Chapitre 6

J'ai peine à reconnaître la fille qui me fixe dans la glace. Au lieu du châtain clair coutumier auquel je suis habituée, c'est un blond, presque blanc qui teinte désormais ma chevelure. Mes sourcils ont été épilés avec plus de finesse et on m'a légèrement maquillée. On a également aminci mon épaisse tignasse et, finalement, bouclé mes cheveux, qui m'arrivent désormais aux épaules. J'ai l'air de... Daenerys dans Game of Throne.

Je grimace face à mon reflet. J'ai toujours détesté ce qui était faux. Je déteste les faux cils, les faux ongles, les faux seins...les teintures. J'aime le naturel et là, j'ai l'impression de ne pas être moi-même. J'ai l'air d'une bombasse qui sort en boîte de nuit...à l'exception des vêtements. Mon jeans et mon débardeur ne font pas de moi une poupée. Il ne manquerait plus que la robe !

Avec un long soupir, je vais rejoindre les agents secrets, qui m'attendent dans la salle d'attente du petit salon de beauté dans lequel nous nous sommes arrêtés.

Un sifflement m'accueille, lancé par nul autre que Nathan.

- Jolie ! s'exclame Jaime.

- Sans tes chenilles, je ne t'aurais pas reconnue, ajoute Derek.

Je lui lance un regard noir. Je n'apprécie vraiment pas ce type et son insolence. Il mériterait une bonne claque pour être remis à sa place.

Darel, lui me fixe en silence d'un air satisfait. Il s'avance vers moi et me tend un passeport. Je regarde à l'intérieur et réalise avec surprise que je ressemble à la fille qui est posée sur la photo.

- Nous allons faire semblant d'être frères et sœurs, m'annonce-t-il.

- Mais nous ne nous ressemblons même pas, m'offusqué-je.

Il hausse les épaules, l'air de s'en ficher royalement.

- Ils n'y porteront pas attention, crois-moi.

- Et pourquoi ne ferions-nous pas semblant d'être un couple ? Ça passerait mieux, non ? proposé-je.

Les autres éclatèrent de rire, sauf Darel, bien entendu. Je ne vois pourtant pas ce qu'il y avait de drôle.

- Tu ne connais pas Darel, apparemment, pouffa Nathan. Il ne ferait pas un mari crédible.

- La ferme, lui lança le concerné.

- À partir de maintenant, nous devrons nous tutoyer, me dit ensuite Darel. Sinon, nous serons immédiatement repérés.

- Ah bon. Dans ce cas, je m'efforcerai de vous...te tutoyer. Par qui risquons-nous d'être repérés ?

De qui doit-on se cacher, déjà ? Ah oui ! La mafia russe ! Nous attendent-ils à l'aéroport ?

- La mafia a des espions partout, me répondit Jaime à la place de Darel.

- Donc, récapitulai-je, avec notre nouvelle identité et ma métamorphose, vous croyez que nous passerons incognito...

- Si tu suis le plan, oui, me dit Darel.

Waouh ! Ça faisait étrange qu'il me tutoie. C'était comme si nous étions reliés d'une façon plus...personnelle. Et ça me plaisait.

- J'espère en être capable.

- Aie confiance, chenille, me lance Derek.

Je me retiens de l'envoyer balader.

- Darel te fait un cadeau, en plus.

- Hein ?

- Habituellement, il vouvoie toujours ses clients. Prends-le comme un privilège.

- Pourquoi ?

- Ça pose une certaine distance durant les missions. Et ça évite de mélanger vie personnelle et boulot, m'explique Nathan.

- Ah...

- Toutefois, j'ai l'impression que cette mission sera un peu plus complexe, dit Jaime.

- Rien que je ne puisse régler seul, les gars, dit Darel. Vous n'êtes pas obligés de nous suivre. Je peux assurer seul sa protection.

Ses paroles lui valent un lot de contestations de la part de ses collègues. C'est drôle, mais j'ai l'impression que ce quatuor est plus uni qu'ils ne veuillent le laisser croire, qu'ils forment une équipe.

- Nous allons surveiller vos arrières, mec, lui dit Derek. Et ne n'est pas contestable.

- Ouais, insiste Jaime. Il faut toujours se méfier de la mafia russe. À quatre, on ne sera pas de trop.

- Et vous aller faire ça comment ? interrogé-je. Vous allez vous faire passer pour des couples gais ?

