Chapitre 24
L'avion vient de se poser à Paris, à l'aéroport Charles-de-Gaulle. Je suis super excitée, car c'est la première fois que je viens en France. Je vais assurément visiter quelques lieux célèbres. Darel, lui, semble totalement indifférent, comme s'il avait déjà tout vu.
Il appelle un taxi et celui-ci nous conduit à travers la ville. Il s'arrête dans une petite rue devant un édifice d'où l'on voit la tour Eiffel. J'en suis émerveillée.
- Viens, me dit l'agent alors que je reste plantée là, la bouche entrouverte.
- Sommes-nous si pressés ? je m'enquiers.
- Je dois régler le problème de mon beau-père le plus rapidement possible. J'ai peur qu'il s'en prenne à ma mère.
- Où est-elle ?
- Je sais qu'elle vit dans le dixième arrondissement, mais je ne l'ai pas revu depuis que ce criminel est entré en prison.
- Elle t'en veut ?
Darel ricane.
- C'est peu dire.
Il déverrouille la porte, puis me fait signe d'entrer. Je reste estomaquée par les lieux. De l'extérieur, le style semble classique, mais la modernité de l'endroit me surprend. C'est petit, mais assez grand pour deux personnes. Le plancher est en bois vernis, les murs sont blancs, les nombreuses fenêtres nous laissent entrevoir la ville et, surtout, la légendaire tour de fer, et les meubles noirs donnent une touche masculine à l'ensemble.
- Wow ! Je m'exclame. C'est chez toi ?
- Pour le moment. Je le loue alors, lorsque je pars pendant un long moment, je trouve une autre résidence plus près de ma mission.
- Et ta prochaine mission est pour quand ?
Il hausse les épaules.
- Puisque notre base a été détruite par la mafia, Jaime, Nathan et moi devrons retrouver les agents qui étaient en mission à ce moment et, lorsque ce sera fait, nous construirons un nouveau centre ultrasecret.
- Je vois...
- Le gouvernement peut tout de même nous contacter n'importe quand, alors le gars et moi devons rester à l'affut.
- D'ailleurs, où se trouvent-ils en ce moment ?
- En mission. Je dois passer un coup de fil, m'informe-t-il. Ça risque d'être long, alors fais comme chez toi.
Il part s'enfermer dans ce qui doit probablement être sa chambre et je reste debout dans le salon. Faire comme chez moi, hein ?
Je dépose mes affaires et ma guitare sur le grand fauteuil noir. Je m'installe et ouvre la télévision, mais le paysage me fait de l'œil, alors je sors sur le balcon aux barrons de fer forgé. La ville grouille de vie, les voitures envahissent les rues, les passants se promènent en bas et j'ai envie de sortir. Darel m'en voudra-t-il si je vais explorer les environs ? Après tout, la mafia ne me coure plus après, alors le danger est écarté. Je resterai dans les environs.
Mon choix est fait et je quitte l'appartement de Darel. Occupé comme il est, il ne se rendra même pas compte de mon absence.
Je me balade dans la rue et contemple les édifices vieux de plusieurs siècles. Je trouve que Paris a un charme indéniable. Son histoire me fascine. Contrairement au paysage rural dont je suis habituée, me voilà charmée. Toutefois, je n'aimerais pas habiter ici en permanence. J'ai besoin de plus de tranquillité et d'air frais. Ici, l'odeur de la ville me prend au nez.
Je m'éloigne peu à peu de la rue de Darel et me dirige vers la tour Eiffel. Elle est énorme ! Je l'ai seulement vu sur photo mais elle est beaucoup plus impressionnante en vrai. Je traverse le petit parc bordé d'arbres et m'assois sur un banc. Je resterais ici toute la journée si je le pouvais, mais l'agent va sans doute me passer un savon si je ne rentre pas bientôt. Alors que je me lève, j'aperçois un artiste faire le portrait de touristes à l'aide de fusains. Je m'approche et je suis sans mot devant son travail si similaire à son modèle.
- Voulez-vous passer la prochaine ? me demande-t-il.
Je hoche la tête. Ça me fera un souvenir. Il travaille rapidement, mais avec précision et ses coups de crayon m'hypnotisent. Puis, il termine et remet son œuvre au touriste, qui le paie, puis s'en va. Une chance que j'ai retiré un peu d'argent à l'aéroport. Je ne suis pas sûre qu'il aurait apprécié l'argent américain. Je m'installe et le regarde s'exécuter en silence. Puis, un quart d'heures plus tard, il me montre le résultat. Je retrouve les mêmes traits et les mêmes cheveux, mais je remarque que mon portait semble mélancolique. Ai-je l'air de cela ?
