Chapitre 11
- Qu'est-ce qu'il s'est passé avec ton frère pour que tu ne lui parles plus ? demandai-je à Darel.
Il pousse un long soupir.
- Rien. Nous ne nous sommes pas revus depuis l'enfance.
- Pourquoi ?
- Nos parents se sont séparés lorsque nous étions âgés de six ans. Je suis resté en France avec ma mère tandis qu'il est parti en Amérique avec mon père. Celui-ci n'a jamais redonné de nouvelles.
- Et comment sais-tu qu'il est à New York, dans ce cas ?
- Lui, je n'en ai aucune idée. Par contre, mon frère Mickael...c'est une autre histoire. Disons que son prénom revient souvent dans les conversations.
- Pourquoi ?
- Parce qu'il est à la tête de la mafia américaine.
J'ouvre la bouche, abasourdie, mais aucun son n'en sort.
- La mafia ? répétai-je afin d'être sûre d'avoir bien compris.
- Oui, il trempe dans les affaires louches, le trafic d'armes et de drogue, la prostitution, etc. C'est pour cette raison que je n'ai jamais voulu être identifié à lui.
J'avoue que, pour un agent secret, ça aurait pu paraître suspect d'être relié à la mafia, famille ou pas.
- C'est tout de même ironique que deux frères aient des vies aussi opposées, lui fais-je remarquer. Vous êtes un peu comme des ennemis, non ?
- Pas vraiment. Nous ne travaillons pas en Amérique, ou très rarement. Cette mission est une exception.
- Je vois...en réalité, vous n'êtes pas si différents. Deux tueurs...
Darel tique.
- Répète ce que tu as dis, gronde-t-il entre ses dents.
Si ses yeux avaient été des mitraillettes, je serais morte.
- Je supprime des terroristes, spécifie-t-il. J'aide le gouvernement.
- Tu as beau aider n'importe qui, tu restes un tueur, insistai-je.
Il serre les dents, sur le point d'exploser.
- Tu devrais dormir, me suggère-t-il en reprenant son air imperturbable. Et en passant, mon job, c'est de sauver des vies. Je crois que ça me différencie de mon frère. Lui, les détruit.
Nous ne nous parlons pas du reste du voyage. Je sens que je l'ai froissé, mais je ne m'excuse pas.
Lors de notre atterrissage à New York, nous passons par les douanes, puis récupérons nos bagages. Ensuite, nous prenons un taxi et Darel dirige le chauffeur à travers les rues achalandées. Je n'ai jamais autant vu de voitures jaunes de toute ma vie. J'admire les gratte-ciel et les enseignes sur-éclairés des magasins. Nous traversons le centre-ville, puis nous nous éloignons du secteur agité.
Tout devient calme et austère. Les ruelles sont sombres, les lampadaires éteints, il y a quelques personnes suspectes qui se promènent sur les trottoirs, dont des femmes aux jupes très très courtes avec des bas résilles et des micro-tops. Il y a également des hommes que je devine être des dealers. Je détourne les yeux lorsque je m'aperçois qu'ils fixent le taxi.
- Pour quelqu'un qui ne connait pas son frère, tu sembles savoir où le trouver, fais-je remarquai à Darel.
- Je suis au courant de ses activités comme il est certainement au courant des miennes, répond-il. Je me suis renseigné sur lui et je sais dans quoi il trempe et où il fait son...commerce.
- Tu sais à quoi il ressemble ? interrogeai-je. Le reconnaîtrais-tu si tu le croisais dans la rue ?
- Je me suis déjà regarder dans une glace, quand même !
Je ne comprends pas le sens de ses paroles. Il veut sans doute dire qu'il sait qu'il a une gueule d'ange.
J'éclate de rire. Avec ses traits presque parfaits, il porte bien ce titre. Je songe que s'il était un ange, ses ailes auraient probablement la couleur de la nuit. Mon ange des ténèbres...ça sonne plutôt bien.
- Qu'est-ce qui te prend ? me demande-t-il.
- Rien... gueule d'ange, raillai-je.
Il me fixe en fronçant les sourcils tandis que je ricane.
- Je suppose que c'est ta façon d'évacuer le stress, commente-t-il.
