Chapitre 18

Le tapis a beau être confortable, je dors très mal. Je n'arrête pas de repenser à notre conversation et ça m'empêche de m'endormir. Je roule d'un côté, puis de l'autre, si bien que mes cheveux sont bourrés de statique. Je dois avoir l'air d'un zombie.

Pour relaxer, je décide de prendre un bain. J'espère que ça ne réveillera pas Darel. Tout compte fait, j'espère qu'il se réveillera. Après tout, c'est de sa faute si je n'arrive pas à trouver le sommeil.

Je remplis la baignoire autoportante qui trône au milieu de la salle de bain. Depuis le temps que j'ai envie de barboter dedans ! Je déniche du bain moussant aux fraises et j'ai quasiment un orgasme olfactif lorsque je sens la bouteille. La merveilleuse odeur de ce parfum fruité me donne presque l'eau à la bouche. Je verse le contenu dans le bain.

Encore plus !

Et un peu plus !

Voilà !

Puis, je me déshabille et me sauce. Quel délice ! Je remarque des boutons sur le rebord du bain et constate avec plaisir que le bain est thérapeutique. Voyons voir si c'est aussi génial qu'on en parle. J'appuie sur un bouton et sursaute lorsque le moteur démarre. Ouf ! Je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi bruyant . Tant pis !

Je ferme les yeux et laisse mes pensées obscures de côté. La salle de bain s'embue en un rien de temps et j'ai l'impression de me trouver dans un bain vapeur. Mais quelque chose cloche. La mousse monte de plus en plus. Lorsque j'ouvre les yeux, je crie en remarquant que le bain est sur le point de déborder. J'appuie sur un autre bouton, mais les jets fonctionnent maintenant au maximum. Bien vite, la mousse se renverse sur le plancher.

- Merde ! Je m'écrie.

Je me lève en paniquant. Nous ne sommes pas au « Foam Fest » !

Je ne me soucie de rien d'autre que d'éteindre ce satané système. Au bout d'un temps qui me parait interminable, j'y parviens et, en me redressant, je me rends compte que le plancher de la salle de bain est totalement recouvert de mousse. Oups !

- Qu'est-ce qu'il se passe ici ? tonne la voix de Darel en ouvrant la porte.

Il s'immobilise dans la salle de bain, la bouche grande ouverte. Je crois que c'est la première fois que je le vois aussi...désarçonné. Si je ne me trouvais pas en si mauvaise posture, j'en rirais. Sauf que là, je suis debout dans mon bain, complètement nue et le corps recouvert de mousse...qui commence justement à déserter ma peau...

- Euh...petit accident, je bafouille en essayant de cacher mon corps avec mes mains.

L'agent toussote, mal à l'aise, et j'en profite pour me rasseoir en vitesse dans la baignoire en faisant une immense vague. A-t-il vu quelque chose ? Probablement, mais je préfère ne pas savoir.

- Euh... Peux-tu sortir ? je lui demande tandis que je sens ma peau se réchauffer de honte !

Il hoche la tête, mais juste avant de sortir, il se retourne une dernière fois et me lance :

- Tu n'as aucune honte à avoir de ton corps.

Puis, il referme la porte tandis que je me demande si je ne pourrais pas, comme l'eau, me faire aspirer par le drain du bain.

Je n'ai pas honte de mon corps, j'ai seulement honte que Darel m'ait aperçue ainsi.

La relaxation s'est fait la malle et, en plus, je vais devoir nettoyer la salle de bain au complet ! Je suis prête pour une nuit blanche.

...

Le lendemain matin, j'ai une tête à faire peur, je suis sur les nerfs et j'ai peur de croiser Darel et qu'il se moque de moi.

Je suis assise à la table avec un café noir très fort et je mange un bol de céréales. J'entends la porte de la chambre s'ouvrir et je tressaille, la tête dans mon bol.

- Bonjour, fait la voix grave de l'agent lorsqu'il débarque dans la cuisine.

- 'Jour, lui réponds-je en faisant semblant d'être absorbée par mon petit-déjeuner.

Il se sert à son tour et ne fait pas référence à ce qu'il s'est passé cette nuit, Dieu merci !

- Tu ne prends pas de mousse dans ton café ? me demande Darel.

Je m'étouffe au même moment et il éclate de rire. Quel salaud ! Pourtant, j'adore entendre ce son qui sonne si doux à mes oreilles.