- Hey ! Ce n'est pas une mauvaise idée ! fait Nathan en rigolant.

- Je préfère me faire piétiner par un cheval, grogne Derek, plutôt que d'être obligé d'embrasser l'un de vous. Excepté toi, ma jolie.

Moi aussi, je préfèrerais qu'il se fasse piétiner par un cheval. Comme cela, je ne serais plus obligée de lui voir la tronche.

- Nathan et Jaime, vous passerez pour un couple homosexuel et Derek, comme...

- Je pourrais me déguiser en prêtre...comme cela je ne serais pas obligé d'être en couple.

Je sens que ce voyage va être...intéressant. Je sais que je suis en danger de mort, mais ces agents me font rire. Ils ont un sacré sens de l'humour. Ils détendent l'atmosphère et me font penser à autre chose qu'à ma fuite.

- Allons-y de cette façon, conclut Darel. Et on ne se connait pas !

Les autres acquiescent et nous prenons des taxis différents pour nous rendre à l'aéroport. Je me retrouve à nouveau seule avec Darel et j'en suis presque soulagée. Ces mecs piaillent autant que des oiseaux, ma parole !

- Où allons-nous ? demandé-je alors à mon compagnon de voyage.

- Il faut s'éloigner le plus possible de la Russie, me répond-il.

- D'accord...

- Donc, nous changeons de continent.

- ...

- Nous nous rendons en Amérique, plus précisément au Canada. J'espère que nous aurons un moment d'accalmie avant de devoir partir à nouveau.

- Je ne pourrai pas fuir toute ma vie, lui dis-je alors. Même en changeant d'identité, je ne serai jamais totalement en sécurité.

- C'est juste en attendant qu'ils arrêtent de te rechercher. La mafia passera à autre chose un jour. Après tout, le coupable est mort. Tu es seulement un bonus.

Super ! Je me sens tellement mieux. Notez l'ironie !

Toutefois, je garde le silence. Darel aussi. Il semble songeur, alors je ne le dérange pas.

Nous arrivons à l'aéroport à l'heure du midi. Les autres prennent un autre vol pour qu'on ne se fasse pas repérer, mais ils sont tout de même là. Et ils sont très subtils. La preuve : je n'ai repéré aucun d'entre eux.

- L'avion décolle à 15h, m'informe Darel. Nous devons patienter encore trois heures.

Je n'ai jamais pris l'avion auparavant, alors je trouve le temps très long, surtout avec Darel comme compagnon. Disons qu'il n'est pas très bavard.

- As-tu de la famille quelque part ? lui demandé-je alors pour engager la conversation.

Et aussi pour en apprendre plus sur lui.

Apparemment, ce n'était pas la question à lui poser, car il se ferme comme une huitre et aboie :

- Non !

- Une petite amie ?

- Non plus !

Étrange...pourtant il est beau gosse.

- Tu...commencé-je, mais il m'interrompt brusquement.

- Je voyage beaucoup et je ne reste jamais longtemps au même endroit, m'explique-t-il. Je ne veux pas avoir d'ancrage nulle part, donc pas de famille. En plus, mes ennemis ne peuvent s'en prendre à personne à part moi.

- Je vois...

Quelle triste vie ! Quoique la mienne n'est pas parfaite non plus. Mes parents se fichent de savoir où je me trouve. Ils ne prendront pas non plus de mes nouvelles. Seule leur vie importe. Comment ont-ils faire pour faire trois enfants ? Je suppose que le rêve d'élever une famille comme dans les magasines leur est passé par la tête...mais qu'ils sont vite revenus sur Terre. Ou pas assez...après tout, ils ont eu le temps de faire trois fois la même bêtise.

Nous passons aux douanes sans encombre, mais je suis très nerveuse. Darel, lui, ne laisse rien paraître. Il reste impassible lorsque l'agent de sécurité lui pose des questions. Il joue très bien son rôle de frère. Il passe son bras sur mes épaules après que j'aie traversé le détecteur de métal et nous nous rendons dans la salle d'attente.

Deux heures et demie plus tard, c'est l'heure de l'embarquement. Nous prenons place dans l'avion et écoutons les directives de l'hôtesse de l'air. J'ai un peu peur que l'avion crashe. J'ai entendu parler de l'accident d'un Boeing et le fait que l'avion soit de la même compagnie me terrifie.

