Chapitre 2

J'éclate de rire.

C'est qui, ce clown ? Et comment ose-t-il plaisanter à propos de mon frère ?

- Vous vous êtes trompé de personne, lui dis-je alors en croisant mes bras.

Il se lève et me fixe d'une façon qui me fait frissonner. Son regard est tellement...intimidant.

- Je ne crois pas, non, me répond-il alors. Vous êtes bien Sarah Angers, dix-neuf ans, étudiante en littérature française, votre père est Charles Angers, votre mère, Joëlle Stuart, votre sœur s'appelle Alys et votre frère, Ethan. Est-ce que je continue ou ça vous va ?

Comment sait-il tout cela ? J'ignore qui il est, à l'exception de son prénom. Est-il un criminel ou un détective ?

- Mon frère est décédé, lui annonçai-je alors.

- Depuis un an, je sais. Il y a eu une grosse enquête policière.

- Ils parlent d'un suicide...

- Et vous croyez à cette théorie ?

Honnêtement, je n'en sais rien. Ethan travaillait souvent à l'étranger pour son travail, alors nous nous étions un peu éloignés, lui et moi. La dernière fois que je lui avais parlé, il m'avait dit aimer son job.

- Je ne sais pas, réponds-je incertaine.

- Dans ce cas, vous ne connaissiez pas bien votre frère.

- Pourquoi ?

- Je travaillais avec lui, me dit-il, et je le connaissais apparemment mieux que vous.

Sa réponse me crée un choc. Ils travaillaient ensemble ?

- Vous êtes agent de voyage, vous aussi ? questionné-je.

Parce qu'il n'avait pas vraiment l'allure d'un détaillant de voyage. J'avais de la difficulté à l'imaginer en bermuda sur le bord d'une plage. Ethan voyageait régulièrement dans plusieurs pays du monde afin de repérer les meilleurs endroits où s'évader en compagnie de sa famille. Il me ramenait souvent des souvenirs et me montrait des photos de plages ou d'autres endroits touristiques, tout dépendant où il se rendait. Il revenait de temps à autres et créchaient chez les parents en attendant de repartir. C'était pendant ce moment qu'il s'était noyé dans le lac. Je n'y étais pas retournée depuis ce jour, car plus jamais je ne voulais m'approcher de cet endroit meurtrier. Je restais dans la cour près de la maison, ou tout simplement à l'intérieur en compagnie de mes idées noires.

Darel éclate de rire, me sortant de mes pensées.

- Qu'y a-t-il de si drôle ? lui demandé-je, vexée.

- J'essaie seulement d'imaginer Ethan couché sur une plage avec un mojito, dit-il, et j'en suis incapable.

Je fronce les sourcils.

- Il était agent, c'est vrai, me dit-il alors très sérieusement. Mais pas de voyage. C'était un agent secret.

- Pardon ?

- Il ne pouvait mettre sa famille au courant de ses activités pour des raisons de sécurité, mais étant donné les derniers événements, ce n'est plus d'actualités.

Il voulait dire : Étant donné que mon frère était mort.

- Que faisait-il ? demandé-je.

- En tant qu'agent de terrain, il travaillait dans des pays étrangers sous une fausse identité. Souvent, c'était pour infiltrer des gangs criminels ou la mafia.

Je porte ma main à ma bouche, horrifiée.

- Parfois, il prenait part à des opérations de cyber-renseignement et luttait contre les cyber-attaques.

- C'est complètement fou ! Ethan n'aurait jamais fait ça.

- Pourtant, il était très doué. Malheureusement, sa dernière mission a mal tourné. Il devait infiltrer la mafia russe et trouver des preuves pour faire arrêter leur leader. Il s'était rapproché de lui et était près du but. Malheureusement, l'un d'eux a découvert le subterfuge et Ethan a dû s'enfuir en vitesse avant de se faire descendre.

- Oh mon Dieu !

- Puisqu'il n'avait pas la même identité, ça a été facile de le protéger. La mafia ignorait sur quel continent il s'était enfui. Le gouvernement fédéral a tout fait pour le protéger et il a été en arrêt de travail pendant six mois, jusqu'à ce que...

- Jusqu'à ce qu'il meurt, complété-je. Pensez-vous que la mafia russe l'a retrouvé et l'a tué ?

- J'en doute, mais je crois qu'ils ont engagé un tueur à gage pour le retrouver et le faire taire.

Tout à coup, j'ais envie de vomir. Comment Ethan avait-il pu se faire entraîner là-dedans ? Il avait toujours été un gentil garçon, ne s'était jamais bagarré à l'école et rapportait toujours de bonnes notes. Pourquoi avait-il choisi une profession où le danger le menaçait sans arrêt.

- Pourquoi dites-vous que c'est lui qui vous a envoyé ici ? demandé-je à l'homme devant moi.

Il sort un bout de papier de la poche de son pantalon.

- Ethan était comme un frère pour moi. Nous avons fait nos études ensemble et nous étions souvent envoyés dans les mêmes missions. Je savais qu'il avait une famille, même si nous en discutions rarement. En tant qu'agent, nous devions rester discrets si nous ne voulions pas que nos ennemis s'en prennent à nos proches. Moins nous en parlions, mieux c'était. Il se trouve que ton frère craignait pour votre sécurité après le fiasco de sa dernière mission. Il est retourné près de vous afin de garder un œil sur vous. Cependant, avant de partir, il m'a écrit ce message. Il l'a caché quelque part où il était certain que personne ne mettrait la main dessus. Même moi, j'ai failli ne pas le voir.

- Et qu'est-ce qu'il avait écrit ?

- Que si jamais tout ça tournait mal, il fallait à tout prix éloigner sa famille d'ici.

- Mais il est mort depuis un an ! C'est un peu tard, non ?

