Chapitre 10
Une semaine plus tard, on peut dire que je me suis grandement améliorée à la course à pied. Au début, je réussissais à courir à peine deux minutes et, maintenant, j'en jogge au moins dix. Nathan et Jaime courent avec moi et m'encouragent, ce qui me motive. Derek, lui, n'est pas souvent présent, tandis que Darel reste dans sa chambre la plupart du temps. Je ne sais pas ce qu'il fabrique, mais ses potes me disent qu'il a besoin de solitude. Je le vois toutefois le matin puisqu'il prend son petit-déjeuner avec nous. Ensuite, les gars et moi partons nous promener et revenons seulement à l'heure du midi. Puis, je joue de la guitare en chantant et je devine que les autres m'écoutent, car la maison devient aussi silencieuse qu'à l'église, à l'exception de mon chant.
Après le dîner, Darel se joint à nous dans le salon et nous écoutons attentivement le bulletin de nouvelles, alertes à tout ce qui pourrait être anormal. Derek revient vers 22h et nous fait un bref résumé de ce qui se passe aux alentours et, finalement, tout le monde part se coucher. Je dors plutôt bien malgré l'inconfort du li, même si j'ai peur que la mafia nous trouve.
Je me réveille en manquant d'air. Est-ce que je suis en train de faire une crise d'asthme ? Non, puisque je ne souffre pas d'asthme. C'est à ce moment-là que je réalise que deux mains enserrent mon cou. Je ne reconnais pas l'individu dans l'obscurité de ma chambre, mais je commence à paniquer lorsque je me rends compte que je ne rêve pas. J'essaie de respirer, en vain. Il m'étrangle.
La panique s'empare de moi. Je ne peux pas crier, ni bouger puisqu'il me retient fermement, alors je tente de placer mes mains sur les siennes pour qu'il desserre sa prise. L'homme, que je devine très fort, ne me lâche pas.
- Je rêve de t'étrangler depuis que je t'ai rencontrée, glisse une voix grave à mon oreille. Ils vont être comblés lorsqu'ils apprendront que ton cas est réglé, ajoute-t-il.
Je reconnais immédiatement cette voix. Si je le pouvais, je hurlerais de désespoir. Sa trahison me glace le sang. Je ne peux le laisser faire. Les larmes m'aveuglent et je commence à voir des picots noirs. Dans quelques secondes, je tomberai dans l'inconscience et c'en sera fini de moi. Je rejoindrai mon frère dans l'au-delà.
Dans un dernier élan d'espoir, je donne un coup de pied à l'aveuglette. Je ne blesse pas mon assaillait, toutefois, j'envoie ma lampe de chevet valdinguer sur le mur. Elle éclate en mille morceaux.
Quelques secondes plus tard, j'entends la porte s'ouvrir à la volée et la lumière s'allume. Je ne vois plus rien, j'ai les yeux fermés, ma conscience s'en va tranquillement puis....je peux enfin respirer. Je tousse en essayant de reprendre une respiration normale. J'ai l'impression qu'on m'arrache les bronches. Je ne sens plus les deux mains gantées autour de mon cou et je réalise que mon agresseur ne me retient plus.
Des cris me ramènent au présent. On pousse, on cogne. Je ne vois rien, mais j'entends tout.
- Qu'est-ce que tu faisais, nom de Dieu ? s'écrie Darel.
- J'éliminais le problème, crache Derek. À cause d'elle, vous étiez tous en train de devenir de parfaits petits chiens de compagnie. Cette fille est un fléau qu'il faut éradiquer.
Je suis trop traumatisée pour dire quoi que ce soit. Un tueur vivait dans la chambre à côté de moi ! Puis, je me rends compte que tous ces mecs sont des assassins. Ils tuent pendant leurs missions. Ce sont des personnes sans état d'âme.
- Hey, me dit doucement Nathan en s'approchant de moi. Ça va ?
- Ne t'approche pas, hurlé-je, paniquée.
Je tremble, en état de choc. Je m'aperçois alors de l'état déplorable dans lequel ma chambre se trouve. Mes choses sont renversées par terre, ma lampe, brisée, le vase qui servait de décoration (et qui était de très mauvais goût) a éclaté et ma taie d'oreiller a explosé. Les plumes voltigent partout dans la chambre.
Cependant, ce qui retient mon attention, c'est Darel qui empoigne Derek par le col de la chemise et qui l'a étampé dans le mur. Celui-ci a la mâchoire en sang.
- Pour qui tu travailles ? demande Darel d'une voix placide.
On dirait qu'il ne connait pas son collègue. C'est comme s'il parlait à un parfait inconnu. J'en ai froid dans le dos.
Derek ricane, mais Darel sort un pistolet de son pantalon et le pointe sur la tempe de son collègue.
- Sortez Sarah d'ici, ordonne-t-il à ses amis.