- Merci, je lui dis en le payant.
Il prend l'argent et me dit alors :
- S'il ne veut pas de vous, c'est qu'il ne vous mérite pas
- Pardon ?
- Lorsque quelqu'un est en amour, je le remarque immédiatement, me dit-il. Vous paraissez si triste que j'ai tout de suite pressenti que c'est à cause d'une déception amoureuse.
Comment a-t-il vu cela ? Il remarque mon expression interrogative et rajoute :
- Je peins des dizaines de personnes chaque jour, alors je suis habitué à percevoir leurs sentiments à travers leurs expressions. La vôtre ne ment pas
Je dirais plutôt qu'il est devin.
Sur ce, je lui dis au revoir et pars l'esprit troublé. Le soleil se couchera bientôt, alors je marche rapidement. Lorsque j'arrive chez Darel et que je pousse la porte, j'entends un « Te voilà enfin », alors je sens que je vais prendre cher. À peine le seuil passé, il se précipite vers moi. J'ai tout juste le temps d'apercevoir ses traits déformés par la colère qu'il me tombe dessus.
- Où es-tu, nom de Dieu ? jure-t-il.
- Du calme, j'étais seulement partie me promener.
- Tu as disparu sans ne rien dire ! J'ai cru qu'on t'avait enlevée !
- Dans ton propre appartement ? je lance.
- Ça s'est déjà vu, crois-moi.
- As-tu tellement d'ennemis ?
Il ne répond pas tout de suite.
- Assez pour penser que quelqu'un aurait pu s'en prendre à toi.
J'en reste baba.
- Pourquoi ne me l'as-tu jamais dis ? je le questionne.
- Je pensais que tu l'avais compris avec ce qui est arrivé à ton frère, me répond-il en haussant les épaules. Au fil des ans, nous nous créons de nombreux ennemis lors de nos missions. Certains d'entre eux veulent se venger, mais c'est très rare qu'ils nous retrouvent. Ethan n'a pas eu de chance...
- Je vois...
Darel me sermonne pendant encore vingt minutes puis, lorsqu'il voit que j'ai compris, il retourne dans sa chambre. Super ! Me revoilà seule. Je me dirige vers la cuisine, ouvre le frigo, et sort de quoi préparer des pâtes bolognaises. Darel revient au même moment.
- Qu'est-ce que tu fais ? me demande-t-il.
- Je prépare le repas.
- Je songeais à t'emmener dans un petit resto français, m'informe-t-il.
J'en lâche ma louche. Vient-il de me proposer un rendez-vous ? Je suis sûrement en train de rêver.
- Si tu ne veux pas, on peut rester ici, ajoute-t-il, l'air visiblement mal à l'aise.
- Non, ça va. Tu m'as surpris, c'est tout. Je ne croyais pas que tu étais le genre de type à inviter une fille au resto.
- Je ne suis vis tout de même pas en ermite non plus.
J'éclate de rire. Darel l'ermite. Ça sonne plutôt bien.
- Où allons-nous ?
Il ne me répond pas, ce qui ne me surprend guère. Puisque je ne sais pas dans quel genre de restaurant il m'emmène, j'enfile une petite robe noire à bretelles m'arrivant au genou et opte pour une veste en cuir beige. Darel est déjà vêtu d'un pantalon noir et d'une chemise bleue indigo. Alors que nous sortons de son apparemment, je sens le regard de l'agent sur moi. Il cache si bien ses émotions que je ne sais pas ce qu'il pense de mon look. J'ai laissé mes cheveux détachés et ceux-ci bouclent légèrement dans mon dos. J'ai tout de même hâte de redevenir châtaine. Je trouve que cela fait plus naturel, plus...moi.
Nous prenons le taxi, qui zigzague dans les rues parisiennes.
- C'est un vrai labyrinthe, je fais remarquer à Darel.
Celui-ci a encore les yeux rivés sur son cellulaire. Il jette un coup d'œil par la fenêtre et répond :
- Paris est réparti en arrondissements. Une fois que tu as saisi le principe, c'est facile de se repérer.
Je vais devoir me trouver une carte de la ville, car je suis certaine que, sinon, je me perdrai. J'ai l'intention, dès demain, de faire une petite visite au musée du Louvre. Et j'irai me promener dans le jardin des Tuileries. C'est un incontournable lorsqu'on va au musée.
Mon frère me parlait sans cesse de Paris, c'est pour cette raison que je connais aussi bien les lieux touristiques de cette ville. Et dire que je croyais qu'il était agent de voyage ! Il y a probablement habité, peut-être même avec Darel, qui sait ?
