la Meute.

La Meute... La fraternité la plus influente et la plus délurée de la faculté de Denver, et accessoirement celle qui abrite les rois de l'excès, qui n'ont aucune limite. En intégrant cette université il y a un an et demi, j'ai entendu tous les bruits de couloirs possibles et imaginables sur leur groupe.

En gros, ces mecs puent le danger et se prennent pour une meute de loups. Débile, non ?

Et pourtant, les trois quarts des étudiants du campus rêvent de les rejoindre...

L'année dernière, pendant qu'ils recrutaient leurs nouveaux membres, toute cette histoire atourné au vinaigre. Personne ne sait exactement ce qui s'est passé... mais une nuit... l'un d'entre eux a été arrêté, tandis qu'un autre s'est suicidé. Très peu de monde connaît les détails de cette sordide affaire, et la Meute fait en sorte qu'aucune information ne fuite. J'ignorais s'ils avaient accueilli d'autres membres en septembre de cette année, mais apparemment, si.

– C'est qui le titan ? ! crie le mec à la casquette retournée.
– Moi ! lui répond le type au poing levé avant de frapper sa poitrine.

Cette fois-ci, je ne peux m'empêcher de lever mes yeux au ciel. Une vraie secte...

Je déboule dans le bâtiment C quelques minutes plus tard. Heureusement pour moi, j'ai cinq minutes d'avance. Je commence à marcher dans le couloir de droite, priant pour que lesW.-C. près de ma salle soient libres, quand la porte des toilettes des hommes s'ouvre d'uncoup.

Une immense masse jaillit et manque de me renverser au passage. Incapable de bouger, je cligne des yeux plusieurs fois en tentant de comprendre ce qui se passe.

Des coups. Des poings qui volent. Des grognements masculins.

Deux types sont en train de se battre et ont failli m'écraser sur le passage, comme si j'étaisun vulgaire insecte.

Je me décale et me colle au mur opposé tandis qu'un poing passe à quelques centimètresde mon visage. L'un des deux a failli me frapper en essayant d'atteindre son adversaire.

Oh. Mon. Dieu. Je suis en plein règlement de comptes.

Le plus grand des deux, un type imposant aux cheveux clairs, épingle brutalement l'autre gars contre le mur près des toilettes, pressant son avant-bras contre la trachée de ce dernier. Un bruit d'étouffement me parvient aux oreilles.

– On ne s'attaque pas à plus faibles que soi, putain, crache-t-il d'une voix rauque.

Sa voix me dit quelque chose, mais je n'arrive pas à l'identifier et de là où je me tiens, je ne vois pas son visage. Il finit par relâcher son emprise sur l'autre gars avant de le coller à nouveau brutalement contre la pierre, dans un bruit sourd qui me fait grimacer.

C'est à ce moment-là que je remarque un troisième étudiant qui sort des toilettes, le teint pâle et l'air complètement traumatisé. Je l'entends balbutier un petit « merci » à l'intention du blond, puis il déguerpit aussitôt.

– Si tu veux te battre, tu viens me voir moi, reprend le grand blond, et je serai ravi de t'exploser, compris, Roy ?

L'autre balbutie quelque chose entre ses dents en essayant de se libérer, en vain. Il est moins musclé et j'ai l'impression que le plus grand va le briser en mille morceaux.

Des psychopathes. Ces mecs sont des psychopathes !

Et plus ils seront loin de moi, mieux je me porterai... Je commence à m'éloigner du mur, voulant me tirer d'ici, mais le grand blond relâche l'autre type et se tourne vers moi, la mine sombre.

La première chose que je remarque, c'est la tache de sang au niveau de sa lèvre inférieure, qu'il essuie négligemment du bout des doigts. Mes yeux remontent le long de sa courte barbeavant de se poser sur ses iris verts, entièrement focalisés sur moi. La mine sauvage qu'il arborait se transforme peu à peu tandis que l'inquiétude prend place sur ses traits.

Son visage se fait beaucoup plus avenant.

– Tu vas bien ?

Enfin, je le reconnais.

T-J. L'un des principaux membres de la Meute.

Si vous pensiez que la Meute avait mauvaise réputation... Laissez-moi vous présenter l'une de ses têtes d'affiche.

– Ho ? reprend-il en faisant un pas vers moi, je te parle, ça va ?

D'autres taches de sang parsèment son jean brut. Il lève ses doigts ensanglantés dans ma direction et la peau brûlante de son index frôle ma joue. Je ressens comme une décharge électrique. Je fais un bond en arrière et relève mes deux mains devant moi pour qu'il ne s'avance pas davantage.

– Ne m'approche pas ou je hurle ! m'exclamé-je entre mes dents serrées.

Je sais que je réagis comme une poule mouillée, mais c'est plus fort que moi. Sa proximité, la vue du sang, toute cette violence... c'est trop pour moi.

Il me fixe, perplexe, comme si ma réaction le déstabilisait. Alors que ce mec était en train de détruire le visage d'un autre gars juste en face de moi ! Les gens ont raison, les membres de la Meute sont tous tarés. Il n'a pas le temps de prononcer un mot de plus que je fais demi-touret m'éloigne en courant, priant pour rejoindre ma salle au plus vite.

Ouais, je suis une poule mouillée. Mais si ça peut me tenir éloignée de types comme lui,c'est tout aussi bien.


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J'espère que ce premier chapitre vous plait ! 

My rules, précommandes le 19 aout. Sortie le 29 aout <3 

A très vite ! 

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