- Relaxe, me dit Darel en me voyant me ronger les ongles. Tu as plus de chances de mourir d'un accident de voiture que d'un avion.

Il a vraiment l'art de me rassurer, lui ! Lorsque je songe à notre course-poursuite quelques heures plus tôt, des sueurs froides m'envahissent.

L'avion décolle enfin et je serre nerveusement les accoudoirs. Mes oreilles se bouchent et c'est très désagréable.

- Tu devrais dormir un peu. Ça te fera du bien, me propose Darel.

Sauf que je ne suis pas certaine de pouvoir le faire.

Pourtant, lorsque l'avion est stabilisé dans les airs et que l'atmosphère se calme après que les gens se soient installés confortablement, je me mets à somnoler.

Je me réveille à l'occasion lorsqu'une hôtesse nous propose des rafraichissements, puis me rendors.

J'ouvre les yeux lorsque l'avion amorce sa descente. Nous bouclons notre ceinture et il se pose finalement en douceur.

- Nous sommes arrivés, me dit Darel. J'ai loué une maison de campagne où nous devrions être tranquilles pour un moment.

- Et les autres ?

- Ils vont nous y rejoindre.

- D'accord.

C'est tout ce que je trouve à répondre.

Nous sortons de l'aéroport avec nos valises. Dans mon cas, j'ai seulement un petit sac avec le strict minimum. Darel, lui, a plus de stock. Apparemment, à cause de son titre d'agent secret, il a le droit de voyager avec des armes, pourvu qu'ils soient dans la soute à bagages. Il est donc chargé comme un bœuf et armé jusqu'aux dents.

Nous prenons un taxi, qui nous conduit à l'extérieur de la ville. Pendant quarante-cinq minutes, des champs à perte de vue défilent devant mes yeux.

- Où allons-nous ? demandé-je à Darel. Cet endroit est un trou perdu.

- Exactement. Ils ne penseront jamais à nous chercher ici.

Ou bien ils nous trouveront facilement.

Nous arrivons enfin à destination. Le taxi ralentit et s'arrête devant un grand lac bordé de plusieurs chalets. J'observe silencieusement ma maison provisoire.

- C'est une farce ? questionné-je.

- Non, qu'est-ce qui te fait penser cela ?

- Mon frère est mort noyé. Quel manque de délicatesse ! Et en plus, si la maf...( je m'arrête juste à temps. Après tout, le chauffeur de taxi n'a pas à connaître la raison de notre présence ici.) S'ils me trouvent, ils n'auront qu'à me noyer, comme Ethan.

Darel me regarde sans ciller.

- Ils ne tuent jamais deux fois de la même façon.

- Génial ! Ça me rassure, ironisé-je.

- Et pour le lac, tu devrais vraiment laisser le passé derrière toi. Ça te rongera de l'intérieur et te tuera à petit feu.

- Tu veux que j'oublie mon frère ?

- Fais ton deuil. Et ensuite, on reparlera du lac.

Amen !

Je suis Darel à l'intérieur du chalet en me demandant comment il fait pour ne jamais se laisser envahir par ses émotions. La bâtisse d'aspect rustique est assez grande pour héberger cinq personnes. Les chambres sont spacieuses, le vaste salon avec le toit cathédral est très accueillant et la cuisine, simple, mais bien rangée, nous permettra de cuisiner facilement. La salle à manger est toutefois très petite, mais je doute que ces mecs soient du genre « dîner de famille » alors je crois que nous allons plutôt nous rassembler dans le grand salon. Ça, c'est s'ils me laissent me joindre à eux. Après tout, je ne suis qu'un boulot pour eux.

Lorsque Jaime, Nathan et Derek finissent par arriver avec leurs bagages qui, comme Darel, doivent contenir plus d'armes que de vêtements, je réalise que je vais séjourner dans un endroit perdu avec quatre mecs qui pourraient facilement se débarrasser de moi. Ni vu ni connu.

Puis, en les entendant se disputer comme des gamins pour savoir qui occuperait la plus grande chambre, je me rends compte que ce séjour va être plutôt divertissant. Surtout lorsque Darel passe devant moi et que je me lorgne son fessier plutôt...appétissant. Finalement, je sens que je vais apprécier cette présence masculine dans la maison. Moi et quatre beaux mecs dans un chalet presqu'aussi sécurisé qu'une forteresse, ce n'est pas banal ! 

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