Je glousse toujours, ce qui le fait lever les yeux au ciel.
Au ciel ! Je l'imagine s'envoler comme un ange et je ris à nouveau.
- Je peux savoir pourquoi tu es morte de rire ?
En entendant le mot « mort », mon hilarité cesse immédiatement. Je me suis laissée emportée par ces pensées. Je dois être vraiment éreinté pour comparer un tueur à un ange.
- Je n'aime pas que tu fasses référence à la mort devant moi, lui dis-je d'un ton glacial. Surtout lorsque tu parles de moi.
- Au moins, tu ne glousses plus comme une idiote.
Je ne réponds rien et remarque que le taxi vient d'emprunter une ruelle mal éclairée. Il s'arrête devant un entrepôt. Darel règle la note, puis nous sortons avec nos bagages.
- Où est-ce qu'on est ? demandai-je à l'agent.
A-t-il décidé de me tuer et d'abandonner mon corps ici ?
- À ce qu'il parait, Mickael et les siens font leur trafic illégal ici, me dit-il.
- Et tu vas entrer comme ça ? Tu vas te faire descendre.
- Je ne crois pas, non. Mais juste au cas où, reste derrière moi.
Si l'endroit n'avait pas été aussi glauque, je serais restée dehors, mais j'ai peur de ce qui pourrait m'arriver seule dans cette ruelle.
Sans plus tarder, Darel ouvre la porte, qui grince de façon morbide. L'obscurité m'empêche de voir quoi que ce soit, pourtant, le déclic désormais familier d'une arme me fait tressaillir. Je remarque au même moment un énorme fusil pointé sur nous, puis le mec qui le tient. Il a le crâne rasé et des tatouages partout sur le corps. Darel met ses mains bien en évidence dans les airs et je fais de même.
- Darel ! s'exclame une voix provenant du fond de l'entrepôt. Quelle surprise ! Si j'avais su que tu viendrais, je t'aurais accueilli autrement.
Cette voix me dit quelque chose. Elle me semble familière. Quoique le ton sarcastique qu'elle émet me donne froid dans le dos.
Je distingue une paire d'yeux bleus dans le noir, puis une silhouette masculine n'avance vers nous.
Lorsque j'aperçois mieux l'individu, les deux bras m'en tombent.
- Baissez vos armes, ordonne-t-il à ses hommes.
Je cligne des yeux en me demandant si je vois double. Devant moi, deux Darel me font face. Ils sont en tous points identiques. La seule chose qui les distingue sont leur habillement. Darel porte une paire de jeans et un blouson marron, tandis que Mickael est tout de noir vêtu. Celui-ci semble plus féroce que son frère et une lueur sadique dans ses yeux m'effraie. De plus, un petit sourire impudent coure sur ses lèvres, lui donnant franchement l'air de s'amuser.
- Qu'est-ce qui me vaut l'honneur de ta visite, frérot ? questionne le mafieux.
Ses yeux se posent alors sur moi et je déglutis. Ce type me fous les jetons.
- Je ne fais pas de trafic humain, lance Mickael, quoique je dois reconnaître que cette fille est vraiment bien gaulée. Tu veux l'échanger ?
Je m'étouffe avec ma salive.
- Je suis effectivement venu te voir à cause d'elle, mais ce n'est pas pour cette raison, répond froidement Darel.
- Dommage ! Si tu te cherches un job, Trésor, je peux t'en proposer un, me dit-il avec un sourire carnassier.
Je me doute un peu de quel genre de « job » il fait référence.
- Elle n'a pas le profil que tu recherches, lui dit Darel.
- Justement. J'aime la différence et cette fille l'est clairement.
- Nous avons besoin de ta protection.
Mickael a soudainement l'air très sérieux.
- Pour quelle raison ? demande-t-il.
- La mafia russe est à nos trousses, ou plutôt, à ses trousses. Son défunt frère se les est mis à dos.
- Quel con ! s'exclame Mickael.
J'ai envie de lui envoyer un coup à la bonne place, mais je m'abstiens. Ce ne serait pas une bonne idée de frapper notre hôte, aussi haïssable puisse-t-il être.
