Chapitre 23
Il appuie le canon du fusil sur ma tête et un bruit sourd déchire mes tympans.
- Sarah ! Réveille-toi.
Je me redresse brusquement en criant.
- Chut ! Ça va, ce n'était qu'un rêve, me dit Darel.
Sauf qu'à peine quelques heures auparavant, Maxim a réellement tenté de me tuer.
Je me rallonge en soufflant comme si j'avais couru un marathon.
- J'ai vu ce qu'il t'a fait, me dit tout à coup l'agent. Tu veux en parler ?
Je secoue négativement la tête.
- Je n'osais pas intervenir de peur qu'il n'appuie sur la détente, se justifie-t-il.
- J'ai encore l'impression de sentir son arme sur ma peau, je dis seulement. C'est le pire moment que j'aie vécu dans ma vie.
Il hoche la tête.
- As-tu déjà été torturé lors d'une de tes missions ? je lui demande alors.
- Non, mais des collègues l'ont été. Par contre, j'ai déjà eu plusieurs pistolets pointés sur ma tempe, précise-t-il. Je sais ce que ça fait que d'être totalement démuni face à l'ennemi, de ne pas savoir si notre vie s'arrêtera à l'instant et d'en faire des cauchemars par la suite.
C'est exactement ce que j'ai ressenti. Mais le pire, c'était l'endroit où il a posé son pistolet. Je n'ose imaginer la douleur que ça aurait créée. J'en frissonne encore d'horreur.
La la main de l'agent se pose sur mon épaule en guise de réconfort, mais je me dégage aussitôt. Je n'ai pas envie que qui que ce soit me touche en cet instant.
- Tu ne crains rien avec moi, m'assure Darel face à ma réaction. Jamais je ne te ferai de mal.
- Je sais, mais tu viens d'assassiner quelqu'un, toi aussi.
Il éclate de rire.
- Tu exagères un peu, là. Ce n'est pas parce qu'un psychopathe t'as passé son pistolet...à des endroits intimes que je suis comme lui.
- Vous êtes tous les deux des tueurs...du sang salit vos mains.
Darel pousse un long soupir.
- Et on en revient à la même discussion qu'au début, me dit-il en s'éloignant de moi.
Il parait tout à coup très en colère.
- Je l'ai tué pour te sauver, éclate-t-il.
- Je t'en remercie, mais laisse-moi du temps pour digérer tout cela.
Il se lève.
- Tu as raison, dit-il. Je te laisse le lit. Je suppose que dormir à côté d'un meurtrier doit t'être pénible.
Je reconnais immédiatement le sarcasme de ses paroles. Je me lève à mon tour.
- Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, je le reprends. C'est juste qu'après tout ce qui s'est passé cette nuit, je ne supporte aucune main sur moi.
- Arrête d'essayer de te justifier, me crache Darel avec hargne. Pour quelqu'un qui exècre les tueurs, tu as facilement couché avec mon frère et il parait que tu as apprécié.
La gifle part sans que je ne puisse la retenir. Darel tressaille à peine sous la force du coup. Toutefois, j'ai l'impression que le bruit résonne encore dans la pièce. Et dans ma tête. Ma main elle, est en feu. Le visage de l'agent est aussi dur que du rock. Ses traits sont figés également. J'ai l'impression que le Darel attentif de tout à l'heure s'est fait la malle.
- J'ai besoin d'air, dit-il en sortant de la chambre.
Il claque la porte et me laisse seule. Bordel ! C'était quoi ça ? Une chicane de couple ? J'éclate de rire sous l'ironie de la situation. Puis, mon hilarité se transforme en pleurs. Non, nous sommes loin d'être un couple. Ne se sommes...rien. À l'exception de deux personnes que la destin a malencontreusement réuni. Je ris, je pleure, je n'arrive plus à me contrôler.
Darel revient alors et se fige en me voyant perdre ainsi les pédales. Il doit être habitué, maintenant.
- Sarah, je suis désolé, me dit-il doucement en me prenant dans ses bras. Je ne te laisserai pas tomber. Promis.
Cette fois-ci, je le laisse faire. Darel n'est pas Mickael ni Maxim. C'est mon protecteur, ma gueule d'ange, mon sauveur, mon amour...
Non, il n'éprouve pas les mêmes sentiments à mon égard. Cependant, je prends tout ce qu'il me donne et, en ce moment, c'est du réconfort.
Je finis par m'endormir dans ses bras et, cette fois-ci, je me repose jusqu'à l'aurore.
Au matin, le traumatisme de la veille a laissé place une certaine tranquillité. Avec un peu de sommeil, je suis capable d'analyser les faits et je me réjouis même que le problème de la mafia soit réglé. Toutefois, ça ne veut pas dire que j'ai oublié tout ce qui s'est passé. J'espère que mes parents vont bien, mais puisque Darel a dit qu'ils s'en sortiraient, je lui fais confiance. Je n'arrive pas à enlever la sensation du fusil se promenant sur ma peau, et c'est ce qui m'angoisse le plus. Jamais plus je ne veux être confrontée à une arme de ce genre. J'en deviendrais complètement folle.
