Chapitre 21
Me voilà de retour chez moi après douze heures de route en autocar. Je n'avais pas envie de revenir, mais je n'avais nulle part où aller.
Aussitôt rentrée, je téléphone à mon voisin, du moins, celui qui habite à un kilomètre de chez moi, et lui raconte que j'ai développé une passion pour la chasse et que j'aimerais apprendre à tirer au fusil. Il semble hésiter, mais lorsque je lui dis que mon père est tout à fait d'accord, il accepte.
Je me retrouve donc sur sa ferme où il installe des cibles et il sort ses fusils de chasse. Wow ! Il en a toute qu'une collection. L'un deux ressemble à celui que mon père garde caché dans le sous-sol de notre maison. Tout le monde sait que les gens qui habitent en campagne possèdent une arme et un permis de chasse !
Mon voisin, monsieur Collin, me donne par la suite quelques petits conseils, me montre comment tenir le fusil et comment viser. Au début, je rate toutes les cibles, mais plus le temps passe, et plus je m'améliore. Vers la fin de la journée, je suis devenue un pro, enfin presque. Et je ne sens plus mes bras.
Je retourne donc chez moi, verrouille toutes les portes de la maison, pousse les meubles devant, ferme les volets et m'enferme dans ma chambre. De là-haut, j'ai une vue des alentours et je pourrai apercevoir n'importe quel visiteur indésirable. J'en profite pour me mettre à jour dans les potins, surfe sur Internet, vais voir sur Facebook. Tiens ! Mon ex petit-copain est en couple avec mon ancienne meilleure amie. Étonnamment, ça ne me fait ni chaud, ni froid. J'ai passé cette étape...à moins que ce ne soit à cause d'un autre homme qui occupe toutes mes pensées. Je me demande si Darel est à ma recherche où s'il a laissé tombé. J'en doute fortement. Il tenait tant à retrouver sa sœur qu'il doit être en train de chercher une façon d'obtenir ce qu'il veut.
Je m'ennuie tant, moi qui m'étais habituée à avoir de la compagnie, que je décide de regarder un petit film. Pourquoi pas « Maman, je m'occupe des méchants » ? Ça pourrait me donner quelques idées afin de protéger ma maison. Quoique je doute que mes ennemis soient aussi stupides que ces nigauds.
Je me couche aux petites heures du matin, mais je ne dors pas bien car, au moindre petit bruit suspect, je me réveille en sursaut.
Le lendemain, je retourne chez mon voisin ainsi que le reste de la semaine. Je reçois également mes résultats scolaires et je ne suis guère surprise d'apprendre que j'ai échoué tous mes cours. Bien entendu, le vendredi soir, ma mère arrive à la maison en pétard en me reprochant d'être partie sans prévenir et d'avoir raté mes cours (qu'ils payent, soit-dit en passant). Je suppose que c'est l'argent gâché qui ennuie mes parents puisqu'ils se fichent de ce que je fais. Si je leur disais que je fuyais la mafia qu'Ethan s'est mis à dos en compagnie d'un mystérieux et très sexy émissaire, ils me feraient interner pour cause de folie.
Alors, je prends sur moi et les laisse m'engueuler pendant tout le dîner.
- Tu devrais prendre tes responsabilités, me dit mon père. Lorsque j'avais ton âge...
Je décroche et je ne l'écoute plus. Mes parents et moi ne nous entendrons jamais. Ils veulent contrôler ma vie, mais c'est terminé. Je ne serai plus leur petit chienchien qu'ils manipulent à leur guise.
La soirée se termine enfin et je monte dans ma chambre de mauvaise humeur. J'ai déjà hâte à lundi. Au moins, j'aurai à nouveau la maison à moi seule.
Je ferme les paupières et sombre doucement dans un sommeil sans rêve.
Je me réveille en sursaut en entendant un fracas. Mais que se passe-t-il ? Je me lève et mon premier réflexe est de regarder par la fenêtre. Mon sang se fige alors dans mes veines. Il y a des dizaines de véhicules qui encerclent notre maison. Des voitures noires aux vitres teintées.