Le taxi s'arrête enfin devant un restaurant plutôt chic en apparence. Nous entrons à l'intérieur et, aussitôt, un serveur vient nous accueillir. Il nous emmène au deuxième étage, mais ne s'arrête pas. Il poursuit son chemin jusqu'à une terrasse. Je suis époustouflée par la vue directe sur la tour Eiffel. Le coucher de soleil au loin illumine la structure d'acier, lui donnant un effet enchanteur. Les nappes blanches sur les tables ainsi que le tabouret immaculé appellent au luxe.
Nous nous installons et le serveur nous apporte du vin rouge, qu'il fait goûter à Darel. Je suis surprise par les gestes assurés de l'agent. C'est comme s'il était habitué d'évoluer dans ce genre de lieu.
- Viens-tu souvent ? je lui demande lorsque le serveur repart.
- Ici, c'est la première fois. On m'a fortement recommandé ce restaurant et je voulais partager cette nouvelle expérience avec toi.
- La vue est époustouflante, je lui fais remarquer.
Il approuve et nous dégustons notre vin en silence.
- As-tu réglé l'histoire avec ton beau-père ? je le questionne à nouveau.
- Non, me répond-il en soupirant bruyamment. Il est sorti de prison pour bonne conduite, alors je n'ai pas de preuves suffisantes pour l'y renvoyer. Je le fais suivre et je dois attendre qu'il fasse un faux-pas afin de l'incriminer à nouveau.
- Et s'il était devenu un citoyen honnête ?
Darel éclate d'un rire ironique.
- Crois-moi, Sarah, les hommes de son genre ne deviennent jamais honnêtes. Il a goûté à la criminalité, alors il replongera certainement. Ce n'est qu'une question de temps.
- Donc, tu vas attendre patiemment qu'il replonge ?
- Oui, je le fais suivre par Nathan et Jaime. Il ne les connait pas et ils pourront le coincer.
Le plan est plutôt judicieux.
- Changeons de sujet de conversation, annonce alors Darel. Je n'aime pas parler de lui. Ça fait remonter des souvenirs que je préfère oublier.
Je hoche la tête, mais ne trouve rien à lui dire. Darel est quelqu'un de plutôt introverti et discuter avec lui est assez difficile. J'ai déjà essayé et je me souviens très bien de notre première conversation dans la voiture au moment où il m'emmenait en sécurité. Je n'ai pas réussi à lui soutirer la moindre information, même pas son plat préféré.
- De quoi veux-tu parler ? lui demandé-je.
- De toi. Tu es libre de refaire ta vie. Par où veux-tu commencer ?
Je cligne des yeux. Je comprends alors que Darel m'a emmenée ici pour m'y laisser.
- Si je voulais refaire ma vie, ce n'est certainement pas ici que je le ferais, réponds-je.
- Pourquoi ? Tu pourrais faire de la musique, chanter comme tu aimes.
- Où ? Dans le métro ?
Mon ton acerbe ne lui échappe pas. Je sais que percer dans ce domaine est très rare et ce rêve n'est pas réalisable.
- Pour commencer, dans les petits bars pour te faire connaître, propose-t-il.
Je secoue négativement la tête.
- J'ai compris lorsque nous étions à New York que jouer de la guitare sans mon frère n'est pas aussi amusant.
- Donc, tu vas abandonner, en déduit Darel.
- Je vais poursuivre le chant comme loisir, mais sans plus.
- Je ne te crois pas.
- Pourtant, c'est ce que je vais faire.
- Et ensuite ? s'enquit l'agent.
- Je vais aller vivre chez ma tante. En Australie.
L'idée me tente. Elle m'accueillera probablement. Je ne l'ai pas revue depuis plusieurs années mais, après tout, c'est ma marraine. Elle m'a toujours appréciée et c'est réciproque. De toute façon, il est totalement hors de question que je retourne chez mes parents.
Darel me fixe de son regard perçant, mais je ne décrypte pas ses pensées. J'aimerais qu'il me parle, mais n'en fait rien. Au lieu de cela, il commande notre repas. Le reste du dîner est tendu, nous échangeons des paroles sans intérêt. Je déguste tout de même ce succulent repas. Une fois terminée, nous retournons à l'appartement.
- Je te laisse le lit, me dit-il en arrivant.
- Non, je...
- J'insiste, me coupe-t-il. Tu dormiras mieux seule.
Sauf que je n'ose pas lui avouer que mes cauchemars m'empêchent de dormir depuis ce que Maxim m'a fait. Et qu'il est le seul à pouvoir les repousser.
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