1 - Paradis sucré des mariées sur son lit de guimauve

Plus la soirée passait et plus je me sentais nauséeuse. Était-ce dû à la mièvrerie ambiante ou à l'alcool que je ne cessais d'ingurgiter pour noyer ma mauvaise humeur ? Impossible à dire.

Le parfait stéréotype du couple heureux virevoltait devant moi, tant et si bien que j'en avais le tournis. Les deux femmes se souriaient avec adoration, isolées du reste du monde par la bulle de bonheur de leur récente union. Il ne manquait plus que des petits chérubins ailés, quelques scintillements aériens et un « elles vécurent heureuses et adoptèrent beaucoup d'enfants » pour coller à un décor Disney.

Bon, j'étais peut-être un peu dure. Meg rayonnait dans sa robe vaporeuse en jupons de tulle, et Carlotta, toujours aussi élégante, brisait les conventions en s'affichant dans une combinaison blanche très moderne. Les deux mariées dégageaient un nuage de joie qui plongeait l'assemblée – moi exceptée – dans un état second d'euphorie. Je regrettais amèrement d'avoir oublié les pétards achetés pour l'évènement. Un peu d'animation n'aurait pas été de refus !

Dans une vaine tentative de fuir l'ennui mortel qui me guettait, je m'amusai à examiner les invités. Seule une petite portion des personnes présentes appartenait au cercle proche des mariées, le reste étant des fréquentations professionnelles et stratégiques. Ainsi, sur les trois cents et quelques personnes présentes, je dénombrai plus de journalistes, mannequins, photographes et gros bonnets médiatiques que de visages familiers. Mais que voulez-vous, quand on parle d'un top model et de l'impératrice des blogueuses, on passe très vite d'un mariage devant le curé à une union digne de Kate et William. Et dire que Meg rêvait d'un mariage intime...

On ne pouvait pas non plus dire que l'ambiance était à son comble. Tout autour de la large terrasse de bois sur laquelle avait été nichée la piste de danse, des petits groupes de trois ou quatre débattaient de l'état actuel de l'économie ou des effets de la dernière pilule anti-cellulite. J'avais même pu saisir quelques informations sur une orgie organisée une semaine plus tôt chez un vicomte

de l'ancien continent. Il faudrait que je creuse de ce côté durant la soirée. Si je ne pouvais gagner des millions grâce à mon joli minois, je ferais peut-être fortune dans le chantage !

Je finis par me lasser de la faune locale et décidai de rejoindre un coin du promontoire sur lequel le jeune couple continuait de danser, entouré de ses demoiselles et garçons d'honneur. Tout autour du cercle des fêtards étaient disséminées de petites tables rondes, certaines agrémentées de vin et de gourmandises salées. Je m'emparai donc d'un bol de cacahuètes et d'une bouteille avant d'aller échouer mon popotin sur une chaise à l'angle de la terrasse, à moitié dissimulée par les voiles translucides de la pergola qui flottaient au gré du vent chaud de la fin d'été, j'avais une vue imprenable sur les petits riches coincés qui comméraient en avant-plan du manoir privatisé pour l'occasion.

Moi qui n'avais jamais été une grande fan des décors romantiques, j'étais séduite par les colonnades délicates et la blancheur quasi immaculée de la bâtisse d'inspiration néo-classique – typique des alentours d'Atlanta. Le jardin à la française, taillé au millimètre près, se prêtait tout à fait à l'organisation d'un tel évènement, fussiez-vous riche et un peu snob.

À présent, vous vous interrogez probablement sur la raison de ma présence ici, au milieu d'une classe sociale capable de me donner de l'urticaire mentale par sa simple présence. Laissez-moi vous éclairer : considérant notre amitié de longue date, Meg avait insisté pour que je sois son témoin. Ma présence ici n'était donc pas tout à fait volontaire. Qui dirait non au démon qui se cachait derrière la bouille angélique de Meggie Jacobson ? Sûrement pas moi, je tenais encore à la vie.

Les minutes défilaient et la sensation d'être une tache de vin récalcitrante au milieu de ce décor blanc et féerique allait croissante. Ce n'était pas qu'une métaphore : j'étais déjà bien imbibée avant même d'entamer la bouteille de Côtes-du-Rhône dont je venais de siffler deux verres, rien qu'en écrivant ces lignes. Je sais, l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, mais je préfère vivre

de whisky et de fourberies plutôt que d'amour et d'eau fraîche.