Merde ! Puisque mes parents se trouvent dans la maison, je n'ai pas pensé à barricader les portes à l'aide des meubles. Au moins, les portes sont verrouillées ; j'ai vérifié avant de monter me coucher.
Je porte mon pyjama rose avec des arcs-en-ciel. Autant dire que j'ai l'air d'un sapin de Noël qui clignote. J'enfile rapidement une paire de jeans et un sweat noir à capuchon et je prends le fusil de mon père que j'ai caché sous mon lit. Je sors ensuite de ma chambre et dévale les escaliers à la course. Les lumières sont tous éteintes, mais je pourrais avancer les yeux fermés tellement je connais la maison par cœur. La porte du hall d'entrée en acier est massive et ne possède aucune fenêtre, alors personne ne peux la défoncer. Moi qui l'ai toujours trouvé laide, je l'adore en ce moment. Le problème, c'est la fenêtre tout juste à côté. Les rideaux sont tirés mais je les entrouvre un peu et aperçois des individus armés tout juste de l'autre côté. Toutefois, la fenêtre comprend tellement de cadrage que, même brisée, personne ne peut se faufiler par l'ouverture, à moins de l'ouvrir, ce qui est impossible par quelqu'un de l'extérieur puisqu'elle est bien verrouillée. Je m'éloigne toutefois de la fenêtre car celle-ci n'est pas pare-balle.
Heureusement, tous les autres volets sont fermés. Je cours vers la cuisine et fixe la porte-patio. Merde ! Qu'est-ce que je fais ? N'importe qui peut la fracasser pour entrer.
Vite ! Réfléchis Sarah ! J'ai envie de tirer les rideaux, mais ça n'empêchera pas les assaillants d'entrer. Je fixe le gros buffet en bois massif qui se trouve juste à côté. Serais-je capable de le pousser devant ? Ça vaut le coup d'essayer.
À ce qu'on dit, lorsque vous êtes sous adrénaline, vous devenez plus forts, alors c'est probablement ce qui m'arrive, car, en temps normal, le meuble n'aurait pas bougé. Je pousse, encore et encore, et arrive à le déplacer centimètres par centimètres. Il couvre désormais la porte au complet. Bien !
Je retourne à l'étage armée et tends l'oreille ; mes parents dorment toujours. Je sais que mon père ronfle tellement que ma mère doit porter des bouchons. Ils ne se sont rendu compte de rien. Je me demande si je devrais aller les réveiller.
Puisqu'il n'y a aucune échappatoire, je décide de laisser tomber. De toute façon, ils ne me croiraient pas. Mon père serait du genre à sortir de la maison pour demander des comptes et il se ferait fusiller. Mieux vaut qu'il reste sagement dans son lit. Ses ronflements couvriront peut-être le bruit des armes...
Je m'enferme à nouveau dans ma chambre. J'aimerais appeler quelqu'un ; un voisin ou la police, mais personne ne pourra me venir en aide. Je suis seule.
Les voitures se sont multipliées. Ont-ils appelé toute la Russie ? Suis-je si importante pour que la mafia se déplace au grand complet ? Après tout, je ne suis qu'une fille paumée qui a perdu son frère, qui s'est presque suicidée et qui a lâché les études.
Je suppose que la protection de Mickael a attiré leur intérêt. Je savais que c'était une mauvaise idée de se rendre à New York. Cette ville porte la poisse. La prochaine fois, si je m'en sors vivante, j'irai à Orlando.
Les Russes discutent entre eux et je vois même des hommes avec des mitraillettes. Merde ! Je vais y passer, c'est sûr.
Toutefois, personne ne bouge pour l'instant. Ils attendent probablement le signal de leur chef. Je repère soudain la source de tous mes ennuis : Maxim Goussev.