- Alors, je suis ton dernier espoir, en déduit-il.
Darel hoche la tête et je vois bien qu'il fait un effort pour ne pas faire demi-tour. Sa fierté semble en prendre un coup.
Son jumeau, lui, semble s'amuser.
- Qui aurait cru qu'un jour, tu viendrais ramper à mes pieds afin que je t'aide ? Darel, le fils parfait, celui qui agit pour le bien de l'humanité !
Là, il en fait un peu trop. Après tout, Darel est loin d'être parfait, quoique son physique...Je m'égare, je sais...
- C'est oui ou c'est non ? s'impatiente mon compagnon.
En guise de réponse, le mafieux me pointe du menton.
- Est-elle à toi ? lui demande-t-il.
Je vois Darel serrer les dents et je suis curieuse de connaître sa réponse.
- Personne ne doit la toucher, répond-il entre ses dents.
- Que ce soit clair, frangin, commence Mickael. Je veux bien vous aider, mais seulement à une condition : elle doit être sous MA protection, dorénavant. Plus sous la tienne.
Tout d'un coup, j'ai envie de m'enfuir en courant. Darel ne va pas laisser ce psychopathe me prendre sous son aile, tout de même ?
Il semble hésiter, puis hoche finalement la tête.
- C'est d'accord, dit-il enfin. Sarah est dorénavant sous TA protection.
- Parfait, tu peux partir, maintenant.
Quoi ? Il va me laisser seule parmi eux ? Ils vont me bouffer toute crue !
- Ma condition à moi, c'est de rester, avise Darel. J'ai promis à son frère de la protéger, alors je ne la quitterai que lorsque toute cette histoire sera terminée.
- Tu dois comprendre que mes gars ne seront pas enchantés de savoir qu'un agent 007 se trouve parmi eux, explique Mickael. Tes potes et toi envoyez les nôtres en prison.
- En parlant de potes, deux d'entre eux s'en viennent nous rejoindre, annonce l'agent. Et jamais nous n'avons envoyé les tiens là-bas. Nous travaillons majoritairement en Europe.
J'entends des injures fuser dans l'entrepôt. Apparemment, Darel et ses collègues n'ont pas une très bonne réputation parmi la mafia.
- S'il vous plaît, insistai-je. Ce sont mes amis.
Mickael me fixe, puis je vois son sourire insolent revenir.
- Que m'offres-tu en échange, Trésor ?
Je ne suis pas surprise par son exigence. J'aurais dû me douter qu'un parrain de la mafia demanderait une compensation.
- D'abord, je ne suis pas votre trésor.
- Tutoie-moi, TRÉSOR, m'intime-t-il. Après tout, nous allons devenir amis.
Être amie avec lui ? Je préfèrerais m'ouvrir les veines ! Quoique c'est déjà fait...
- Que veux-tu ? demande Darel.
- Rien venant de toi, frangin.
Je ne vois pas ce qu'il pourrait bien exiger de moi.
- J'ai déjà dit que personne ne la toucherait, répète Darel. Tu ne fais pas exception.
- Si je ne peux avoir son corps, que pourrais-je bien recevoir de sa part ?
Certainement pas mon cœur ! Je n'ai toutefois aucun bien à lui donner. La seule chose que je possède, c'est la guitare de mon frère et il est hors de question que je m'en sépare.
Une idée germe alors en tête.
- Ma voix, réponds-je finalement.
- Pardon ?
- Je chanterai pour toi. Aussi souvent que tu le souhaiteras.
- Tu crois que ta voix vaut la colère de mes semblables ? Ils seront furieux que j'accepte des agents secrets dans notre repaire ? En plus de prendre le risque de soulever une guerre contre la mafia russe.
- Oui, je le pense.
- Dans ce cas, marché conclu. J'espère que tu en vaux la peine...
Mickael s'approche de moi et me serre la main.
- Bienvenue parmi la mafia, Trésor.
Je jette un coup d'œil vers Darel, qui semble avoir avalé quelque chose de travers. Il me fixe comme si j'avais vendu mon âme au diable, ce qui est sans doute très près de la réalité.
Et puis, aimez-vous la tournure de l'histoire ?
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