Un peu avant minuit, je considérai avoir rempli ma part du contrat et commençai à réfléchir à un plan d'évasion. Il était temps pour Cendrillon de rendre ses escarpins de verre et sa robe scintillante pour enfiler un pyjama douillet !

Après tout, si je mettais de côté mon équilibre précaire, il suffisait de contourner avec précaution le lieu des réjouissances et de marcher jusqu'au prochain arrêt de bus se trouvant... à plus de cinq kilomètres. En effet, le manoir était situé sur un ancien domaine viticole perdu en pleine campagne, à mi-chemin entre Atlanta – capitale de l'état de Géorgie – et Jancaster – la ville où je vivais maintenant depuis cinq ans. J'étais arrivée la veille avec Meg afin de l'aider à régler les derniers détails, mais je doutais que ma meilleure amie me raccompagne ce soir, trop occupée à consommer sa nuit de noces. Le retour promettait d'être fastidieux, sans carrosse-citrouille...

Je me levai avec précaution, tentant tant bien que mal de ne pas basculer sur les talons vertigineux prêtés par Meggie pour l'occasion. J'avais fait des efforts ce soir-là. En plus des escarpins empruntés à mon amie, j'avais loué une robe écarlate outrageusement courte pour un mariage et un peu trop moulante pour une planche à pain comme moi – tout pour déclencher un peu de scandale, quoi ! Mais rien n'y avait fait, puisqu'une équipe de femmes de ménage au complet n'aurait pas suffi à déloger la colonie de balais qui avait élu domicile dans le fondement de ces pauvres gens. Déçue d'avoir perdu mon temps ici, je saisis la petite pochette qui me tenait lieu de sac à main et vacillai sur quelques pas.

C'était sans compter l'arrivée impromptue de ma nourrice d'un soir. Avant même que je n'aperçoive l'indésirable, l'odeur ténue et néanmoins entêtante d'un parfum hors de prix flotta jusqu'à moi et je retins un grognement de frustration.

En accord avec l'article numéro un des Lois Suprêmes, rédigé à l'instant par la sérénissime moi-même, il est stipulé que : si je peux sentir les relents de votre nauséabonde odeur corporelle, vous êtes entrés dans mon espace vital. Cette condition remplie, j'ai le droit de briser votre larynx sans m'exposer à des poursuites judiciaires. Légitime défense olfactive.

Mais la justice américaine restait peu familière de mes textes de loi, et je me tournai vers l'opportun pour réfréner mes pulsions meurtrières. Celio – puisque c'était son nom – était le frère aîné de Carlotta. Je le détestais un peu moins que sa sœur, ce qui ne m'empêchait pas d'abhorrer sa présence. J'avais en effet surpris une conversation entre lui et Meggie un peu plus tôt, lui demandant de « garder un œil » sur moi.

Aussi bien me parquer dans la garderie avec les mômes. Peut-être aurais-je même le droit de faire un tour de poney ? Quelle idée palpitante...

Comme je restais debout, incertaine de la marche à suivre – tuer ou ne pas tuer ? –, Celio m'aida à me rasseoir sur ma chaise. Exaspérée par sa prévenance démesurée et son sourire dégoulinant de compassion, je vidai d'un trait le verre de vin que j'avais abandonné sur la table. Il me fallait bien ça pour supporter la conversation à suivre.

Le joli minois du frère de la mariée me fit considérer mes possibilités. Il m'était impossible de l'envoyer sur les roses, au risque de créer un esclandre que Meggie me ferait payer toute ma vie. Mon amie n'hésiterait pas à m'écorcher vive si je faisais un seul pas de travers ce soir, et ce, malgré l'armée de paparazzis qui suivait en permanence Carlotta. Je ne pouvais pas saquer cette fratrie. Pourquoi, me demanderez-vous ?

Attendez voir, j'ai dû noter ça quelque part.

