Chapitre 17

J'avais finalement su trouver le sommeil, mais le doux crissement de mes draps m'ôta de cette douce réalité onirique. Je m'étais alors à nouveau retrouvé chez Jackson, les draps se voyant être remplis par le corps mi-glacé mi-brulant de Kyungsoo. Je savais que c'était lui, je reconnaissais son odeur mêlant les fleurs et le sang. C'était loin d'être désagréable, je trouvais même qu'il devenait plus attrayant après un repas, mais ce soir-là je n'avais aucunement envie de fantasmer sur son odeur, ou même apprécier le contact de ses mains sur mon corps, voire même être réconforté. À nouveau mon esprit m'avait joué des tours et j'avais cru voir mes parents, les voir revenir, j'avais même su leur trouver une excuse, une raison, même un moyen de revenir. Mais tout était inexorablement normal...

La seule chose qui me tracassait, était le fait à qu'à mon réveil j'étais couvert, dans la cabane, protégé du vent, alors que je n'avais aucunement le souvenir de m'y être mis, installé et protégé. Bien au contraire même... dormir à l'extérieur était évidemment plus tentant. Mais à vrai dire, je ne savais que penser. Peut-être que je l'avais fait mais que mon rêve avait su empiéter sur ma perception de la réalité jusqu'en profondeur, me faisant croire dur comme fer que j'avais raison, que mes parents n'étaient pas morts, que je n'étais pas seul à présent. Mais non... la seule chose que je devais bien concéder a ce rêve étrange, était le fait que sa réalité, son contenu, m'avait fait un bien que je ne saurai expliquer. Cela m'avait comme rassuré, ou aidé dans mon deuil. Comme s'il avait fallut que je croise jusqu'au bout à leur vie pour comprendre finalement qu'ils avaient bel et bien été condamnés à ne jamais refaire surface.

« Jackson m'a parlé de ta nuit... je suis désolé que ça te sois arrivé... profondément... »
« Ne t'en fais pas Kyung... je... je m'en remets toujours. Et toi, tu as passé une bonne nuit? »
« Bof... je n'ai pas réussi à tromper la vigilance de Jackson, il ne veut pas que j'aille chasser. Alors j'ai juste regardé un film un peu nul sur sa vieille télé et... et j'ai bu une poche de sang. Rien de bien glorieux. » il lova son visage entre mes omoplates et soupira. « Il est dur mais je sais qu'il fait ça pour mon bien. Après tout il connaît bien ma nature... et la tienne... »
« Au contraire... il te connais bien plus qu'il ne le fait avec moi. Je suis différent de ce qu'il est... et moi je ne suis pas aussi fort que lui. »
« A cause de ta partie lycante qui te bloque? »
« En fait, mes natures s'opposent alors en fait les deux sont en cause. »

Il hocha de la tête et ferma les yeux, je le su car j'avais entendu le bruissement de ses cils contre mon haut. Il s'endormit bien vite, l'aube avait dû le persuader que passer plus de temps devant la télévision n'était pas judicieux. Je pris alors la porte, le couvrant correctement tout en prenant bien soin de n'apporter aucune source de lumière du jour dans la pièce. Ceci fait, j'avais descendu les escaliers craquants et mangé par les insectes pour me retrouver dans la vieille cuisine que nous avions transformé en immense garde manger pour créatures fantastiques. Il y avait de tout et de rien, si bien que trouver un pauvre bol et une boîte de céréales fut un combat ardu. D'ailleurs c'était impossible de trouver du lait. Le bol retrouva donc sa place et c'est natures que j'avais grignoté mon petit déjeuner. Le silence dans la maison était à son comble. On n'entendait ni ronfler, ni respirer, comme s'il fallait que je me sente un peu plus seul encore... étais je fataliste? En effet, soudainement je me rendais compte que je rapportais tous les malheurs, toutes les situations à ma propre tristesse dans le plus grand égoïsme jamais créé. Je me faisais presque pitié à me lamenter sur mon sort, à avoir cru que tous étaient contre moi, en passant par mon père biologique, le seul ayant survécu à la bataille. J'aurai du chérir notre lien, le raviver car nous n'avions pas pu nous connaître, mais j'avais tenté de le tuer. Je savais que la tristesse engendrait des situations infâmes parfois, mais jamais je n'aurai cru être si stupide.

Un long râle guttural me sorti de ma transe. Au loin j'avais pu percevoir le cri d'une meute hurlant à la lune. En cette heure si matinale, le fait le perturba plus que je ne voulais le laisser croire. Le son éveilla d'ailleurs le Jiangshi qui dévala les escaliers avant s'ouvrir en grand une fenêtre baignée d'ombre. Il tendit l'oreille en plissant les yeux, une main collée au pavillon de son oreille pour le rallonger, écoutant avec attention le ton prit par la meute. A vrai dire je n'avais pas su interpréter ce cri, il n'avait pas lieu d'être ou était exceptionnel il est vrai, mais je ne savais aucunement s'il s'agissait d'un cri de détresse ou d'un appel à la guerre. Je n'en savais rien. Pourtant Jackson, qui n'était pas de notre monde, qui l'avait juste parcouru pendant quelques temps, fut soudainement rayonnant lorsque le dernier hurlement vient serpenter entre les arbres de la forêt.