Il ne va tout de même pas le buter dans ma chambre ? En plus, j'ai beau détester Derek, je ne souhaite pas sa mort. Je préfère qu'il croupisse en prison pour le reste de ses jours. Mourir, c'est trop facile.
Nathan effectue un geste vers moi, mais je recule.
- Ne me touche pas, lui dis-je. Le sang tache tes mains.
Il fixe celles-ci, qui sont bien propres, puisque c'est Darel qui s'occupe du traître.
- Tu tues des gens, précisé-je, voyant qu'il ne comprend pas.
- Tu ne vas tout de même pas piquer une crise là, tout de suite ? éclate Darel. Sortez-là immédiatement.
À deux, Jaime et Nathan empoignent chacun de mes bras et me tirent hors du lit pendant que je crie au meurtre. Ils ne me brutalisent pas, mais sont fermes et ne me lâchent pas. Ils m'emmènent au salon tandis que mes pleurs reprennent et ne s'arrêtent pas.
- Chut, c'est fini, me dit doucement Nathan. Tu n'as plus rien à craindre. Jamais nous ne te ferons du mal.
Je lui jette un coup d'œil, sceptique.
- Nous ignorions les plans de Derek, m'explique Jaime. Si nous l'avions su, jamais on ne l'aurait laissé nous accompagner.
- Je trouvais ça étrange aussi qu'il se porte volontaire pour cette mission, dit Nathan. Il détestait Ethan et c'était réciproque.
Voilà qui confirme ma théorie.
- Vous êtes des assassins, les accusé-je, tous autant que vous êtes.
- D'accord, on tue parfois dans le cadre de nos missions, mais c'est seulement en dernier recours.
J'hésite à le croire.
- Ethan était notre ami et nous ferons tout pour protéger sa petite sœur, ajoute Jaime.
- Et Darel ? questionné-je.
- Tu peux te fier à lui, dit Nathan. En plus, il t'a sauvée la vie. Je crois que cela prouve sa bonne volonté.
Leurs paroles me calment et Jaime inspecte mon cou.
- Tu auras une marque, mais elle partira, conclut-il. T'a-t-il blessée autrement ?
Je secoue la tête négativement.
Au même moment, Darel entre dans le salon.
- Je l'ai attaché, nous informe-t-il en parlant de Derek. Jamais je n'aurais pensé qu'il oserait nous trahir.
Les autres acquiescent.
- Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demande Nathan. On quitte Roswell ?
- Pas le choix. Il a informé la mafia de notre position, ce sale traître ! C'est aussi lui qui leur avait révélé l'emplacement de notre société secrète.
Les autres jurent, consternés de l'apprendre.
- Nous devons nous trouver des alliés, annonce Darel. Nos collègues sont morts et la police est corrompue. Nous ne pouvons pas leur faire confiance.
- Qu'est-ce qu'on fait, dans ce cas ? interroge Nathan.
- Vous vous occupez de Derek pendant que j'emmène Sarah à New York.
Je préfère ne pas savoir ce qu'il entend par « s'occuper ». Pourvu que je ne le revoie jamais plus, ça me va.
- Je pensais que New York n'était pas un lieu sûr, dit Jaime.
- Ça dépend qui on a de son côté, répond Darel d'un air détaché. Il se trouve que je connais quelqu'un qui peut nous aider, même si j'aurais préféré ne jamais le revoir. S'il accepte, elle sera protégée.
Darel me regarde enfin. Il tient entre ses mains ma guitare et mon sac-à-dos, qu'il a dû boucler en vitesse.
- On part, annonce-t-il de but en blanc.
Je reste toutefois immobile. Je ne veux pas quitter Nathan et Jaime.
- Ils nous retrouveront là-bas, me lance Darel. Dépêche-toi. Nous n'avons pas de temps à perdre.
Je me traîne les pieds jusqu'à la sortie. Sur le paillasson de l'entrée, je réalise enfin la gravité de la situation. Mes jambes lâchent alors et je m'écroule comme une merde. Darel me relève doucement et me fixe directement dans les yeux.
- Tu ne dois jamais baisser les bras, me dit-il alors. C'est ce qui fait la force d'un homme ou, dans ton cas, d'une femme. Malgré les trahisons, les pertes, les blessures, tu dois avancer coûte que coûte.
Comment fait-il pour paraître si peu affecté ?
- Je ne suis pas comme toi, lui balancé-je.
- Si tu ne veux pas devenir un fardeau, tu devras faire des efforts pour rester en vie. Je te protège physiquement, mais je ne peux le faire psychologiquement. Crée-toi une carapace solide, car sinon, tu sombreras dans la démence. Est-ce ce que tu veux ?
- Non.
- Alors, bats-toi et accepte la réalité : tant que la mafia russe en a après toi, tu ne seras jamais en sécurité.
