Darel ne pipe mot jusqu'à ce que nous soyons de retour dans l'appartement. J'ai l'intention d'aller me changer au plus vite, mais l'agent me retient par le coude.

-       Que s'est-il passé là-haut ? me demande-t-il d'un ton tranchant.

-       Rien...je réponds.

-       Rien ? répète-t-il en haussant un sourcil.

Il n'a pas l'air de me croire.

-       Il voulait absolument que j'y aille vêtue ainsi et immédiatement.

-       Je sais, j'ai vu le message. Mais je n'arrive pas à croire qu'il ne se soit rien passé.

-       Je lui ai chanté « Despacito », c'est tout.

-       Despacito ? C'est une invitation charnelle !

-       Ce n'était pas mon idée, je me défends.

-       Je m'en doute bien. Dis-moi franchement, Sarah, est-ce que Mickael t'a touchée.

-       Non, je l'ai arrêté. Il veut...que je devienne son amante, ajoutai-je en grimaçant.

Darel pousse un long soupir.

-       C'est ce que je craignais, finit-il par dire. Tu es une belle femme et c'est un homme qui aime la luxure. Je me doutais qu'il ne t'offrirait pas sa protection uniquement pour des chansons et qu'il y aurait un revers de la médaille.

Devrais-je être furieuse qu'il me l'ait caché ? Sans aucun doute, mais il le fait qu'il m'ait avoué qu'il me trouvait jolie minimise ma colère...un petit peu.

-       Tu savais qu'il voudrait faire de moi sa pute ? lui demandai-je. Et tu n'as pas cru bon m'aviser que ton frère était un sale pervers ?

-       Je ne l'ai pas revu depuis mes huit ans, alors je ne pouvais pas le prédire à 100%. C'est seulement lorsque j'ai vu son regard sur toi que je me suis mis à douter de ses intentions.

-       Super...

Me voilà aux prises avec des tueurs à gage et un pervers de la mafia.

-       C'est pour cette raison que j'ai toujours exigé d'être à tes côtés lorsque tu vas le voir, m'explique Darel. Tu ne dois plus rester seule avec lui.

Je hoche la tête, bien d'accord avec lui.

-       Je vais mettre quelque chose de moins...provocant, avisai-je.

-       Sarah !

Je me tourne vers lui.

-       Tu es magnifique, ajoute-t-il tandis qu'il me détaille attentivement.

Je me sens rougir de la tête aux pieds.

-       Cette couleur te va à ravir. C'est très joli avec ton visage écarlate.

Il profite de mon embarras pour se moquer de moi. Je lui fais une grimace, puis disparais dans ma chambre, le cœur battant à tout rompre. Darel m'attire autant physiquement que mentalement et je suis incapable d'arrêter de songer à son baiser. Puis, je repense à l'avertissement de Mickael et j'essaie de me convaincre que l'agent n'est pas fait pour moi. Je ne dois pas laisser mon attirance pour lui gâcher notre relation, car je risque de finir avec un cœur brisé, si toutefois je sors vivante de cette histoire.

Lorsque je reviens dans la cuisine, Darel me suggère de manger la délicieuse pizza que j'ai commencée à cuisiner et, ensemble, nous nous mettons au boulot. Trois quarts d'heures plus tard, nous la dégustons avec appétit.

Nous ne reparlons pas de Mickael et l'atmosphère se détend. Je suggère à l'agent de regarder la télévision et lui fais écouter True Blood, du moins j'essaie, puisqu'il décroche après le premier épisode. Finalement, j'opte pour Prison Break et la série plait immédiatement à Darel. Nous nous tapons toute la première saison en mangeant des croustilles.

Au petit matin, je constate que nous avons veillé toute la nuit. Je suis couchée sur les jambes de Darel tandis que lui a toujours les yeux fixés sur l'écran. Comment fait-il pour être toujours éveillé ? J'ai dû manquer quelques épisodes puisque mes yeux se fermaient d'eux-mêmes.

-       Tu devrais aller te coucher, me suggère Darel en voyant que j'essaie de combattre le sommeil.

-       Si tu veux partager à nouveau le lit, ça ne me dérange pas, lui annonçai-je d'une petite voix gênée.

-       Merci, mais je vais rester ici. Bonne nuit, ou plutôt, bon matin.

J'éclate de rire, puis je vais m'allonger. Je m'endors immédiatement et me réveille en fin d'après-midi. Je pars prendre ma douche, enfile un pantalon de coton gris et un débardeur bleu, puis attache mes cheveux en queue de cheval.

Lorsque j'arrive au salon, je trouve un Darel au téléphone. Sa bonne humeur semble s'être envolée.

-       Qu'est-ce qu'il veut encore ? je lui demande une fois qu'il a raccroché.