Il fume une cigarette d'un air décontracté, comme si ça lui arrivait souvent d'attaquer ainsi de pauvres gens sans défense.
Je le hais. J'ai envie de le tuer.
Je lève ma carabine et vise le Russe. Alors que je suis sur le point d'appuyer sur la détente, une main se pose sur ma bouche et me bâillonne. Je me débats et lâche malencontreusement mon arme.
- Arrête ou tu vas nous faire repérer, chuchote une voix à mon oreille.
Je me crispe lorsque je la reconnais. Comment a-t-il fait pour entrer ? Lorsqu'il voit que je me détends, il retire sa main, ce qui me permet de lui demander :
- Comment as-tu fait pour entrer ?
- La fenêtre de la cave, me répond-il.
J'ai envie de me gifler. Comment ai-je pu être aussi imprudente ? Je n'ai pas songé à sécuriser le sous-sol.
- Je me charge des Russes et ensuite je m'occuperai de toi, avise-t-il en sortant le pistolet de sa poche arrière.
Je me fige et fixe l'agent.
- Que comptais-tu faire avec une carabine à plomb, exactement ? me demande-t-il.
- À plomb ?
- Laisse tomber. Maintenant, descend au sous-sol. Ça risque de barder.
- Et toi ? je rétorque. Seul contre cinquante ennemis. Tu veux me livrer, c'est ça ? Mon frère avait confiance en toi. J'avais confiance en toi. Tu n'es qu'un sale traître
Il lève les yeux au ciel.
- Il n'est plus question de ton frère, mais bien de toi et moi, me répond-il.
Je ne comprends pas le sens de ses paroles.
- Sarah ! s'écrie-t-il. Ce n'est pas le moment de discuter. Si tu veux vivre, alors obéis-moi.
- Mais...et ta sœur ?
- Ma sœur a choisi sa destinée lorsqu'elle nous a quittées. Je dois éliminer les Russes afin qu'elle demeure en sécurité. Toi, tu n'es qu'un dommage collatéral.
- Merci, c'est très gentil.
- Ce que je veux dire, c'est que tu n'y es pour rien. J'ai promis à Éthan de te protéger et je respecte toujours mes promesses.
Et c'est maintenant qu'il me le dit ?
- Tu vas également mourir si tu les attaques seul, lui dis-je.
- Qui a dit que je serais seul ?
Je jette un regard par la fenêtre. Outre la mafia russe, il n'y a personne en vue.
- Mickael s'en vient, m'avise Darel. Il va nous aider.
Je reste bouche bée.
- Et mes parents ? j'interroge. Dois-je les réveiller ?
- Oui, car s'ils ouvrent le feu, ils vont tout saccager.
Mince ! Dans quoi me suis-je embarquer ? D'ici peu, je risque de ne plus avoir de toit pour dormir.
- Fais vite, m'avertit l'agent.
Je hoche la tête et me précipite dans le couloir. Je tambourine sur la porte de leur chambre et ils finissent par venir m'ouvrir.
- Que se passe-t-il ? me demande mon père, visiblement de très mauvaise humeur. Y a-t-il le feu ?
- Non, pire. Nous sommes attaqués.
Il me fixe, abasourdi.
- As-tu pris de la drogue ? me demande-t-il en plissant les yeux. Étant donné tes dernières frasques, ça ne m'étonnerait même pas.
- Non, je lui assure. Maintenant, suivez-moi et je vous tout vous racontez lorsque nous serons en sécurité.
Ils finissent par me suivre en râlant, vêtus uniquement de leur robe de chambre. Nous descendons au sous-sol, où un cinéma maison et une salle de détente a été aménagés lorsque j'étais adolescente. Il y a aussi une cave à vin, sans fenêtre, bien sûr, et c'est là que je nous dirige.
- Quelle est cette folie ? interroge mon père. Tu as le goût de t'enivrer en pleine nuit ?
Mes parents ne me portent pas en grande estime, à ce que je vois. Je soupire en secouant la tête.