« C'est... il faut aller à Dusk Cove! »
« Il fait jour tu risquerai de te blesser. »

Il couvrit ses épaules d'un immense manteau noir, sa tête d'un chapeau à large bord, et ses mains de gants de soie. Je ne pouvais plus rechigner il fallait y aller, et ce même si je sentais une appréhension me prendre au tripes, comme si j'allais y trouver quelque chose d'affreusement grave, comme s'il se pouvait que j'y trouve des milliers d'hommes de femmes et d'enfants, tous allongés les bras en croix, le cœur a l'air et immobile. Ma lèvre se retrouva bouffée par mes dents pendant un long instant, tout le temps du chemin vers le village de mes Grands-parents en fait. Et elle ne se retrouva relâchée que lorsque la stupeur anima mon visage d'un rictus étrange, mêlant soulagement, étonnement et tristesse.
Les loups étaient tous en cercles sur la place publique, les yeux rieurs et les moues heureuses sur le visage. Au centre, les corps terreux, les visages rayonnants et pâles, se tenaient mes parents, ceux qui encore la veille m'étaient apparu en rêves, qui selon le monde entier avaient quitté ce monde. Jackson n'en croyait pas ses yeux, je le savais, et ce même s'il s'obstinait à cacher son visage sous l'ombre du chapeau. Il revoyait celui qu'il avait aimé depuis tant d'années, cela ne pouvait que le soulager, lui faire un bien fou. Comme à moi.

Je n'étais pas longtemps resté figé loin d'eux. J'avais préféré me jeter dans leurs bras sans attendre un instant de plus. Lorsqu'ils me rendirent mon étreintes c'est enfin une larme de soulagement qui roula le long de ma joue abîmée. C'est un souffle malade et soulagé qui quitta ma gorge. Et c'est un « merci », plein d'amour qui anima mes lèvres gercées et rouge sang. Ils étaient là, dans les bras, alors que non loin j'entendais Yoongi et Namjoon arriver et remercier le ciel de toutes les manières possibles et imaginables. Ils se joignirent à l'étreinte et c'est en silence qu'ils embrassèrent les front des deux hommes, l'un autant que l'autre, leur montrant à quel point ils nous avaient manqué. À quel point ils avaient su nous faire une peur bleue. Mais il fallait avouer, que prendre ce sérum était ingénieux, et que même s'ils avaient été insouciant lorsqu'ils l'avaient volé aux jumeaux, ils avaient pourtant su lui trouver l'utilisation adéquate, parfaite pour se sortir de la mort. Pour cela, je les félicitais silencieusement, les regardant avec tendresse, mes mains dans les leurs.

« Je suis épuisé... » murmura Daeho à son amant.
« Oui... moi aussi... allons nous coucher. »
« Je vais préparer votre lit! » chantonna Yoongi, qui, sur ses petites jambes, couru jusque chez eux pour leur faire un lit digne de ce nom.
« Merci papa. » rit Daeho qui n'avait pu que discuter avec l'ombre d'un Yoongi déjà disparu. Mais soudainement il se figea. Son regard se porta au loin et il aperçu, cette grande silhouette fine, noire, et pourtant amicale. Il se décala alors de son mari, et passa au milieu des loups qui parlaient déjà d'une fête de village pour leurs retour. Il se retrouva finalement face à un Jackson souriant aussi tendrement que possible, ses mains gantées cachées dans ses poches. J'avais lentement tendu l'oreille. Je voulais savoir.
« Ton fils pensait que je t'avais tué... d'ailleurs il faudra nous expliquer comment l'immortel Daeho a pu rester sous terre tant de temps! Alors qu'on le pensait si invincible. » mon père émit un rire mélodieux.
« Nous avons été trahi par l'un des nôtres. En tous cas, il a jugé bon de tuer les chefs de meute en pleine bataille, pendant pouvoir prendre notre place. Il a été fort à vrai dire. Mais il avait été gravement blessé suite à notre combat. Il a, je crois, été tué peu après par un metamorphe. Je le suppose car je ne le vois nulle part. »
« C'est bien possible... » un silence passa entre eux un instant. « Je suis heureux que tu sois de retour... »
« Et moi heureux de te revoir Jackson... »