- Nous partons dans dix minutes, me dit Darel à mon réveil.
Je hoche la tête, vais dans la salle de bain m'habiller et me coiffer, puis en ressort prête. L'agent est déjà à la porte et me fait signe de le suivre. Une fois dans la voiture, il nous conduit directement à l'aéroport.
Le voyage se passe dans un lourd silence. Darel semble songeur et je suppose qu'il a hâte de revoir sa sœur et, surtout, dans quelles conditions.
Lorsque nous débarquons de l'avion, Mickael nous attends déjà près d'un taxi. Aussitôt que je le vois, la fureur revient comme un boomerang.
- Toi ! je m'écrie en me fichant pas mal que quelqu'un m'entende. Espèce d'ignoble individu.
- Bonjour, Mickael, me coupe-t-il en essayant d'imiter une voix féminine. C'est gentil d'être venu me sauver.
- C'est Darel qui m'a sauvée !
- Mais sans mon aide, jamais il n'en aurait été capable.
Je lève les yeux au ciel.
- Ce que tu peux être arrogant !
- Que veux-tu, Trésor ? On ne peut pas être tous aussi parfait que Darel.
Ce dernier lui lance un regard noir.
- Quoi ? rétorque son jumeau. Il fallait le dire si tu voulais la garder pour toi seul ! Mais si tu veux, on peut partager.
J'ai l'impression que je ne suis pas la seule à avoir envie de le cogner.
- Où se trouve Isabelle ? interroge Darel pour changer de sujet.
- Elle travaille à la bibliothèque municipale. Elle termine son chiffre dans une heure.
- Parfait. Allons l'y attendre.
Nous nous rendons donc devant une immense bâtisse et nous sortons du taxi.
- Je me demande si elle a beaucoup changé, dit Mickael en fumant une cigarette.
- Depuis que tu l'as vu, il y a quinze ans, oui. Maintenant elle doit en avoir trente et un.
Je fais rapidement le calcul. Si cela fait quinze ans, alors Darell et son frère doivent être aujourd'hui âgés de vingt-trois ans. Pourtant, je trouve que l'agent fait beaucoup plus mature que son jumeau.
- La voilà ! s'exclame Darel lorsqu'une femme aux cheveux châtains sort de l'édifice.
Elle est assez grande, plutôt mince et tient quelques livres dans ses bras. Darel et Mickael s'avancent vers elle, mais s'immobilisent lorsque des voix d'enfants crient :
- Maman !
Trois enfants s'élancent vers elle et la serrent contre eux. Aussitôt, le visage d'Isabelle s'illumine. Elle prend le plus jeune dans ses bras et lui fait un câlin. Celui-ci s'esclaffe et ils semblent si joyeux que les hommes à mes côtés n'osent pas les déranger. Puis, un homme s'avance à son tour et l'embrasse tendrement. J'ai envie de rire en apercevant l'air dégouté des enfants.
- Elle semble avoir refait sa vie, remarque Mickael. Tu veux toujours qu'on aille la voir ?
L'agent ne répond pas immédiatement. Il regarde la jeune famille devant lui. Son visage impassible ne me permet pas de savoir à quoi il pense, mais je crois distinguer une lueur de déception au fond de ses prunelles. Lui qui attendait depuis des années ce moment, il vient de s'apercevoir que sa sœur aînée l'a oublié et qu'elle a refait sa vie ailleurs.
- Non, répond-il enfin. Elle semble heureuse et je ne veux pas tout gâcher.
- Au moins, maintenant, nous pourrons dormir tranquille tout en sachant qu'elle saine et sauve, ajoute Mickael.
C'est la première fois que je le vois aussi...humain. L'arrogant personnage que je connais a laissé place à un homme sensible.
Darel approuve d'un hochement de tête et les jumeaux tournent les talons. Je reste encore quelques secondes à contempler le joli tableau qu'offre cette petite famille et je me surprends à espérer qu'un jour, moi aussi j'aurai la mienne. Isabelle me remarque alors et je la vois me fixer, mais je tourne à mon tour les talons. Je sens son regard dans mon dos tout en suivant mes compagnons. Nous a-t-elle vus ? A-t-elle reconnu ses frères ? Si oui, elle ne démontre rien.
- Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? je demande à Darel une fois dans le taxi.
- Je dois retourner en France, me répond-il. Je viens de recevoir un message. Mon beau-père a réussi à avoir une libération conditionnelle. Il a des contacts qui l'ont aidé de l'extérieur et je dois résoudre ce problème.
- As-tu besoin d'aide ? lui demande Mickael.
- Non, merci, je gère, répond brusquement l'agent.
- Dans ce cas, je reprends l'avion pour New York. Si tu veux venir avec moi, Trésor, tu es la bienvenue.
Je retiens une grimace. Je préférerais retourner chez mes parents plutôt que de l'accompagner.
- Je...je vais suivre Darel, je réponds.
Ce dernier ne refuse pas et je suis légèrement rassurée ; notre séparation n'est pas pour tout de suite.
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