- Pas vraiment puisque la vérité vient d'être dévoilé.

Je ne comprends plus rien.

- Vous ne lisez jamais les journaux ? me demande-t-il d'un air découragé. Vous êtes toujours sur Facebook, vous, les jeunes d'aujourd'hui. Vous vous fichez de l'actualité.

- C'est faux !

- Alors, vous avez probablement entendu parler de l'arrestation du chef de la mafia russe. Il a été arrêté hier et est accusé de nombreux méfaits.

- Quel est le rapport avec mon frère ?

- C'est grâce à lui. Avec tous les renseignements qu'il a récupérés, nous avons eu assez de preuves. Le problème, c'est que les proches d'Andrei Goussev ainsi que les membres de son gang n'ont pas apprécié. Ils ont décidé d'attaquer tous ceux qui sont reliés de près ou de loin à ceux qui ont participé à son arrestation.

- Nous n'avons rien à voir avec lui.

- Le problème, c'est que, pour la mafia, tu es condamné aussitôt que tu as un lien de parenté avec un traître. Ils détruisent tout, que tu sois coupable ou non, tant que tu portes le même nom de famille.

J'écarquille les yeux de stupeur.

- Alors, ma famille...commencé-je.

- Est en sécurité, compléte Darel. L'associé de votre père est agent secret, votre mère a un garde du corps pour elle et le petit ami de votre sœur...

- Ne me dites pas que c'est un agent, lui aussi !

- Bref, vous voyez qu'ils sont bien entourés. Il ne reste plus que vous. Malheureusement, vous ne pouvez pas rester ici. Ce serait trop facile pour eux de vous éliminer. Vous risquez  de finir comme votre frère.

Pas une émotion de traverse son regard en disant ces mots. C'est comme s'il se fichait que je termine au fond du lac pourvu qu'il réussisse sa mission. Je devine que sa nouvelle mission désormais, c'est moi. Et je ne veux pas faire partie de toutes ces conneries de mafia et de criminels. Ma vie est déjà bien assez compliquée. Et dire que j'ai failli mettre fin à mes jours à cause d'une rupture !

- Il est hors de question que je parte d'ici, lui lancé-je. Je vais à l'école et...

- Pourtant, vous aviez l'air de vous en ficher quand vous avez essayé de vous enlever la vie !

Je me mets à rougir comme une tomate.

- Ce n'est pas de vos oignons ! m'écrié-je. Je fais ce que je veux de ma vie.

- Écoutez bien, me dit-il en s'approchant rapidement de l'endroit où je me trouve. Je me fiche pas mal de ce que vous pensez ou pas. Je n'ai jamais échoué une mission jusqu'ici et vous ne m'empêcherez pas de la porter à bien. J'avais un grand respect pour votre frère, c'est pour cette raison que je suis venu ici.

Et moi qui croyais qu'il se faisait du souci pour ma vie lorsqu'il m'avait aidé à panser ma coupure ! J'aurais dû me douter qu'un étranger ne s'intéressait pas à ma misérable existence. Une tristesse sans nom m'envahit, mais je la cache en prenant une expression que je veux menaçante.

- Dans ce cas, merci d'être passé, mais vous pouvez repartir, m'écrié-je. Je reste ici, point barre. Ils n'auront qu'à me trouver, ces mafieux ! Je m'en fiche pas mal !

Et c'était vrai. Ma vie n'a plus de sens. Je suis seule au monde...et je déteste ça.

- Je ne pense pas que vous prenez conscience de la situation, me dit-il en se penchant vers mon visage. S'ils vous trouvent, ils ne vous tueront pas tout de suite. Ils vous tortureront, vous couperont les doigts et vous laisseront mourir de faim et de soif. Ensuite, ils vous violeront jusqu'à la mort. C'est cela que vous voulez ?

Je blanchis tout d'un coup et la pièce se met à tourner. Darel me retient par la taille pour que je ne tombe pas.

- Désolé d'être aussi franc, me dit-il alors que des picotements me traversent le corps à cause de son contact, mais c'est primordial que vous me suiviez.

- Où ça ? demandé-je.

- Je travaille pour une société secrète qui livre les informations au gouvernement. Je vais vous emmener là-bas et ils seront en mesure que prendre les décisions vous concernant. Mon but est de vous ramener vivante. Par la suite, ce n'est plus de mon ressort.

Donc, il allait me larguer dans un endroit qui m'était inconnu comme une vieille chaussette sale !

Je fixe cet homme avec un œil nouveau. Qu'est-ce qu'il me dit que ce n'est pas un subterfuge pour me faire sortir de la maison et m'enlever ? Mon frère avait beau le connaître, mais moi pas.

C'est décidé : je reste ici jusqu'au retour de mon père. En lui expliquant les faits, peut-être déciderait-il de m'envoyer chez ma tante en Australie. Je pourrais commencer une nouvelle vie, me faire de nouveaux amis et je serais en sécurité, loin de toutes ces conneries.

- Je ne bouge pas d'ici, lui annoncé-je.

Il leva les yeux au ciel.

- J'aurais préféré ne pas employer la méthode forte, soupire-t-il.

Avant que je ne puisse réagir, il me balance sur son épaule et se dirige vers la porte.

- Lâchez-moi ! hurlé-je en le frappant avec mes poings. Vous n'avez pas le droit de m'emmener.

- Si vous continuez de vous débattre, je n'aurai pas le choix de vous assommer, me dit-il comme s'il me parlait de la météo.

- À l'aide, hurlé-je alors qu'il descendait les marches du perron.

Hélas, je n'avais pas de voisin.

Au même moment, un coup de feu me fait tressaillir et l'homme qui me tient me fait alors basculer dans la plate-bande juste à côté. L'obscurité m'accueille alors à bras ouverts.

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