Chapitre 4
Nous nous arrêtons après quatre heures de route à une station-service pour que Darel fasse le plein. J'en profite pour faire un petit tour à la salle de bain, si on peut appeler cela une salle de bain. La pièce est tellement petite que je pourrais me laver les mains assise sur la toilette. L'endroit sent l'urine à plein nez et du papier hygiénique traîne par terre. À croire que les gens ne savent pas ce qu'est une poubelle ! Pourtant, elle est bien là et il n'y a aucun couvercle pour couvrir tout ce qu'il y a dedans...Je me bouche le nez pour ne pas vômir et me lave les mains en vitesse. Je peux enfin respirer une fois à l'extérieur.
Darel est dans le dépanneur et paye l'essence. N'ayant pas eu le temps de prendre de l'argent, je ne peux même pas me payer une barre de chocolat, alors, mine de rien, je m'embarre de la barre et...la glisse dans ma poche. Nah...je rigole. Je la dépose sur le comptoir de la caisse et fixe mon compagnon de route de façon éloquente. Il lève les yeux au ciel et ajoute ma friandise à la facture.
Nous reprenons la route en silence. Toutefois, ma Oh Henri ! est délicieuse et je ne peux m'empêche de pousser un petit gémissement en la dégustant. Darel me jette un drôle de regard.
- Quoi ? Vous n'avez jamais vu quelqu'un en train de manger ? l'apostrophé-je.
- Oui, mais pas de cette façon.
- J'adore le chocolat, je lui donne comme explication.
- J'ai vu ça...
Je me tais et termine ma friandise. Toutefois, j'ai encore faim...
- Va-t-on pouvoir s'arrêter quelque part ? questionné-je.
- Vous avez un problème de vessie ? rétorque Darel, les yeux sur la route.
- Non, mais j'ai faim et...
- Vous venez de manger.
- J'ai encore faim.
- Alors, il va falloir attendre le prochain arrêt.
- Qui est ?
- À deux heures d'ici.
- Quoi ? C'est trop loin. Je vais mourir de faim.
- Si on s'arrête d'ici là, vous risquez de mourir d'autre chose.
Je le fixe, hébétée.
- Pardon ?
- Je veux mettre suffisamment de distance entre les traqueurs et nous. Nous les avons peut-être semés pour l'instant, mais il y a un risque qu'ils nous retrouvent.
- Seigneur !
On se serait crus dans un épisode de Rapides Et Dangereux ! Sauf que Darel ne ressemble pas à Vin Diesel. Quoique ses yeux me font étrangement penser à ceux de Paul Walker. Paix à son âme !
- J'aurais dû prendre deux barres de chocolat, marmonné-je.
- C'est mauvais pour la ligne, déclare Darel.
- Sérieux ? Des gens veulent ma tête, alors au diable les calories !
C'était le moindre de mes soucis pour l'instant. De toute façon, je n'étais pas du tout en surplus de poids. Je n'étais pas maigre comme un clou, mais je n'avais pas de poignées d'amour ni de cellulite. Mon ventre était plat même si je ne m'entraînais pas. Je mangeais autant que je le voulais sans prendre de poids. C'était probablement génétique puisque ma mère s'était bien conservée malgré les années. Mon père aussi était toujours aussi svelte qu'à ses vingt ans. Il y avait au moins une chose pour laquelle je pouvais remercier mes parents.
J'aurais pu être offensée pour son commentaire, mais puisque je n'ai aucun complexe, du moins pour mon corps, je ne réplique rien.
- Surveillez-vous votre alimentation ? lui demandé-je alors.
- Je ne suis pas de régime strict, mais il y a certaines choses que j'évite, comme le chocolat et les frites.
- Pourtant, le chocolat donne un boost d'énergie...
- À court terme. Après, c'est pire.
Hum...à noter.