LISTE NON-EXHAUSTIVE DES RAISONS POUR LESQUELLES JE N'AIME PAS LA FRATRIE ANCONETTI :

• Carlotta m'a volé ma meilleure amie

• Meg ne parle que de Carlotta

• Leurs taches de rousseur sont adorablement détestables

• Celio a complété un cursus de médecine. Or, on ne peut

pas être beau et intelligent. C'est louche

• Comment peut-on être aussi bien coiffé tout le temps ?

• Je suis sûre qu'ils photoshoppent leur peau au quotidien

• Les Italiens sont machos, donc Celio est macho

• Carlotta est mannequin et je ressemble à un balai de

sorcière

• Celio est trop gentil pour être sincère, ce doit être un tueur en série

• Je n'aime personne en général

• Carlotta est aussi expressive qu'une brique

• Est-ce que j'ai déjà dit qu'elle a volé ma meilleure amie ?

Celio interrompit mon flot de réflexion et demanda avec un calme olympien :

— Tu m'as écouté ?

Le nouveau venu avait tiré la chaise voisine à la mienne. Je supposai donc qu'il avait tenté de  communiquer durant ma brève absence.

— Excuse-moi, Celio, j'étais distraite par ton immense beauté, minaudai-je.

J'avais espéré qu'il saisisse le sarcasme et aille se balader un peu plus loin. Qui sait, sur l'autoroute ou une voie ferrée.

— Je voulais savoir si tu t'amusais bien, reprit-il sans s'offusquer. Meg s'inquiète de te voir seule, avec une bouteille et... Est-ce que c'est une tétine pour bébé ?

Pendant qu'il babillait, j'avais pris l'initiative d'extraire ladite tétine de ma pochette.

— Mes dents de sagesse poussent, marmonnai-je en commençant à la mâchouiller. Ça me fait un mal de chien.

Cette solution, aussi humiliante soit-elle, était la plus à même de calmer les élancements douloureux de mes gencives. Je fus donc surprise lorsque Celio partit d'un rire franc.

Il était plutôt mignon, quand il riait. Je pourrais même dire qu'il était plutôt mignon tout court, avec ses ondulations d'un châtain mordoré soigneusement coiffées, son visage fin et ses lèvres un peu trop pleines pour un homme. Du haut de ses vingt-six ans, Celio était médecin urgentiste et mannequin à ses heures perdues. Un bon parti, en somme. Si on mettait de côté le fait qu'il était con comme la lune, je pouvais presque apprécier le plissement adorable de son nez et sa rangée d'incisives parfaitement alignées. J'aurais reconsidéré ma carrière pour celle de fée des dents si cela me permettait de collectionner ces petits bijoux.

Je m'ébrouai et repoussai la bouteille de vin à moitié vide plus loin sur la table. Fée des dents n'était décidément pas un projet d'avenir et il était temps que j'arrête la bibine.

— J'aime bien passer du temps avec toi, avoua-t-il une fois remis. Tu es

de bonne compagnie.

— Je ne suis pas quelqu'un que l'on apprécie, Celio. On m'appelle le démon de l'ombre, maîtresse des sept cercles de l'enfer. Des bébés chatons sont sacrifiés en mon honneur. Crains ma puissance.

Si l'on considérait la tétine qui restait coincée entre mes dents et le léger zozotement qu'elle engendrait, ma crédibilité ne devait pas friser les sommets. Aussi, soucieuse d'un minimum de réalisme, j'agitai les doigts d'un air qui se voulait menaçant.

— Voyons, Aoede, souffla-t-il après un nouvel éclat de rire. Je suis persuadé que « bébés chatons » est une expression redondante.

— Ady, le repris-je. Et puis... c'est toi qui es redondant.

Pour ma défense, l'alcool me faisait et me fait toujours dire des choses stupides. Par chance, Celio passa à côté de mon insulte ridicule aussi facilement qu'il avait dû esquiver l'acné pendant l'adolescence, ce veinard. L'air un peu perdu, il fronça les sourcils.

— S'il te plaît, ne te fâche pas mais... je trouve qu'Aoede est un très beau prénom. Je ne comprends pas pourquoi tu préfères ce surnom.

Plutôt que fée des dents, j'allais chercher les offres d'emploi pour devenir marchand de sable et utiliser des enregistrements audio de Celio. Il endormirait n'importe qui avec ses disquettes à deux balles.