Ils se serrèrent la main et tout ce termina ainsi. En effet, les chefs revenus ne tardèrent pas à rejoindre leurs couches et les loups préparèrent une fête pour le soir même. Jackson jugea qu'il n'était pas à sa place parmi nous, il retourna donc chez lui où il ne restait plus que Kyungsoo, et moi, heureux comme je ne l'avais jamais été, j'étais retourné à la rivière au creux de la forêt. Là, j'avais prit, papier et crayon, et j'avais écrit. Tout ce qui me passait par la tête et que j'avais voulu laisser derrière moi. Mes sentiments, mes ressentiments et mes envies, tout y était. J'avais essayé de bien écrire, d'être inspirant, mais même la joie de revoir ma famille ne m'avait pas beaucoup aidé pour écrire avec les bons mots et les bonnes expressions, ce que je voulais dire. Un « Je t'aime » n'était jamais assez puissant pour dire ce que l'on ressentais vraiment. Tout comme un « J'ai mal » n'exprime en rien la douleur, la tristesse ou la souffrance pure. Non rien de tout cela n'était assez. Alors un « Je suis désolé » était-il assez fort pour dire à quel point je l'étais? Nullement. Tous les mots étaient fades, et même si je jurais avoir été heureux, tout n'était qu'encre sur papier, et rien n'était assez fort pour que je me fasse correctement comprendre. Mais je n'avais d'autre choix. Je savais qu'il me fallait terminer cette lettre. Elle me prit bien une demi-journée pour être complète, et elle faisait au moins une vingtaine de pages, griffonnées de petits caractères, de quelques larmes et de sentiments baignant dans encore un peu d'égoïsme visqueux qui me collait si bien à la peau.

Je l'avais précieusement rangée dans une pochette de plastique avant de la mettre au fond de mon sac à dos une fois rentré à la maison. Je voulais qu'on la trouve au bon moment mais pas tout de suite. J'avais déjà prévu beaucoup mais je ne savais juger s'il me restait encore beaucoup de temps. Je ne savais qu'une seule et unique chose : j'allais finir par partir et ce, malgré les recherches menées par mon oncle et ma tante, même si Jackson refuse d'y croire et que mes parents, revenus d'entre les morts, me laissaient entrevoir l'espoir de réaliser le même exploit. Mais... depuis trop jeune mon corps était mourant, et je le savais pertinemment. Je ne pouvais plus ignorer ce fait. Maintenant il était trop tard pour espérer ou même feindre l'ignorance.

« Sangki? »
« Oui Kyung? »
« Tu sembles soucieux... tu devrais être heureux pour tes parents pourtant... »
« Je suis heureux » je sourirai alors que je m'étais installé dans le canapé de Jackson devant un film sur la mythologie grecque, le soir même.
« Alors... pourquoi cette soudaine tristesse dans tes yeux? »
« Car c'est lorsqu'on approche de la fin qu'on comprend mieux que chaque instant passé devant la télé, chaque moment à penser que l'on s'ennuie, sont perdus pour ne jamais revenir... alors je regrette de ne pas avoir mis à profit ce temps. »
« La fin?... la fin du film? »
Je riais. « Non... la fin de tout. La fin de la vie. »
« Oh... tu n'as pas à t'en faire... nous sommes immortels ! »
« Oui... oui tu as raison... »

Un sourire fade apparu sur mes lèvres. J'aurai voulu lui dire la vérité. Mais il la connaîtrait bien assez tôt. Il glissa donc une main dans mes cheveux gris clairs, observa mes yeux pendant un instant, avant d'apposer des lèvres épaisses sur mon front. Il savait être si réconfortant. J'étais heureux. Je fermai alors les yeux, les doigts croisés sur ma poitrine et je m'endormais, accueillit rapidement par un monde de songes enfin apaisants, réconfortants. Pour la première fois je n'avais pas eu peur... j'avais senti que c'était le moment et que... que même si je mourrai cette nuit ou dans vingt ans, j'accueillerai toujours la mort avec ce sourire amical, cette douce sensation de bien être, et c'est envie, de ne plus souffrir ma respiration, de ne plus souffrir la vie. Enfin, j'avais compris pourquoi je n'avais jamais aimé, pourquoi je pensais ne jamais désirer personne, pourquoi j'avais mit tant de beauté de côté. Je ne savais simplement pas vivre, j'avais juste apprit à étudier, à être le fils que mes parents voulaient que je sois, et je n'avais pas même entrevus qu'être aimé, épaulé et désiré, était l'une des plus belles choses au monde. Je le savais, j'aurai dû l'aimer, j'aurai dû l'embrasser, mais je n'avais pas pu deviner, que je regretterai un tel contact un jour, que j'aurai voulu Kyungsoo plus proche encore. Mais je n'avais pas le droit d'imposer à ce pauvre garçon un amour avec un condamné, alors cela m'allait. Il allait être heureux. Un jour oui il le serait. J'avais confiance.

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