La voiture redevient silencieuse. J'ai beau regarder le paysage par la fenêtre, il n'y a que des champs à perte de vue. Que c'est ennuyeux !
- Parlez-moi de vous, dis-je alors à l'agent double.
- De moi ?
- Oui. Racontez-mois le genre de film que vous aimez, les séries que vous regardez, vos activités en général...des trucs de ce genre.
- Et pourquoi voulez-vous savoir cela de moi ?
- J'ai bien le droit de connaître celui en qui mon frère avait une confiance absolue.
- Dites plutôt que vous voulez vous faire votre propre opinion de moi.
- Aussi. Alors ?
- Je ne regarde pas de film ni de séries télévisées et je ne sors presque jamais.
Quelle vie merdique !
- Vous faites du sport, non ? questionné-je en laissant mon regard vagabonder sur ses bras athlétiques.
Il avait enlevé son blouson pour être à son aise et son t-shirt en dévoile plus. Je peux ainsi (discrètement) admirer son tatouage polynésien qui captive mon attention. Je vois ses veines ressortir sur ses biceps musclés. Ce mec a un corps de Dieu. Et encore ! Je n'ai pas vu le reste.
- Je m'entraîne, en effet.
- En salle ?
Il pousse un long soupir.
- Ben quoi ? rétorqué-je. Ce n'est pas comme si je vous demandais la marque de vos caleçons ! Je veux seulement savoir où vous vous entraînez.
- Partout. Cela dépend de mes missions. Je trouve toujours un endroit, que ce soit un dojo ou une salle de sport.
- Il me semblait aussi...
Darel fixe toujours la route. Il ne me jette pas de regard. J'aurais pu être invisible. Si je me décrottais le nez, le verrait-il ? Je suis tentée d'essayer juste pour attirer son attention, mais je décide de m'abstenir ; je ne voudrais pas le répugner dès la première journée. Je dois trouver une autre façon d'attirer son attention afin qu'il se décide enfin à briser le silence. J'ai la gigote et n'ai qu'une envie : me dégourdir les jambes. Si je les sortais par les fenêtres, est-ce que l'engourdissement disparaîtrait ? J'ai déjà vu des gens le faire. Ils reposent leurs pieds sur le rétroviseur.
- Qu'y a-t-il, encore ? demande-t-il sèchement.
- Est-ce qu'on est bientôt arrivés ?
- Sérieusement ? Vous avez quel âge, à la fin ? Je vous ai dit que c'était loin.
- Mais vous n'avez pas dit où ?
- C'est un endroit secret. Seuls les agents les plus fiables connaissent son emplacement.
- Bien reçu, agent 007.
Il décide enfin de tourner sa tête dans ma direction. Il hausse un sourcil, ne riant pas devant ma blague. Ce type est un robot ou quoi ? En fin de compte, j'ai plus l'impression de me trouver dans le film «Terminator ». Darel n'a pas l'allure d'Arnold Schwarzenegger, mais il est aussi sérieux. Et moi, je suis Sarah O'connor. Ça sonne bien. Sauf que dans le premier film, le cyborg lui veut du mal. Et puisque je n'ai pas vu les autres films, je n'ai aucune idée de ce qui se passe par la suite. C'est le genre de série trop compliquée pour moi. Seuls les mots Skynet, jugement dernier et Genisys me perdent. Il me faut une histoire facile à suivre pour que je ne décroche pas.
- Une fois là-bas, qu'est-ce qui va se passer ? demandé-je au Terminator.
- Ils vont vous protéger, répondit-il. Le reste, je m'en balance.
- Ah...ce sera donc « Hasta la vista, baby », commenté-je.
- Quoi ?
- Laissez faire. Je me comprends.
Et comment !
- Vous me faites penser à un robot, ajouté-je.
- Pourtant, je suis fais de chair.
J'aimerais bien vérifier...