-       Mickael doit se rendre à un gala de charité ce soir. Il a beau être un criminel, il veut faire bonne figure dans la haute société afin de tromper tout le monde. Chacun pense qu'il est un milliardaire qui a investi à la bourse.

J'éclate de rire ; c'est du grand n'importe quoi.

-       Et alors ? m'enquis-je, redoutant déjà sa réponse.

-       Alors, il veut que tu l'y accompagnes.

-       Hors de question !

Darel me fixe de se regard outremer et imperturbable.

-       Désolé, mais tu n'as pas vraiment le choix. Toutefois, il n'a pas parlé d'apporter ta guitare alors je suppose que tu ne feras que...

-       La petite pimbêche idiote, terminai-je à sa place.

-       Aurais-tu préféré chanter devant tous ces richissimes arrogants ?

-       Non...

-       Alors, vas te préparer. La limousine de Mickael nous attend pour dix-neuf heures.

Je pousse un long soupir et retourne dans ma chambre me préparer. J'enfile ma longue robe bleue au décolleté plongeant, j'applique une touche de rouge à lèvres vermeille et remonte mes cheveux en un chignon lâche. Voilà ! Je suis prête.

Je suis plutôt étonnée de trouver Darel vêtu d'un costard noir. Ce dernier lui va à ravir et je dois avouer que j'ai une bouffée de chaleur en le voyant ainsi.

L'agent arrondi ses yeux de stupéfaction lorsqu'il me voit.

-       Est-ce que ça fera l'affaire ? je lui demande. Je ne sais pas si la robe est adaptée et...

Darel s'avance vers moi et je me balance d'un pied à l'autre, mal à l'aise. Il s'arrête à quelques centimètres de moi. J'ai chaud, tout d'un coup.

-       C'est parfait, répond-il d'une voix rauque. Tu es parfaite.

Il se tourne aussitôt et sort de l'appartement. Je le suis et nous descendons en silence au rez-de-chaussée. Mickael nous attend sur le trottoir, vêtu également d'un costard noir et d'une cravate bleue, et un sourire carnassier se dessine sur son visage lorsqu'il m'aperçoit.

-       Trésor, me dit-il en me faisant un baisemain, tu es splendide.

Je retire aussitôt ma main, dégoûtée et me tait. Mieux vaut ne pas l'envoyer bouler.

Il fait un signe de tête à son jumeau et nous pénétrons dans la limousine.

-       Où allons-nous ? je demande au mafieux.

-       Dans un hôtel haut de gamme. Il y a une petite réception dans l'une de leurs salles.

-       Petite comment ?

-       À peu près trois cent invités.

Je pousse un grognement. Seulement ça ?

-       Tu aurais pu demander à n'importe quelle fille de t'accompagner, grognai-je.

-       Sauf qu'elles sont toutes trop vulgaires, me répond Mickael. C'est toi que je veux.

Je sens Darel se crisper à mes côtés, mais il ne dit rien, ce qui est probablement mieux pour lui. Il n'a pas une si bonne relation avec son frère et je crains qu'elle s'envenime.

La limousine s'arrête enfin devant un immense hôtel. Il était temps parce que la tension était palpable dans la limousine.

Je reste époustouflée par l'élégance de l'endroit. Son design est contemporain et minimaliste. Le plancher de marbre Carrare reluit comme un miroir et les meubles aux lignes épurées donnent un air presque futuriste à l'hôtel. Les encastrés au plafond très haut ontt été tamisés pour cette soirée.

-       Mickael ! Quel honneur de vous avoir avec nous ce soir, dit alors un homme âgé d'une cinquantaine d'années en venant vers nous.

-       Je n'aurais manqué ça pour rien au monde, mon cher, frime le mafieux.

L'homme m'aperçoit alors.

-       Et qui est cette charmante demoiselle ? interroge-t-il en me déshabillant des yeux.

Tous aussi pervers, ces mecs ! Mais pourquoi ça ne me dérange pas lorsque c'est Darel qui pose les yeux sur moi ?

-       C'est...Sonia, ma fiancée.

Je reste mortifiée !

-       Enchanté, Sonia. C'est un plaisir de vous connaître.

-       Moi...moi de même bafouillai-je, me sachant pas quoi dire.

-       Et voici notre garde du corps, poursuit Mickael en désignant Darel. C'est surtout pour elle qu'il est là. Je préfère ne pas prendre de risques...

-       Je comprends. Si j'avais moi aussi une aussi jolie fiancée, je n'hésiterais pas à la protéger.