- Crétin, je bougonne toutefois.

Au moins, il a l'air de bonne humeur.

- Sarah, me dit-il alors en touchant ma main qui repose sur la table.

Mon cœur se met à débattre dans ma poitrine.

Son portable sonne au même moment. Il y jette un coup d'œil, mais l'ignore. C'est une première !

- Je voulais te dire que...

La chanson de Rocky Balboa retentit une seconde fois.

- Réponds où je vais devoir m'arracher les oreilles, grinçai-je.

Je déteste cette musique. Elle me rappelle à quel point je suis nulle en sport.

Darel éteint son téléphone et me fixe en silence.

- Je voulais seulement te dire que j'étais désolé pour ce qui s'est passé hier.

- Tu parles de la petite réception ou...

- Après, me coupe-t-il. En apprenant à te connaître, je me suis rendu compte que tu es une chouette personne et que tu mérites d'avoir une vie stable. Je ne peux rien t'offrir de ce genre.

- Qu'est-ce qui te dis que je veux une vie stable ? je réplique.

- C'est ce que ton frère aurait voulu pour toi. Il tenait beaucoup à toi et...

- Et il est mort, je crache. Tout le monde essaie de régenter ma vie depuis ma naissance, mais on se fiche de savoir ce que moi, je veux.

- Sarah...

- Non, je ne veux rien entendre !

Je me lève et Darel se lève à son tour en prenant un air sévère. Je sens que l'atmosphère entre nous est en train de se dégrader.

Au moment où il fait un pas dans ma direction, on cogne à la porte. Sauvée !

- Cette conversation n'est pas terminée, me dit Darel.

- Bien sûr qu'elle l'est, tranchai-je. Je ne veux plus jamais en entendre parler.

Je vais ouvrir et je trouve Nathan et Jaime, l'air inquiet.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? me demanda Nathan. On vous entends jusqu'au bout du couloir.

- Oh, rien ! je réponds avec un sourire forcé. J'ai mal dormi.

Ou pas du tout, mais ils ne sont pas obligés de le savoir.

- Darel est dans la cuisine, j'ajoute.

- Parfait, on doit lui parler de la mission, m'informe Jaime.

Je les laisse le rejoindre tandis que j'ouvre la télé. Cet écran plat est ultra technologique. À l'aide de la télécommande, je peux me rendre sur Internet. Je décide d'aller faire un petit tour sur Youtube et me connecte sur mon compte. Avec mon frère, nous avons filmé quelques vidéos de nous en train de jouer de la guitare tout en chantant et je me sens nostalgique. J'ai envie de le revoir, d'entendre sa voix. De toute ma vie, c'est la personne que j'ai le plus aimée. Sa disparition m'a presque détruite. Je me rends compte que ma fuite avec les agents a tout de même eu comme résultat de me détourner de ma déprime. Je n'ai pas repensé à ce jour infernal où j'ai perdu mon frère depuis un bout de temps. Avant, chaque matin, je me réveillais en pleurant. Et chaque soir, je maudissais ma vie. Je ne peux pas dire que celle-ci ne soit améliorée, mais au moins, j'ai de supers agents qui veillent sur moi. Ils vont me manquer lorsqu'ils seront partis. La tristesse m'envahit à cette idée, alors je clique sur la dernière vidéo que mon frère et moi avons filmée. Nous sommes dans sa chambre et nous chantons « Take me home, country roads », une chanson que j'adore.

J'ai un pincement au cœur en entendant Ethan. Il avait une très belle voix. Je réalise que, sans lui, je ne me sentirai plus jamais à la maison.

Je n'ai plus de maison. Je n'ai plus de frère et je n'ai plus le goût de v...

Une fureur sans nom s'empare de moi à l'instant.

Ethan de méritait pas de mourir. Il avait la vie devant lui et ils la lui ont prise. Je les hais tous !

Je hurle ma rage, j'attrape la télécommande et, sans réfléchir à mon geste, je la lance dans l'écran devant moi.

Bang !

La télé vacille et je ne fais aucun geste pour l'empêcher de tomber. Par contre, une main la retient avant qu'elle ne se fracasse par terre. Comment a-t-il fait pour être aussi rapide ?

Mon regard suit le bras et s'arrête sur le visage de Darel, qui me fixe avec interrogation.