Je me gifle mentalement. Je dois restée concentrée sur la route si je veux savoir où nous nous rendrons. Si un jour de dois m'enfuir, je veux savoir comment retourner chez moi. Quoique le coût du taxi risque d'être élevé...
- Bordel de m...commençai-je en réalisant quelque chose.
- Quoi ? explose Darel. Vous ne pouvez pas vous taire dix minutes.
J'ignore son ton cinglant et son commentaire désobligeant.
- Je n'ai pas un rond, réponds-je. Comment vais-je faire pour m'acheter de la nourriture et des vêtements ? Je n'ai même pas mon portefeuille avec moi.
- Ce n'est pas un problème. Votre frère avait prévu le coup. Il a déposé de l'argent dans un compte à votre nom.
- Mais je croyais que...
- Il a pensé à vous. Il ne parlait jamais de ses parents, mais il m'a déjà parlé de vous.
- Ah oui ? Et qu'a-t-il dit ?
- Ce n'était pas très flatteur...
- Cet espèce de minable, juré-je à voix haute. S'il n'était pas déjà mort, je l'étranglerais de mes propres mains.
- J'en doute, dit Darel sans rire. Il était le meilleur au combat rapproché.
- Lorsqu'il était gamin, c'était toujours moi qui avais le dessus.
- Sauf qu'il avait vingt-cinq ans et...
- Toutes ses dents, ricané-je.
Il lève les yeux au ciel, ou plutôt vers le toit ouvrant, mais je crois voir un infime sourire étirer ses lèvres. Au moins, il sait sourire.
Nous nous arrêtons à nouveau deux heures plus tard au service au volant d'un Mc Donald et je commande un Mc Poulet tandis que mon compagnon de route prend une salade.
- Saviez-vous que les salades sont aussi caloriques que les frites ? lui lancé-je.
- C'est la vinaigrette qui est grasse, pas la salade.
- Vous ne mettez pas de sauce ? je fais, horrifiée.
- Non.
- Beurk. En réalité, vous êtes un lapin.
Il est peut-être un chaud lapin...J'essaie de l'imaginer nu la tête entre...Stop ! Il ne faut pas que je fantasme sur lui. En plus, je suis en peine d'amour. Je devrais être en train de pleurer toutes les larmes de mon corps. Sauf que, finalement, je suis presque soulagée de ne plus être en couple. Comme on dit si bien « Mieux vaut être seul que mal accompagné ». J'ai failli faire une bêtise un peu plus tôt et je remercie mentalement Darel d'être arrivé à temps.
- Sauf que je mange du lapin, argue Darel, alors je suis carnivore.
Je grimace en songeant à ces pauvres petites bêtes.
- Maintenant, nous devons vous trouvez des habits. Je connais un magasin de grande surface où il y aura tout ce dont vous aurez besoin.
J'en doute...mais bon.
Nous arrivons cinq minutes plus tard devant un grand commerce et Darel m'attend à l'extérieur. Il n'est probablement pas fan de magasinage.
Étonnamment, j'en ai pour mon argent. Je choisis des tenues confortables, des jeggings, t-shirts, pull et sous-vêtements.
Trente minutes plus tard, je sors avec tous mes sacs et rejoins Darel, qui m'attend impatiemment et qui parait toujours sur ses gardes.
- Allons-y, dit-il seulement en empoignant mes sacs qu'il balance dans le coffre.
Une chance que je n'ai pas acheté de parfum, sinon la voiture sentirait la vanille pendant un long moment...
L'agent roule en silence, sans musique, si bien que le bruit me berce et je finis par m'endormir.
C'est un crissement de pneus qui me réveille en sursaut.
- On est arrivés ? balbutié-je, désorientée.
- Je crains qu'on doive changer de plan, me répond Darel.
Je tourne la tête et vois une bâtisse entre les arbres qui est en flammes.
- Est-ce votre société secrète ? questionné-je.
Vu l'air qu'il fait, j'en déduis que oui.
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