Je souris faussement face à son commentaire, même si je n'ai qu'une envie : assassiner Mickael. Ce dernier prend ma main et nous dirige vers les autres invités présents. Chacun d'eux le salue et me serre la main. Certains osent même le baisemain. Je suis répugnée par toute cette comédie, mais je souris tout de même pour faire bonne impression, bien que je bouillonne de rage à l'intérieur. Jusqu'où Mickael ira-t-il pour me faire regretter mon marché avec lui ?

Je me détourne vers Darel, mais l'agent au visage impassible regarde droit devant lui, comme si je n'existais pas. Je sens que la soirée va être longue...

...

Je me laisse tombée dans mon lit après avoir envoyé ma robe valser à l'autre bout de la chambre. Quel cauchemar, cette soirée ! Avec un Mickael qui esbroufait et un Darel indifférent à mon enfer, je n'avais qu'une hâte : sortir de là. Je ne sais plus quoi faire et je me demande si m'enfuir loin d'ici serait une bonne idée. Me défaire de l'emprise des deux jumeaux et recommencer une nouvelle vie. N'importe où, pourvu que je sois loin de toutes les sortes de mafia existantes. Je songe à la Nouvelle-Zélande. Ou pourquoi pas la Tasmanie ?

Sauf que j'en suis incapable. Premièrement, parce que je ne veux pas quitter Darel et ses amis et, deuxièmement, j'ai peur que la mafia Russe me retrouve. Et livrée ainsi à moi-même, je ne pourrai pas me défendre. Ce serait signer mon arrêt de mort. Lorsque je repense aux menaces de Maxim, l'envie de fuir s'amenuise aussitôt.

J'entends Darel pénétrer dans la chambre et je me décale pour lui laisser de la place dans le lit.

-       Ça va ? me demande-t-il alors en s'allongeant à mes côtés.

J'ai juste le temps d'apercevoir son sublime fessier dans son caleçon moulant qu'il se couvre avec les draps. Je me tourne pour être dos à lui, embarrassée. Jamais je ne pourrai dormir en songeant à ce mec sexy qui se trouve à mes côtés.

-       Oui, je réponds d'un ton las.

-       Désolé que tu aies dû endurer toute cette mascarade.

Je me retourne alors pour lui répondre, mais je m'aperçois qu'il est plus près que je ne le pensais et je me retrouve à deux centimètres de son visage.

-       Pourquoi ne partons-nous pas ailleurs ? je lui demande. Quelque part où la mafia russe ne nous retrouvera jamais ?

-       Parce que c'est impossible, Sarah, me répond-il en soupirant. Ils nous traqueront.

-       Tu m'avais dit qu'ils lâcheraient l'affaire et que ce n'était qu'une question de temps.

-       Je sais, mais Maxim ne semble pas prêt à abandonner. Je crois qu'il fait une fixation sur toi.

Pourquoi est-ce que j'attire les mafieux ? Je n'ai rien d'extraordinaire, après tout.

-       Je ne comprends pas pourquoi, je lui réponds. Je suis juste une fille insignifiante.

-       C'est ce que tu crois, mais c'est faux, me dit l'agent.

Je fixe ses beaux yeux bleus, puis mon regard descend sur ses lèvres que je rêve d'embrasser à nouveau. Elles sont douces, mais fermes à la fois et elles savent comment me faire perdre la tête.

-       Qu'est-ce que tu vois, alors ? je lui demande.

-       Une femme délicate d'apparence, mais qui a une forte tête.

-       C'est ce que mon frère me disait.

-       Une femme qui s'adapte à n'importe quelle situation, qui a un lourd bagage sur son dos, mais qui marche tout de même la tête haute, comme si ce poids ne l'embarrassait pas. Et qui a une allure sexy même en pantalon de jogging. Dans ses yeux, j'ai l'impression de voir l'univers au complet tant ils expriment différentes émotions en même temps.

-       Je suis si transparente ?

-       Oui. Je vois tout en toi, Sarah, mais c'est impossible pour moi de répondre à tes attentes.

La discussion que je redoutais tant arrive.

-       Je sais, lui dis-je, mais laisse-moi au moins rêver dans mon monde de souffrance.

-       Pour souffrir encore plus ? Désolé, mais je ne peux pas.

-       Pourquoi ? Tu as bien dit que je sais m'adapter à n'importe quoi, alors pourquoi pas à ton métier ?

-       C'est plus compliqué que ça. Je ne peux aimer personne, parce que je ne veux pas la mettre en danger par ma faute.

-       Mais je suis déjà en danger !

Il secoue la tête.

-       Tu ne comprends pas...

-       C'est toi qui ne comprends pas, je le coupe. Tu es un lâche, Darel, et si tu veux passer ta vie à être seul, eh bien tant pis pour toi.

Je me lève et quitte la chambre. Ce soir, je dormirai sur la carpette du salon car la tentation dans mon lit est trop grande.