Toutefois, je ne suis plus moi-même. Je me laisse tomber par terre et me balance en enroulant mes bras autour de mes jambes. J'entends toujours ma voix et celle de mon frère chanter :

All my memories gather round her
Miner's lady, stranger to blue water
Dark and dusty, painted on the sky
Misty taste of moonshine, teardrop in my eye

Non non non ! Je ne peux plus entendre ça. Je bouche mes oreilles en hurlant ma peine. En fin de compte, je déteste cette chanson. Elle me rappellera à jamais mon frère et le jour de sa mort.

- Sarah ? font les voix de Nathan et Jaime, qui déboulent dans le salon.

Ils s'immobilisent devant la vidéo qui défile sur l'écran HD du riche pourri... Ils semblent étonnés par cette vision de mon frère et de moi. J'étais si différente. Heureuse et souriante. Tandis qu'actuellement, je ne suis rien, sinon une folle furieuse.

- Je gère, leur dit Darel en leur faisant un signe de la main.

Nathan hoche la tête et entraîne son ami avec lui hors de l'appartement.

Darel arrête finalement la raison de ma crise et le salon devient silencieux comme la mort. Il s'agenouille devant moi et pose ses mains sur mes épaules.

- Regarde-moi, Sarah, me dit-il.

Je n'ose lever la tête, car j'ai peu de voir du dégoût dans son regard et je ne pourrais le supporter.

La porte d'entrée s'ouvre soudain à la volée et la voix de Mickael retentit à son tour dans l'appartement.

- Darel, crie-t-il. La sécurité vient de m'appeler pour me dire qu'ils entendaient des hurlements. Que faites-vous, bordel de merde !

Si je n'avais pas été en pleine crise, je lui aurais lancé une blague salace, mais Darel répond à ma place.

- Elle a un coup de blues, dit-il à son frère. Je m'en occupe.

- Fais vite, alors, parce que j'ai des invités qui arrivent et je ne veux pas qu'il y ait un scandale.

Comment peut-on être à ce point insensible à l'égard des autres ?

- Oublie-la pour ce soir, Mickael. Elle n'est pas en état.

- Répare-la, alors !

Je me bouche à nouveau les oreilles, ferme les yeux et recommence à me balancer sur moi-même. Je ne veux plus rien entendre qui sort de la bouche envenimée du mafieux. C'est alors que deux bras m'entourent et me relève comme si j'étais une poupée de chiffon. Darel m'emmène jusque dans la chambre et me dépose doucement sur le lit. Il l'allonge à côté de moi et m'enlace. Je ne bronche pas et fixe le plafond.

- Sarah, m'appelle-t-il, parle-moi.

- Le poids sur mon dos a fini par me terrasser, je lui réponds seulement.

Je sors peu à peu de ma torpeur, mais je suis encore à des kilomètres d'aller bien.

- J'envie cette relation fraternelle que tu avais avec lui, me dit Darel. Jamais je ne m'entendrai avec moi frère.

- Le tien est vivant.

- J'aurais préféré qu'il ne le soit pas, me confie-t-il.

J'écarquille les yeux, surprise par son commentaire, et me tourne vers lui. Son regard me percute de plein fouet. Il parait si triste que j'en ai pitié.

- Lorsque je regarde Mickael, j'ai l'impression de voir la pire facette de moi. C'est comme si je m'étais scindé en deux et que la partie mauvaise en moi s'était incarnée et me narguait.

- Mais il n'est pas...

- Je sais, mais dis-toi qu'au moins, toi, tu as vécu de bons moments avec lui et qu'il te reste des souvenirs. Moi, je n'ai rien de cela. Mon jumeau s'est transformé en monstre et jamais nous ne nous entendrons.

Mince ! Vue ainsi, c'est vrai que c'est terrible.

- Laisse-moi te raconter une histoire, me dit-il alors.

Une histoire ? Est-ce que j'ai la tête de quelqu'un qui veut entendre une histoire.

- Mon histoire, précise-t-il.

- Je la connais. Nathan me l'a raconté.

- Alors, tu sais que moi aussi j'ai perdu quelqu'un que j'aimais.

- Euh, il ne m'a pas raconté cette partie.

- Je sais. C'était avant que je ne les rencontre, Derek, Jaime et lui.

- Alors, qui c'était ?

- Ma sœur.

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