— T'en connais beaucoup toi, des Aoede ? répliquai-je, parodiant mon patronyme en un « a-o-è-de » exagéré.

— Non, avoua-t-il, penaud. Ça ne se dit pas « a-o-de » ?

— Second degré, soupirai-je.

J'étais de plus en plus agacée par sa présence et les effluves de son parfum luxueux me filaient la migraine. Je voulais juste rentrer chez moi... Je n'avais rien à faire ici. Ce n'était cependant pas au goût de Celio qui continuait d'argumenter avec un sourire timide :

— C'est pourtant bien d'avoir un prénom unique. Qu'est-ce que ça signifie, d'ailleurs ? Je n'ai jamais pensé à te le demander.

— Grande déesse vengeresse des nuits pourpres, improvisai-je en sortant une paire d'écouteurs de ma pochette.

J'espérais ainsi mettre fin à la discussion de manière civilisée. Tout le monde savait que c'était une façon polie de refuser la conversation, de nos jours. Non ?

— Vraiment ? me relança-t-il.

Mortecouille, il semblait intéressé en plus de ça. Effarée par son taux de naïveté, j'abandonnai le démêlage de mes écouteurs pour fixer Celio. Il n'avait pas inventé le fil à couper le beurre, soyez-en sûr.

— Tu le fais exprès, rassure-moi ?

Il fronça à nouveau les sourcils et poussa un petit soupir, fixant la table sans plus rien dire. Malgré le peu de sympathie qu'il m'inspirait, je ressentis une pointe de culpabilité. Il venait juste papoter et je le rejetais comme un malpropre.

Il ne fait ça que pour t'amadouer, ne te laisse pas piéger ! hurla la petite voix de ma conscience.

Décidant d'écouter ce sage conseil, je me levai de nouveau. Cette fois, Celio me demanda où je comptais me rendre, sans réussir à cacher une certaine agitation.

— Cuver, grognai-je sans plus d'élégance.

Cette discussion m'avait donné la migraine et il ne me restait plus qu'à soigner le mal par le mal. Au diable les bonnes résolutions ! La bouteille de vin dans une main, la pochette dans l'autre et ma tétine entre les dents, je titubai sur mes stilettos jusqu'à un bosquet de pins situé à une vingtaine de mètres de là. Les aiguilles des conifères dégageaient une odeur boisée bien plus agréable que les accents entêtants du parfum de Celio, ce qui était plutôt reposant d'un point de vue olfactif. Du bout du doigt, je taquinai le piquant des épines.

— Coucou, mon tout beau, babillai-je, heureuse de réussir à établir le

contact avec le monde végétal.

— Je te savais un peu cruche, mais l'alcool te rend stupide, railla la voix nasillarde de Carlotta.

Faisant volte-face, j'en vins à regretter que la seconde mariée ne soit pas muette. Elle aurait été tout à fait charmante si elle n'était pas aussi insupportable. Enfin, c'était un avis tout à fait subjectif, puisque madame était l'égérie d'une prestigieuse marque de luxe. Avec sa silhouette filiforme, son visage androgyne et ses boucles brunes coupées court, on se l'arrachait sur le marché du mannequinat.

— Carlotta ! m'exclamai-je en tentant de reprendre contenance. Tu sais que tu es mariée à Meggie, pas à moi ? Il serait pertinent de me lâcher un peu pour aller retrouver ta chère et tendre.

Elle ignora sciemment mes provocations et désigna ma bouteille.

— Tu seras gentille de poser ça, exigea-t-elle plus qu'elle ne le demanda. Il y a des photographes partout, je n'aimerais pas que la réputation des amies de Meg lui fasse défaut.

— C'est vrai que tu as toujours tes adorables rapaces aux trousses, grinçai-je. Et...

— Tais-toi, m'intima Carlotta sans même daigner me regarder.

— Pardon ? m'étranglai-je, la bouche pâteuse. Tu viens de me demander de...

— La ferme et écoute !

Ronchonnant quelques instants à propos de ma liberté d'expression bafouée, je finis par obtempérer. Sans plus d'explications, elle s'éloigna en direction du supposé bruit. Un autre défaut sur la liste déjà longue de cette pimbêche : elle était bien trop curieuse à mon goût. C'est comme ça que les gens mouraient, dans les films d'horreur !