Autant dire : Tant que je vivrai. Je les imagine mal laisser tomber. Je dois être devenue un trophée. Qui aura ma tête gagnera un voyage à Bora Bora !
Je rigole à cette pensée et Darel me regarde comme si j'étais folle. En fait, je crois que je suis en train de le devenir ou que je n'en suis pas loin.
J'avise le visage de Darel. Une petite barbe de trois jours recouvre ses joues et lui concède un air viril et sexy. Ses sourcils fournils donnent encore plus d'expression à son regard pénétrant. Ses yeux bleus océan me scrutent comme si j'allais péter une durite. Je remarque que ses lèvres esquissent une petite moue agacée. Qu'est-ce que je donnerais pour les caresser ? Elles paraissent douces, mais fermes et...
- Tu m'écoutes ? s'enquiert Darel, énervé.
- Hein ?
Il lève les yeux au ciel.
- Désolée, j'ai décroché, m'excusé-je avec un petit sourire contrit.
- C'est ce que j'ai vu. On va mettre ça sur le compte du traumatisme.
Je ne réponds rien parce qu'il a raison, mais je refuse de songer davantage à mes problèmes. Je les range dans un coin de ma tête afin de ne pas m'y attarder. J'aurai le temps plus tard, lorsque je serai seule dans mon lit et que mes barrières s'écrouleront. Je dois laisser croire à Darel que tout va bien, que je me sens mieux, ce qui est archi-faux. Je me sens comme un sac à ordures qu'on jette pour s'en débarrasser. Je n'ai aucune utilité à part nuire.
Je regarde Darel et pose la question qui me triture :
- Et Derek ?
- Il ne posera plus de problème, ne t'inquiète pas, dit-il d'une voix dure.
Autrement dit, ils lui ont réglé son compte...
Je devine qu'il est plus contrarié par cette trahison bien qu'il ne le laisse pas paraître. Je suppose qu'il n'accorde pas sa confiance à n'importe qui et que ça le dérange doublement de s'être fait floué ainsi. Du moins, je l'espère, sinon ça voudrait dire que j'ai affaire à un robot sans sentiment.
Le taxi arrive et nous nous dirigeons vers l'aéroport. Darel fait une fois de plus semblant d'être mon frère et, lorsque l'avion décolle enfin, je me permets une petite pause. Je sombre immédiatement dans un sommeil peuplé de cauchemars où des clowns effrayants me courent après. Habituellement, ils ne me font pas peurs, mais ceux-ci me fichent la chair de poule avec leurs sourires rouges cruels et leurs yeux maquillés et monstrueux. L'un d'eux tend la main vers mon cou pour m'étrangler et...
- Sarah ! me chuchote Darel en posant sa main sur mon épaule.
Je sursaute et ouvre les yeux. L'avion est calme ; tout le monde se repose puisque c'est la nuit.
- Tu commençais à attirer l'attention, ajoute-t-il à mon oreille.
Je remarque que mon voisin de droite me fixe bizarrement.
- Oh ! Désolée, toussé-je, mal à l'aise.
Mon cauchemar m'est resté coincé à travers de la gorge.
- Rêvais-tu de Derek ? me demande Darel.
- En quelque sorte...
À ma grande stupéfaction, l'agent prend ma main.
- Rendors-toi ! Il ne peut plus te faire de mal.
Toutefois, son geste m'a tant surpris que je n'ai plus sommeil. Pourquoi parfois est-il gentil et d'autres fois totalement insensible ? Est-ce un rôle qu'il joue ou se protège-t-il ainsi ? Commence-t-il à t'attacher à moi ?
Je secoue la tête en me disant qu'il a seulement pitié de moi...ou qu'il veut que je dorme afin d'être en forme pour la suite.
Parlant de suite, je me demande ce que New York va nous réserver. Je suis heureuse de pouvoir enfin mettre les pieds dans la Grosse Pomme, mais je suis quelque peu inquiète. Après tout, Darel ne voulait pas s'y rendre au départ. Qu'est-ce qui a bien pu le faire changer d'idée ? Et qui est cette personne qu'il espérait de jamais revoir ?
- Darel ? chuchoté-je en le fixant.
Il a fermé les yeux, mais je sais qu'il ne dort pas.
- Quoi ?
- Qui est-ce que nous allons retrouver à New York ?
Il ne répond pas tout de suite, si bien que je me demande s'il va le faire.
- Mon frère, finit-il par répondre.
Je le dévisage. C'est la dernière réponse à laquelle je m'attendais. Il m'avait dit qu'il n'avait plus de famille.
- Je sais à quoi tu penses, me dit-il en ouvrant les yeux. Et détrompe-toi. Ce mec a peut-être le même ADN que moi, mais je ne le considère plus depuis longtemps comme un frère.
Qu'a-t-il bien pu se passer pour qu'il rejette ainsi son propre frangin ? Et dire que je donnerais tout pour pouvoir à nouveau revoir le mien !
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