- Écoutez, je leur dis lorsque j'ai refermé et verrouillé la porte. Ethan avait des problèmes...avec la mafia.
Ils écarquillent les yeux, ahuris.
- Comment le sais-tu ? me demande ma mère. Je t'assure, Sarah, que si tu as inventé cette petite histoire pour attirer notre attention...
- C'est la vérité, je la coupe. Ethan n'était pas un agent de voyage. Il travaillait pour le gouvernement et infiltrait des réseaux de drogues et autres afin de...
- Tu délires ! s'écrie mon père.
- Absolument pas. Un de ses collègues m'a trouvée quelques semaines plus tôt et m'a emmenée avec lui, c'est pour cette raison que je suis partie rapidement. Il m'a raconté que la mafia russe a engagé un tueur à gage il y a un an pour se débarrasser d'Ethan...et de toute sa famille. Ses collègues nous protègent depuis ce temps.
Mes parents ne semblent pas me croire, comme je le doutais.
- Tu as vraiment un problème, me dit mon père.
Exactement, et il est dehors et veut ma peau.
Un coup à la porte résonne et nous fait sursauter.
- Sarah ! hurle la voix de Darel. Vous devez sortir immédiatement.
La panique s'empare de moi. Que se passe-t-il ?
Je déverrouille la porte et trouve l'agent armé jusqu'aux dents.
- Ils ont réussi à s'infiltrer dans la maison, me dit-il très sérieusement.
J'entends des coups de feu et mon corps se crispe. Tout à coup, j'hésite à lui faire confiance et il semble le remarquer.
- C'est le seul moyen de vous en sortir, m'explique-t-il.
- Mais qui êtes-vous, bon sang ? sécrie mon père.
- Un ami de votre fils, monsieur, répond Darel. Sarah a dû vous expliquer la situation. La mafia russe veut se débarrasser de vous et leur chef fait une fixation sur votre fille. Vous devriez l'écouter si vous voulez rester vivants.
Mes parents ne pipent mots et semblent enfin comprendre la gravité de la situation.
- Il y a une porte dissimulée sous la galerie, nous dit alors mon père. Elle n'est pas visible de l'extérieur et donne directement sur le lac. Mon bateau est amarré près de là.
- Parfait ! s'exclame Darel. Vous allez quitter les lieux le temps que nous réglions le problème. Mickael et ses hommes sont arrivés et l'affrontement a commencé.
Je hoche la tête, effrayée par la perspective de devoir faire face à tout cela.
Darel le remarque et ses yeux s'adoucissent quelque peu.
- Tu en es capable, me dit-il alors en s'approchant de moi.
Il se penche alors et sa bouche prend possession de la mienne. Je ne réagis pas tellement je suis sous le choc.
- Il y a un phare à quelques kilomètres d'ici. Je vous y rejoindrai, me dit-il en reculant de quelques pas.
- Comment ?
- Ne t'en fais pas pour cela. Partez. Vite !
Je ne me le fais pas dire deux fois et fais signe à mes parents. Nous traversons le sous-sol et sortons par la porte arrière qui est dissimulée aux yeux extérieurs. J'entends les coups de feu, les cris et ma frayeur remontre jusque dans ma gorge. Effrayés, nous nous mettons à courir vers le ponton.
- Tu vas nous devoir plus d'explications, me crie mon père.
Une détonation retentit et c'est avec horreur que je vois mon père s'écrouler à côté de moi. Je remarque immédiatement du sang sur sa jambe et je comprends qu'on lui a tiré dessus. Puis, un second coup de feu me fait tressaillir et ma mère tombe en hurlant de douleur. Elle se tient le bras, qui est en sang.
Je me retourne, horrifiée, et remarque une silhouette à quelques pas de nous. Je reconnais immédiatement l'homme qui me sourie cruellement.
- Comme on se retrouve, me dit-il d'une voix remplie de promesses...
Vos impressions jusqu'à maintenant ?
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