Je devais tout de même savoir ce qui me valait un tel manque de respect de la part de l'épouse de Meg. Je la suivis donc entre les haies bien entretenues qui entouraient le domaine et manquai de la percuter lorsqu'elle s'arrêta sans avertissement au détour d'un buisson. Déséquilibrée, je trébuchai sur quelques pas, peu aidée par mes douze centimètres de talons. Je ne m'étais même pas tordu la cheville ! Mon ange gardien était-il enfin revenu de vacances ?

Sans même me laisser célébrer cette petite victoire, Carlotta se retourna en jurant, son petit nez de lapin froncé sous l'émotion.

— Oh merde, soufflai-je, tout enthousiasme douché. Il y a un cadavre, c'est ça ?

— Mais non, imbécile !

En écartant quelques branches, je finis par apercevoir la raison de l'émoi de Carlotta. Un couple se tenait là, débraillé et mort de honte.

— Ça arrive dans toutes les fêtes, relativisai-je avec un haussement d'épaules fataliste. Après tout, nous sommes réunis ce soir pour célébrer l'amour de deux êtres. Qu'est-ce que deux personnes de plus ? Love is love.

À mon plus grand plaisir, Carlotta était désormais au bord de la crise de nerfs. Lorsque je reportai mon attention sur les tourtereaux, je découvris avec surprise que la femme qui se tenait dans les bosquets n'était autre que Noemi, la tante de Meg. N'appréciant guère la mégère, j'eus du mal à cacher la satisfaction que j'éprouvai à l'idée de la prendre la main dans le sac... ou plutôt, dans le pantalon de son jeune ami.

Noemi ne savait plus où se mettre et lissa soigneusement sa jupe froissée du plat de la main. Plus que les chaleurs de la vieille bique, c'était la différence d'âge présente au sein du couple qui me troublait. Celui qui l'accompagnait était un brun aux boucles ébouriffées, mignon dans le genre chétif. Il devait avoir la vingtaine, soit un ou deux ans de moins que moi, alors que Noemi avait récemment dépassé la quarantaine.

Non pas que cela me dérange d'une quelconque manière, mais il m'avait été peu donné de voir des couples dans lesquels la femme se trouvait être la plus... mature... des deux. La plupart du temps, c'était plutôt un vieux grisonnant qui se tapait la jeune et jolie nana.

Noemi était encore loin des mèches grises et de la peau qui pendouille sous les bras. On pourrait même la qualifier de plutôt canon dans son genre, avec ses formes voluptueuses et assumées, son teint hâlé et son visage peu marqué par les années. Elle restait cependant une femme mûre, et il était étonnant de la voir attirer dans son lit des partenaires si peu expérimentés.

Son compagnon menait pour sa part une bataille enragée contre sa cravate et évitait avec soin le regard de Carlotta. Il était au moins doté d'un instinct de survie, si ce n'était d'une pudeur. On n'affrontait pas le regard de Carlotta Anconetti lorsqu'elle se trouvait en colère. Dans cette situation, la fuite était l'unique chance de survie. Je ne me serais probablement jamais attardée sur le jeune homme, d'une beauté froide et banale sur laquelle on glissait sans s'y attarder. C'était sans compter sur ses yeux d'un bleu si clair que je dus détourner les miens lorsque son regard se braqua dans ma direction avec la puissance de deux phares xénons.

Je baissai la tête pour dissimuler un sourire quand des tics nerveux commencèrent à agiter le nez de Carlotta. Une crise de colère phénoménale n'allait pas tarder et j'étais aux premières loges pour y assister, sans pour une fois en être la cause.

— Ajax, qu'est-ce qui t'est passé par la tête ? fulmina la jeune mariée.

Je reportai mon attention sur le jeune homme posté aux côtés de Noemi. La connexion se fit et j'explosai d'un éclat de rire douteux.

— Mec, t'as un nom de lessive !

NOTE :

• Enregistrer la voix de Celio (somnifère 100 % efficace)

• Enquêter sur la crème de jour qu'utilise Carlotta

• Voler une ou deux bouteilles de vin

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